Tribunal administratif de Marseille, 7ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2010171

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Marseille, 7e ch., 30 déc. 2022, n° 2010171
Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
Numéro : 2010171
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2020, la société à responsabilité limitée (SARL) MDB, représentée par Me Flottes demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des majorations correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 ;

2°) de mettre à la charge de l’État une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— elle était en droit de bénéficier du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge pour le projet immobilier D réalisé en 2013, l’administration ayant rajouté à tort une condition à la loi, en l’occurrence l’identité de qualification juridique entre le bien acquis et le bien revendu ;

— l’administration, concernant les projets B et C, réalisés en 2016 et 2017, doit prendre en compte, dans la ventilation du prix d’acquisition pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, les caractéristiques physiques du bien par l’application d’un abattement de 20 % correspondant à sa vétusté ;

— elle est en droit d’obtenir l’application d’un coefficient de déduction à hauteur de 66 % sur les factures produites.

Par un mémoire, enregistré le 7 avril 2021, le directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués dans la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 septembre 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 23 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

— la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Zarrella, rapporteur,

— les conclusions de Mme Caselles, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL MDB, domiciliée sur le territoire de la commune du Rove (13740), exerce une activité de marchand de biens immobiliers. Elle a fait l’objet d’un examen de comptabilité, en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017. À l’issue du contrôle, une proposition de rectification lui a été adressée le 6 août 2018, aux termes de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés selon la procédure contradictoire. Sa réclamation préalable, présentée le 11 février 2019, ayant été rejetée le 30 octobre 2020, la SARL MDB demande au tribunal la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant dus qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les projets dits « D » et « A » :

2. Il résulte des dispositions du I de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige, que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b. de l’article 266 du même code, l’assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession. L’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : « Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat ». L’article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction alors applicable, que : " S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir (), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain(); / – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués. ".

3. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l’objet d’une démolition de la part de l’acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l’objet d’une division parcellaire en vue d’en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d’assiette du bâtiment.

4. En ce qui concerne le projet dit « D », il résulte de l’instruction que la SARL MDB a acquis, le 31 août 2012, une parcelle de terrain sur laquelle se trouvait édifiée une maison à usage d’habitation élevée d’un étage, dans la zone de La Billonne sur le territoire de la commune des Pennes-Mirabeau. La société a procédé à plusieurs divisions parcellaires postérieurement à l’acquisition, puis a vendu toutes les parcelles les 14 janvier, 12 février, 12 mars et 12 mai 2015 comme terrains nus en se plaçant sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, prévu par les dispositions précitées de l’article 268 du code général des impôts. Les biens cédés comme terrains à bâtir n’avaient pas été acquis comme tels et ont par conséquent changé de nature juridique. Il suit de là que l’intéressée ne pouvait prétendre, pour ces opérations, au bénéfice du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévue par l’article 268 du code général des impôts. Par suite, le moyen tiré de ce que l’administration aurait remis en cause à tort l’assujettissement de l’opération à la taxe sur la valeur ajoutée sous le régime de la marge doit être écarté.

5. En ce qui concerne le projet dit « A », aux termes de l’article R. 194 du livre des procédures fiscales : « Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s’étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l’imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu’une imposition a été établie d’après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d’après le contenu d’un acte présenté par lui à la formalité de l’enregistrement. ». Il résulte de l’instruction que l’opération en cause ayant été assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix total conformément aux déclarations produites par la SARL MDB, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions incombe à cette dernière. Toutefois, en se bornant à invoquer une erreur comptable, et en produisant un calcul du montant de la taxe ajoutée qu’elle estime due, la société requérante n’apporte pas la preuve du bien-fondé de sa demande. Par suite, la SARL MDB n’est pas fondée à demander la décharge de la somme de 30 667 euros correspondant à la différence entre la taxe sur la valeur ajoutée acquittée sur le prix total et la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu’elle a calculée.

En ce qui concerne les projets dits « B » et « C » :

6. Aux termes du 2° du 5 de l’article 261 du code général des impôts : « Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : 5. (Opérations immobilières) : 2° Les livraisons d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans. ». Aux termes de l’article 324 Z de l’annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : « I. L’évaluation par comparaison consiste à attribuer à un immeuble ou à un local donné une valeur locative proportionnelle à celle qui a été adoptée pour d’autres biens de même nature pris comme types. / II. Les types dont il s’agit doivent correspondre aux catégories dans lesquelles peuvent être rangés les biens de la commune visés aux articles 324 Y à 324 AC, au regard de l’affectation de la situation de la nature de la construction de son importance de son état d’entretien et de son aménagement. / Ils sont inscrits au procès-verbal des opérations de la révision. ».

7. D’une part, concernant le projet B, situé sur le territoire de la commune du Rove, il résulte de l’instruction que la SARL MDB a acquis le 30 mai 2016 une propriété comprenant une maison d’habitation et deux terrains d’une superficie de 1 096 m² pour un montant de 470 000 euros. Ce prix a été ventilé à raison de 222 000 euros pour la maison avec son terrain de 566 m², de 148 000 euros pour le terrain d’une superficie de 321 m², et de 102 000 euros pour le terrain d’une superficie de 220 m².

8. D’autre part, en ce qui concerne le projet C, situé sur le territoire de la commune de Cabriès, il résulte de l’instruction que la SARL MDB a procédé à l’acquisition, le 9 mai 2017, d’une maison d’habitation élevée d’un étage sur rez-de-chaussée avec son terrain d’une superficie de 715 m² évaluée à 230 000 euros et un terrain à bâtir d’une superficie de 1097 m² évalué à 230 000 euros suivant un document d’arpentage du 5 avril 2017.

9. En application du 2° du 5 de l’article 261 précité du code général des impôts, la vente des immeubles achevés depuis plus de 5 ans étant exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, la SARL MDB a calculé la taxe sur la valeur ajoutée collectée à reverser au Trésor sur la marge réalisée sur la seule vente des terrains à bâtir. Sans contester l’assujettissement des opérations concernées à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ni le prix payé par l’acquéreur, l’administration a remis en cause le montant de cette même taxe, en considérant que la société requérante avait surestimé dans la ventilation à laquelle elle s’est livrée au moment de la cession, le prix du bâti, diminuant d’autant l’assiette des opérations imposables de cession des terrains. Afin de déterminer la valeur d’achat de la propriété bâtie, le service vérificateur a procédé à une comparaison avec des biens similaires, situés dans un périmètre de 5 kilomètres, pour les deux opérations en cause. Il a estimé que la valeur d’acquisition de la maison du projet dit « B » s’élevait à 279 000 euros et non à 222 000 euros. En suivant la même méthode, la valeur de la maison du projet dit « C » a été réévaluée à 275 000 euros.

10. Si la société requérante produit, pour les deux projets réalisés, des photographies des bâtiments concernés, ces photographies ne sont pas datées, et ne sont accompagnées d’aucune autre justification permettant d’étayer l’affirmation selon laquelle un abattement de 20 % sur le prix d’acquisition devrait être retenu pour tenir compte de la vétusté du bien. Dans ces conditions, la société n’est pas fondée à soutenir que la ventilation retenue par l’administration pour procéder aux rappels en litige ne tiendrait pas suffisamment compte de la vétusté des constructions en cause.

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée affectée à des biens dont la vente n’a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée :

11. Si la société requérante demande la prise en compte d’un coefficient de déduction d’un montant de 66 % à la suite de la remise en cause de la taxe sur la valeur ajoutée déductible retenue par le service vérificateur et produit un nombre significatif de factures, elle ne précise pas le montant des factures à retenir, et surtout, elle ne donne aucune explication de nature à justifier que ces mêmes factures soient rattachées à des opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 66 %. Le moyen qu’elle invoque est ainsi dépourvu des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la requête par laquelle la SARL MDB demande la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une quelconque somme soit mise à la charge de l’État, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL MDB est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SARL MDB et à la directrice des finances publiques de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et du département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l’audience du 6 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Menasseyre, présidente,

M. Zarrella, premier conseiller,

Mme Pouliquen, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

signé

A-D Zarrella

La présidente,

signé

A. MenasseyreLa greffière,

signé

A. Vidal

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière,

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