Tribunal administratif de Rennes, Eloignement urgent, 29 avril 2024, n° 2402120

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Rennes, eloignement urgent, 29 avr. 2024, n° 2402120
Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
Numéro : 2402120
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 2 mai 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2024, M. C B, représenté par Me Berthet-Le Floch, demande au tribunal :

1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d’annuler l’arrêté du 13 avril 2024 par lequel le préfet d’Ille-et-Vilaine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée d’un an et l’arrêté du même jour par lequel le même préfet l’a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

3°) d’enjoindre au préfet d’Ille-et-Vilaine de réexaminer sa situation dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement et, dans l’attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d’une autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l’État le versement à son conseil d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire français :

— le signataire de l’auteur de l’acte ne justifie pas de sa compétence ;

— elle méconnait les stipulations de l’article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

— elle procède d’une erreur manifeste d’appréciation dès lors qu’il dispose de garanties de représentation suffisantes.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

— elle est illégale par exception d’illégalité de l’obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne l’interdiction de retour sur le territoire français :

— elle est illégale par exception d’illégalité de l’obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination.

En ce qui concerne la décision l’assignant à résidence :

— elle est illégale par exception d’illégalité de l’obligation de quitter le territoire français ;

— sa situation a été insuffisamment examinée ;

— elle procède d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 avril 2024, le préfet d’Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens soulevés par le requérant n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la convention internationale relative aux droits de l’enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Terras, premier conseiller, pour statuer sur les recours dont le jugement relève des dispositions des articles L. 614-5 et L. 614-7 à L. 614-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Terras,

— les observations de Me Berthet-Le Floch représentant le requérant,

— les explications de M. B, assisté d’une interprète,

— et les observations de M. A représentant le préfet d’Ille-et-Vilaine

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience en application de l’article R. 776-26 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, ressortissant géorgien né le 11 octobre 1988, demande au tribunal d’annuler l’arrêté du 13 avril 2024 par lequel le préfet d’Ille-et-Vilaine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a assorti ses décisions d’une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d’un an ainsi que celle du même jour l’assignant à résidence.

Sur la demande d’admission à l’aide juridictionnelle provisoire :

2. M. B justifiant avoir introduit une demande devant le bureau d’aide juridictionnelle le 15 avril 2024, il y a lieu de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne l’obligation de quitter le territoire français :

3. La décision litigieuse est signée par M. Jean-Christophe Boursin, secrétaire général pour les affaires régionales de la région Bretagne, qui a reçu délégation de signature du préfet de la région Bretagne, préfet d’Ille-et-Vilaine, par arrêté du 21 août 2023 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, afin de signer, entre autres, les décisions d’éloignement. Le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de l’acte doit être écarté.

4. Aux termes de l’article 3-1 de la convention internationale des droits de l’enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

5. La décision litigieuse n’ayant pas pour objet de séparer le requérant de ses enfants qui peuvent l’accompagner dans son pays d’origine et y poursuivre leur scolarité, le moyen tiré de ce que la décision du préfet d’Ille-et-Vilaine aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant doit être écarté.

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation de l’obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

7. Aux termes de l’article L. 612-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " Par dérogation à l’article L. 612-1, l’autorité administrative peut refuser d’accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public ; 2° L’étranger s’est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; 3° Il existe un risque que l’étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet« . Aux termes de l’article L. 612-3 du même code : » Le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ; 2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ; 3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; 4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; 5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ; 6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ; 7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document 8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. "

8. En faisant valoir que le requérant avait déclaré ne pas vouloir rejoindre son pays d’origine, qu’il se maintenait irrégulièrement en France alors qu’il a déjà fait l’objet d’une précédente mesure d’éloignement dont le tribunal a confirmé la légalité et qu’il ne présentait pas de document d’identité ou de voyage en cours de validité, le préfet a pu légalement refuser d’octroyer un délai de départ volontaire à M. B.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation de la décision refusant d’octroyer un délai de départ volontaire doivent être rejetées.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

10. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, il convient d’écarter le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l’illégalité de l’obligation de quitter le territoire français

11. Il en résulte que les conclusions à fin d’annulation de la décision fixant le pays de renvoi doivent être rejetées.

En ce qui concerne l’interdiction de retour sur le territoire français :

12. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, il convient d’écarter le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l’illégalité de l’obligation de quitter le territoire français.

13. Il en résulte que les conclusions à fin d’annulation de la décision fixant le pays de renvoi doivent être rejetées.

En ce qui concerne la décision l’assignant à résidence :

14. Dès lors que l’obligation de quitter le territoire français n’est pas jugée illégale, le moyen tiré de l’exception d’illégalité de cette dernière doit être rejeté.

15. Le moyen tiré de ce que le préfet n’aurait pas procédé à un examen complet de la situation du requérant doit l’être également dès lors que ça ne ressort pas de la décision litigieuse.

16. Le requérant soutient enfin que la décision est disproportionnée et entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en tant qu’elle l’assigne à résidence au sein de la résidence hôtelière « les chênes verts » à la Guerche de Bretagne alors que lui et sa famille vivent sur Rennes. Toutefois, le requérant n’établit pas qu’il a communiqué à l’administration une autre adresse où il aurait pu être assigné. Par suite, M. B n’établit pas que le préfet a pris une mesure disproportionnée eu égard à l’objectif poursuivi d’éviter qu’il se soustraie à l’exécution de la mesure d’éloignement ni qu’elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

17. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation des deux arrêtés du 13 avril 2024, présentées par M. B, doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions à fin d’injonction et de celles présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : M. B est admis à titre provisoire au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de M. B est rejetée.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. C B et au préfet d’Ille-et-Vilaine.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2024.

Le magistrat désigné,

signé

F. TerrasLa greffière d’audience,

signé

J. Jubault

La République mande et ordonne au préfet d’Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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