Tribunal administratif de Paris, 31 décembre 2022, n° 2227031

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Paris, 31 déc. 2022, n° 2227031
Juridiction : Tribunal administratif de Paris
Numéro : 2227031
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 7 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2022, Mme E et M. B D, agissant en leurs noms personnels et au nom de leur enfant mineur, Mme F D, représentées par Me Kwemo, demandent au juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de les admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d’enjoindre au préfet de la région d’Île-de-France, préfet de Paris, de les prendre en charge dans le cadre du dispositif d’hébergement d’urgence, dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l’État une somme de 1 500 euros à verser à leur conseil au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut d’obtention de l’aide juridictionnelle, à leur verser, sur le fondement du seul article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— l’urgence de leur situation est avérée dans la mesure où, compte tenu des conditions climatiques actuelles, ils vivent à la rue avec leur fille d’un an et demi, alors qu’ils ont appelé à de nombreuses reprises le 115, sans pour autant obtenir d’hébergement d’urgence ;

— la carence de l’administration à les prendre en charge porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que constituent le droit à l’hébergement d’urgence, l’intérêt supérieur de l’enfant au sens de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant, le principe du respect de la dignité humaine ainsi que l’interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants et le droit au respect de la vie privée et familiale, protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

— le code de l’action sociale et des familles ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme A pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ». Par ailleurs, selon l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, qu’elle est mal fondée.

2. En outre, l’article L. 345-2 du code de l’action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l’autorité du préfet, « un dispositif de veille sociale chargé d’accueillir les personnes sans abri ou en détresse ». L’article L. 345-2-2 dispose que : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence () ». Enfin, aux termes de l’article L. 345-2-3 : « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y bénéficier d’un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée () ».

3. Il appartient aux autorités de l’Etat, sur le fondement des dispositions précitées, de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale. Une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette mission peut faire apparaître, pour l’application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. Il incombe au juge des référés d’apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée.

4. En l’espèce, si les requérants soutiennent qu’ils vivent à la rue, avec leur fille âgée d’un an et demi, ils produisent un document attestant qu’ils ont appelé le numéro 115 à compter du 15 décembre 2022 seulement, alors en outre, que ce document indique que les intéressés ont eux-mêmes refusé les propositions d’hébergement qui leur avaient été faites. Dans ces conditions, alors même que Mme et M. D n’ont pas pu obtenir d’hébergement en l’absence de place disponible, les appels passés sont récents à la date de la présente ordonnance et ne peuvent donc être de nature à démontrer l’existence d’une carence avérée et prolongée de l’Etat dans la mise en œuvre de sa compétence en matière d’hébergement d’urgence et d’une violation des stipulations internationales invoquées, compte tenu en particulier du contexte d’extrême tension caractérisant l’hébergement d’urgence à Paris, qui amène à prioriser celles des familles qui sont dans l’état de plus grande vulnérabilité. Par suite, aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 précité ne saurait être caractérisée et il est manifeste que les conditions posées par cet article ne sont pas remplies.

5. En conséquence, il y a lieu, selon la procédure prévue par les dispositions de l’article L. 522-3 du code de justice administrative, de rejeter la requête de Mme et M. D, y compris leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de les admettre provisoirement à l’aide juridictionnelle.

O R D O N N E :

Article 1er : Mme et M. D ne sont pas admis provisoirement à l’aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de Mme et M. D est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme E et à M. B D.

Fait à Paris, le 31 décembre 2022.

La juge des référés,

M-N. A

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision./9

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