Tribunal de grande instance de Bobigny, 7e chambre, 2e section, 29 décembre 2015, n° 13/13987

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Bobigny, 7e ch., 2e sect., 29 déc. 2015, n° 13/13987
Juridiction : Tribunal de grande instance de Bobigny
Numéro(s) : 13/13987

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL

DE GRANDE INSTANCE

de BOBIGNY

JUGEMENT CONTENTIEUX DU 29 DÉCEMBRE 2015

AFFAIRE 13/13987

N° de MINUTE :

Chambre 7/ section 2

DEMANDERESSE

Madame Z Y épouse X

[…]

[…]

représentée par Me Khalifa ADJAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1433

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/012525 du 26/06/2013 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Bobigny)

C/

DEFENDEUR

L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT

Direction des Affaires. juridiques- Teledoc 353

[…] à […]

représentée par la SCP WUILQUE BOSQUE TAOUIL BARANIACK DEWINNE, avocats au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : PB173

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lors du délibéré :

Présidente: Solène LORANS, Vice-Présidente, ayant fait rapport à l’audience

Assesseur : Valérie BLANCHET, Vice-Présidente

Assesseur: A B, Juge

DÉBATS

En application de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue, après rapport oral de Madame LORANS, en audience publique du 20 Novembre 2015, tenue par Madame LORANS, Présidente et Madame B, assesseur, seules, les avocats ne s’y étant pas opposé.

A assisté au débats : Madame REGENT, Greffière

JUGEMENT

Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Mme LORANS, Vice-Présidente, assistée de Madame REGENT, Greffière.

[…]

EXPOSÉ DES FAITS

Mme Z Y était employée par une société exploitant une cafétéria. Le 21 avril 2005, elle a notifié à son employeur un congé parental jusqu’au 30 avril 2006.

Le 8 janvier 2006, le fonds de commerce a été cédé à la société MRH, qui l’a cédé ensuite à la société MAXIFOOD.

A l’issue de son congé parental, Mme Y n’a pu obtenir la reprise de son activité de la part de son employeur.

Le 19 octobre 2007, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société MAXIFOOD.

Le 2 juin 2008, Mme Y a saisi le bureau de jugement du Conseil de Prud’hommes de Bobigny, section commerce, aux fins de solliciter la condamnation de son employeur à l’indemniser.

Le 25 juin 2013, le conseil de Prud’hommes a rendu le jugement de départage.

Par acte d’huissier en date du 21 novembre 2013, Mme Y a fait assigner l’Agent judiciaire du Trésor devant le tribunal de grande instance de Bobigny aux fins de voir déclarer l’Etat français responsable à son égard pour déni de justice sur le fondement des articles 6 paragraphe1 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’homme et L141-1 du code de l’organisation judiciaire, et condamner le défendeur à lui verser, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, les sommes de 5000 euros en réparation de son préjudice matériel, 5000 euros au titre du préjudice moral et 5000 euros au titre des frais irrépétibles, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de Prud’hommes et capitalisation des intérêts.

Elle fait valoir qu’elle a sollicité à maintes reprises la fixation de l’affaire au rôle du bureau de jugement, que plusieurs renvois ont été ordonnés, que le 18 novembre 2010, le greffier a attesté du dysfonctionnement de la juridiction et qu’elle a dû attendre 60 mois et 21 jours pour obtenir un jugement et 16 mois pour le seul audiencement de l’affaire devant la formation de départage, ce qui est un délai anormalement long, constitutif d’une faute lourde. Elle ajoute que l’attente de la décision, les tensions psychologiques et l’incertitude d’obtenir ses indemnités, d’autant qu’elle vivait dans une situation précaire et que la société MRH a disparu, justifient ses demandes d’indemnisation.

Par dernières conclusions signifiées le 3 novembre 2014, l’Agent judiciaire de l’Etat demande au tribunal, s’il admettait l’existence d’un préjudice en raison d’une durée excessive de la procédure estimée à 26 mois, d’allouer à Mme Y à titre de dommages et intérêts une somme qui ne saurait être supérieure à 4400 euros et de réduire la somme sollicitée au titre des frais irrépétibles.

Il ne conteste pas le principe du déni de justice en ce qui concerne le délai écoulé entre la décision de renvoi devant le juge départiteur intervenue le 26 janvier 2009 et l’audience de départage, qui s’est tenue le 2 septembre 2011, soit en l’espèce 32 mois, alors qu’il aurait raisonnablement dû être de 6 mois. Il soutient que les renvois antérieurs et postérieurs n’étaient pas imputables à la juridiction mais aux parties et à l’existence d’une procédure collective d’apurement du passif ayant nécessité d’appeler à la cause un mandataire ad hoc de la société liquidée.

En vertu de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions es parties pour l’exposé complet de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2015. A l’issue de l’audience de plaidoirie du 20 novembre 2015, la décision a été mise en délibéré au 29 décembre 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur la responsabilité de l’Etat

L’article L141-1 du code de l’organisation judiciaire dispose que l’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.

Le déni de justice s’entend de tout manquement de l’Etat à son devoir de protection juridique de l’individu et notamment du citoyen en droit de voir statuer sur ses demandes dans un délai raisonnable, au terme d’un procès au cours duquel il aura été entendu équitablement, conformément aux dispositions de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Ce délai raisonnable doit s’apprécier en fonction des circonstances propres à chaque espèce, notamment de la nature de l’affaire, de son degré de complexité, du comportement de la partie qui se plaint de la durée de la procédure et des mesures mises en oeuvre par les autorités compétentes.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Mme Y a saisi le bureau de jugement du Conseil de Prud’hommes de Bobigny, section commerce, de différentes demandes au mois de juin 2008.

Par décision du 26 janvier 2009, le Conseil de Prud’hommes s’est mis en partage de voix. L’audience de départage a été fixée le 2 septembre 2011, soit plus de deux ans et demi après.

Or, l’article R1454-29 du code du travail prévoit qu’en cas de partage des voix, l’affaire est renvoyée à une audience présidée par le juge départiteur qui doit être tenue dans le mois du renvoi.

Il n’est pas démontré que le délai antérieur au 26 janvier 2009 et postérieur au 2 septembre 2011 soit imputable à la juridiction, compte tenu des demandes de renvois des parties et de l’existence d’une procédure collective d’apurement de passif qui a nécessité la désignation d’un mandataire ad hoc pour représenter la société MAXIFOOD.

En revanche, le délai qui s’est écoulé entre le partage des voix décidé le 26 janvier 2009 et l’audience de départage présidée par le juge départiteur le 2 septembre 2011 n’est dû qu’à l’encombrement du rôle des affaires devant le Conseil de prud’hommes de Bobigny ainsi qu’en atteste le courrier du greffier de la juridiction en date du 18 novembre 2010. Il prive le justiciable de la protection juridictionnelle à laquelle il a droit, étant observé que les procédures prud’homales comportent un enjeu économique important pour les salariés, en droit d’obtenir qu’il soit statué avec célérité sur leurs demandes. C’était plus particulièrement le cas pour Mme Y, qui attendait d’être licenciée pour pouvoir s’inscrire comme demandeur d’emploi.

Ce retard de plus de deux ans et demi excède le délai raisonnable à l’issue duquel un justiciable est en droit de voir juger ses demandes et caractérise le déni de justice allégué. La responsabilité de l’Etat se trouve donc engagée.

Sur l’indemnisation

Par jugement de départage du 25 juin 2013, Mme Y a obtenu la résiliation de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société MRH ainsi que le bénéfice de diverses indemnités. En l’absence de pièces suffisantes, elle ne justifie pas des difficultés d’exécution dont elle fait état ni d’un préjudice matériel déterminé qui lui serait causé, l’attestation ASSEDIC du 15 avril 2013 étant dépourvue d’élément chiffré. Sa demande au titre du préjudice matériel sera donc rejetée.

Son préjudice moral, lié à l’attente de la suite de son procès qui lui a été imposée sans justification est par contre incontestable, d’autant qu’elle justifie que n’ayant pas été licenciée en bonne et due forme, elle n’a pu s’inscrire comme demandeur d’emploi en temps utile, empêchant la perception d’allocations chômage.

Dès lors, il convient de lui allouer la somme de 4 500 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour en vertu de l’article 1153-1 du code civil.

Sur les autres demandes

L’Agent judiciaire de l’Etat, qui succombe, sera condamné aux dépens. Dès lors et en considération de l’équité, il sera condamné à verser à Mme Y la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour en vertu de l’article 1153-1 du code civil.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée sur le fondement de l’article 1154 du même code.

Enfin, il convient d’ordonner l’exécution provisoire de la décision afin de favoriser l’indemnisation de la victime, compte tenu de l’ancienneté des faits.

PAR CES MOTIFS:

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort:

Condamne l’Agent judiciaire de l’Etat à payer à Mme Z Y la somme de

4 500 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour;

Condamne l’Agent judiciaire de l’Etat à Mme Z Y la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil;

Rejette toutes les autres demandes des parties;

Condamne l’Agent judiciaire de l’Etat aux dépens de l’instance;

Ordonne l’exécution provisoire.

En foi de quoi, le présent jugement a été prononcé le vingt-neuf décembre deux mil quinze et a été signé par Solène LORANS, Vice-Présidente et Nadine REGENT, Greffière.

LA GREFFIÉRE, LA PRESIDENTE,

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