Tribunal administratif de Caen, 22 décembre 2005, n° 0401492, 0401503

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Caen, 22 déc. 2005, n° 0401492, 0401503
Juridiction : Tribunal administratif de Caen
Numéro : 0401492, 0401503

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE CAEN

FD

N° 0401492, 0401503 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________
Mme A… B… ___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
M. C… Rapporteur ___________ Le Tribunal administratif de Caen
M. X (1ère Chambre) Commissaire du gouvernement ___________

Audience du 13 décembre 2005 Lecture du 22 décembre 2005 ___________

Vu 1°/ enregistrée au greffe le 8 juillet 2004 sous le n° 0401492, la requête présentée pour Mme A… B…, élisant domicile résidence « La Roseraie » à Bonneville-sur-Touques (14800) ; Mme B… demande au tribunal :

1°) la décharge des contributions sociales supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 1997, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) la condamnation de l’Etat à lui verser une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………………………………………..

Vu la décision par laquelle le directeur des services fiscaux, chef de la direction de contrôle fiscal Ouest, a statué sur la réclamation préalable ;

………………………………………………………………………………………………………………………………………..

Vu 2°/ enregistrée au greffe le 9 juillet 2004 sous le n° 0401503, la requête présentée pour Mme A… B…, élisant domicile résidence « La Roseraie » à Bonneville-sur-Touques (14800) ; Mme B… demande au tribunal :

1°) la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 1997, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) la condamnation de l’Etat à lui verser une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


2 N° 0401492, 0401503

………………………………………………………………………………………………………………………………………..

Vu la décision par laquelle le directeur des services fiscaux, chef de la direction de contrôle fiscal Ouest, a statué sur la réclamation préalable ;

………………………………………………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 décembre 2005 :

- le rapport de M. C… ;

- et les conclusions de M. X, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 0401492 et n° 0401503, présentées par Mme B…, sont relatives à la situation de la même contribuable, pour la même année d’imposition, et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un même jugement ;

Considérant que Mme B… a fait apport à la société civile La Roseraie, créée le 11 juin 1997, de 1 850 des 2 480 parts qu’elle détenait sur les 2 500 parts composant le capital social de la SARL Le Drakkar, dont elle était alors gérante majoritaire ; que Mme B… a reçu en échange, dans la société civile La Roseraie, des droits sociaux à hauteur de 5 180 000 F sur les 5 182 000 F constitutifs du capital de la société civile ; que, le 1er juillet 1997, la société civile La Roseraie a cédé 1 830 parts de la SARL Le Drakkar ; que l’administration, estimant que l’apport des titres à la société civile, peu avant leur cession, n’avait eu d’autre but que de permettre à Mme B… de se placer dans le champ d’application du 4 du I ter de l’article 160 du code général des impôts permettant le report d’imposition des plus-values d’apport, a mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales et appliqué les pénalités prévues par l’article 1729 du code général des impôts ; que les redressements notifiés à la requérante le 15 mai 2000 ayant été maintenus par une réponse aux observations du contribuable en date du 24 juillet 2000, Mme B… a, le 28 août 2000, demandé la saisine du comité consultatif pour la répression des abus de droit ; que le comité, dans sa séance du 20 juin 2003, a émis l’avis que l’administration était fondée à mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit ; que, par les deux requêtes susvisées, Mme B… demande la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales mises en conséquence à sa charge au titre de l’année 1997, ainsi que des pénalités y afférentes ;


3 N° 0401492, 0401503

Sur les conclusions aux fins de décharge des impositions litigieuses :

Sur le terrain de la loi :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales : "Ne peuvent être opposés à l’administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d’un contrat ou d’une convention à l’aide de clauses : a) Qui donnent ouverture à des droits d’enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c) Ou qui permettent d’éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d’affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d’un contrat ou d’une convention. L’administration est en droit de restituer son véritable caractère à l’opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité dont les avis rendus feront l’objet d’un rapport annuel. Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien- fondé du redressement" ;

En ce qui concerne la charge de la preuve :

Considérant que le comité consultatif pour la répression des abus de droit a, dans sa séance du 20 juin 2003, estimé que l’apport à la société civile La Roseraie de parts de la SARL Le Drakkar, suivi de leur cession par la société civile, avait pour seul but de reporter et ainsi de différer l’imposition de la plus-value sur la cession des titres, voire d’échapper à cette imposition, et était ainsi constitutif d’un abus de droit ; que, dès lors, il appartient à Mme B…, en application des dispositions précitées de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, d’apporter la preuve inverse ; que, si le I ter de l’article 160 du code général des impôts ne fixe aucune condition de délai entre la création de la société à laquelle les titres sont apportés et la date de l’apport, et n’impose pas que l’opération ait un intérêt économique ou professionnel, ces circonstances sont sans influence sur la qualification d’abus de droit, qui est indépendante des conditions d’application du texte dont la requérante a bénéficié ; que, de même, la circonstance que les sociétés civiles peuvent opter pour l’impôt sur les sociétés indépendamment de tout objet économique ou professionnel ne dispense pas Mme B… d’apporter la preuve, qui lui incombe, qu’en l’espèce la création de la société civile, dans laquelle son associé ne participe que très accessoirement, et l’apport de parts sociales cédées moins de trois semaines après ne seraient pas constitutifs d’un abus de droit ; que, contrairement à ce que la requérante soutient, le seul fait qu’un montage juridique tel que celui qu’elle a mis en place n’aurait d’autre motif que d’éluder le paiement immédiat de l’impôt auquel la contribuable aurait à défaut été assujettie, suffit à faire regarder ledit montage comme constitutif d’un abus de droit au sens de l’article L. 64 précité du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions en litige :

Considérant, en premier lieu, que la requérante invoque l’intérêt économique et professionnel de l’opération en soutenant que le produit de la cession des parts de la SARL Le Drakkar a été réinvesti dans les sociétés RSM et Zanzibar, constituées par ses fils, non à 15 %


4 N° 0401492, 0401503 comme l’a estimé le comité, mais à plus de 55 % en tenant compte des avances consenties qui ont été utilisées pour le financement des travaux d’aménagement, des installations et des matériels, ainsi que l’achat du fonds de commerce pour la société RSM ; que, toutefois, et quel que soit le caractère professionnel des avances sur compte courant au regard notamment de l’instruction du 12 janvier 2005, la requérante n’apporte aucun élément permettant d’établir qu’elle aurait eu un intérêt autre que fiscal à prendre ces participations et consentir ces avances par l’intermédiaire de la société civile constituée à cet effet ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mme B… soutient que la création de la société civile La Roseraie permet, au cas où elle viendrait à décéder prématurément, que la survenance éventuelle d’un conflit se produise dans cette société civile plutôt qu’au niveau de chacune des sociétés d’exploitation détenues en indivision ; que, toutefois, la requérante ne produit pas les éléments, notamment en ce qui concerne sa part relative dans le capital social des sociétés concernées, permettant d’établir la réalité des risques allégués ; que le contrôle que Mme B… indique vouloir conserver sur l’activité de ses fils, en raison de diverses difficultés rencontrées par ceux-ci, n’est pas mieux assuré par l’interposition d’une société civile ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme B… n’apporte aucun élément de nature à établir que la Caisse d’assurance vieillesse aurait pu refuser la liquidation de sa retraite, après la cessation de ses fonctions de gérante de la SARL Le Drakkar, en raison d’une participation financière directe dans les deux sociétés créées par ses fils ;

Considérant, enfin, que Mme B… n’apporte aucun élément permettant d’établir que le caractère direct ou indirect de sa participation dans les sociétés RSM et Zanzibar pourrait avoir une incidence sur l’application de la clause de non concurrence figurant dans le contrat, que la requérante ne produit d’ailleurs pas, de cession des parts de la SARL Le Drakkar ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à soutenir, sur le terrain de la loi, que l’abus de droit ne serait pas établi ;

Sur le terrain de la doctrine administrative :

Considérant qu’aux termes du paragraphe 18 de la documentation de base référencée 13 L 1531, mise à jour au 1er avril 1995 : « Dans certains cas, les contribuables ont la possibilité de choisir entre plusieurs solutions pour réaliser une opération déterminée. Le fait qu’ils optent pour la solution la plus avantageuse au plan fiscal ne permet pas de conclure à l’abus de droit s’il apparaît que les actes juridiques sur lesquels repose cette solution sont conformes à la réalité » ; que Mme B… – dont le montage qu’elle avait mis en oeuvre avait, comme il a été dit précédemment, un but exclusivement fiscal – n’entre pas dans les prévisions de la documentation de base sus-énoncée, qui concerne le cas où l’acte passé par le contribuable est considéré comme fictif ; qu’elle ne saurait ainsi s’en prévaloir sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme B… n’est pas fondée à demander la décharge des impositions litigieuses ;


5 N° 0401492, 0401503 Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme B… doivent, dès lors, être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes susvisées de Mme B… sont rejetées.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A… B… et au directeur des services fiscaux, chef de la direction de contrôle fiscal Ouest.

Délibéré après l’audience du 13 décembre 2005, où siégeaient :

M. HEU, président, Mme MURAT, premier conseiller, M. C…, premier conseiller,

Lu en audience publique le 22 décembre 2005.

Le rapporteur, Le président,

F. C… C. HEU

Le greffier,

A. Z

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