Tribunal administratif de Poitiers, 1ère chambre - ju, 30 décembre 2022, n° 1900928

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Poitiers, 1re ch. - ju, 30 déc. 2022, n° 1900928
Juridiction : Tribunal administratif de Poitiers
Numéro : 1900928
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2019 et des mémoires enregistrés les 3 mai 2021, 15 avril 2022, 19 septembre 2022, 14 novembre 2022 et 28 novembre 2022, la société d’intérêt collectif agricole (SICA) Atlantique, représentée par Me Augé, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de prononcer la réduction, à hauteur de 123 255 euros, de la cotisation de taxe foncière à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2015 pour un montant total de 639 698 euros dans les rôles de la commune de La Rochelle, pour ses installations des 15 et 69 rue Montcalm et 5 rue Paul Garreau ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le Conseil d’Etat ayant jugé par ses décisions du 3 février 2021 qu’elle ne pouvait prétendre au titre de ses installations à l’exonération instituée par le b) du 6° de l’article 1382 du code général des impôts pour « les bâtiments affectés à un usage agricole » et que l’administration avait à bon droit estimé que les immobilisations en litige revêtaient un caractère industriel pouvant être évaluées selon la méthode prévue à l’article 1499 du code général des impôts, elle abandonne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 1382 du code général des impôts ;

— elle a droit à une réduction de la cotisation de taxe foncière sur le fondement du 11° de l’article 1382 du même code pour les outillages et autres matériels techniques, notamment liés au pesage, à la manutention ou à la conservation des produits stockés, et ce alors même qu’ils ne seraient pas dissociables des silos selon la décision n° 422418 du Conseil d’Etat du 11 décembre 2020 ;

— les immobilisations retenues pour le calcul de la taxe foncière 2015 ne correspondent pas à celles identifiées comme restant sur le site par le rapport d’expertise Roux de 2011 ;

— le silo horizontal Bertrand 3 ne peut être évalué par comparaison avec le local type n° 58, entièrement détruit en 2014 ; il peut être évalué par voie d’appréciation directe comme le demande l’administration ; il y a lieu d’appliquer à la valeur de reconstruction un abattement pour dépréciation immédiate de 30% et un abattement pour vétusté de 40% ; sa valeur locative doit être fixée à 6 670 euros ;

— pour l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, l’administration est responsable de la lenteur de la procédure ayant aggravé les frais qu’elle a exposés.

Par des mémoires en défense enregistrés le 9 octobre 2019, le 21 décembre 2021, 19 janvier 2022, 15 juin 2022, 27 octobre 2022 et 15 décembre 2022, la directrice départementale des finances publiques de la Vienne demande au tribunal :

1°) de fixer le prix de revient des immobilisations industrielles à :

—  3 716 290 euros pour le silo Bertrand 1 ;

—  8 692 383 euros pour le silo Bertrand 2 ;

—  622 914 euros pour l’invariant 0345317T ;

2°) de fixer la valeur locative du silo Bertrand 3 à 16 727 euros ;

3°) de rejeter le surplus des conclusions de la requête.

Elle soutient que :

— il appartenait à la société, qui a introduit sa requête sur un autre fondement, de justifier des réductions demandées en cours d’instance au motif que certaines immobilisations devraient être déduites des bases d’imposition ; le rapport Roux, qui n’est pas un rapport d’expertise demandé par le juge et n’a pas de valeur juridique ne peut lui être opposé même si par mesure de tempérament elle a accepté de tenir compte de certaines de ses conclusions dans d’autres contentieux ;

— s’agissant des installations industrielles, compte tenu des justifications apportées en cours d’instance, le litige ne porte plus que sur le caractère foncier ou non de certaines installations du silo Bertrand 1 ; les factures portant la mention « génie civil » ne doivent pas être déduites du calcul du « prix de revient » des immobilisations imposables ;

— le silo Bertrand 3 est évalué au cours de l’année en litige par voie d’appréciation directe, sur la base d’un prix de revient de 371 707 euros et d’un taux d’intérêt de 6% ; il n’y a pas lieu d’appliquer un abattement pour dépréciation immédiate puisqu’il s’agit d’une construction de 2010 ; le taux d’abattement pour vétusté, entretien et situation doit être fixé à 25%.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme B,

— les conclusions de Mme Boutet, rapporteure publique,

— les observations de Me Augé, avocat de la SICA Atlantique, et de M. A, représentant la directrice départementale des finances publiques de la Vienne.

Une note en délibéré présentée pour la SICA Atlantique a été enregistrée le 20 décembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La société d’intérêt collectif agricole (SICA) Atlantique exploite des installations de stockage, de réception, de manutention et d’expédition de céréales situées rue Montcalm sur le port de La Rochelle-La Pallice. Au titre de l’année 2015, elle a été assujettie à une cotisation de taxe foncière d’un montant total de 639 698 euros. Par une réclamation restée sans réponse du 14 octobre 2015, puis dans sa requête enregistrée le 15 avril 2019, elle a demandé la décharge partielle de cette taxe, en se prévalant notamment de l’exonération instituée par le b) du 6° de l’article 1382 du code général des impôts pour « les bâtiments affectés à un usage agricole ». Dans le dernier état de ses écritures, elle se borne à faire valoir l’exagération des bases d’imposition retenues par l’administration, compte tenu du fait que certaines installations ont disparu ou ne doivent pas, selon elle, entrer dans le calcul de la valeur des immobilisations imposables, et, s’agissant du silo Bertrand 3 à évaluer selon la méthode de l’appréciation directe, du fait selon elle d’une appréciation insuffisante des abattements à appliquer.

Sur le bien-fondé de l’imposition :

2. L’article 1380 du code général des impôts dispose : « La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l’exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ». Selon l’article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d’usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d’exploitation ; / 2° Les ouvrages d’art et les voies de communication () « . Selon l’article 1382 du code général des impôts : » Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : () 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d’exploitation des établissements industriels à l’exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l’article 1381 « . Enfin, aux termes du premier alinéa de l’article 1495 du code général des impôts : » Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d’après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l’évaluation ".

En ce qui concerne les silos Bertrand 1, Bertrand 2 et les installations diverses regroupées sous le numéro d’invariant fiscal 0345317T :

3. La valeur locative des silos « Bertrand 1 », « Bertrand 2 » et des installations diverses regroupées sous le numéro d’invariant fiscal 0345317T a été déterminée par l’administration en fonction de leur prix de revient, en application de l’article 1499 du code général des impôts, selon lequel : « La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l’aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d’intérêt () ».

4. En premier lieu, la société a fait valoir que certains éléments retenus par l’administration pour le calcul de l’imposition en litige devaient être exclus de l’évaluation de la consistance de ces installations, en application des dispositions précitées du premier alinéa de l’article 1495 du code général des impôts et de celles du II de l’article 324 B de l’annexe III au même code, qui dispose : « Pour l’appréciation de la consistance il est tenu compte de tous les travaux, équipements ou éléments d’équipement existant au jour de l’évaluation ».

5. Il résulte de l’instruction et n’est plus contesté que, compte tenu des éléments produits par la requérante, le « prix de revient » du silo Bertrand 2 à retenir pour le calcul de la taxe foncière est de 8 692 383 euros et celui des diverses installations de l’invariant fiscal 0345317T de 622 914 euros.

6. En second lieu, s’agissant du silo « Bertrand 1 », la société requérante a fait valoir en outre que les immobilisations comptables correspondant à la bande transporteuse (tapis roulant) transportant les céréales des silos au quai de chargement, soit un matériel d’outillage nécessaire à l’exploitation mais extérieur aux bâtiments, ne devaient pas être retenues dans le calcul du prix de revient, en application des dispositions du 11° de l’article 1382 du code général des impôts citées au point 2 ci-dessus. L’administration acquiesce à la plupart des demandes de déduction de la société, concluant à un prix de revient total actualisé de 3 716 290 euros. Cette somme n’inclut que partiellement la déduction demandée au titre du tapis roulant, construit en 1976, dès lors que le service estime que ne doivent être retenues que cinq des sept factures produites par la société dans son mémoire en réplique du 28 novembre 2022 pour justifier des sommes investies dans la construction de cet équipement, à l’exclusion des deux factures, d’un montant total de 285 065 euros, dont l’intitulé est « génie civil ». Cependant, il ressort de l’examen de ces sept factures que toutes ont été établies par la même société, en exécution de deux lots d’un même marché du 1er février 1974 portant sur la construction du « transporteur de liaison entre les silos Bertrand et Lombard » et des « galeries de liaison des transporteurs » et que les travaux de « génie civil » litigieux, dont la « construction du plancher de circulation en béton de la galerie », ne se rapportent pas à une voie de circulation au sens du 2° de l’article 1381 du code général des impôts, ni même à un « ouvrage servant de support à un moyen d’exploitation » au sens du 1° du même article mais bien à la construction du transporteur lui-même et de ses galeries « livrées montées et peintes ». Dès lors, la société requérante est fondée à demander que la somme de 285 065 euros soit également déduite du prix de revient calculé par l’administration. Le prix de revient total actualisé du silo « Bertrand 1 » doit ainsi être arrêté à la somme de 3 431 225 euros.

En ce qui concerne le silo « Bertrand 3 » :

7. Le silo « Bertrand 3 », hangar de stockage horizontal de 6 354 m² situé sur le port de La Rochelle au milieu des autres installations de cette société, a été évalué comme local professionnel en 2014 et les années suivantes, par comparaison avec un local type n° 58 en application des dispositions de l’article 1498 du code général des impôts. Compte tenu de la démolition de ce local de référence en 2014 et de l’absence d’autres éléments de comparaison pertinents, l’administration admet que son évaluation doit se faire pour l’année en litige par voie d’appréciation directe en application du 3° de l’article 1498 du code général des impôts.

8. Selon l’article 324 AB de l’annexe III au même code : « Lorsque les autres moyens font défaut, il est procédé à l’évaluation directe de l’immeuble en appliquant un taux d’intérêt à sa valeur vénale, telle qu’elle serait constatée à la date de référence si l’immeuble était libre de toute location ou occupation. / Le taux d’intérêt susvisé est fixé en fonction du taux des placements immobiliers constatés dans la région à la date de référence pour des immeubles similaires ». L’article 324 AC de la même annexe prévoit : « En l’absence d’acte et de toute autre donnée récente faisant apparaître une estimation de l’immeuble à évaluer susceptible d’être retenue sa valeur vénale à la date de référence est appréciée d’après la valeur vénale d’autres immeubles d’une nature comparable ayant fait l’objet de transactions récentes situés dans la commune () / La valeur vénale d’un immeuble peut également être obtenue en ajoutant à la valeur vénale du terrain () la valeur de reconstruction au 1er janvier 1970 dudit immeuble, réduite pour tenir compte, d’une part, de la dépréciation immédiate et, d’autre part, du degré de vétusté de l’immeuble et de son état d’entretien, ainsi que de la nature, de l’importance, de l’affectation et de la situation de ce bien ».

9. L’administration et la société requérante s’accordent sur la valeur de reconstruction du silo Bertrand 3 à la date de référence, hors abattements, et sur le taux d’intérêt à appliquer au sens des dispositions de l’article 324 AB de l’annexe III du code général des impôts.

10. D’une part, s’agissant de l’abattement demandé par la société au titre de la dépréciation immédiate de la construction, l’administration fait valoir qu’il ne s’agit pas d’un silo vertical soumis à une étroite spécialisation pour lequel est en général admis un abattement important. Elle n’apporte pas d’autre justification à son refus de consentir toute réduction à ce titre. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de fixer l’abattement pour dépréciation immédiate à 30% de la valeur de la construction, taux appliqué par l’administration à des hangars similaires à La Rochelle.

11. D’autre part, le hangar en litige est de construction récente et il n’est pas invoqué un mauvais état d’entretien. S’il est de grande taille, affecté au stockage des céréales et enclavé au milieu des installations portuaires de la société requérante sur le port de La Rochelle, cette société ne démontre pas de circonstances justifiant un taux d’abattement pour vétusté, entretien et situation supérieur au taux de 25% proposé par l’administration.

12. Il résulte de tout ce qui précède, d’une part, que le « prix de revient » des installations de la SICA Atlantique retenu pour le calcul de la taxe foncière en litige doit être arrêté à 3 431 225 euros pour le silo Bertrand 1, 8 692 383 euros pour le silo Bertrand 2 et 622 914 euros pour l’invariant 0345317T, d’autre part, qu’aux fins de l’évaluation le silo Bertrand 3 par voie d’appréciation directe, un abattement total de 55% doit être appliqué à la valeur de reconstruction de ce bâtiment. La société requérante est fondée à demander à être déchargée de la cotisation de taxe foncière à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2015 à hauteur de la réduction résultant de cette diminution des bases d’imposition.

Sur les frais liés au litige :

13. L’article L. 761-1 du code de justice administrative dispose : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent et le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».

14. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’État une somme de 1 200 euros à verser à la SICA Atlantique au titre des frais exposés pour son recours au juge.

DECIDE :

Article 1er : Pour le calcul de la taxe foncière afférente aux installations de la société d’intérêt collectif agricole (SICA) Atlantique, le prix de revient des immobilisations industrielles est fixé à 3 431 225 euros pour le silo Bertrand 1, 8 692 383 euros pour le silo Bertrand 2 et 622 914 euros pour l’invariant 0345317T.

Article 2 : Aux fins d’évaluation du silo Bertrand 3 par voie d’appréciation directe, un abattement total de 55% sera appliqué à la valeur de reconstruction de ce bâtiment.

Article 3 : Il est accordé à la SICA Atlantique décharge de la différence entre la cotisation de taxe foncière à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 2015 et celle résultant des articles 1er et 2.

Article 4 : L’Etat versera à la SICA Atlantique une somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à la société d’intérêt collectif agricole Atlantique et à la directrice des finances publiques de la Vienne.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La greffière

signé

C. BOMPAS

La présidente,

signé

S. B

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour le greffier en chef,

La greffière,

signé

D. GERVIER

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