Tribunal administratif de Pau, 29 décembre 2011, n° 0900600

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Pau, 29 déc. 2011, n° 0900600
Juridiction : Tribunal administratif de Pau
Numéro : 0900600

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PAU fp

N° 0900600 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

___________

SARL Y

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

M. Sorin

Rapporteur

___________ Le Tribunal administratif de Pau

Mme Meunier-Garner (1re Chambre)

Rapporteur public

___________

Audience du 15 décembre 2011

Lecture du 29 décembre 2011

___________

19-06-02

C

Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2009, présentée pour la SARL Y, dont le siège est zone artisanale, rue Henri IV à Mazères-Lezons (64110), représentée par son gérant en exercice, par Me Piedbois, avocat au barreau de Pau ; la SARL Y demande que le tribunal :

— la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période comprise entre le 1er mars 2004 et le 31 mars 2006, par avis de mise en recouvrement n° 071200004 bis et des pénalités correspondantes ;

— mette à la charge de l’Etat une somme de 2 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SARL Y soutient :

← que les erreurs de facturation de la TVA selon les règles de la 7e directive sont marginales et ne portent que sur 5 ou 6 factures ;

← que M. X Y n’exerce pas la fonction de gérant de fait ;

← qu’elle a contesté la remise en cause du caractère régulier et probant de sa comptabilité ;

← que les erreurs commises proviennent du comportement de l’expert-comptable ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2009, présenté par le directeur des services fiscaux des Pyrénées-Atlantiques qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir :

← que la gérance de fait par M. X Y est établie ;

← qu’en outre et en tout état de cause, la procédure de vérification a été régulièrement suivie par le gérant de droit ;

← que la comptabilité de l’entreprise a été jugée irrégulière et non probante, ce qui justifiait son rejet lors des opérations de contrôle ;

← que la société requérante a délibérément exonéré ses achats de véhicules dans l’Union européenne de l’application de la TVA et a, par ailleurs, appliqué à tort le régime de la TVA sur la marge ;

← que la société requérante ne conteste pas l’application de l’amende de 5% prévue par l’article 1788 A-4 du code général des impôts ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, modifiée par la directive n° 94/5/CE du Conseil du 14 février 1994 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 15 décembre 2011, le rapport de M. Sorin et les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteur public ;

Considérant qu’à l’issue d’une opération de vérification de sa comptabilité, portant sur la période du 1er mars 2004 au 30 mars 2006, la SARL Y a fait l’objet d’une proposition de rectification par l’administration , le 4 mai 2007, sa comptabilité ayant été considérée comme non probante ; que la SARL Y demande, dans la présente instance, la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, et des pénalités correspondantes, qui lui ont été assignés et mis en recouvrement par un avis n° 071200004 bis du 7 janvier 2008 ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions litigieuses :

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. B C Y, gérant de droit de la société, a participé à l’ensemble des opérations de vérification et a signé les documents établis à cette occasion par l’administration fiscale ; que, par suite, la circonstance que M. X Y dont la SARL Y conteste la qualité de gérant de fait, ait été présent lors des opérations de contrôle est sans influence sur la régularité de la vérification de comptabilité ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 192 du livre des procédures fiscales : « Lorsque l’une des commissions visées à l’article L. 59 est saisie d’un litige ou d’une rectification, l’Administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l’avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l’imposition a été établie conformément à l’avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l’Administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d’office à l’issue d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69. » ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 13-1 de ce même livre : « Les vérifications de comptabilité mentionnées à l’article L. 13 comportent notamment : / a) La comparaison des déclarations souscrites par les contribuables avec les écritures comptables et avec les registres et documents de toute nature, notamment ceux dont la tenue est prévue par le code général des impôts et par le code de commerce ; / b) L’examen de la régularité, de la sincérité et du caractère probant de la comptabilité à l’aide particulièrement des renseignements recueillis à l’occasion de l’exercice du droit de communication, et de contrôles matériels. » ; et qu’aux termes de l’article 297 F du code général des impôts, relatif à la taxe sur la valeur ajoutée : « Les assujettis qui effectuent des opérations portant sur des biens d’occasion, des œuvres d’art, des objets de collection ou d’antiquité doivent comptabiliser distinctement par mode d’imposition leurs opérations portant sur ces biens. » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’au cours des opérations de contrôle menées par l’administration fiscale portant sur la période du 1er mars 2004 au 31 mars 2006, la SARL Y, spécialisée dans le négoce automobile et l’achat de véhicules neufs ou d’occasion importés d’autres pays de l’Union européenne, n’a pas été en mesure de produire les originaux des factures d’achat de plus de 450 véhicules importés ; que sa comptabilité ne respectait pas l’obligation d’enregistrement, dans des comptes distincts, de ses opérations relevant du régime général de taxe sur la valeur ajoutée et de celles susceptibles de relever du régime de taxation sur la marge ; qu’elle n’a pas été en mesure de produire le relevé de ses acquisitions de véhicules ni de justifier les incohérences constatées entre les dates d’achat figurant sur les factures et les dates de vente et de règlement par ses clients ; qu’en outre, l’enquête judiciaire a permis de mettre en évidence que des mentions figurant sur de nombreuses factures d’achat de véhicules de la SARL Y avaient été altérées dans le but de bénéficier du régime de taxation sur la marge, en modifiant notamment la date de première mise en circulation de véhicules ou leur kilométrage, en supprimant ou en modifiant la mention « véhicule neuf » ou en faisant apparaître une référence à la 7e directive européenne qui ne figurait pas sur les factures originales concernées ; que, si la société requérante conteste, à nouveau, dans la présente instance, ces constatations, elle n’apporte toutefois aucun élément de nature à les remettre en cause et se borne à alléguer, sans toutefois l’établir ni en justifier, que les irrégularités relevées n’auraient porté que sur un nombre limité de factures ; qu’elle ne saurait davantage se prévaloir, sans aucun élément à l’appui de ses dires, de ce que ces irrégularités seraient imputables à son expert-comptable ; que, dans ces conditions, c’est à bon droit que l’administration a pu considérer que la comptabilité de la SARL Y n’était, pour les exercices concernés, ni sincère, ni probante et comportait de graves irrégularités ; que, par suite, l’avis émis, le 26 octobre 2007, par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires ayant été suivi par l’administration, la charge de la preuve du mal-fondé des impositions en litige incombe à la SARL Y ;

Considérant, en second lieu, qu’aux termes du I de l’article 256 bis du code général des impôts : « 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (…) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d’occasion (…) effectuées à titre onéreux par un assujetti (…) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l’assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l’Etat membre de départ de l’expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des B ou C de l’article 26 bis de la directive n° 77/388/C.E.E. du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 (…) » ; qu’aux termes du I de l’article 297 A du même code : « 1° La base d’imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d’occasion (…) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n’est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d’achat (…) » ; qu’aux termes de l’article 297 E du même code, dans sa rédaction applicable en l’espèce : « Les assujettis qui appliquent les dispositions de l’article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures ou tous autres documents en tenant lieu » ; que ces dispositions, issues de la loi de finances rectificative pour 1994 du 29 décembre 1994, ont pour objet de transposer l’article 26 bis de la sixième directive du 17 mai 1977, issu de l’article 1er de la septième directive du 14 février 1994 ;

Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions qu’une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d’assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l’article 297 A du code général des impôts, lorsqu’elle revend un bien d’occasion acquis auprès d’un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d’assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l’article 297 E du code général des impôts, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n’est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l’administration peut toutefois remettre en cause l’application de ce régime lorsque l’entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n’avait pas la qualité d’assujetti revendeur et n’était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévu par l’article 26 bis de la directive du 17 mai 1977 ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction et de ce qui a été dit précédemment que la plupart des factures originales des fournisseurs belges et espagnols de la SARL Y des véhicules présentés par cette dernière comme étant des véhicules d’occasion, ne comportaient pas, en dehors d’une seule d’entre elles, la mention selon laquelle la cession était effectuée selon le régime de la taxation sur la marge ou selon le régime dit de « la 7e directive » ; que les copies de factures et les attestations produites par la société requérante sont, à cet égard, dénuées de toute valeur probante, dès lors qu’il résulte de l’instruction et n’est pas sérieusement contesté que les factures originales concernées ont été altérées aux fins de présenter les véhicules litigieux comme des véhicules d’occasion, alors qu’il s’agissait, pour l’essentiel, de véhicules neufs, et que les attestations censées émaner desdits fournisseurs ont été, par ailleurs, formellement dénoncées par ces derniers comme constitutives de faux lors de l’enquête judiciaire ; qu’ainsi, la société requérante ne pouvait ignorer que ses fournisseurs n’avaient pas la qualité d’assujettis revendeurs au sens des dispositions précitées du I de l’article 256 bis du code général des impôts ; que, dans ces conditions, c’est à bon droit que l’administration – qui n’a pas procédé à une rectification s’agissant de la seule facture ayant effectivement fait l’objet d’une taxation de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge – a remis en cause l’application par la SARL Y du régime de la taxation sur la marge, et assis les droits de taxe sur la valeur ajoutée, applicables aux reventes de véhicules réalisées par la société, sur le prix total de ces reventes, assortis des amendes et pénalités correspondantes ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SARL Y n’est pas fondée à demander la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période comprise entre le 1er mars 2004 et le 31 mars 2006, par avis de mise en recouvrement n° 071200004 bis, ainsi que des amendes et pénalités correspondantes ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la SARL Y la somme que cette dernière demande au titre des frais qu’elle a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Y est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SARL Y et au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l’audience du 15 décembre 2011, à laquelle siégeaient :

M. Badie, président,

M. de Saint-Exupéry de Castillon, premier conseiller,

M. Sorin, premier conseiller,

Lu en audience publique le 29 décembre 2011.

Le rapporteur, Le président,

T. SORIN A. BADIE

Le greffier,

J-P. MIADONNET

La République mande et ordonne à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat, porte-parole du Gouvernement, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme :

Le greffier,

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