Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre 1re section, 17 décembre 2003, n° 02/04999

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 1re ch. 1re sect., 17 déc. 2003, n° 02/04999
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 02/04999

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

1re chambre 1re section

N° RG :

02/04999

N° MINUTE : 8

Assignation du :

19 Janvier 2002

PAIEMENT

5 Expéditions

exécutoires

délivrées le :

JUGEMENT

rendu le 17 Décembre 2003

DEMANDERESSE

Madame D Y épouse X

[…]

[…]

représentée par Me Xavier GRUWEZ, avocat au barreau de PARIS,

vestiaire E0414

DEFENDEURS

Maître L J-K

[…]

[…]

représentée par la SCP RAFFIN-COURBE-GOFARD ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire P133

E F venant aux droits de H I

[…]

[…]

représenté par la SELARL LEFEBVRE REIBELL & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire R 226

Monsieur C Y

[…]

[…]

Monsieur B Y

[…]

[…]

Monsieur A Y

[…]

[…]

représentés par la SCP FAYON MONIQUE-OLIVIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire E 474

MUTUELLE DU MANS ASSURANCES

[…]

[…]

représentée par Me Philippe BOCQUILLON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E1085

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame […], Première Vice-Présidente

Présidente de la formation

Madame M-F. LECLERCQ-CARNOY, Vice-Présidente

Madame C. PORCHER, Vice-Présidente

Assesseurs

assistées de Anne CONSTANTIN, Greffier lors des débats

et de Christelle DANDURAND, Greffier lors du prononcé

DEBATS

A l’audience du 12 Novembre 2003

tenue publiquement

JUGEMENT

Prononcé en audience publique

Contradictoire

En premier ressort

Monsieur et Madame C Y ont le 1er juillet 1988 donné congé pour le 1er janvier 1989 avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction à la société INFORMATION SONORE à laquelle ils avaient donné à bail divers locaux à usage commercial dépendant de l’immeuble 25 rue D’Ibry à Neuilly sur Seine ;

Par jugement en date du 21 janvier 1992 confirmé par un arrêt de la Cour d’Appel de Versailles en date du 17 novembre 1994, le tribunal de grande instance de Nanterrre les a condamnés au paiement d’une indemnité d’éviction de 3 708 844, 78 francs et a déclaré prescrite leur demande en fixation d’indemnité d’occupation formée par conclusions du 18 juin 1991 signifiées par M° J K, avocat, plus de deux ans après la date pour laquelle congé avait été donné ;

Par jugement du 7 avril 1999 aujourd’hui définitif et exécuté, le tribunal de ce siège, après avoir rejeté la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité à agir des consorts Y , en l’absence de l’ensemble des co indivisaires suite au décès de Madame Y née Z, survenu le […], a condamné M° J K à payer à Monsieur C Y, veuf de G Z et Messieurs A et B Y , aux droits de leur père lui même décédé, la somme de 800 000 francs à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de pouvoir percevoir l’indemnité d’occupation réclamée imputable à la faute commise par M° J K ;

C’est dans ces conditions que faisant valoir que les dommages et intérêts alloués par le tribunal aux termes d’une instance dans laquelle elle n’avait pas été partie, n’incluait pas sa part recueillie dans la succession de sa mère, Madame D X née Y a suivant assignation délivrée le 22 juillet 2002, sur et aux fins d’une précédente assignation délivrée les 18, 21 et 23 janvier 2002, fait citer M° J K et son assureur la société H I, ainsi que Monsieur C Y , son père , Messieurs B et A Y ses neveux, aux fins d’entendre dire et juger que M° J K a engagé sa responsabilité professionnelle pour avoir omis d’accomplir les diligences nécessaires à l’interruption du délai de prescription de l’action en paiement d’une indemnité d’occupation due à la suite du congé avec refus de renouvellement susvisé, et l’entendre condamner solidairement avec son assureur à lui payer en réparation du préjudice qu’elle a personnellement subi, la somme de 40 643 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 1999 ;

Aux termes de ses dernières conclusions M° J K conclut à l’irrecevabilité et au mal fondé de toutes les demandes de Madame X, aux motifs :

— que le préjudice subi par l’indivision a été intégralement réparé par la décision du tribunal de ce siège à ce jour exécutée ;

— que Madame X n’a pas la qualité d’usufruitière mais seulement celle de nue propriétaire et ne peut prétendre à aucune indemnisation correspondant à des indemnités d’occupation qui constituent un fruit ;

— qu’en tout état de cause l’action de Madame X est prescrite pour avoir été engagée plus de 10 ans après le 1er janvier 1991, date d’expiration du délai de prescription de l’action en paiement de l’indemnité d’occupation ;

— qu’à la supposer non prescrite, l’indemnisation de Madame X a pour limite les droits qu’aurait obtenu sa mère au titre de la perte de chance pour la période ayant couru entre le 18 juin 1991 et le […] date de son décès ;

elle sollicite subsidiairement la condamnation du E EUROS I COURCELLES ou des MUTUELLES DU MANS attraites dans la cause suivant assignation du 25 septembre 2002 à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre; et en tout état de cause la condamnation de la demanderesse au paiement de la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Les consorts Y qui font valoir que l’indemnité reçue fixée à 800 000 francs tenait compte de leurs seuls droits, concluent à leur mise hors de cause et à la condamnation de la demanderesse à leur payer la somme de 1524, 49 euros chacun à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive , et la somme de 2286, 74 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société E F COURCELLES anciennement H I soulève l’irrecevabilité de Madame X en ses demandes pour défaut de qualité et d’intérêt à agir aux motifs d’une part que le tribunal dans sa décision du 7 avril 1999 a statué sur le fondement d’une perte de chance dont l’appréciation globale est exclusive du nombre de requérants et d’autre part qu’en sa qualité de nue propriétaire du 1/4 de l’immeuble dont s’agit elle ne peut prétendre à des dommages et intérêts correspondant à la non perception d’une indemnité d’occupation qui constitue un fruit revenant au seul usufruitier ;

subsidiairement elle conclut à sa mise hors de cause au motif que la réclamation de Madame X concerne des dommages résultant d’une même cause initiale et d’un même fait générateur ayant donné lieu à une première réclamation formulée en 1998, de sorte que le sinistre doit s’imputer à cette année d’assurance antérieure à la prise d’effet de la police E F COURCELLES le 1er janvier 1999; et sollicite la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

La société MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD conclut à l’irrecevabilité des demandes de Madame X pour les même motifs que ceux soulevés par les autres défendeurs et subsidiairement à sa mise hors de cause, la réclamation de Madame X étant postérieure à la résiliation au 1er janvier 1999 du contrat d’assurance garantissant M° J K ;

Aux termes de ses dernières écritures du 21 mai 2003 , Madame X maintient sa demande initiale et y ajoutant conclut à la condamnation solidaire de M° J K avec la société E F COURCELLES et la société LES MUTUELLES DU MANS au paiement de la somme de 46 653 euros à lui, et subsidiairement à la condamnation de Messieurs C , B et A Y à lui payer la somme de 30 489 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 1999 ;

elle réplique:

— que son action en responsabilité civile fait naître une dette de réparation dont le régime juridique est autonome et qui ne peut être assimilée à l’objet même de l’action dont le résultat était escompté; que cette action en responsabilité née dans le patrimoine de Madame Z sa mère dès le 1er janvier 1991, a été recueillie par elle dans sa succession , de sorte que sa qualité d’héritière suffit à la rendre recevable en sa demande;

— que les premiers juges ont évalué la perte de chance, non pas globalement mais en tenant compte de la réduction des demandes formées par les seuls indivisaires et du préjudice personnellement subi par eux;

— que la prescription de l’action en responsabilité est celle de l’article 2277-1 du Code civil dont le délai de 10 ans court à compter de la fin de la mission de l’avocat , chargé de représenter ou d’assister une partie en justice, soit en l’espèce à compter au plus tôt du 21 janvier 1992 date du jugement ayant déclaré l’action prescrite;

— s’agissant des exceptions opposées par les assureurs, que la date du fait générateur du sinistre est du 1er janvier 1991; que la police souscrite auprès de la société E euros I comporte une clause de reprise du passé

de sorte que les deux assureurs sont solidairement tenus à garantir leur assuré;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que pour avoir expressément rejeté la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité à agir des consorts Y en l’absence de l’ensemble des indivisaires, en considérant que leur action tendait à la réparation d’un préjudice personnel dans la limite de leurs droits successoraux, le tribunal dans son jugement en date du 7 avril 1999 n’ a pas intégralement réparé par l’allocation de la somme de 800 000 francs la perte de chance subie par l’indivision du fait de la faute professionnelle de M° J K, mais seulement celle subie par les demandeurs à l’action ;

que Madame D Y , épouse X, non partie à l’instance ne saurait en conséquence se voir déclarer irrecevable en son action de ce chef ;

Attendu que par ailleurs , aux termes de l’article 2277-1 du Code civil, l’action dirigée contre les personnes légalement habilitées à représenter ou à assister les parties en justice à raison de la responsabilité qu’elles encourent de ce fait se prescrit par dix ans à compter de la fin de la mission ;

qu’en l’espèce et alors que la demanderesse fait justement valoir que l’avocat doit conduire jusqu’à son terme l’affaire dont il est chargé et assurer les suites du jugement, son exécution et l’assistance et le conseil pour l’exercice de la mise en oeuvre des voies de recours, la mission confiée à M° J K s’est bien terminée au plus tôt à la date à laquelle le jugement statuant sur les mérites de la demande d’indemnité d’occupation formée tardivement par l’avocat a été rendu , soit le 21 janvier 1992 ;

que l’action engagée par Madame Y suivant assignation délivrée le 21 janvier 2002 à M° J K , dans le délai de prescription applicable. qui inclut le dernier jour du terme fixé, n’encoure donc pas l’exception de prescription soulevée par M° J K ;

Attendu que M° J K ne conteste pas qu’en s’abstenant de former au nom de ses clients une demande d’indemnité d’occupation dans le délai de la prescription biennale applicable à son action , elle a commis une faute professionnelle engageant sa responsabilité et ouvrant droit à la réparation du préjudice résultant de la perte chance ainsi subie par les consorts Y de percevoir une indemnité d’occupation évaluée sur la base de la valeur locative des locaux objet d’une procédure d’éviction ;

mais attendu que c’est à juste titre qu ‘elle fait valoir que les indemnités d’occupation exigibles constituent un fruit revenant de droit au seul usufruitier et qu’en sa qualité de nue propriétaire de la moitié de la succession de sa mère , décédée le […], Madame D Y n 'a pas qualité à percevoir une indemnisation correspondant à la perte des dites indemnités, à l’exception de celles dont a été privée jusqu’à son décès sa mère dont elle a recueilli les droits ;

qu’il s’ensuit qu’ au titre de l’action en responsabilité née dans le patrimoine de sa mère et du droit à indemnisation de cette dernière au titre des indemnités d’occupation échues jusqu à son décès dont elle a été privée en raison de la faute de M° J K, Madame D Y est fondée à obtenir une indemnité de 6000 euros tenant compte de l’évaluation de la perte de chance par le tribunal dans sa décision du 7 avril 1999 et des droits de la demanderesse dans la succession de sa mère ;

Attendu que M° J K sera en conséquence condamnée au paiement de cette somme et Madame D Y déboutée de sa demande subsidiaire dirigée à l’encontre des consorts Y ;

Attendu qu’aux termes de l’article 7 des conditions générales du contrat d’assurance à effet du 1er janvier 1999 souscrit auprès de H I , aujourd’hui dénommé E F COURCELLES, garantissant la responsabilité civile des avocats du barreau de Val de Marne auquel est inscrit M° J K , la garantie est acquise tant pour les faits antérieur à la prise d’effet du contrat qu’ils soient connus ou non de l’assuré, que pour ceux survenus pendant la durée de celui ci, sous réserve dans tous les cas qu’ils aient donné lieu à réclamation pendant la période de validité du contrat ;

que les conditions de la garantie précédemment souscrite auprès des MUTUELLES DU MANS ASSURANCES dont le contrat a été résilié à effet du 1er janvier 1999 sont identiques ;

Attendu que Madame Y qui a formé sa réclamation suivant assignation délivrée le 18 janvier 2002 à la société H I , soit pendant la période de validité du contrat incluant une reprise du passé , doit être déclarée fondée en sa demande dirigée à l’encontre de celle ci , et les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES fondées en leur demande de mise hors de cause ;

Attendu qu’il sera fait application au profit de Madame Y des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l’équité ne commande pas de faire application au profit des consorts Y des dispositions e l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

que M° J K et la société E EUROS I COURCELLES qui succombent seront déboutés de leurs demandes formées de ce chef ;

Attendu que les circonstances de l’espèce justifient l’exécution provisoire du jugement ;

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal,

statuant publiquement contradictoirement et en premier ressort

Déclare Madame D Y recevable en son action;

Condamne in solidum Madame L J K et la société E F COURCELLES à payer à Madame D Y la somme de 6000 (SIX MILLE) euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la demande en date du 21 janvier 2002, outre la somme de 2500 (DEUX MILLE CINQ CENTS) euros au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Rejette toute autre demande;

Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.

Condamne in solidum Madame L J K et la société E EUROS I COURCELLES aux dépens qui seront recouvrés par M° GRUWEZ, avocat, dans les conditions de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 17 Décembre 2003

Le Greffier

C. DANDURAND

La Présidente

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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