Tribunal administratif de Toulon, 19 décembre 2014, n° 1404290

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Toulon, 19 déc. 2014, n° 1404290
Juridiction : Tribunal administratif de Toulon
Numéro : 1404290

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE TOULON

N° 1404290

___________

ASSOCIATION MUSULMANE A B

___________

Mme X

Juge des référés

___________

Ordonnance du 19 décembre 2014

__________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le juge des référés

Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2014 sous le n° 1404290, présentée pour l’association musulmane A B, représentée par son président, dont le siège est situé le XXX, XXX à XXX, par Me Faure-Bonaccorsi de la Selas Llc & associés ; l’association musulmane A B demande au juge des référés :

— d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l’arrêté du 17 novembre 2014 par lequel le maire de la commune de Fréjus a ordonné, au nom de l’Etat, l’interruption immédiate des travaux sur la parcelle cadastrée section XXX, située XXX ;

— de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

L’association musulmane A B fait valoir que :

A titre liminaire :

— le maire de la commune de Fréjus lui a délivré, par arrêté du 8 avril 2011, un permis de construire valant permis de démolir en vue de la construction d’une mosquée en lieu et place des garages existants, située XXX ;

— par arrêté du 19 août 2013, le maire de la commune de Fréjus lui a délivré, au visa de l’avis favorable de la sous-commission départementale de sécurité et de la sous-commission départementale d’accessibilité, un permis de construire modificatif en vue de la modification de l’unité foncière supportant le projet en portant sa surface à 2258 m² ainsi que de la modification de sa hauteur et de son implantation ;

— par requête du 19 octobre 2013, toujours pendante devant le Tribunal, la commune de Saint-Raphaël a demandé l’annulation des arrêtés des 8 avril 2011 et 19 août 2013 ; le préfet du Var a également déféré à la censure du Tribunal l’arrêté du 19 août 2013, par une requête enregistrée sous le n° 1401279 ;

Sur l’urgence :

— s’agissant d’un arrêté interruptif de travaux, l’urgence résulte directement de l’objet de la décision attaquée ; en l’espèce, l’urgence est caractérisée, compte tenu du contexte du dossier et plus particulièrement de ce que les travaux sont en voie d’achèvement, par le risque financier résultant de l’arrêt du chantier et de ses obligations envers les entreprises intervenant sur le site, du risque de caducité du permis de construire qui lui a été délivré si les travaux étaient interrompus pendant plus d’un an et de l’intérêt général qui s’attache au projet de mosquée ; elle fait valoir en outre que l’urgence est caractérisée par la nécessité pour l’association et les fidèles fréquentant la mosquée de disposer d’un lieu de culte décent dès lors qu’ils sont pour l’heure contraints d’exercer leur culte dans une tente ; la condition d’urgence apparait parfaitement remplie ;

Sur le doute sérieux :

Au titre de la légalité externe :

— l’article L. 480-2 alinéa 3 du code de l’urbanisme impose qu’une infraction ait été constatée par procès-verbal avant de lancer la procédure aboutissant à l’édiction d’un arrêté interruptif de travaux ; en l’espèce, l’arrêté constatant la caducité du permis de construire du 8 avril 2011 a été édicté le 21 octobre 2014 mais ne lui a été notifié que le 4 novembre 2014, date de retrait du pli postal présenté le 23 octobre 2014 ; par conséquent, avant même que l’arrêté du 21 octobre faisant état de la caducité du permis de construire n’ait été porté à sa connaissance, un procès-verbal d’infraction a été dressé à son encontre ; l’arrêté interruptif de travaux n’ayant pas été précédé d’un procès-verbal d’infraction régulier, il encourt l’annulation ; au surplus, l’arrêté du 21 octobre 2014, qui constitue le fondement du procès-verbal du 30 octobre 2014, étant contesté par l’association devant le tribunal de céans en raison de son illégalité, le procès-verbal est lui-même irrégulier, de même que l’arrêté interruptif de travaux ;

— s’agissant d’une décision motivée au sens de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, l’arrêté interruptif de travaux doit, selon l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, faire l’objet d’une procédure contradictoire ; en l’espèce, le courrier du maire du 31 octobre 2014 octroyant un délai de huit jours à l’association pour faire valoir ses observations a été présenté à l’association par la poste le 4 novembre 2014 et, en l’absence de son destinataire, retiré le 14 novembre 2014 ; il ressort de deux rapports dressés le 10 novembre 2014 qu’un agent de police municipal a sollicité de M. Z, représentant de l’association, la signature de l’accusé de réception de la correspondance du 31 octobre, ce que ce dernier a refusé en indiquant vouloir retirer ce pli à la poste le 12 novembre 2014 ; l’arrêté interruptif de travaux a été pris le 17 novembre 2014, soit plus de huit jours après la notification du courrier du maire, quelle que soit la date de notification retenue ;

Au titre de la légalité interne :

— l’interruption des travaux ne peut être légalement ordonnée si les travaux ou les constructions sont achevés ; l’achèvement est défini comme la date à laquelle l’avancement des travaux est tel que l’immeuble concerné peut être effectivement utilisé pour l’usage auquel il est destiné ; en l’espèce, il ressort du procès verbal de constat d’huissier dressé le 14 novembre 2014 que toutes les élévations de gros œuvres sont achevées et que toutes les fenêtres ont été installées ; le bâtiment était, avant le 17 novembre 2017, hors d’eau et hors d’air ; nonobstant l’absence du dôme et de l’enduit extérieur, la construction doit être réputée pouvant être affectée à l’usage auquel elle est destinée ; l’arrêté attaqué est intervenu tardivement ;

— une déclaration d’ouverture de chantier, qui constitue une présomption de commencement des travaux, a été déposée le 19 février 2013 ; il ressort du constat d’huissier du 5 avril 2013 que des travaux de démolition, de fondation et d’élévation avaient été entrepris avant la date de péremption du permis de construire initial ; ces travaux constituent des travaux significatifs au sens de la jurisprudence ; la décision constatant la caducité du permis de construire est illégale ;

— selon le préfet du Var, le permis de construire modificatif délivré par arrêté du 19 août 2013 constituerait en réalité un nouveau permis de construire ; si le juge des référés entendait suivre cette position, l’arrêté interruptif de travaux serait déclaré illégal, les travaux en cause étant alors réalisés conformément à un permis de construire en cours de validité, lequel n’a été ni annulé, ni suspendu ;

Vu l’arrêté du 17 novembre 2014 portant interruption immédiate des travaux ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 16 décembre 2014, présenté pour la commune de Fréjus, représentée par son maire, par Me Vos de la Selarl LVI avocats associés, qui informe le tribunal du recours hiérarchique exercé par l’association requérante auprès du préfet du Var ;

Vu les pièces complémentaires, enregistrées par télécopie le 16 décembre 2014 et confirmées par télérecours le 17 décembre 2014, présentées pour la commune de Fréjus ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 décembre 2014, présenté par le préfet du Var ; le préfet du Var indique au juge des référés avoir, par courrier du 1er décembre 2014 joint à son mémoire, demandé au maire de la commune de Fréjus de retirer l’arrêté en litige au regard de deux motifs tirés de ce que le procès-verbal d’infraction du 30 octobre 2014 serait infondé tant en fait qu’en droit et du caractère vicié de la procédure contradictoire mise en place préalablement à l’édiction de l’arrêté ; que, de ce fait, il s’en remet à la sagesse du tribunal ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 16 décembre 2014 et confirmé par télérecours le 17 décembre 2014, présenté pour la commune de Fréjus qui conclut au rejet de la requête ;

La commune fait valoir que :

Sur l’irrecevabilité de la requête :

— les statuts de l’association ne comportent pas de clause ni de disposition réservant à un organe le pourvoir de former une action en justice ; à défaut de justifier de l’existence d’une délibération de l’assemblée générale, le président ne pouvait pas régulièrement engager une action en justice au nom et pour le compte de l’association ; la requête au fond est irrecevable pour défaut de qualité pour agir ; par suite, la présente requête en référé est également irrecevable ;

Sur l’urgence :

— contrairement à ce que soutient l’association requérante, il n’y a pas de présomption d’urgence à l’encontre d’un arrêté interruptif de travaux ; l’association requérante ayant déposé la déclaration d’ouverture de chantier près de deux ans après l’obtention du permis de construire initial, elle s’est placé elle-même dans la situation dont elle invoque aujourd’hui le bénéfice ; en tout état de cause, l’association requérante ne peut se prévaloir du fait que les travaux sont en cours de terminaison dès lors que l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme permet d’édicter un arrêté interruptif de travaux tant que les travaux ne sont pas achevés ; l’association requérante ne produit aucun élément de nature à démontrer l’urgence à disposer d’un lieu de culte décent, le préjudice financier qui résulterait de l’arrêt du chantier ou encore l’intérêt général qui s’attacherait au projet de mosquée ; le risque de caducité du permis de construire allégué par l’association requérante est inopérant dès lors que le permis de construire est déjà caduc ; aucun des éléments invoqués par l’association requérante n’est de nature à caractériser une situation d’urgence ;

Sur le doute sérieux :

Au titre de la légalité externe :

— le procès-verbal d’infraction est un acte de procédure pénale dont la régularité ne peut-être appréciée que par le juge pénal ; le juge administratif est compétent pour vérifier la compétence de l’auteur de l’acte, la consistance des faits et la rédaction de l’acte, notamment le respect de l’obligation de motivation ; le moyen tiré de l’irrégularité du procès-verbal en raison du vice de procédure tenant à ce que l’arrêté constatant la caducité du permis de construire a été porté à la connaissance de l’association requérante postérieurement à l’édiction du procès-verbal est inopérant dès lors que cette prétendue irrégularité ne fait pas partie des cas limitativement énumérés pour lesquels le juge administratif peut contrôler la régularité du procès-verbal d’infraction ; au surplus, aucun texte législatif ou règlementaire n’impose que l’arrêté de constat de caducité du permis de construire soit porté à la connaissance du bénéficiaire avant l’établissement du procès-verbal d’infraction ; cette position est confirmée par le fait que le maire n’est pas tenu de notifier au contrevenant le procès-verbal d’infraction qui est dressé ; en outre, l’absence de retrait à la date du procès-verbal est exclusivement imputable à l’association requérante ;

— l’association requérante ne peut se prévaloir de l’irrégularité de l’arrêté de constat de caducité à l’appui d’un recours contre l’arrêté interruptif de travaux car il s’agit de deux actes administratif individuels pour lesquels le recours à l’exception d’illégalité ou à la théorie des opérations complexes ne sont pas admis ; au surplus, le procès-verbal de constat du 30 octobre 2014, acte de procédure pénale, fait écran entre l’arrêté de constat de caducité et l’arrêté interruptif de travaux ;

— les dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 200 ont été parfaitement respectées par la commune ; en effet, par correspondance motivée du 2 octobre 2014, notifié le 8 octobre 2014 , l’association requérante a été informée de l’intention du maire de prendre un arrêté constatant la caducité du permis de construire du 8 avril 2011 et invitée à présenter ses observations dans un délai de 10 jours ; l’arrêté constatant la caducité a été pris le 21 octobre 2014, après que l’association requérante ait, par le biais de son conseil, présenté ses observations ; l’arrêté a été transmis à l’association par correspondance du 22 octobre 2014, présentée le 23 octobre 2014 et retirée le 4 novembre 2014 ; à cette date, l’association ne pouvait ignorer qu’elle n’avait plus le droit de réaliser les travaux sur le fondement du permis de construire qui lui avait été délivré le 8 avril 2011 ; c’est dans ce contexte que le procès-verbal d’infraction a été dressé le 30 octobre 2014 ; le maire a fait part à l’association de son intention de prendre un arrêté portant interruption immédiate des travaux par correspondance du 31 octobre 2014, présentée par la poste le 4 novembre 2014 à l’association, puis le 10 novembre par la police municipale avant d’être retirée le 14 novembre 2014 ; par un rapport du 13 novembre 2014, un agent assermenté a constaté que les travaux étaient toujours en cours et M. Z l’a informé qu’il n’envisageait pas de les interrompre ; compte tenu du refus délibéré de M. Z de prendre connaissance officiellement du contenu de la correspondance du 31 octobre 2014 et de sa volonté de ne pas les interrompre, le maire de la commune de Fréjus a mis en demeure l’association d’interrompre immédiatement les travaux par arrêté du 17 novembre 2014 ; l’association requérante ne peut se prévaloir de l’absence de délai suffisant pour présenter ses observations alors qu’elle a fait tout son possible pour ne pas prendre connaissance du courrier du 31 octobre 2014 ;

Au titre de la légalité interne :

— l’achèvement du gros œuvre de la construction n’est pas suffisant pour justifier d’un achèvement des travaux ; en effet, les travaux soumis à permis de construire ou à déclaration préalable ne constituent pas de simples aménagements permettant de regarder la construction comme achevée ; en l’espèce, il ressort d’un rapport de constatation établi le 25 novembre 2014 que le dôme et les enduits d’étanchéité des murs n’étaient pas terminés et qu’une grue était toujours présente sur le chantier ; les travaux n’étaient ainsi pas achevés ; par courrier du 3 décembre 2014 annonçant des troubles à l’ordre public si le maire ne revenait pas sur sa décision, l’association a reconnu que l’édifice était achevé à près de 90% et la pratique du culte était obstruée ; dès lors, il est constant que la construction n’est pas en état d’être affectée à l’usage auquel elle est destinée ; le moyen tiré de l’achèvement des travaux doit être écarté ;

— le procès-verbal d’infraction, acte de procédure pénale, fait écran entre l’arrêté de constat de caducité et l’arrêté interruptif de travaux ; le moyen tiré de l’absence de caducité du permis de construire du 8 avril 2011 est inopérant ; en tout état de cause, le dépôt de la déclaration d’ouverture du chantier ne vaut pas engagement des travaux de nature à interrompre le délai de validité du permis de construire ; la délivrance d’un permis de construire modificatif est sans effet sur le délai de validité du permis de construire initial ; contrairement à ce que soutient l’association requérante, les travaux réalisés avant la péremption du permis de construire initial n’étaient pas significatifs et n’ont pas été de nature à justifier un commencement d’exécution des travaux au sens des dispositions de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme ;

Sur les frais irrépétibles :

— la commune de Fréjus n’a pas la qualité de partie à l’instance mais celle d’observateur et ne peut par suite être condamnée au versement de frais irrépétibles, ni davantage demander la condamnation d’une partie à lui en verser ;

Vu les pièces complémentaires, enregistrées le 17 décembre 2014, présentées pour l’association musulmane A B ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 décembre 2014, avant l’audience, présenté pour l’association musulmane A B, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, et porte à 5 000 euros la somme qu’elle demande sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle développe les même moyens que précédemment et fait valoir en outre que l’assemblée générale de l’association a autorisé les recours au fond et en référé et donné tout pouvoir à son président pour la représenter et entreprendre les actions utiles ; qu’il est urgent d’achever complètement les travaux afin d’éviter une dégradation de l’ouvrage ; qu’une citation devant le tribunal correctionnel de Draguignan lui a été délivrée visant à faire démonter la tente servant actuellement de lieu de culte ; que la commune de Fréjus ne soutient pas que le procès-verbal du 30 octobre 2014 serait régulier ; que le représentant de l’Etat a souligné le caractère irrégulier du procès-verbal du 30 octobre 2014 dès lors que, faute d’avoir pu pénétré à l’intérieur de la propriété, l’agent verbalisateur n’a pas été en mesure de dire si les travaux en cours se rapportaient au permis de construire délivré en 2011 ou au permis de construire délivré en 2013, actuellement exécutoire ; que des travaux de démolition de trois garages ont été entrepris dans le délai de deux ans de la notification du permis de construire initial et font obstacle à sa caducité ;

Vu les pièces complémentaires, enregistrées le 18 décembre 2014, avant l’audience, présentées pour l’association musulmane A B ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 décembre 2014 avant l’audience présenté pour la commune de Fréjus qui persiste dans ses conclusions antérieures, par les mêmes moyens développés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;

Vu la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la requête numéro 1404289 enregistrée le 3 décembre 2014 par laquelle l’association musulmane A B demande l’annulation de l’arrêté du 17 novembre 2014 ;

Vu la décision par laquelle le président du tribunal a désigné Mme X, vice-présidente, pour statuer sur les demandes de référé ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir, au cours de l’audience publique 18 décembre 2014 à 14 heures 30, entendu :

— le rapport de Mme X, juge des référés ;

— Me Faure-Bonaccorsi de la Selas Llc & associes, représentant l’association musulmane A B qui persiste dans ses conclusions écrites, par les mêmes moyens développés ; il indique en outre au juge des référés que l’autorisation d’implantation du chapiteau a expiré au mois d’août 2014 et que la nouvelle demande d’autorisation est toujours en cours d’instruction ; qu’environ 700 fidèles s’y retrouvent chaque vendredi pour la prière hebdomadaire ; que l’exercice du culte musulman à Fréjus s’est toujours exercé sans incidents ; qu’il y a urgence à suspendre la décision en litige dès lors que les fidèles vont être privés de leur lieu de culte actuel, d’autant plus que les travaux de la mosquée pourraient être achevés dans un délai d’un mois environ ; qu’au surplus, la commune n’établit pas la date de notification du permis de construire du 8 avril 2011 ce qui empêche un constat de caducité au 8 avril 2013 ;

— M. Y, représentant le préfet du Var en vertu d’un mandat du 18 décembre 2014 et, en tant que besoin, entendu sur demande du juge des référés en application des dispositions de l’article R. 731-1 du code de justice administrative ; le préfet persiste dans ses conclusions écrites, par les mêmes moyens développés ; il fait valoir en outre que l’arrêté en litige en entaché d’une double fragilité juridique ; qu’en effet, d’une part, le procès-verbal de constat du 30 octobre 2014 manque de base légale dès lors qu’il est fondé sur le non-respect d’un arrêté de caducité qui n’a été notifié à l’association que le 4 novembre 2014 ; qu’en outre, le procès-verbal n’indique pas si les travaux en cours d’exécution sont fondés sur le permis de construire du 8 avril 2011 ou sur celui du 19 août 2013 ; que, d’autre part, les dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ont été méconnues par la commune de Fréjus dès lors que l’arrêté interruptif de travaux a été pris sans que ne soit respecté le délai qu’elle avait fixé à l’association pour présenter ses observations et ce, même si la date de notification qui devait être retenue était la date de présentation du courrier par la police municipale au représentant de l’association ; qu’il n’a pas souhaité retirer lui-même cet arrêté, le juge des référés ayant déjà été saisi ; que, par suite, il s’en remet à la sagesse du tribunal ;

— Me Vos, pour la commune de Fréjus, qui persiste dans ses conclusions écrites, par les mêmes moyens développés ; il fait valoir en outre que le juge des référés n’est pas le juge des libertés publiques ; que l’objet social tel que défini dans les statuts de l’association ne lui permettait pas de déposer le permis de construire et qu’une association ne peut détenir que des bâtiments nécessaires à son objet social ; que la parcelle d’implantation du projet appartient à une copropriété et non à l’association, ce qui posera des problèmes s’agissant des impositions exigibles ; que bien qu’il soit certain que le permis de construire du 19 août 2013 soit un « faux modificatif » et par suite, un nouveau permis de construire, il n’appartient pas au juge des référés de le requalifier et de se prononcer sur sa légalité ; qu’en tout état de cause, les travaux interrompus par l’arrêté en litige étaient bien exécutés en application du permis de construire initial comme le démontre la « DROC » du 19 février 2013 ; que la situation d’urgence dans laquelle se trouve l’association résulte de son seul fait dès lors qu’elle sait depuis la notification par le préfet du Var de son recours gracieux à l’encontre du permis de construire modificatif de 2013 que le permis de construire initial de 2011 est caduc ; qu’en continuant les travaux, elle s’est mise seule dans la situation qu’elle invoque aujourd’hui ; qu’elle maintient sa fin de non-recevoir tirée de l’absence de qualité pour agir du président de l’association dès lors qu’il entend saisir le juge d’un recours en faux en production de justice contre la délibération qui a été produite en défense ; qu’une pièce tirée de « google maps » et produite par le préfet dans son recours au fond démontre l’absence de commencement de travaux en août 2013 ;

Les parties ayant été informées que l’instruction serait close à l’issue de l’audience en application des dispositions de l’article R. 522-8 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (…) » et qu’aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique (…) » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit (…) justifier de l’urgence de l’affaire » ;

2. Considérant que l’association musulmane A B demande au tribunal d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté du 17 novembre 2014 par lequel le maire de la commune de Fréjus a ordonné, au nom de l’Etat, l’interruption immédiate des travaux d’édification d’un bâtiment destiné au culte musulman sur la parcelle cadastrée section XXX, située XXX ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Fréjus :

3. Considérant qu’en l’absence, dans les statuts d’une association, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l’organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ; que dans le silence des statuts sur ce point, l’action ne peut être régulièrement engagée que par l’assemblée générale, quelles que soient les attributions expressément conférées à cette dernière par les statuts ;

4. Considérant qu’aucune disposition des statuts de l’association musulmane A B ne réserve à un organe de cette association le pouvoir de décider de former une action en justice en son nom ; qu’aucun organe de l’association ne tient des mêmes statuts le pouvoir de la représenter ; que, par une délibération du 29 novembre 2014, l’assemblée générale de l’association requérante a donné pouvoir à son président pour ester et représenter l’association en justice afin de contester les arrêtés des 21 octobre 2014 et 17 novembre 2014 et donner mandat à Me Faure-Bonaccorsi pour introduire tout recours utile devant le tribunal administratif de Toulon, y compris en référé ; que, si la commune de Fréjus a indiqué vouloir saisir ultérieurement le juge d’un recours en faux en production de justice contre cette délibération, elle n’a fait valoir, dans la présente instance, aucun élément de nature à remettre en cause le caractère régulier de cette délibération ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Fréjus tirée du défaut de qualité pour agir du président de l’association manque en fait et doit être écartée ;

Sur l’urgence :

5. Considérant que l’urgence justifie la suspension de l’exécution d’un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; qu’il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des éléments fournis par le demandeur, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue

6. Considérant que l’association requérante soutient que les conditions de la pratique collective du culte musulman se trouvent compromises par la décision attaquée d’interrompre les travaux de construction de la mosquée à Fréjus ; qu’il est constant que la population pratiquant le culte musulman à Fréjus est nombreuse, plus précisément que sept cents fidèles ont vocation à se retrouver tous les vendredis lors de l’appel à la prière ; que la situation alternative à la construction d’une mosquée, en l’occurrence la pratique collective du culte sous un chapiteau, est compromise à très court terme en l’absence de renouvellement de l’autorisation municipale d’installation de ce chapiteau et du déclanchement de poursuites pénales devant le tribunal correctionnel de Draguignan à l’initiative de la municipalité, en raison du maintien de la structure sans autorisation ; qu’en l’état du dossier soumis au juge des référés, il n’est pas allégué qu’il existerait une autre alternative à la pratique collective du culte ; qu’en outre, la décision dont la suspension est demandée, fondée sur la caducité d’un permis de construire délivré en 2011, intervient alors que les travaux de construction de la mosquée, qui ont duré plus de dix-huit mois, sont en voie d’achèvement et que cet édifice pourra être affecté à l’usage auquel il est destiné à un terme d’environ un mois ; que l’association A B établit ainsi que la décision litigieuse porte atteinte de manière grave et immédiate aux intérêts qu’elle entend défendre ;

7. Considérant que la commune de Fréjus n’est pas fondée à soutenir que l’association A B aurait elle-même créé la situation d’urgence à défaut d’avoir débuté les travaux de construction dès l’obtention du permis de construire initial le 8 avril 2011 ; que l’appréciation de l’urgence à laquelle le juge des référés doit se livrer dans la présente instance est celle qui résulte de la décision d’interrompre les travaux de construction et non celle liée au délai d’exécution du permis de construire ; que l’association requérante a contesté la légalité de l’arrêté interruptif de travaux du 17 novembre 2014 dès le 3 décembre 2014 et a demandé sa suspension le même jour; qu’il ne peut donc lui être reproché d’avoir elle-même contribué à créer la situation d’urgence ;

8. Considérant que dès lors que l’association A B est la personne destinataire de l’arrêté interruptif de travaux en litige, les circonstances que ses statuts ne l’autorisaient pas à déposer un permis de construire un lieu de culte et qu’elle ne serait pas propriétaire du terrain d’assiette de la construction, à les supposer établies, ne sont en tout état de cause pas de nature à exclure l’existence d’une situation d’urgence ;

9. Considérant qu’il résulte des points 6. à 8. que la condition d’urgence exigée par les dispositions précitées de l’article L. 521-1 du code de justice administrative est en l’espèce remplie ;

Sur le doute sérieux :

10. Considérant, en premier lieu, que, par courrier du 31 octobre 2014, la commune de Fréjus a donné à l’association requérante un délai de huit jours pour présenter ses observations sur son intention de prendre un arrêté interruptif de travaux ; que ce délai, par lequel la commune était liée, n’a commencé à courir qu’au jour de présentation du pli par la police municipale, soit le 10 novembre 2014, quelle que soit par ailleurs la médiatisation de l’intention de la commune ; que, par suite, le moyen tiré de la violation par la commune des dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 précitée dans l’élaboration de l’arrêté en litige, paraît, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort objectivement de la comparaison des photographies établies dans les deux constats d’huissier du 17 septembre 2009 et du 5 avril 2013, dont la production par l’association est recevable dans le cadre de la présente instance, que trois garages avaient été démolis le 5 avril 2013 et que les fondations avaient débuté ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de caducité du permis de construire du 8 avril 2011 parait, en l’état de l’instruction de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier et qu’il n’est d’ailleurs pas contesté que, dans le cadre de la construction de la mosquée, l’association A B est titulaire d’un permis de construire modificatif délivré le 19 août 2013 en cours de validité, bien que sa légalité soit contestée devant le Tribunal administratif ; que le moyen soulevé à titre subsidiaire, tiré de ce que les travaux interrompus pourraient être regardés comme exécutés en vertu de ce permis qui constituerait en fait un nouveau permis de construire et non un modificatif du permis délivré en 2011, parait, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué ;

13. Considérant que, pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, les autres moyens invoqués par l’association musulmane A B ne paraissent pas, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté attaqué ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;

15. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d’instance ;

O R D O N N E

Article 1er : L’exécution de l’arrêté du 17 novembre 2014 par lequel le maire de la commune de Fréjus a ordonné, au nom de l’Etat, l’interruption immédiate des travaux d’édification d’un bâtiment destiné au culte musulman sur la parcelle cadastrée section XXX, située XXX est suspendue.

Article 2 : Les conclusions présentées par l’association musulmane A B sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l’association musulmane A B, au préfet du Var et à la commune de Fréjus.

Fait à Toulon, le 19 décembre 2014,

Le juge des référés,

Signé

C. X

La République mande et ordonne au préfet du Var, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

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Tribunal administratif de Toulon, 19 décembre 2014, n° 1404290