Tribunal administratif de Caen, 2ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2202358

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Caen, 2e ch., 30 déc. 2022, n° 2202358
Juridiction : Tribunal administratif de Caen
Numéro : 2202358
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 18 octobre 2022, le 18 novembre 2022 et le 8 décembre 2022 M. C A, représenté par Me Bernard, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 20 septembre 2022 par lequel le préfet de la Manche a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Manche, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale », ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler, dans le délai d’un mois à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A soutient que :

— sa requête est recevable ;

— l’arrêté préfectoral a été signé par une autorité incompétente ;

Sur la décision portant refus de séjour :

— l’avis du collège des médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) en date du 13 juillet 2022 est fondé sur des éléments qui ne lui ont pas été communiqués ; il n’est pas établi que le médecin rapporteur n’a pas participé à ce collège ; il n’est pas établi que les médecins de ce collège étaient compétents ;

— la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait ;

— elle est entachée d’une erreur de droit ;

— le préfet n’a pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle ;

— il s’est estimé à tort en situation de compétence liée ;

— la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale garantie par les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;

Sur l’obligation de quitter le territoire français :

— elle est illégale à raison de l’illégalité du refus de séjour ;

— elle est entachée d’un défaut de motivation en fait qui révèle un défaut d’examen complet de sa situation ;

— l’obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions de l’article L. 611-3 (9°) du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale garantie par les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

— cette décision est entachée d’un défaut de motivation ;

— elle méconnaît les dispositions de l’article L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Par un mémoire enregistré le 17 novembre 2022, le préfet de la Manche demande au tribunal de rejeter la requête de M. A au motif qu’aucun moyen n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

— l’arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d’établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— l’arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l’exercice par les médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, de leurs missions prévues à l’article L. 313-11 (11°) du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. B,

— et les observations de Me Bernard, représentant M. A.

Considérant ce qui suit :

1. Ressortissant nigérian, M. C A est né le 12 février 1979 à Benin City. Il dit être entré en France courant février 2016, sans préciser les conditions de son arrivée et de son maintien sur le territoire. M. A a obtenu, à raison de son état de santé, un titre de séjour mention « vie privée et familiale » délivré par la préfecture de Seine-Saint-Denis au titre de la période du 31 décembre 2019 au 30 septembre 2020, qui a été renouvelé par le préfet de la Manche au titre de la période du 28 juin 2021 au 27 mars 2022. L’intéressé a déposé une demande de renouvellement de ce titre de séjour en tant qu’étranger malade mais, par un arrêté du 20 septembre 2022, le préfet de la Manche a rejeté cette demande, l’a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par sa requête, M. A demande au tribunal d’annuler cet arrêté.

Sur l’aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : « Dans les cas d’urgence () l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d’aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président () ». Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de prononcer l’admission de M. A, qui a déposé une demande d’aide juridictionnelle, au bénéfice de cette aide à titre provisoire.

Au fond :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :

3. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-53 du 22 novembre 2021, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, numéro spécial n° 1, consultable sur le site internet de la préfecture, le préfet de la Manche a donné délégation au secrétaire général de la préfecture de la Manche, à l’effet de signer tous les arrêtés et décisions relevant des attributions de l’Etat dans le département de la Manche, à l’exception de certains actes dont ne font pas partie les décisions en litige. Le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’acte doit, par suite, être écarté.

4. En deuxième lieu, l’arrêté en litige mentionne les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile servant de base légale à chacune des décisions qu’il comporte, ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté énonce des éléments de fait propres à la situation de M. A, en indiquant qu’il a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, que le collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a émis l’avis que, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquence d’une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine, et qu’aucun élément ni aucune circonstance particulière ne justifie de s’écarter de cet avis. L’arrêté mentionne suffisamment la situation familiale de M. A. Il est précisé enfin que l’intéressé n’allègue pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d’origine. Si cet arrêté, qui n’avait pas à mentionner tous les éléments de fait relatifs à la situation de M. A, indique que celui-ci a sollicité son admission au séjour sans préciser qu’il s’agissait d’une demande de renouvellement de titre de séjour, cette circonstance est sans incidence sur la régularité des décisions contestées. Ainsi, l’arrêté contesté énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de manière suffisamment circonstanciée pour mettre le requérant en mesure d’en discuter utilement les motifs. Dès lors, le moyen tiré d’une insuffisance de motivation doit être écarté.

5. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que l’autorité préfectorale a procédé à un examen particulier et complet de la situation de M. A. Si le requérant soutient que le préfet de la Manche aurait dû prendre en compte l’existence de titres de séjour antérieurs, il n’apparait pas que ceux-ci auraient pu avoir une incidence sur l’arrêté contesté.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués à l’encontre de la décision portant refus de séjour :

6. En premier lieu, aux termes de l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger, résidant habituellement en France, dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale « d’une durée d’un an () ». L’article R. 425-11 du même code prévoit : « Pour l’application de l’article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale « au vu d’un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. / L’avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d’une part, d’un rapport médical établi par un médecin de l’office et, d’autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d’un traitement approprié dans le pays d’origine de l’intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ». Aux termes de l’article R. 425-13 de ce code : « Le collège à compétence nationale mentionné à l’article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l’arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. ». Enfin, l’article 3 de l’arrêté du 5 janvier 2017 visé ci-dessus précise : « L’avis du collège de médecins de l’OFII est établi sur la base du rapport médical élaboré par un médecin de l’office () ainsi que des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d’un traitement approprié dans le pays dont le demandeur d’un titre de séjour pour raison de santé est originaire. / Les possibilités de prise en charge dans ce pays des pathologies graves sont évaluées, comme pour toute maladie, individuellement, en s’appuyant sur une combinaison de sources d’informations sanitaires. / L’offre de soins s’apprécie notamment au regard de l’existence de structures, d’équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l’affection en cause. () ».

7. En vertu des dispositions précitées, le collège des médecins de l’OFII, dont l’avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l’article L. 425-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, doit accomplir sa mission dans le respect des orientations générales définies par l’arrêté du ministre chargé de la santé du 5 janvier 2017 et émettre son avis dans les conditions fixées par l’arrêté du 27 décembre 2016 des ministres chargés de l’immigration et de la santé. S’il appartient au préfet, lorsqu’il statue sur la demande de carte de séjour, de s’assurer que l’avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et par l’arrêté du 27 décembre 2016, il ne saurait en revanche porter d’appréciation sur le respect, par le collège des médecins, des orientations générales définies par l’arrêté du 5 janvier 2017, en raison du respect du secret médical qui interdit aux médecins de donner à l’administration, de manière directe ou indirecte, aucune information sur la nature des pathologies dont souffre l’étranger. S’il est saisi, à l’appui de conclusions tendant à l’annulation de la décision de refus, d’un moyen relatif à l’état de santé du demandeur, il appartient au juge administratif, lorsque le demandeur lève le secret relatif aux informations médicales qui le concernent en faisant état de la pathologie qui l’affecte, de se prononcer sur ce moyen au vu de l’ensemble des éléments produits dans le cadre du débat contradictoire et en tenant compte, le cas échéant, des orientations générales fixées par l’arrêté du 5 janvier 2017.

8. Il ressort de l’avis du 13 juillet 2022 du collège de médecins de l’OFII que l’auteur du rapport sur l’état de santé du requérant ne faisait pas partie du collège de trois médecins ayant émis l’avis au vu duquel le préfet a pris sa décision. Par ailleurs, l’avis du collège de médecins indique qu’il a été émis après délibération par le collège. La mention ainsi portée sur l’avis émis, qui comporte la signature des trois médecins ayant composé ce collège, fait foi jusqu’à preuve du contraire, sans qu’il soit besoin d’exiger de l’administration la production d’un document qui établirait le respect de l’exigence de délibération, préalable à l’émission de l’avis, édictée par les dispositions précitées. En l’absence d’éléments au dossier susceptibles de remettre en cause l’exactitude des mentions portées sur cet avis, le requérant n’est pas fondé à soutenir que l’interdiction édictée par les dispositions précitées de l’article R. 425-13 aurait été méconnue. En outre, ainsi qu’il a été précédemment exposé, le requérant ne saurait utilement faire valoir que le collège de médecins n’aurait pas respecté les orientations générales fixées par l’arrêté du 5 janvier 2017. Par ailleurs, si le requérant conteste la compétence des médecins membres du collège, le directeur général de l’OFII, par une décision du 1er octobre 2021 régulièrement publiée et consultable sur le site internet de l’OFII, a désigné les trois médecins signataires pour participer au collège de médecins de l’OFII, ainsi que le médecin rapporteur. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté en toutes ses branches.

9. En deuxième lieu, il résulte du modèle d’avis figurant à l’annexe C de l’arrêté ministériel du 27 décembre 2016 que l’obligation de mentionner les éléments de procédure prévue à l’article 6 de cet arrêté renvoie aux indications relatives à la convocation pour examen, à la réalisation d’examens complémentaires et à la justification de l’identité du demandeur. Le requérant, qui se borne à invoquer de manière générale une absence des mentions requises par cet arrêté sans détailler en quoi l’avis du collège de médecins serait incomplet, ne permet pas au juge d’apprécier le bien-fondé du moyen qu’il invoque. Dès lors, le moyen tiré de ce que l’avis litigieux ne mentionne pas ces éléments de procédure ne peut qu’être écarté.

10. En troisième lieu, par cet avis du 13 juillet 2022, le collège des médecins de l’OFII a estimé que l’état de santé de M. A nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité mais qu’il peut effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine, et que son état de santé lui permet de voyager sans risque.

11. Le requérant fait valoir qu’il souffre depuis son entrée en France d’un diabète insulinodépendant avec atteinte rénale et neuropathie périphérique, ainsi que d’une tension artérielle non contrôlée, et que son état a tendance à s’aggraver avec notamment une rétinopathie diabétique. Toutefois, en se bornant à invoquer une ordonnance médicale du 8 août 2022 prescrivant cinq médicaments et à soutenir qu’il n’y a pas de couverture maladie universelle au Nigéria, M. A ne produit aucun élément de nature à remettre en cause l’appréciation portée par le collège de médecins de l’OFII sur la disponibilité d’un traitement approprié dans son pays d’origine. Par suite, le moyen doit être écarté.

12. En quatrième lieu, et eu égard à ce qui précède, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Manche, qui a d’ailleurs précisé dans son arrêté qu’aucun élément au dossier ne justifiait de s’écarter de l’avis du collège de médecins, se serait estimé à tort en situation de compétence liée pour rejeter la demande de titre de séjour de M. A.

13. En cinquième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

14. Le requérant soutient qu’il est intégré en France où il vit en concubinage avec une ressortissante nigériane en situation régulière et où se trouve un de ses quatre enfants. Toutefois, M. A ne justifie pas d’une intégration sociale et professionnelle particulière. Le requérant n’établit pas être dépourvu d’attaches familiales au Nigéria où il a vécu jusqu’à l’âge de 37 ans et où résident ses trois premiers enfants. Dès lors, compte tenu des conditions du séjour en France du requérant, le préfet de la Manche n’a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l’arrêté a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le préfet de la Manche aurait entaché l’appréciation qu’il a portée sur les conséquences de l’arrêté attaqué sur la situation personnelle de M. A d’une erreur manifeste.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués à l’encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire :

15. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la décision refusant la délivrance d’un titre de séjour n’est pas entachée d’illégalité. Par suite, le requérant ne peut pas se prévaloir, par voie d’exception, de l’illégalité de cette décision pour demander l’annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

16. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Ne peuvent faire l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français : / () 9° L’étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d’un traitement approprié () ».

17. Il résulte de ce qui précède que le requérant n’établit pas que les pathologies dont il fait état ne pourraient recevoir au Nigéria un traitement médical adéquat. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 611-3 doit être écarté.

18. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre de l’examen de la légalité du refus d’admission au séjour, les moyens tirés d’une méconnaissance de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’erreur manifeste d’appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués à l’encontre de la décision fixant le pays de renvoi :

19. En premier lieu, en indiquant que la décision d’éloignement sera mise à exécution à destination notamment du pays dont M. A possède la nationalité, le préfet a entendu désigner le Nigéria. Dès lors le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué ne mentionne pas le pays de destination ne peut qu’être écarté.

20. En second lieu, aux termes de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Aux termes du dernier alinéa de l’article L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Un étranger ne peut être éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu’il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ».

21. Le requérant ne produit aucun élément probant qui permettrait d’établir qu’il encourrait personnellement des risques de mauvais traitements en cas de retour dans son pays d’origine. D’ailleurs, il n’a pas déposé une demande d’asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par M. A doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles aux fins d’injonction sous astreinte et celles au titre des frais liés au litige.

D É C I D E :

Article 1er : Les conclusions de la requête de M. A sont rejetées.

Article 2 : L’aide juridictionnelle est accordée à M. A à titre provisoire.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C A, à Me Bernard et au préfet de la Manche.

Copie pour information sera transmise au bureau d’aide juridictionnelle.

Délibéré après l’audience du 15 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Mondésert, président-rapporteur,

M. Berrivin, premier conseiller,

Mme Silvani, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le premier conseiller,

Signé

M. BERRIVIN

Le président – rapporteur,

Signé

X. B

La greffière,

Signé

A. LAPERSONNE

La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

la greffière,

A. Lapersonne

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