Tribunal administratif de Nice, Magistrat mme leguennec, 30 décembre 2022, n° 2205420

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nice, magistrat mme leguennec, 30 déc. 2022, n° 2205420
Juridiction : Tribunal administratif de Nice
Numéro : 2205420
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 novembre et 9 décembre 2022, Mme A B, représentée par Me Hajer Hmad, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler l’arrêté du 9 novembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l’a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an, ou à titre subsidiaire, les décisions portant refus de délai de départ et interdiction de retour ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La requérante soutient que :

— En ce qui concerne l’arrêté pris dans son ensemble :

— il est entaché d’un défaut de motivation ;

— il est entaché d’erreurs de fait ;

— En ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire français :

— son droit à être entendue a été méconnu ;

— la décision attaquée méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant refus d’octroi d’un délai de départ volontaire :

— elle est entachée d’une erreur d’appréciation, dès lors que le préfet a estimé qu’il existait un risque que l’intéressée se soustraie à la mesure d’éloignement alors même qu’elle est entrée régulièrement sur le territoire, qu’elle a spontanément décliné son identité aux services de police, qu’elle dispose d’un document d’identité en cours de validité et qu’elle justifie d’une adresse stable ;

En ce qui concerne l’interdiction de retour sur le territoire français :

— des circonstances humanitaires justifient que l’autorité administrative ne prononce pas d’interdiction de retour sur le territoire français à son encontre ;

— la décision attaquée est disproportionnée compte tenu de sa situation.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n’a pas présenté d’observations en défense mais qui a produit une pièce le 5 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme Le Guennec, conseillère, en application de l’article L. 614-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour statuer sur les litiges visés audit article.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 9 décembre 2022 :

— le rapport de Mme Le Guennec, magistrate désignée ;

— les observations de Me Hajer Hmad, représentant Mme B, qui reprend les faits, conclusions et moyens développés dans ses écritures, soutient, en outre, que l’arrêté est entaché d’un défaut d’examen et insiste sur les nombreuses activités professionnelles et associatives de Mme B ;

— et les observations de Mme B.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A B, ressortissante tunisienne née le 16 juin 1993, a fait l’objet d’un arrêté du 9 novembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l’a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an. Mme B demande au tribunal l’annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, () ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ".

3. Mme B, entrée régulièrement en France le 10 novembre 2017, établit, eu égard aux très nombreuses pièces qu’elle verse au dossier, le caractère habituel de sa présence depuis lors, soit depuis cinq ans à la date de la décision attaquée. Il ressort des pièces du dossier que ses deux sœurs, dont l’une était présente à l’audience, sont toutes deux titulaires d’une carte de résident en cours de validité à la date de la décision attaquée. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que l’intéressée a été bénévole du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020 au sein de l’association « 21x29,7 » en vue d’une mission d’assistanat dans la gestion plastique, matérielle et technique des activités de peinture street-art. L’intéressée démontre également être bénévole au sein de l’association d'« Aide aux Devoirs Animation des Moulins » (ADAM) et au sein de l’association des « Restaurants du cœur ». La requérante justifie, ainsi, d’une intégration sociale significative en France. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme B justifie de revenus réguliers depuis 2018, lui permettant de subvenir à ses besoins. Enfin, elle produit à l’instance deux promesses d’embauche dont l’une est antérieure à la décision attaquée, émanant de la société « Azuria Renov » et prévoyant la conclusion d’un contrat à durée indéterminée pour un poste d’agent d’entretien à temps complet. Dès lors, dans les circonstances très particulières de l’espèce, Mme B est fondée à soutenir qu’elle a fixé le centre de sa vie privée et familiale en France et que le préfet des Alpes-Maritimes, en prenant la décision en litige, a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et a ainsi méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la décision portant obligation de quitter le territoire doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an.

Sur les frais liés au litige :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge de l’Etat le versement à Mme B de la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1 : L’arrêté du 9 novembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a obligé Mme B à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an est annulé.

Article 2 : L’Etat versera à Mme B la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A B et au préfet des Alpes-Maritimes.

Copie en sera adressée au ministre de l’intérieur et des outre-mer et le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 décembre 2022.

La magistrate désignée,

signé

B. LE GUENNECLa greffière,

signé

H. DIAW

La République mande et ordonne au préfet des Alpes-Maritimes en ce qui le concerne

ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun,

contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Ou par délégation, la greffière,

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