Tribunal administratif de Montreuil, 29 décembre 2017, n° 1606906

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Montreuil, 29 déc. 2017, n° 1606906
Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
Numéro : 1606906

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MONTREUIL

N°1606906 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________
Mme Z X ___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Mme Jordane Y Rapporteur ___________ Le tribunal administratif de Montreuil
M. Christophe Colera (4ème chambre) Rapporteur public ___________

Audience du 15 décembre 2017 Lecture du 29 décembre 2017 ___________ 36-05-01-01 36-13-03 D

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 septembre 2016 et le 5 juin 2017, Mme Z X, représentée par Me Seingier, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l’agriculture a rejeté sa demande présentée le 6 juin 2016 et tendant à la régularisation de sa situation ;

2°) d’enjoindre au ministre de l’agriculture de l’affecter sur le prochain poste auquel elle postulera, dès lors qu’il correspondra à son grade et à ses aptitudes ;

3°) de condamner le ministre de l’agriculture à lui verser la somme de 60 000 euros en réparation du préjudice que lui ont causé les fautes commises dans la gestion de sa carrière ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme X soutient que :

- la décision implicite de rejet méconnaît les dispositions de l’article 48 de la loi du 11 janvier 1984 et de l’article 33 du décret du 16 septembre 1985, dès lors qu’elle aurait dû être réintégrée sur un poste vacant ;

- l’absence de placement dans une position régulière dans un délai raisonnable engage la responsabilité de l’Etat ;



N° 1606906 2

- la responsabilité du ministre de l’agriculture doit également être engagée pour faute, en raison des faits de harcèlement moral dont elle a été victime ;

- l’administration a commis une faute en n’effaçant pas un blâme de son dossier ;

- le mauvais vouloir de l’administration est également fautif ;

- elle a subi un préjudice moral, un préjudice financier et des troubles dans ses conditions d’existence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2017, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que :

- les conclusions aux fins d’annulation sont irrecevables, la demande de Mme X étant insusceptible de faire naître une décision ;

- les conclusions indemnitaires en tant qu’elles portent sur l’indemnisation des faits de harcèlement moral sont mal dirigées ;

- les moyens soulevés par Mme X ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 septembre 2017, la clôture immédiate de l’instruction a été prononcée.

Vu :

- l’avis adressé aux parties, en application de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Y,

- les conclusions de M. Colera, rapporteur public,

- et les observations de Me Seingier, représentant Mme X.

1. Considérant que Mme X a été recrutée en qualité de rédactrice secrétaire stagiaire par l’Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers, devenu par la suite France AgriMer, et a été titularisée le 21 mai 1991 ; qu’elle a été intégrée dans le grade de secrétaire administrative de classe supérieure du ministère chargé de l’agriculture par un arrêté du 21 octobre 2011 ; que par arrêté du ministre chargé de l’agriculture en date du 15 novembre 2011, Mme X a été détachée auprès de l’Institut national des langues et civilisations orientales pour un an, à compter du 1er décembre 2011 et, par un arrêté du 8 mars 2013, elle a été réintégrée dans le corps des secrétaires administratifs du ministère de l’agriculture à compter du 1er décembre 2012 ; que par une décision du 25 mars 2013 du



N° 1606906 3 directeur général de France AgriMer, Mme X a été affectée au service des ressources humaines du secrétariat général de l’établissement public France AgriMer ; qu’elle a de nouveau été placée en position de détachement, par un arrêté du 18 mars 2014, auprès du ministre de la santé, pour une durée d’un an à compter du 1er avril 2014 ; que ce détachement a pris fin le 31 mars 2015 ; que Mme X a été réintégrée dans le corps des secrétaires administratifs du ministère chargé de l’agriculture à compter du 1er avril 2015, par un arrêté du ministre de l’agriculture en date du 12 mars 2015 ; que toutefois, Mme X n’a pas été affectée à un poste vacant, mais été placée en surnombre ; que par courrier du 6 juin 2016, Mme X a demandé au ministre de l’agriculture de régulariser sa situation ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. Considérant que, par un courrier en date du 6 juin 2016, Mme X a demandé au ministre de l’agriculture de « régulariser sa situation sans délai en l’affectant sur le prochain poste auquel elle postulera, correspondant à son grade et ses aptitudes particulières » ; qu’une telle demande, conditionnée à une action ultérieure de la requérante, présentait un caractère hypothétique, et ne mettait pas en mesure le ministre de prendre une décision administrative susceptible de recours ; que les conclusions tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet qui serait née du silence gardé par le ministre de l’agriculture sur cette demande sont donc irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Considérant que Mme X soutient que le ministre de l’agriculture, en la réintégrant en surnombre et en ne résorbant pas ce surnombre, a manqué à ses obligations en matière de réintégration après un détachement ; qu’aux termes de l’article 22 du décret n°85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l’Etat, à la mise à disposition, à l’intégration et à la cessation définitive de fonctions : « Trois mois au moins avant l’expiration du détachement de longue durée, le fonctionnaire fait connaître à son administration d’origine sa décision de solliciter le renouvellement du détachement ou de réintégrer son corps d’origine. / Deux mois au moins avant le terme de la même période, l’administration ou l’organisme d’accueil fait connaître au fonctionnaire concerné et à son administration d’origine sa décision de renouveler ou non le détachement ou, le cas échéant, sa proposition d’intégration. / A l’expiration du détachement, dans le cas où il n’est pas renouvelé par l’administration ou l’organisme d’accueil pour une cause autre qu’une faute commise dans l’exercice des fonctions, le fonctionnaire est réintégré immédiatement et au besoin en surnombre dans son corps d’origine, par arrêté du ministre intéressé, et affecté à un emploi correspondant à son grade. / Le surnombre ainsi créé doit être résorbé à la première vacance qui s’ouvrira dans le grade considéré. / Le fonctionnaire a priorité, dans le respect des règles fixées aux deux derniers alinéas de l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, pour être affecté au poste qu’il occupait avant son détachement. / S’il refuse le poste qui lui est assigné, il ne peut être nommé à un autre emploi que dans le cas où une vacance est ouverte. » ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’à la date de la réintégration de Mme X, plusieurs postes de secrétaire d’administration étaient vacants, et que la requérante a manifesté son intérêt pour plusieurs d’entre eux ; que toutefois, pour des raisons tirées de l’intérêt du service, le ministre a décidé de ne pas affecter Mme X sur l’un de ces emplois ; qu’ainsi, le ministre de l’agriculture n’a pas respecté les obligations en matière de réintégration fixées par les dispositions précitées du décret du 16 septembre 1985 ; qu’en outre, il résulte de l’instruction que des postes correspondant au grade de Mme X



N° 1606906 4 ont été vacants depuis sa réintégration, mais ne lui ont pas été proposés ; qu’ainsi, l’intéressée a présenté sa candidature à trois emplois au mois d’août 2015, deux au sein de l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort, et le troisième au sein du service des ressources humaines du secrétariat général du ministère, et le ministre de l’agriculture indique en défense qu’au cours des campagnes de mobilité du printemps et de l’automne 2016, « de nombreux emplois de catégorie B relevant de la filière administrative ont été proposés comme vacants ou susceptibles de l’être » ; qu’en application de l’article 22, précité, du décret du 16 septembre 1985, il appartenait au ministre de l’agriculture de proposer à Mme X sa nomination sur un poste vacant ; qu’en s’abstenant d’affecter la requérante sur un emploi vacant lors de sa réintégration, puis de résorber le surnombre résultant de la réintégration de Mme X dès la première vacance, et compte tenu du mauvais vouloir de l’administration, le ministre a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat ;

5. Considérant qu’en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un fonctionnaire qui a été irrégulièrement maintenu sans affectation a droit à la réparation intégrale du préjudice qu’il a effectivement subi du fait de son maintien illégal sans affectation ; que pour déterminer l’étendue de la responsabilité de la personne publique, il est tenu compte des démarches qu’il appartient à l’intéressé d’entreprendre auprès de son administration, eu égard tant à son niveau dans la hiérarchie administrative que de la durée de la période pendant laquelle il a bénéficié d’un traitement sans exercer aucune fonction ; que dans ce cadre, sont indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l’illégalité commise présente un lien direct de causalité ; que, pour l’évaluation du montant de l’indemnité due, doit être prise en compte la perte des primes et indemnités dont l’intéressé avait, pour la période en cause qui débute à la date d’expiration du délai raisonnable dont disposait l’administration pour lui trouver une affectation, une chance sérieuse de bénéficier, à l’exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l’exercice effectif des fonctions ;

6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que si Mme X était en droit de recevoir dans un délai raisonnable une affectation correspondant à son grade, il lui appartenait également, compte tenu de la durée de la période pendant laquelle elle a bénéficié d’un traitement sans exercer aucune fonction, d’entreprendre des démarches auprès de son administration ; qu’il résulte de l’instruction que Mme X a présenté trois candidatures au mois d’août 2015, mais n’établit ni n’allègue avoir entamé aucune autre démarche jusqu’à la demande adressée au ministre le 6 juin 2016, ni postérieurement à celle-ci ; que si elle soutient qu’elle ne pouvait présenter de candidature, en raison de la dématérialisation des campagnes de mutation, dont elle n’aurait pas été informé, et des conditions de présentation de candidatures, lesquelles impliquaient de s’être vu attribuer des identifiants de connexion dont elle ne disposait pas, il résulte cependant de l’instruction que les conditions de cette dématérialisation ont été publiées au bulletin officiel du ministère, dont Mme X verse un extrait au dossier, en février 2016 ; qu’en outre, Mme X ne soutient pas non plus qu’elle se serait rapprochée du service des ressources humaines du ministère avant le mois de juin 2016 ; que dans ces conditions, il y a lieu d’exonérer l’Etat de 15% de sa responsabilité ;

7. Considérant qu’aux termes de l’article L. 621-1 du code rural : « L’Etablissement national des produits de l’agriculture et de la mer (France AgriMer) est un établissement public administratif placé sous la tutelle de l’Etat. » ; qu’aux termes de l’article D. 621-27 du même code : « Le directeur général de l’établissement est nommé par décret sur proposition du ministre chargé de l’agriculture. / Le directeur général : (…)2° Recrute les personnels, nomme



N° 1606906 5 aux emplois, gère les agents de l’établissement ; il a autorité sur l’ensemble des personnels sous réserve de l’autorité du préfet de région pour les personnels affectés dans les services déconcentrés de l’Etat ; / 3° Détermine l’organisation interne de l’établissement, et en dirige le fonctionnement (…) » ; que, dès lors, les conclusions de la demande présentée par Mme X tendant à ce que l’Etat l’indemnise des préjudices résultant du harcèlement moral qu’elle aurait subi au cours des années 2013 et 2014, alors qu’elle était affectée au sein de France AgriMer, établissement public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, alors qu’il n’est pas allégué que les autorités de l’Etat auraient pris part aux agissements qualifiés de harcèlement moral par la requérante, qui ne sont, par suite pas de nature à engager la responsabilité de l’Etat, sont mal dirigées et ne peuvent qu’être rejetées ;

8. Considérant que si Mme X fait valoir que la décision de blâme dont elle a fait l’objet en 1998 figurerait toujours dans son dossier administratif, elle ne l’établit pas, par la seule allégation, au demeurant non prouvée, de ce que la chef de l’unité emploi, mobilité, gestion prévisionnelle des ressources humaines y aurait fait référence en 2013 ;

Sur le préjudice :

9. Considérant que le préjudice moral résultant des conditions de travail lors de sa réintégration à France AgriMer en 2013, dont Mme X demande réparation, et l’atteinte à sa réputation alléguée ne présentent pas de lien de causalité avec la faute retenue aux points 4 à 6 ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit au point 5 que Mme X peut demander réparation des préjudices de toute nature présentant un lien de causalité avec la faute ; que Mme X, qui ne fournit aucune indication sur la nature et le montant des primes dont elle avait une sérieuse de bénéficier, et alors que l’arrêté la réintégrant mentionne qu’elle percevra les indemnités prévues par la réglementation en vigueur, n’établit pas la réalité du préjudice financier dont elle se prévaut ; que dans les circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence subis par la requérante en raison de l’absence d’affectation pendant plus de deux ans, en l’évaluant à la somme de 7 000 euros ; que, par conséquent, après application de l’abattement de 15 % induit par la part de responsabilité supportée par Mme X, l’indemnité que l’administration devra verser à Mme X au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d’existence s’établit à la somme de 5 950 euros ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

11. Considérant que le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d’annulation présentées par Mme X, n’appelle aucune mesure d’exécution ; que les conclusions à fin d’injonction doivent donc être rejetées ;

Sur les conclusions présentées en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :



N° 1606906 6

Article 1er : L’Etat est condamné à verser à Mme X la somme de 5 950 (cinq mille neuf cent cinquante) euros en réparation du préjudice subi.

Article 2 : L’Etat versera à Mme X la somme de 1 000 (mille) euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme Z X et au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Délibéré après l’audience du 15 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Chazan, président, Mme Y, premier conseiller, M. Löns, premier conseiller,

Lu en audience publique le 29 décembre 2017.

Le rapporteur, Le président,

Signé Signé

J. Y G. Chazan

Le greffier,

Signé

A. Capelle

La République mande et ordonne au ministre de l’agriculture et de l’alimentation, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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