Tribunal de grande instance de Bobigny, 7e chambre, 2e section, 18 décembre 2015, n° 13/06176

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Bobigny, 7e ch., 2e sect., 18 déc. 2015, n° 13/06176
Juridiction : Tribunal de grande instance de Bobigny
Numéro(s) : 13/06176

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

DE GRANDE INSTANCE

de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 18 DECEMBRE 2015

AFFAIRE 13/06176

N° de MINUTE :

Chambre 7/ section 2

DEMANDEUR

Monsieur C X

[…] […] à […]

représenté par la SCP LANGLAIS & CHOPIN, agissant par Me Sylvie LANGLAIS, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 7

C/

DEFENDEURS

Monsieur H-I Y

[…]

représenté par Me Georges LACOEUILHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0105

LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE SAINT DENIS

[…]

[…]

représentée par Me Maher NEMER de la SELAR BOSSU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R295

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors du délibéré :

Présidente : Solène LORANS, Vice-Présidente, ayant fait rapport à l’audience

Assesseur : Valérie BLANCHET, Vice-Présidente

Assesseur : D E, Juge

DÉBATS

En application de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue, après rapport oral de Madame LORANS, en audience publique du 20 Novembre 2015, tenue par Madame LORANS, Présidente et Madame E, Assesseur, seules, les avocats ne s’y étant pas opposé.

A assisté au débats : Madame REGENT, Greffière

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Mme LORANS, Vice-Présidente, assisté de Madame REGENT, Greffière.

[…]

EXPOSÉ DU LITIGE

M. C X, né le […], déjà opéré d’une hernie inguinale droite en 2000, a consulté en urgence au Centre médico-chirurgical Floréal le 13 septembre 2009 vers 8 heures du matin pour une hernie inguinale droite étranglée.

Il a rencontré vers 12 heures le Docteur H-I Y, chirurgien, qui a programmé une intervention pour le lendemain.

Le 14 septembre 2009 à 10 heures, M. X a été opéré d’une hernie inguinale droite étranglée (au niveau de l’aine) et d’une hernie ombilicale (au niveau du nombril), par laparotomie médiane (ouverture de l’abdomen par incision verticale).

En raison de l’altération de son état général, il a sollicité son transfert à l’hôpital européen de Paris-La Roseraie le 18 septembre 2009. Il a par la suite été à nouveau opéré par un autre praticien d’une éventration douloureuse périombilicale le 7 janvier 2010, puis d’une récidive de hernie inguinale droite avec mise en place d’une prothèse le 12 mars 2012.

Par ordonnance de référé du 7 décembre 2011, une expertise médicale a été ordonnée, confiée au Docteur G A, qui a déposé son rapport le 21 décembre 2012.

Il a conclu en substance que:

— l’intervention effectuée chez M. X par le Docteur Y était une urgence chirurgicale. Elle n’a été effectuée que le lendemain de son admission soit avec 22 heures de retard. En ceci les soins n’ont pas été diligents. Le reste de la prise en charge a été adapté;

- la négligence pré-opératoire qui a consisté à différer l’intervention de 22 heures n’est pas à l’origine de la résection intestinale. Cependant le fait d’avoir laissé une anse grêle nécrosée dans la paroi de M. X pendant 22 heures supplémentaires a très vraisemblablement majoré les phénomènes inflammatoires et infectieux. Ceci a sûrement gêné la cure de hernie inguinale qu’a dû réaliser le Docteur Y. Les phénomènes inflammatoires étaient tels qu’il a dû utiliser des fils résorbables et ne pas mettre de prothèse;

- la récidive de hernie que M. X a développé secondairement et dont il a été opéré le 12 mars 2012 est pour 50% due au caractère étranglé de la hernie initiale et pour 50% au retard fautif à l’intervention.

Par ailleurs, l’expert a retenu au titre des préjudices:

- une consolidation au 12 juin 2012;

- une gêne dans les conditions d’existence de 100% lors des hospitalisations puis partielle;

- un préjudice esthétique de 0,5/7;

- un préjudice lié aux souffrances physiques et psychiques de 1/7;

- pas d’incapacité permanente physique.

Par acte d’huissier en date du 27 mai 2013, M. X a fait assigner M. Y et la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Seine Saint Denis devant le tribunal de grande instance de Bobigny, notamment aux fins de voir ordonner une contre-expertise sur le fondement des articles 232 et suivants du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 22 septembre 2014, M. X demande au tribunal d’ordonner une contre-expertise et de commettre tel expert avec pour mission notamment de:

— décrire son état actuel nonobstant tout élément de responsabilité;

— dire si le retard fautif à l’intervention a pu avoir une incidence sur l’éventration de la laparotomie;

— dire si le retard fautif à l’intervention et les suites anormales qui s’en sont suivies ont pu avoir une incidence sur la dysfonction érectile dont il se plaint encore à ce jour;

— plus spécifiquement, d’évaluer objectivement, en tenant compte des souffrances physiques et psychiques ainsi que des troubles associés qu’il a endurés du jour de l’accident à celui de la consolidation, l’indemnisation au titre de la douleur;

— déterminer le déficit fonctionnel permanent et dans l’hypothèse d’un état antérieur, préciser si cet état a été révélé ou aggravé par l’accident et dire s’il entraînait un déficit fonctionnel permanent avant l’accident, le cas échéant, préciser dans quel délai et à concurrence de quel taux, et dire si en l’absence d’accident, l’état antérieur aurait entraîné un déficit fonctionnel permanent, dans quel délai et à quel taux.

Le demandeur soutient que le rapport d’expertise est très critiquable en ce qu’il manque manifestement de cohérence. Il critique plus particulièrement trois points, l’absence de déficit fonctionnel permanent, l’absence de lien entre le retard à l’opération et l’éventration de la laparotomie médiane et l’évaluation des souffrances endurées, insuffisante selon lui au regard de la réalité objective des soins délivrés. M. X ajoute que l’expert n’a pas répondu de façon adaptée à la mission confiée, à savoir décrire son état réel actuel nonobstant tout élément de responsabilité.

S’agissant plus particulièrement du déficit fonctionnel permanent, M. X considère que la conclusion expertale n’est pas cohérente au regard de ses propres constatations ci-dessus rappelées. Etant donné qu’il existe des séquelles pariétales incontestables, il ne peut être exclu que la récidive de hernie soit au moins due partiellement au retard fautif à l’opération, tout comme l’éventration sur la laparotomie médiane, qui a nécessité une réintervention en janvier 2010. De plus, c’est le préjudice actuel eu égard à la capacité antérieure et non eu égard à l’évolution de la pathologie qui doit faire l’objet d’une évaluation. Enfin, l’expert n’a pas abordé la question de l’état antérieur.

Concernant l’éventration de la laparotomie médiane, le demandeur s’appuie sur les conclusions de son médecin conseil selon lesquelles agir vite aurait possiblement pu l’éviter. Il ne peut être exclu que le choix effectué s’est imposé en raison du retard trop important, qui excluait l’abord chirurgical direct.

M. X ajoute qu’il a fait réaliser des examens depuis l’expertise s’agissant de la dysfonction érectile apparue après l’intervention litigieuse constituant des éléments nouveaux et qu’il apparaît indispensable que le nouvel expert puisse se prononcer sur le lien entre les deux.

Par dernières conclusions signifiées le 20 janvier 2015, le Docteur Y conclut au débouté de M. X et de la CPAM de toutes leurs demandes à son encontre et sollicite la condamnation du demandeur à lui verser la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles et à payer les dépens, en ce compris les frais d’expertise.

Il expose que l’expert a réalisé ses opérations conformément à la mission impartie en répondant point par point aux questions, après deux réunions d’expertise durant lesquelles M. X était présent et assisté. Il ajoute qu’il a répondu précisément au dire déposé par ce dernier reprenant les critiques développées dans ses conclusions.

Selon le défendeur, l’expert a considéré que l’état actuel du demandeur n’était pas en lien avec l’intervention litigieuse ni avec une faute de sa part et n’était que la conséquence de son état antérieur, “l’éventration actuelle correspondant exactement à l’état pariétal antérieur”. Ainsi, il n’avait pas à évaluer un déficit fonctionnel permanent. S’agissant du grief relatif à l’éventration de la laparotomie médiane, le Docteur Y indique que l’expert a répondu au dire déposé en s’appuyant sur de la littérature médicale. Il ajoute que l’expert n’avait pas à évaluer les souffrances liées uniquement à l’état antérieur de M. X.

Le défendeur fait par ailleurs valoir qu’il n’existe aucun élément nouveau depuis l’expertise du Docteur A, les nouvelles pièces versées ne prouvant en rien l’existence et l’étiologie de la dysfonction érectile alléguée et aucun document médical ne remettant en cause les conclusions de ce dernier.

Il conclut que la créance de la CPAM est insuffisamment justifiée faute de pièce établissant l’imputabilité des frais exposés.

Par dernières conclusions signifiées le 17 octobre 2013, la CPAM de Seine-Saint-Denis demande au tribunal de condamner le Docteur Y à lui verser:

— la somme de 827,81 euros à due concurrence de l’indemnité réparant le préjudice corporel de la victime, avec toutes réserves pour les prestations non connues et qui pourraient être versées ultérieurement et intérêts au taux légal à compter de la demande;

— la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles et à payer les dépens, avec application de l’article 699 du code de procédure civile, ce avec exécution provisoire et prise en charge des frais d’huissier en cas d’exécution forcée.

Elle fait valoir qu’elle s’en rapporte à justice s’agissant de la demande de contre expertise, qu’elle a pris le risque en charge au titre de la législation assurance maladie et a versé des prestations à hauteur de 1655,62 euros dans l’intérêt du demandeur pour l’opération du 12 mars 2012, dont elle sollicite le remboursement par moitié, étant donné que la responsabilité du défendeur a été retenue à hauteur de 50% par l’expert.

En vertu de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé complet de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 mars 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur la demande principale de contre expertise

En l’espèce, le rapport d’expertise du Docteur A apparaît complet, objectif et informatif. L’expert a accompli sa mission dans le respect des articles 273 à 281 du code de procédure civile et du principe du contradictoire, après avoir procédé à deux réunions d’expertise et déposé un pré-rapport.

Il en ressort que déjà opéré d’une hernie inguinale droite en 2000, M. X a été opéré le 14 septembre 2009 vers 10 heures par le Docteur Y, alors qu’il présentait une hernie inguinale étranglée et une hernie ombilicale. L’anse intestinale étranglée présentait une nécrose ischémique. Il a été nécessaire de réaliser une laparotomie médiane sous ombilicale, de réséquer 10 centimètres d’iléon et d’effectuer une anastomose digestive. L’ouverture médiane a été fermée en effectuant la cure de hernie ombilicale estimée être de 3 centimètres de diamètre environ. L’incision inguinale n’a pas pu être refermée de façon satisfaisante compte tenu du caractère septique de l’intervention et des antécédents de cure de hernie inguinale. Le Docteur Y a dû utiliser des fils résorbables pour assurer la réparation pariétale.

L’expert a considéré qu’il existait une indication opératoire de M. X en urgence dès son arrivée à l’hôpital, en raison du caractère étranglé de sa hernie inguinale, et que le fait pour le Docteur Y d’avoir différé l’intervention de 22 heures entre sa consultation et l’opération constitue une négligence fautive, étant pour 50% à l’origine de la récidive de la hernie inguinale qui interviendra en mars 2012. En revanche, il a conclu que l’éventration médiane ayant nécessité une reprise chirurgicale le 7 janvier 2010 ne lui était pas imputable.

A l’appui de sa demande de contre expertise, M. X produit essentiellement une note du Docteur B, chirurgien et médecin légiste, en date du 5 février 2013, qui reprend les critiques que son avocat avait formulées dans son dire adressé à l’expert à l’issue de son pré-rapport.

S’agissant du grief tenant à l’absence de lien retenu entre la laparotomie médiane et son éventration, l’expert a précisément répondu au dire sur la base de la littérature médicale, qu’il n’y avait pas de données claires de la littérature concernant un lien entre la nécessité d’une laparotomie et un retard à l’intervention et qu’un abord électif aurait pu être dangereux dans le cas du demandeur, compte tenu de son poids et de sa taille. Le Docteur A avait également indiqué que l’éventration médiane survenue sur la cicatrice nécessaire à la résection du grêle était sans rapport avec le retard imputable au défendeur, mais était la conséquence de cette résection par laparotomie médiane, qui était inéluctable compte tenu du délai dans lequel M. X a consulté. En effet, l’intéressé a présenté des douleurs abdominales dès le 12 septembre 2009 vers 20 heures, mais ne s’est présenté que 12 heures après à l’hôpital. Or l’expert a clairement expliqué, sans être démenti, qu’il est considéré qu’après 6 heures d’évolution d’une hernie étranglée, la vitalité de l’intestin étranglé est mise en jeu avec nécessité de résection intestinale.

Concernant l’absence de déficit fonctionnel permanent, le Docteur A a également répondu au dire, en précisant que le traitement actuel du demandeur était identique à ce qu’il était avant l’intervention de 2009 et que l’éventration actuelle, qui pour lui n’est pas à relier au retard à l’intervention de cure de hernie inguinale, correspondait exactement à l’état pariétal antérieur; soit antérieurement, hernie ombilicale de 3 centimètres, actuellement éventration latéro-ombilicale droite de 3 centimètres de diamètre. Il a également constaté qu’il n’y avait pas de hernie inguinale droite cliniquement perceptible. Ainsi, l’expert a bien décrit l’état actuel de M. X et le fait de n’avoir pas quantifié le déficit fonctionnel permanent antérieur à l’intervention litigieuse ne saurait justifier une mesure de contre expertise.

De plus, le Docteur B ne cite pas d’articles médicaux précis et M. X ne fournit aucun élément nouveau qui permettrait de remettre en cause les conclusions claires et cohérentes de l’expert. Ce dernier avait considéré que la dysfonction érectile était sans lien avec l’intervention et les examens médicaux récents versés ne permettent pas d’établir le contraire. Enfin, s’agissant de l’éventuelle sous-évaluation des souffrances endurées, M. X a la possibilité d’en discuter sans qu’il y ait nécessité d’une nouvelle expertise et l’expert a également répondu au dire sur ce point.

Pour ces motifs, il convient de rejeter la demande de contre expertise de M. X, de renvoyer l’affaire à la mise en état pour présentation de ses demandes concernant la responsabilité et la liquidation de ses préjudices et, dans l’attente, de réserver les demandes des parties, notamment de la CPAM, et les dépens.

PAR CES MOTIFS:

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, mis à disposition au greffe:

Rejette la demande de contre expertise de M. C X;

Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état du Mardi 16 février 2016 à 13h30 (bureau 331) pour dépôt par le demandeur de conclusions récapitulatives sur la responsabilité et la liquidation de ses préjudices;

Réserve les demandes des parties et les dépens.

En foi de quoi, le présent jugement a été prononcé le dix-huit décembre 2015 et a été signé par Solène LORANS, Vice-Présidente et Nadine REGENT, Greffière.

LA GREFFIÉRE, LA PRESIDENTE,

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