Tribunal administratif de Nîmes, 3ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2021152

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nîmes, 3e ch., 30 déc. 2022, n° 2021152
Juridiction : Tribunal administratif de Nîmes
Numéro : 2021152
Type de recours : Plein contentieux
Sur renvoi de : Conseil d'État, 3 avril 2022, N° 462171
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n°462171 du 4 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat a transmis au tribunal administratif de Nîmes, en application de l’article R. 351-8 du code de justice administrative, la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse sous le n°2001152, présentée par l’EURL Belycar.

Par cette requête, enregistrée au tribunal administratif de Nîmes sous le n°2021152 l’EURL Belycar, représentée par Me Gasquet, demande au tribunal :

— de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2014 à 2017 pour un montant total de 1 078 708 euros,

— de mettre à la charge de l’administration la somme de 2 500 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— c’est à tort que l’administration estime qu’il y a eu une déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont ; lors de l’acquisition des véhicules faisant l’objet de reventes ultérieures, elle ne pouvait pas savoir que le régime de la marge ne trouvait pas à s’appliquer ; l’administration n’a pas démontré que les précédents utilisateurs des véhicules, au nom de qui les certificats d’immatriculation avaient été établis, avaient déduit la taxe sur la valeur ajoutée d’amont et a fortiori qu’elle en était au courant ;

— l’action poursuivie par le service aboutit à une double taxation de la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu’une même somme est réclamée tant à ses fournisseurs français qu’à elle- même ; le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée rappelée aux fournisseurs français de l’EURL Belycar n’ayant pas été pris en compte par l’administration, elle est en droit de demander la restitution de la même taxe ;

— le service, en méconnaissance des dispositions de l’article L 76 B du livre des procédures fiscales, n’a communiqué aucune des pièces relatives aux vérifications de comptabilité effectuées à l’encontre de ses fournisseurs, ceci alors même qu’une demande explicite en ce sens lui était adressée ;

— le service s’est implicitement mais nécessairement placé sur le terrain de l’abus de droit, en considérant les transactions effectuées entre la société Belycar et ses fournisseurs non comme ayant été effectuées auprès des revendeurs français mais comme ayant été effectuées directement auprès des revendeurs établis dans l’union européenne ;

— les sanctions pour manœuvres frauduleuses mises en œuvre sont injustifiées, dès lors que l’administration n’a pas établi l’existence d’une intention frauduleuse.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2020, le directeur du contrôle fiscal Sud Pyrénées conclut au rejet de la requête

Il soutient que les moyens invoqués sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôt (CGI) et le livre des procédures fiscales (LPF) ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. B A ;

— et les conclusions de Mme Wendy Lellig, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L’EURL Belycar, immatriculée pour une activité de commerce de voitures et de véhicules automobiles légers, et qui a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte à son encontre par jugement du tribunal de commerce du 2 avril 2019, a été soumise à une vérification de comptabilité concernant la période allant du 1er janvier 2014 au 30 juin 2017. Le service ayant considéré qu’en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l’entreprise ne pouvait se prévaloir du régime d’imposition sur la marge, lors de la revente des véhicules achetés, une proposition de rectification a été adressée à la société le 13 décembre 2017. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants ont été mis en recouvrement le 31 janvier 2019. La requérante a contesté ces rappels par deux réclamations contentieuses du 21 mars 2019 et du 28 octobre 2019, qui ont fait l’objet de deux décisions de rejet le 13 août 2019 et le 7 février 2020. L’EURL Belycar demande la décharge en droits et pénalités des rappels qui lui ont été assignés au titre des années 2014 à 2017 pour un montant total de 1 078 708 euros.

Sur les conclusions tendant à la décharge :

En ce qui concerne la procédure d’imposition

2. Aux termes de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales : « L’administration est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition faisant l’objet de la proposition prévue au premier alinéa de l’article L. 57 () ». Il incombe à l’administration, quelle que soit la procédure d’imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d’informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d’arrêter d’office les bases d’imposition, de l’origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu’elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l’intéressé de demander que les documents qui contenaient ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Cette obligation ne s’impose à l’administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

3. Dans la présente affaire, il résulte de l’instruction, notamment des précisions non contredites apportées en défense, que les demandes de documents présentées le 15 février 2018 et le 10 septembre 2018 par la société, visaient à obtenir communication « de l’intégralité des documents obtenus par l’administration à la suite de son droit de communication ». Par lettre du 8 novembre 2018, le service a adressé à la société l’intégralité des documents qu’il avait obtenus dans le cadre du droit de communication effectué auprès de l’établissement bancaire de la société et de la sous-préfecture de Muret le 20 février 2017, ainsi que ceux effectués les 24 mars 2017 et le 21 avril 2017. Par conséquent, l’intégralité des documents réclamés par la société, dans ses courriers des 15 février et 10 septembre 2018, lui ont bien été communiqués par le service. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de l’imposition

S’agissant de l’application du régime de taxation sur la marge :

4. Aux termes du I de l’article 256 bis du code général des impôts : « 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises () / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d’occasion () effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l’assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l’Etat membre de départ de l’expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en œuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ». Aux termes de l’article 297 A du même code : « I. 1° La base d’imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d’occasion () qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n’est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d’achat ». Aux termes de l’article 297 E de ce code : « Les assujettis qui appliquent les dispositions de l’article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ».

5. Il résulte des dispositions précitées qu’une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d’assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l’article 297 A du code général des impôts lorsqu’elle revend un bien d’occasion acquis auprès d’un fournisseur qui, en sa qualité d’assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions de l’article 297 E dudit code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n’est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée. L’administration ne peut refuser à un assujetti qui a reçu une facture sur laquelle figurent des mentions relatives au régime de la marge bénéficiaire, le droit d’appliquer le régime de la marge bénéficiaire, même s’il résulte d’un contrôle postérieur effectué par elle que l’assujetti-revendeur ayant fourni les biens d’occasion n’avait pas effectivement appliqué ce régime à la livraison de ces biens, à moins d’établir que l’assujetti n’a pas agi de bonne foi ou qu’il n’a pas pris toutes les mesures raisonnables en son pouvoir pour s’assurer que l’opération qu’il effectue ne le conduit pas à participer à une fraude fiscale.

6. Lorsqu’une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s’effectuaient sous le régime de la taxe sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l’administration, si elle s’y croit fondée, de démontrer, d’une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, d’autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d’acquisitions taxables sur l’intégralité du prix de revente à ses propres clients, sans que pèse sur le contribuable l’obligation de vérifier la qualité d’assujetti revendeur de ses fournisseurs.

7. La société fait valoir que l’administration n’a pas démontré que les précédents utilisateurs des véhicules, au nom de qui les certificats d’immatriculation avaient été établis, avaient déduit la taxe sur la valeur ajoutée d’amont et a fortiori qu’elle en était au courant.

8. Il résulte de l’instruction que l’EURL Belycar a revendu sous le régime de la taxation sur la marge à ses clients français des véhicules automobiles achetés auprès de fournisseurs français, qui les avaient eux-mêmes acquis auprès de sociétés situées principalement en Allemagne. Pour établir que la mention du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge figurant sur les factures de ces fournisseurs était erronée, l’administration a retenu, en se fondant notamment sur les informations obtenues dans le cadre de la vérification de comptabilité desdits fournisseurs, à savoir les sociétés Iliade, Ross Car, Cgd Autos, Run Away, Import Auto 14, Auto Trade Italia, Direct Automobile 34 et Wix Auto, que les sociétés fournisseurs ne disposaient ni de site internet destiné à la présentation des véhicules, ni de publicité sur d’autres supports. Par ailleurs, ces sociétés sont installées à des adresses de domiciliation qui ne permettent ni de stocker ni de préparer des véhicules avant leur vente. Les véhicules en cause, qui avaient été immatriculés, principalement en Allemagne, au nom de professionnels de l’automobile, étaient vendus aux intermédiaires européens selon le régime des livraisons intracommunautaires et non sous celui de la marge bénéficiaire, la législation des pays fournisseurs autorisant la récupération de taxe sur la valeur ajoutée sur les véhicules de tourisme par les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, les éléments recueillis lors d’une perquisition ont permis d’établir que la société Belycar se trouvait en possession de différents bons de commande éditables, ou des factures éditables ou encore de certificats de cession vierges concernant les sociétés Iliade, Ross Car ou Run Away, ce qui montre que l’entreprise se trouvait en mesure de produire elle-même ses propres factures fournisseurs. Dans ces conditions, l’administration fiscale établit que le régime de taxation sur la marge n’était pas applicable aux opérations litigieuses.

9. Pour établir que la société ne pouvait ignorer qu’elle n’était pas en droit d’appliquer le régime de taxation sur la marge, l’administration a notamment retenu que l’EURL Belycar, lorsqu’un client particulier contactait la société recherchait le véhicule demandé auprès de ses fournisseurs établis dans l’Union Européenne, essentiellement en Allemagne par le biais du site internet « mobile.de » ou avec l’aide d’un intermédiaire et qu’elle échangeait principalement par courriel avec ses intermédiaires, connaissant ainsi les caractéristiques et l’origine des véhicules concernés. Ces véhicules, ainsi qu’il a été dit plus haut, avaient été immatriculés, principalement en Allemagne, au nom de professionnels de l’automobile, et l’EURL Belycar pouvait raisonnablement penser qu’elles avaient pu déduire la taxe en qualité de professionnels assujettis. Si la circonstance que les propriétaires des véhicules étaient des professionnels de l’automobile ne suffit pas à rendre manifeste que le fournisseur n’aurait pas été autorisé à appliquer le régime de taxation sur la marge, dès lors qu’elle ne permet pas de déterminer avec certitude si l’opération en cause lui a ou non ouvert droit à déduction, cet élément constitue toutefois un indice qui peut valablement être pris en compte.

10. La société Belycar s’est déclarée comme professionnel du négoce de véhicules d’occasion et, en tant que professionnel, elle était parfaitement informée des règles applicables à ce secteur d’activité, ceci d’autant plus qu’elle avait déjà, en 2012, fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle le régime de la marge appliqué avait été remis en cause. Le service relève sans être contredit que des factures ainsi que des bons de commande et des répertoires contenant des documents éditables des sociétés Ross Car, Iliade et Race Access ont été saisis sur l’ordinateur de la société Belycar, laquelle était ainsi en mesure de produire elle- même ses propres factures fournisseurs (avec insertion d’un masque de signature de la société Iliade), les documents produits donnant ainsi l’apparence de la régularité. En tant que professionnel expérimenté du négoce automobile, les dirigeants de la société Belycar auraient dû être alertés par l’acquisition de véhicules auprès de fournisseurs récurrents bénéficiant systématiquement de prix inférieurs à ceux du marché et ce alors que l’administration constate que les sociétés fournisseurs ne disposaient ni de site internet destiné à la présentation des véhicules, ni de publicité sur d’autres supports. Par ailleurs, ces sociétés étaient installées à des adresses de domiciliation qui ne permettent ni de stocker ni de préparer des véhicules avant leur vente, et les véhicules achetés n’étaient pas acheminés par la société Belycar mais par un transporteur affrété par les sociétés « fournisseurs », les véhicules étant livrés directement chez le client final par ces dernières. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, et eu égard au nombre important de véhicules concernés, l’administration établit suffisamment, sans inverser la charge de la preuve, que la société Belycar ne pouvait ignorer que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge n’était pas applicable. Par suite, c’est à bon droit que l’administration a remis en cause l’application de ce régime.

11. Aux termes de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : « Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité de l’abus de droit fiscal. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité. () ». Il résulte de ces dispositions que, lorsque l’administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. Lorsqu’elles sont applicables, ces dispositions font obligation à l’administration fiscale de suivre la procédure qu’elles prévoient.

12. A l’appui de son moyen tiré de ce que la procédure d’imposition aurait méconnu les garanties légales attachées à ces dernières dispositions, la société Belycar fait valoir que l’administration s’est implicitement mais nécessairement placée sur le terrain de l’abus de droit, en considérant les transactions effectuées entre la société Belycar et ses fournisseurs non comme ayant été effectuées auprès des revendeurs français mais comme ayant été effectuées directement auprès des revendeurs établis dans l’union européenne

13. Toutefois, il résulte de l’instruction que le service n’a aucunement remis en cause les factures de ventes établies par les fournisseurs de la société Belycar à l’examen des éléments factuels de l’affaire mis au jour à l’issue des opérations de contrôle, mais a considéré que malgré leur entremise dans les relations commerciales avec la société Belycar cette dernière ne pouvait ignorer que le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge était inapplicable en l’espèce, ainsi qu’il a été dit plus haut. Ce faisant, l’administration a seulement requalifié les opérations en cause au regard de leur nature réelle et a démontré que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ne pouvait pas être appliqué à ces transactions. Il s’ensuit qu’elle ne s’est pas fondée, même implicitement, sur la répression d’un abus de droit imputable à la société contribuable au sens des dispositions précitées. Par suite, la société Belycar ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le droit à déduction de la taxe :

14. Aux termes de l’article 271 du code général des impôts, « I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. () II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : () d) Celle qui correspond aux factures d’acquisition intracommunautaire établies conformément à la réglementation communautaire dont le montant figure sur la déclaration de recettes conformément au b du 5 de l’article 287.2. () Pour les acquisitions intracommunautaires, la déduction ne peut être opérée que si les redevables ont fait figurer sur la déclaration mentionnée au d du 1 toutes les données nécessaires pour constater le montant de la taxe due au titre de ces acquisitions et détiennent des factures établies conformément à la réglementation communautaire. Toutefois, les redevables qui n’ont pas porté sur la déclaration mentionnée au d du 1 le montant de la taxe due au titre d’acquisitions intracommunautaires sont autorisés à opérer la déduction lorsque les conditions de fond sont remplies et sous réserve de l’application de l’amende prévue au 4 de l’article 1788 A ».

15. Aux termes de l’article 208 de l’annexe II au code général des impôts : « I. – Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu’elle fasse l’objet d’une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’omission. Les régularisations prévues à l’article 207 doivent également être mentionnées distinctement sur ces déclarations. II. – Lorsque, sur une déclaration, le montant de la taxe déductible excède le montant de la taxe due, l’excédent de taxe dont l’imputation ne peut être faite est reporté, jusqu’à épuisement, sur les déclarations suivantes. Toutefois, cet excédent peut faire l’objet de remboursements dans les conditions fixées par les articles 242-0 A à 242-0 K. »

15. L’EURL Belycar fait valoir que l’action poursuivie par le service aboutit à une double taxation de la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu’une même somme est réclamée tant à ses fournisseurs français qu’à elle-même. Elle estime que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée rappelée aux fournisseurs français de l’EURL Belycar n’ayant pas été pris en compte par l’administration, elle est en droit de demander la restitution de la même taxe. Toutefois, d’une part elle n’apporte pas la preuve de ses allégations et d’autre part elle ne produit à l’instance aucune facture rectificative émise par ses fournisseurs. Par conséquent, en l’état des pièces du dossier, le moyen doit être écarté.

Sur les pénalités :

16. Aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / () / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses () ". Il appartient à l’administration, si elle entend faire application des pénalités de 80 % pour manœuvres frauduleuses, d’établir l’intention du contribuable d’égarer ou de restreindre le pouvoir de contrôle de l’administration.

17. L’administration fiscale fait valoir que la société Belycar a produit, en trompant l’administration fiscale par le biais d’agissements frauduleux, des factures qui se présentaient comme des achats de véhicules auprès de fournisseurs français non taxables conduisant à une imposition sur la marge à tort lors de la revente ultérieure. Elle avait déjà fait l’objet en 2012 d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle le régime de la marge appliqué avait été remis en cause. Si pour la précédente période vérifiée, l’EURL Belycar s’approvisionnait en véhicules d’importation directement en Allemagne et en Belgique, depuis cette vérification, ces mêmes acquisitions sont réalisées auprès de professionnels français qui s’interposent et permettent ainsi à Belycar de ne plus apparaître directement sur les quitus et contribuent donc à masquer le rôle réel de Belycar dans le choix de l’importation du véhicule. Le recours, par la société requérante, à l’entremise de sociétés tierces pour procéder à l’achat de véhicules en provenance d’Allemagne alors qu’elle pouvait s’adresser directement au vendeur allemand, constitue une interposition destinée à réduire le pouvoir de contrôle de l’administration et, partant, une manœuvre frauduleuse. L’administration doit par suite être regardée comme établissant ainsi l’intention de la société Belycar d’égarer ou de restreindre le pouvoir de contrôle de l’administration. Par suite, c’est à bon droit que le service lui a infligé la majoration de 80 % prévue par le c de l’article 1729 du code général des impôts.

Sur les frais liés au litige :

18. En vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la société Belycar doivent, dès lors, être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l’EURL Belycar est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à l’EURL Belycar et au directeur du contrôle fiscal Sud Pyrénées.

Délibéré après l’audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Peretti, président,

M. Parisien, premier conseiller,

Mme Bertrand, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

P. A

Le président,

P. PERETTI

Le greffier,

D. BERTHOD

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N°202115

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