Tribunal administratif de Montreuil, 29 décembre 2016, n° 1509713

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Sur la décision

Référence :
TA Montreuil, 29 déc. 2016, n° 1509713
Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
Numéro : 1509713

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL

1509713

Société FREE

M. X Rapporteur

M. Humbert Rapporteur public

Audience du 15 décembre 2016 Lecture du 29 décembre 2016 19-06-02-01-01 C+

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Montreuil

(Chambre 1)

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 18 novembre 2015, et par un mémoire complémentaire, enregistré le 1 er décembre 2016, la société Free, représenté par Me A…, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1 er janvier au 31 décembre 2011, soit un montant de 8 966 753 euros ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les services de télévision de rattrapage sont gratuits et ne sont donc pas imposables ; qu’à titre subsidiaire, les services de télévision de rattrapage relèvent du taux réduit car ils sont accessoires aux services de télévision éligibles au taux réduit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2016, la direction des vérifications nationales et internationales conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 novembre 2016, la clôture d’instruction a été fixée au 5 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la directive 77/388/CEE du conseil du 17 mai 1977 ;

— le code général des impôts ;

— la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. X,

— les conclusions de M. Humbert, rapporteur public,

— et les observations de Me A…, représentant la SAS Free.

1. Considérant que la société par actions simplifiée Free facture un ensemble de prestations à ses clients pour un prix forfaitaire global de 29,99 euros toutes taxes comprises par mois et relevant du taux de taxe sur la valeur ajoutée normal, qui comprend un accès à Internet et à la téléphonie, ainsi qu’une « option télévision » facturée 1,99 euros toutes taxes comprises par mois et soumise à un taux de taxe sur la valeur ajoutée réduit de 5,5 %, qui comprend un accès aux services de télévision incluant un service de télévision de rattrapage ; que la société Free a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 1 er janvier au 31 décembre 2011 ; que l’administration a considéré que les services de télévision de rattrapage n’étaient pas éligibles au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux « services de télévision » et, faute de ventilation des recettes réalisées à raison de ces services, a remis en cause l’application du taux réduit à l’ensemble de l’ « option télévision » ; qu’elle a mis à la charge de la société Free les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant, pour la période en cause, de l’application du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée au prix de l’ « option télévision » ; que la société Free demande la décharge de ces rappels ;

Sur les conclusions à fin de décharge : 2. Considérant qu’aux termes du I de l’article 256 du code général des impôts, pris en application de la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 : « Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel » ; qu’aux termes de l’article 279 du même code, dans sa rédaction applicable : « La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5, 50 % en ce qui concerne : (…) : b octies. Les abonnements souscrits par les usagers afin de recevoir les services de télévision mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. (…) » ; qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée : « (…) Est considéré comme service de télévision tout service de communication au public par voie électronique destiné à être reçu simultanément par l’ensemble du public ou par une catégorie de public et dont le programme principal est composé d’une suite ordonnée d’émissions comportant des images et des sons. (…) » ; 3. Considérant qu’il résulte des dispositions de la directive du Conseil du 17 mai 1977, telles qu’interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, que lorsqu’une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d’éléments et d’actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l’on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d’une prestation ou livraison complexe unique ; que chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distincte et indépendante ; que, toutefois, l’opération constituée d’une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, de même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes ; que tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l’opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu’ils ne constituent pas pour les clients une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci ; que tel est le cas, également, lorsque plusieurs éléments fournis par l’assujetti au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, le sort fiscal de celle-ci étant alors déterminé par celui de la prestation prédominante au sein de cette opération ;

4. Considérant que la prestation de télévision de rattrapage ne constitue pas une diffusion reçue simultanément d’une suite ordonnée d’émissions, et ne peut donc pas être considérée comme un service de télévision au sens de l’article 279 du code général des impôts et de l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986 ; que toutefois l’accès aux services de télévision au sens de l’article 2 de la loi du 30 septembre 1986, ainsi qu’à la télévision de rattrapage, se fait par la souscription d’une option proposée pour un prix global, les clients ne pouvant pas refuser l’accès au service de télévision de rattrapage, qui n’est pas gratuit mais fait dès lors partie d’une prestation globale donnant accès aux programmes télévisés ; que la diffusion d’émissions télévisées de rattrapage est une prestation requérant pour le prestataire des moyens techniques identique ou similaires à ceux utilisés pour l’offre de services de télévision, et constituant le prolongement naturel de cette offre ; que l’accès aux services de télévision de rattrapage n’est pas techniquement garanti ; qu’il ne résulte pas de l’instruction, et notamment des rapports établis par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, que la majorité des consommateurs utilisant le service de télévision de rattrapage y ont recours de manière prépondérante, ni surtout que ce recours est fait à l’exclusion des services de télévision ; qu’au contraire il résulte de l’instruction que l’objet même du service de rattrapage est de permettre de visionner des émissions qui n’ont pas pu être regardées lorsqu’elles ont été diffusées normalement, de sorte que les services de rattrapage jouent majoritairement un rôle de complément des services de télévision et non de substitut ; que, dans ces conditions, cette prestation doit être regardée comme étant, pour les clients ayant souscrit à l’option télévision, indissociable de l’abonnement aux services de télévision, au sens de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, qui est proposé par la société Free dans le cadre de cette option ; qu’il en résulte que la société Free est fondée à demander l’application du taux prévu à l’article 278 à l’ensemble de l’option télévision qu’elle commercialise et est dès lors fondée à demander la décharge des impositions en litige ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;

6. Considérant qu’il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société requérante et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1 er : La SAS Free est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1 er janvier au 31 décembre 2011, soit un montant de 8 966 753 euros.

Article 2 : L’Etat versera à la SAS Free la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Free et au ministre de l’économie et des finances (directeur des vérifications nationales et internationales).

Délibéré après l’audience du 15 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

Mme Gosselin, président, M. X, premier conseiller, M. Quenette, conseiller,

Lu en audience publique le 29 décembre 2016.

Le rapporteur,

Signé

C. X

Le président,

Signé

C. Gosselin

Le greffier,

Signé

B. Lamy-Rested

La République mande et ordonne au ministre de l’économie et des finances, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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