Tribunal administratif de Paris, 12 octobre 2021, n° 1927098/2-1

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 12 oct. 2021, n° 1927098/2-1
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 1927098/2-1

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS

N°1927098/2-1 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________


M. É. B…

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


M. B.-P.

Rapporteur

___________ Le tribunal administratif de Paris
M. B. (2e Section – 1re Chambre) Rapporteur public

___________

Audience du 28 septembre 2021 Décision du 12 octobre 2021 ___________ 33-01-02-02-01 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 18 décembre 2019, le 17 décembre 2020 et le 15 janvier 2021, M. É. B…, représenté par Me Ba. (O. avocats), demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler les décisions des 4 avril et 3 juin 2019 par lesquelles la commission administrative de la bourse du travail de Paris a décidé du transfert des activités et personnels de l’établissement à l’association « ASO-BT » ;

2°) de mettre à la charge de la bourse du travail de Paris, ou à défaut de l’association ASO-BT, et, solidairement, de la Ville de Paris, une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les mémoires en défense, présentés respectivement par la bourse du travail de Paris et par la Ville de Paris, sont irrecevables ;

- les décisions attaquées sont entachées d’incompétence ;

- sont illégales en raison de la présence d’un conseiller intéressé, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

- méconnaissent le décret n°70-301 du 3 avril 1970 portant réforme du statut de la bourse du travail de Paris ;


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- sont illégales dès lors que la commission administrative de la bourse du travail de Paris a confié la gestion d’un service public à une personne privée sans contrat de délégation de service public ou de marché public ;

- méconnaissent les dispositions de l’article L. 1224-3-1 du code de travail ;

- sont entachées d’un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 octobre 2020, le secrétaire général de la commission administrative de la bourse du travail de Paris, représenté par Me K., conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. B… ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, la maire de Paris, représentée par la SCP F.-F., conclut au rejet de la requête. Elle soutient, à titre principale, que la requête est irrecevable car tardive, et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Un mémoire, présenté par la maire de Paris, enregistré le 20 mai 2021, n’a pas été communiqué.

Par ordonnance du 30 avril 2021, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 21 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n°70-301 du 3 avril 1970 portant réforme du statut de la bourse du travail de Paris ;

- la décision du Conseil d’État n° 415125 du 7 mars 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. B.-P.,

- les conclusions de M. B., rapporteur public,

- les observations de Me Ba., pour M. B…,

- les observations de Me K., pour la bourse du travail de Paris, et les observations de Me F., pour la Ville de Paris.

Une note en délibéré a été produite le 29 septembre 2021 pour la Ville de Paris et n’a pas été communiquée.


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Considérant ce qui suit :

1. M. B… a conclu en 2008 un contrat à durée indéterminée avec la bourse du travail de Paris pour un emploi de conseiller en droit du travail. Par la présente requête, M. B… demande au tribunal d’annuler la délibération du 4 avril 2019 par laquelle la commission administrative de la bourse du travail de Paris a décidé du transfert de ses activités de réservation des salles et de consultations en droit du travail à l’association de droit privé « association des organisations syndicales de la Bourse du travail de Paris » (ASO-BT), dont les statuts ont été déposés en préfecture le 19 avril 2019 et qui a pour objet « de gérer les moyens, matériels et humains, dédiés, au sein des locaux de la Bourse du travail, aux missions d’accueil, d’informations, d’assistance et de conseils aux salariés et agents publics dans la limite de l’objet syndical de ses membres et pour leur propre compte  », ainsi que la décision du 3 juin 2019 par laquelle la commission administrative a décidé du transfert à cette même association des contrats de tous les salariés de la bourse du travail.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. La Ville de Paris soutient que la requête de M. B…, enregistrée le 18 décembre 2019, et dirigée contre des décisions du 4 avril 2019 et du 3 juin 2019, est tardive. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que ces décisions auraient fait l’objet d’une publicité régulière ou auraient été notifiées au requérant. En particulier, si les défendeurs font valoir que les salariés de la bourse de travail de Paris, dont faisait partie M. B…, ont été informés du contenu des décisions litigieuses lors d’une réunion qui s’est tenue le 6 septembre 2019, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’ils auraient été informés, à cette occasion, de toute l’étendue des décisions en cause, ni des modalités de recours. Il s’ensuit que la requête de M. B…, introduite dans un délai de deux mois à la suite de la notification des décisions en cause par un courrier du 12 novembre 2019, n’est pas tardive. Par suite, la fin de non-recevoir doit être écartée.

Sur la recevabilité des mémoires en défense :

3. En premier lieu, si M. B… fait valoir que le mémoire en défense de la bourse du travail de Paris est irrecevable dès lors que cet établissement public n’existe plus, ses activités ayant été transférées à l’association « ASO-BT », il ressort toutefois des pièces du dossier que la bourse de Paris a conservé une activité d’administrateur des biens immobiliers lui appartenant. Son mémoire en défense est donc bien recevable.

4. En deuxième lieu, si M. B… soutient que le mémoire en défense de la Ville de Paris est irrecevable car présenté par une personne qui n’est pas partie au litige, il ressort de l’article 2 du décret susvisé du 3 avril 1970 que la bourse du travail de Paris est gérée par une commission administrative placée sous le contrôle du conseil de Paris. Par ailleurs, aux termes de l’article 6 de ce décret, « le maire veille à l’observation des décrets et règlements qui régissent la bourse du travail ». La ville de Paris doit donc bien être regardée comme partie au présent litige.

5. Il résulte de ce qui précède que l’exception d’irrecevabilité des mémoires en défense ne peut être accueillie.


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Sur les conclusions à fin d’annulation de M. B… :

Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête :

6. Aux termes de l’article 1er du décret susvisé du 3 avril 1970 portant réforme du statut de la bourse du travail de Paris : « La bourse du travail de Paris est un établissement public de caractère municipal doté de la personnalité morale. Elle constitue pour les travailleurs un foyer où ils peuvent trouver des lieux de réunions syndicales et des informations professionnelles ; elle a également pour but de concourir à leur promotion économique et sociale. ». L’article 2 du même décret dispose : « La bourse du travail de Paris est gérée par une commission administrative placée sous le contrôle du conseil de Paris. (…) ». Et aux termes de son article 3 : « Les organisations syndicales admises à la bourse du travail prennent, dans le cadre des lois et règlements, telles dispositions qui leur paraissent utiles pour tout ce qui concerne l’organisation interne de leurs bureaux, de leurs réunions, de leurs assemblées, de leurs activités d’enseignement, de leurs services de consultation ou d’information. / La commission administrative répartit entre les organisations syndicales les locaux de la bourse et en fixe la destination. / Des salles à usage commun sont, sous le contrôle de la commission administrative, réservées aux réunions ayant pour objet exclusif des intérêts professionnels ou à des cours ou conférences ayant pour but la promotion économique et sociale des travail-leurs. Elles peuvent également être affectées par la commission administrative à des expositions, des projections ou des cérémonies ayant trait au travail. ».

7. Il résulte de ces dispositions, telles qu’interprétées par la décision susvisée du Conseil d’État du 7 mars 2018, que la bourse du travail de Paris a pour objet de concourir à la promotion économique et sociale des travailleurs, notamment par l’organisation d’activités d’enseignement et la fourniture de services de consultation ou d’information. Eu égard à son objet, aux modalités de son organisation et de son fonctionnement et à l’origine de ses ressources, principalement assurées par des subventions inscrites au budget de la ville de Paris, la bourse du travail de Paris doit être regardée comme exerçant une mission de service public à caractère administratif. Il résulte ainsi de ces dispositions que, contrairement à ce que soutient la Ville de Paris en défense, l’activité de réservations de salles et l’organisation des consultations juridiques gratuites au profit des salariés font partie intégrante des missions de service public de la bourse du travail de Paris et ne relèvent pas de la seule responsabilité des organisations syndicales.

8. Il ressort des pièces du dossier que, par la délibération attaquée du 4 avril 2019, la commission administrative de la bourse du travail de Paris a décidé le transfert des activités de réservation de salles et de consultations en droit du travail à l’association « ASO-BT ». Cette décision, qui ne peut être regardée comme une mesure de délégation de service public dès lors, notamment, qu’elle ne s’accompagne d’aucune rémunération de l’établissement public, ni d’aucun contrôle de ce dernier sur l’association « ASO-BT », doit nécessairement être regardée comme une renonciation de la bourse du travail de Paris à l’exercice d’une partie de ses missions de service public qui lui sont attribuées par le décret du 3 avril 1970. Cette modification des missions d’un établissement public ne pouvant être opérée que par un acte de même nature que celui qui l’a créé et qui en a défini les missions, la commission administrative qui, en vertu de l’article 2 du décret du 3 avril 1970 est seulement compétente pour assurer la gestion de l’établissement public, n’était pas compétente pour transférer les activités en cause à l’association « ASO-BT ».


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9. Il résulte de ce qui précède que la délibération contestée du 4 avril 2019 a été prise par une autorité incompétente et doit être annulée.

10. Par ailleurs, en raison des effets qui s’y attachent, l’annulation pour excès de pouvoir d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l’annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n’auraient pu légalement être prises en l’absence de l’acte annulé ou qui sont en l’espèce intervenues en raison de l’acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l’acte annulé et de celles dont l’acte annulé constitue la base légale.

11. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 3 juin 2019 procédant au transfert des contrats des salariés de la bourse du travail à l’association « ASO-BT » a été prise en application de la délibération du 4 avril 2019, dont l’annulation est prononcée par le présent jugement. Cette décision, privée de base légale, doit donc être également annulée.

Sur l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre solidairement à la charge de la bourse du travail de Paris et de la Ville de Paris, parties perdantes, le versement à M. B… d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 4 avril 2019 de la commission administrative de la bourse du travail de Paris, par laquelle elle a décidé du transfert à l’association « ASO-BT » des activités de réservation des salles et de consultations en droit du travail, est annulée.

Article 2 : La décision du 3 juin 2019 de la commission administrative de la bourse du travail de Paris, par laquelle elle a décidé du transfert à l’association « ASO-BT » des contrats de tous les salariés de la bourse du travail, est annulée.

Article 3 : La bourse du travail de Paris et la Ville de Paris verseront solidairement à M. B… une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. É. B…, au secrétaire général de la commission administrative de la bourse du travail de Paris et à la maire de Paris.

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