Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 1er décembre 2017, n° 16/10642

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 2e sect., 1er déc. 2017, n° 16/10642
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 16/10642

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3e chambre 2e section

N° RG :

16/10642

N° MINUTE :

Assignation du :

18 Mars 2016

JUGEMENT

rendu le 01 décembre 2017

DEMANDEUR

Monsieur H X

[…]

[…]

représenté par Me O P, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0183

DÉFENDEURS

Monsieur I Y

[…]

[…]

Société EDITIONS DE L’ECLAT

[…]

[…]

Madame J A

[…]

[…]

Monsieur K Z

[…]

[…]

représentés par Maître Emmanuel PIERRAT de la SELARL CABINET PIERRAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0166

COMPOSITION DU TRIBUNAL

François ANCEL, Premier Vice-Président adjoint

Françoise BARUTEL, Vice-Présidente

Marie-Christine COURBOULAY, Vice Présidente

assistés de Jeanine ROSTAL, Faisant fonction de Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 20 Octobre 2017 tenue en audience publique devant François ANCEL, Françoise BARUTEL, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

Contradictoire

en premier ressort

[…]

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Monsieur H X se présente comme un traducteur littéraire.

La société EDITIONS DE L’ÉCLAT se présente comme une maison d’édition indépendante, fondée en 1985 par Monsieur K Z, son gérant, et Madame J A co-directrice de la Collection Philosophie Imaginaire.

Le 15 juillet 2009, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT a conclu avec Monsieur H X un contrat de traduction, portant sur la traduction de l’anglais en français, de l’ouvrage de M N intitulé «Classical and Christian Ideas of World Harmony », publié à Baltimore (Etats-Unis) en 1963, Monsieur H X s’engageant, selon la clause II dudit contrat « à remettre la traduction de l’ouvrage sous forme achevée à la date du 30 novembre 2009 ».

Le 16 novembre 2010, Monsieur H X estimant avoir remis entre le 19 février 2010 et le 25 août 2010 à l’éditeur la traduction de l’ouvrage précité, a mis en demeure la société EDITIONS DE L’ÉCLAT de lui faire connaître, « sous huitaine, ses propositions relatives aux délais de révision » de la traduction transmise le 25 août 2010 et de lui régler la somme de 3 566 euros correspondant, selon ses calculs, au montant dû « à la remise de la traduction ».

L’ouvrage a finalement été publié en avril 2012 mentionnant comme traducteur Monsieur I Y.

C’est dans ces conditions qu’estimant avoir subi une rupture abusive du contrat de traduction du 15 juillet 2009 et que le texte de l’ouvrage comportait de très nombreuses similitudes avec son travail et qu’il était ainsi l’objet d’une contrefaçon, Monsieur H X a fait citer devant le tribunal de grande instance de PARIS par actes d’huissier du 18 mars 2016, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT, Monsieur K Z, Madame J A et Monsieur I Y en réparation de la rupture unilatérale abusive du contrat du 15 juillet 2009 et contrefaçon.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 26 avril 2017, Monsieur X, au visa des articles 1134 à 1135, 1142, 1145, 1146 à 1155, 1183 à 1184, 1382 à 1386 et 2219 à 2254 dans leur ancienne rédaction du Code civil, et L 111-1 à L 111-5, L 112-l à 112-3, L 122-1 à L 122-4, L 131-2, L 131-4, L 132-1 à l 132-17, L 132-17-1 à L 132-17-7, L 335-2 à L 335-3, L 335-6 du Code de propriété intellectuelle, demande au Tribunal de :

Sur la violation et la rupture unilatérale du contrat du 15 juillet 2009 par la Société Editions de l’éclat :

— Dire et juger que Monsieur H X est recevable en toutes ses demandes et d’y faire droit ;

— Dire et juger que la Société Editions de l’éclat a violé le contrat en date du 15 juillet 2009 ;

— Dire et juger que la Société Editions de l’éclat a rompu unilatéralement et brutalement le contrat en date du 15 juillet 2009 au préjudice de Monsieur H X ;

— Condamner la Société Editions de l’éclat à payer à Monsieur H X, la somme de 8553 euros en réparation du préjudice subi ;

Sur les actes de contrefaçon de droit d’auteur détenus par Monsieur X sur la traduction de l’œuvre de Monsieur M N

— Dire et juger que la traduction réalisée par Monsieur X de l’ouvrage de M N, « Classical and Christian Ideas of World Harmony » est protégée par les dispositions des Livres I et III du Code de la Propriété intellectuelle ;

— Juger que Monsieur Y en reprenant à son compte sans l’autorisation de Monsieur X la traduction de l’œuvre originale de M N « Classical and Christian Ideas of World Harmony » qu’il avait remise à la Société Les Editions de l’éclat a commis des actes de contrefaçon des droits patrimoniaux et moraux d’auteur de Monsieur X;

— Juger que la Société Editions de l’éclat en publiant la traduction de Monsieur Y sans l’autorisation de Monsieur X a commis des actes de contrefaçon au détriment de Monsieur X ;

— Juger que Monsieur Z et Madame A, en leur qualité de codirecteurs de la collection Philosophie imaginaire, dans laquelle est parue l’œuvre contrefaisante, ont participé aux actes de contrefaçon en remettant à Monsieur Y le manuscrit de Monsieur X qu’ils avaient reçu le 25 août 2010 ;

— Condamner in solidum la société Editions de l’éclat, Monsieur I Y Madame A et Monsieur Z à verser la somme de 15.000 euros à Monsieur H X en réparation de l’atteinte portée à son droit à la paternité sur la traduction qu’il a réalisée de l’œuvre de M N, « Classical and Christian Ideas of World Harmony » ;

— Condamner in solidum la société Editions de l’éclat, Monsieur I Y Monsieur Z et Madame A à verser la somme de 30.000 euros à Monsieur H X en réparation de la reproduction non autorisée de la traduction qu’il a réalisée de l’œuvre de M N, « Classical and Christian Ideas of World Harmony » ;

— Faire interdiction à la Société Editions de l’éclat et à Monsieur Y d’exploiter, d’éditer, diffuser, distribuer, vendre, exposer l’ouvrage contrefaisant « L’harmonie du monde – Histoire d’une idée » de la collection Philosophie imaginaire qui devra être immédiatement retiré du catalogue des Editions de l’éclat ; et ce sous astreinte de 1.500 € par infraction constatée, dans un délai de 8 jours suivant la signification du jugement à intervenir.

— Ordonner à la Société Editions de l’éclat, de rappeler tous les exemplaires de l’ouvrage contrefaisant encore en vente dans le circuit de la librairie de détail et de procéder à la mise au pilon des ouvrages contrefaisants rappelés et encore en stock sous contrôle d’huissier aux frais de la défenderesse dans un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard,

— Autoriser la publication du texte suivant aux frais des défendeurs :

« Par jugement en date du __________, le Tribunal de Grande instance de Paris a condamné la Société Les Editions de l’éclat, Monsieur Y Monsieur Z et Madame A à verser à titre de dommages-intérêts à Monsieur X la somme de ___________ € et ce, pour avoir commis au préjudice de ce dernier des actes de contrefaçon de droits d’auteur sur sa traduction de l’œuvre de Monsieur M N, « Classical and Christians Ideas of World Harmony» ».dans les pages de l’hebdomadaire professionnel Livres-Hebdo, dans les pages livres, paraissant le samedi, du quotidien Libération et dans les pages du supplément du quotidien Le Monde, intitulé Le Monde des Livres, paraissant le jeudi, sans que le coût total de ces insertions ne puisse excéder la somme de 30.000 euros HT et ce, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours suivant la signification du jugement à intervenir;

— Se réserver la liquidation des astreintes précitées ;

— Condamner la Société Editions de l’éclat, Monsieur Z, Madame A et Monsieur Y à verser à Monsieur X la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

— Condamner la Société Editions de l’éclat, Monsieur Z, Madame A et Monsieur Y aux dépens de la présente instance dont distraction faite au profit de Maître O P, Avocat à la Cour et ce conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

— Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant toute voie de recours et sans constitution de garantie.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 9 juin 2017, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT, au visa des articles 1240 et 2224 du Code Civil, L.111-1, L.112-3 et L.113-2 du Code de propriété intellectuelle et l 32-1 et 700 du Code de procédure civile, demandent au Tribunal de :

SUR L’IRRECEVABILITÉ DES DEMANDES DE MONSIEUR X FONDÉES SUR LA RUPTURE ABUSIVE DE CONTRAT

A titre principal,

F, DIRE ET JUGER que le droit d’agir en justice de Monsieur H X est prescrit depuis le 30 novembre 2015;

En conséquence :

DECLARER irrecevable l’ensemble des demandes, fins et prétentions de Monsieur H X.

A titre subsidiaire,

F, DIRE ET JUGER que la résiliation du contrat de traduction par les Editions de l’éclat le 26 novembre 2010 est bien fondée ;

F, DIRE ET JUGER qu’aucun abus n’a été commis par les Editions de l’éclat dans le cadre de la résiliation du contrat de traduction conclu avec Monsieur H X ;

En conséquence :

DEBOUTER Monsieur H X de l’ensemble des demandes, fins et prétentions.

A titre plus subsidiaire,

F, DIRE ET JUGER qu’aucun préjudice n’a été subi par Monsieur H X ;

En conséquence :

DEBOUTER Monsieur H X de l’ensemble de ses demandes indemnitaires.

SUR L’IRRECEVABILITÉ DES DEMANDES TIRÉES DE LA PRETENDUE CONTREFAÇON

A titre principal,

F, DIRE ET JUGER que Monsieur H X n’identifie pas les passages dont il revendique la protection au titre du droit d’auteur ;

F, DIRE ET JUGER que les Editions de l’éclat ne sont donc pas en mesure d’identifier les faits qui leur sont reprochés;

En conséquence :

DECLARER irrecevables les demandes de Monsieur H X formées au titre du droit d’auteur ;

A titre subsidiaire,

F, DIRE ET JUGER que la traduction inachevée de l’ouvrage Classical and Christian Ideas of World Harmony de M N réalisée par Monsieur H X n’est pas originale ;

En conséquence :

DECLARER irrecevables les demandes, fins et prétentions de Monsieur H X formées au titre du droit d’auteur.

A titre plus subsidiaire,

F, DIRE ET JUGER que l’ouvrage L’Harmonie du Monde : Histoire d’une idée traduit de l’anglais par Monsieur I Y et publié aux Editions de l’éclat n’est pas la contrefaçon de la traduction inachevée de Monsieur H X ;

En conséquence :

DECLARER irrecevables les demandes, fins et prétentions de Monsieur H X formées au titre du droit d’auteur.

En tout état de cause :

F, DIRE ET JUGER que Monsieur H X ne rapporte pas la preuve du préjudice qu’il aurait prétendument subi ;

En conséquence :

DEBOUTER Monsieur H X de l’ensemble de ses demandes indemnitaires.

[…]

F, DIRE ET JUGER abusive la procédure engagée par Monsieur H X ;

En conséquence :

CONDAMNER reconventionnellement Monsieur H X à verser aux Editions de l’éclat la somme de 3.000 euros pour procédure abusive.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

DEBOUTER Monsieur H X de sa demande d’exécution provisoire ;

CONDAMNER Monsieur H X à verser aux Editions de l’éclat, la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 9 juin 2017, Monsieur Z, Madame A et Monsieur Y, au visa des articles L11-1 et L112-3 du Code de la propriété intellectuelle, L223-22 et L223-3 du Code de commerce, et 700 du Code de procédure civile, demandent au Tribunal

de :

DÉCLARER irrecevable et mal fondé Monsieur H X en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

En conséquence,

PRONONCER la mise hors de cause de Monsieur K Z, Madame J A et Monsieur I Y ;

DÉBOUTER Monsieur H X de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

En tout état de cause,

DEBOUTER Monsieur H X de sa demande d’exécution provisoire ;

CONDAMNER Monsieur H X à verser à Monsieur K Z, Madame J A et Monsieur I Y, la somme de 5.000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La veille de l’ordonnance de clôture, Monsieur H X a déposé de nouvelles conclusions et pièces.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2017, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT a demandé au juge de la mise en état d’écarter pour tardiveté des débats les conclusions récapitulatives de Monsieur H X signifiées le 11 octobre 2017 ainsi que les pièces nouvelles visées au soutien de ces dernières et non communiquées référencées 15 à 23, ce à quoi le juge de la mise en état a fait droit.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de mise hors de cause de Monsieur Z, Madame G et Monsieur I Y ;

Monsieur Z prétend qu’il doit être mis hors de cause aux motifs que la responsabilité personnelle d’un dirigeant à l’égard des tiers ne peut être retenue que s’il a commis une faute séparable de ses fonctions et qu’il en est ainsi uniquement lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute détachable des fonctions de direction et d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales. Il considère que Monsieur H X ne rapporte pas la preuve de la réunion de ces trois conditions.

Madame A soutient que l’argument tiré de sa fonction de codirectrice ne suffit pas à caractériser des agissements fautifs de contrefaçon, et pas davantage la simple connaissance de la traduction de Monsieur H X. Elle considère qu’aucune preuve de la participation matérielle aux actes de contrefaçon allégués n’est rapportée par Monsieur H X qui procède par simple affirmation.

Monsieur Y considère qu’il a réalisé une traduction entièrement nouvelle de l’œuvre de M N, les ressemblances entre la traduction du demandeur et la sienne n’étant que le résultat du devoir du traducteur de rester fidèle à l’œuvre d’origine. Il avance ainsi que le délai de deux ans et les importants frais engagés par la société éditrice prouvent qu’il a écrit lui-même la traduction de telle sorte qu’il ne peut être poursuivi pour contrefaçon et doit être mis hors de cause.

En réponse, Monsieur H X rappelle le rôle principal joué par Monsieur Z dans les manœuvres qui selon lui ont conduit à son éviction ainsi que la qualité de codirectrice de Madame A de la collection dans laquelle l’œuvre contrefaisante a été publiée et soutient que Monsieur Y ne peut être mis hors de cause alors qu’il lui est reproché des actes de contrefaçon.

Sur ce ;

Une partie est fondée à solliciter sa mise hors de cause, avant l’examen au fond de la demande, lorsqu’elle justifie ne pouvoir être à quelque titre que ce soit concernée par l’action en justice engagée par le demandeur, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le fond du droit pour apprécier du bien fondé des demandes formulées à son encontre.

En l’espèce, il est constant que le contrat d’édition litigieux a été conclu entre Monsieur H X et la société EDITIONS DE L’ÉCLAT de telle sorte que pour justifier de la mise en cause de Monsieur Z ou de Madame A, il convient de justifier de fautes personnelles commises par ces derniers et notamment pour Monsieur Z d’une faute détachable de ses fonctions de gérant.

A cet égard, il convient de F que Monsieur H X soutient que le comportement de Monsieur Z a été malhonnête et constitutif d’un abus de droit. Sa mise hors de cause ne peut être ainsi décidée sans procéder à un examen au fond de la demande de telle sorte que sa demande de mise hors de cause sera rejetée.

Il en est de même de la demande de mise hors de cause de Monsieur Y, celui-ci ayant écrit l’ouvrage contre lequel il est invoqué des actes de contrefaçon des droits d’auteur de Monsieur H X.

En revanche, la mise en cause de Madame A du fait de sa seule qualité de codirectrice de la collection Philosophie imaginaire dans laquelle est parue l’œuvre prétendue contrefaisante, sans étayer aucunement cette qualité de la preuve d’agissements personnels de contrefaçon, ne peut suffire à caractériser une faute de cette dernière.

Il sera en conséquence fait droit à la demande de mise hors de cause de Madame A.

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action fondée sur la rupture abusive du contrat du 15 juillet 2009 ;

La société EDITIONS DE L’ÉCLAT fait valoir que la rupture du contrat de traduction a été notifiée à Monsieur X par courrier en date du 26 novembre 2010, lequel a été reçu par ce dernier le 29 novembre 2010, de sorte qu’il disposait d’un délai de 5 ans conformément à l’article 2224 du Code civil, à compter de la date de réception de ce courrier pour agir, action qu’il n’a intentée qu’en mars 2016, soit postérieurement à l’expiration du délai échu au 30 novembre 2015.

Sur ce,

En application de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Cependant, il ressort des dispositions de l’article 38 du décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique que lorsqu’une action en justice doit être intentée avant l’expiration d’un délai devant la juridiction du premier degré, l’action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter de la notification de la décision d’admission provisoire ou de la date à laquelle la décision d’admission ou de rejet de la demande est devenue définitive.

En l’espèce, si la société EDITIONS DE L’ÉCLAT a notifié à Monsieur H X le 26 novembre 2010 la résolution du contrat d’édition conclu le 15 juillet 2009 et que Monsieur H X a contesté cette résolution par une assignation délivrée le 18 mars 2016, soit plus de 5 ans après avoir eu connaissance des faits lui permettant d’exercer cette action, il justifie avoir formé une demande d’aide juridictionnelle le 25 novembre 2015 et que la décision d’admission à l’aide juridictionnelle a été rendue le 19 janvier 2016.

Dès lors, en application de l’article 38 précité, la demande d’aide juridictionnelle ayant été formée avant l’expiration du délai de 5 ans susvisé, l’action en responsabilité contractuelle engagée contre la société EDITIONS DE L’ÉCLAT est réputée avoir été intentée dans ce délai, la demande en justice ayant été introduite avant l’expiration d’un nouveau délai de 5 ans à compter de la notification de la décision d’admission.

En l’état de ces constatations, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action sera rejetée.

Sur la responsabilité contractuelle de la société EDITIONS DE L’ÉCLAT dans la rupture du contrat du 15 juillet 2009 ;

Monsieur X, qui considère que le comportement de Monsieur Z, depuis la signature du contrat et pendant toute la durée de son exécution manque d’honnêteté, soutient que la société EDITIONS DE L’ÉCLAT n’a pas respecté la clause VII de son contrat en ne lui faisant aucun versement d’un à-valoir au jour de la signature du contrat et en ayant refusé lors de la remise des deux derniers chapitres de la traduction de l’ouvrage de lui verser la somme qui lui était encore due, soit 3566 euros. Il expose en outre que la société EDITIONS DE L’ÉCLAT n’a pas respecté l’article III du contrat quand elle a entendu vouloir le priver de son droit prioritaire de réviser le texte de sa traduction, cela dans le seul but de diminuer le volume du texte traduit et annoté par ses soins et de ramener, en conséquence, sa rémunération totale à 8000 euros, ce qui est constitutif selon lui d’un abus de droit de la part de Monsieur Z et contraire à une exécution de bonne foi du contrat.

Monsieur X fait valoir qu’un second abus de droit a été commis par Monsieur Z en procédant à la rupture unilatérale du contrat du 15 juillet 2009 sans notification et sans respect du délai de préavis, qui, à défaut d’être fixé par le contrat, doit être raisonnable.

Il considère qu’en raison des termes contradictoires et équivoques de ce courrier, il ne pouvait emporter par lui-même résiliation du contrat et précise que ce courrier met en évidence le caractère d’abus de droit de la rupture unilatérale qui a été accomplie ultérieurement ainsi que la mauvaise foi dont elle procède. Il expose notamment que la société EDITIONS DE L’ÉCLAT ne pouvait lui opposer une remise tardive de la traduction dès lors que le contrat du 15 juillet 2009 avait été tacitement reconduit et était devenu un contrat à durée indéterminée. Il ajoute qu’il ne pouvait lui être reproché une traduction défectueuse alors qu’elle avait été considérée comme achevée par la société EDITIONS DE L’ÉCLAT et que celle-ci n’a pas respecté la faculté de révision qui était accordée par le contrat. Monsieur H X estime que la rupture du contrat du 15 juillet 2009 s’analyse en une rupture unilatérale dont les conditions encadrées par la jurisprudence ne sont pas en l’espèce remplies faute d’avoir été précédée d’une notification et du respect d’un préavis. Il considère que cette rupture a été brutale et qu’elle a été poursuivie pour permettre à la société EDITIONS DE L’ÉCLAT de se soustraire de ses obligations et de le priver par tous moyens d’une partie importante de sa rémunération.

En réponse, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT fait valoir que la rupture du contrat de traduction intervenue par courrier du 26 novembre 2010 est bien fondée. Elle précise qu’elle a elle-même exécuté ses obligations contractuelles aux motifs que si le contrat prévoyait initialement trois versements, les parties ont décidé après modification du contrat que la rémunération se ferait sous paiement échelonné, paiement dont la société s’est acquittée de sorte que Monsieur X ne saurait sérieusement lui reprocher de ne pas s’être acquittée, en une fois, de la première fraction de l’à-valoir due à la signature du contrat. Elle ajoute que la deuxième fraction de l’à-valoir due à la remise de la traduction n’a pas été versée dès lors qu’elle n’a jamais disposé d’une traduction sous sa forme achevée et complète de l’ouvrage.

La société EDITIONS DE L’ÉCLAT considère que Monsieur X n’a quant à lui pas respecté son obligation contractuelle en raison de la non-conformité de la traduction inachevée aux principes d’édition qu’elle avait fixés étant rappelé que la traduction est une œuvre dérivée dont la direction technique et littéraire de l’ouvrage incombe à l’éditeur. Elle rappelle également que Monsieur X a exécuté son obligation contractuelle avec retard dans la mesure où il aurait dû remettre la traduction de l’ouvrage sous sa forme achevée à la date du 30 novembre 2009 et que ce n’est que le 25 août 2010 et après maintes relances que Monsieur H X a remis l’essentiel de la traduction et non sous sa forme totalement achevée. Elle précise qu’après avoir relancé le traducteur le 27 septembre 2010 pour qu’il adresse les citations manquantes et autres points, ce dernier n’a pas accepté de s’exécuter. Elle expose ainsi n’avoir jamais disposé d’une traduction complète et achevée de l’œuvre. La société EDITIONS DE L’ÉCLAT considère ainsi que la résiliation du contrat était légitime et ce au regard de la clause de résiliation unilatérale intrinsèque au contrat de traduction insérée à l’article 5 du contrat ainsi que des usages de la profession. Elle se défend aussi de toute faute dans la rupture du contrat intervenue par lettre du 26 novembre 2010 puisque ce droit de résiliation a été exercé sans aucun abus, aucune intention de nuire au traducteur ni aucune mauvaise foi n’étant établie.

Sur ce ;

Aux termes du contrat d’édition conclu le 15 juillet 2009 entre la société EDITIONS DE L’ÉCLAT et Monsieur H X portant sur la traduction de l’anglais en français de l’ouvrage de M N intitulé «Classical and Christian Ideas of World Harmony », publié à Baltimore (Etats-Unis) en 1963, Monsieur H X s’est engagé selon la clause II dudit contrat « à remettre la traduction de l’ouvrage sous forme achevée à la date du 30 novembre 2009 ».

En application de la clause III de ce contrat, l’éditeur « est juge de la qualité de la traduction. Il peut refuser la traduction pour des raisons de qualités et subordonner son acceptation à une révision de texte. Il doit en aviser prioritairement le traducteur. Si le traducteur accepte de revoir lui-même sa traduction, il perçoit les droits prévus au contrat sans diminution ni augmentation. Les délais de révision et de paiement du solde sont fixés d’un commun accord. Lorsque le traducteur refuse de revoir sa traduction, l’éditeur peut la confier à un tiers. Les droits d’auteur prévus au contrat de traducteur sont alors répartis entre le traducteur et le tiers réviseur en fonction de leur participation respective à la traduction achevée et acceptée ».

Selon la clause V de ce contrat, « l’éditeur doit accepter la traduction, la refuser ou demander son remaniement dans un délai de 3 mois. Ce délai court à compter de la remise de la traduction ».

En outre, il ressort de la clause VII du contrat qu’un « à-valoir calculé sur la base de 22 euros brut par page de 1500 signes (décompte ordinateur), sur droits d’auteur s’élevant à 1% du prix public, soit pour cet ouvrage une somme payée en trois versement :

— à la signature

- à la remise de la traduction

— le solde à l’acceptation de la traduction cf. § V ».

Il convient de F que, contrairement à ce que soutient la société EDITIONS DE L’ÉCLAT, le contrat d’édition litigieux ne comporte aucune clause résolutoire expresse en cas de non respect par le traducteur de ses obligations notamment quant au respect des délais de remise du manuscrit à l’éditeur.

A cet égard, la clause V susvisée ne peut être analysée comme tel, le refus d’acceptation de la traduction étant une prérogative reconnue à l’éditeur qui n’est pas nécessairement liée à l’inexécution de ses obligations par le traducteur mais dépendant de l’appréciation que l’éditeur fait sur ce travail et de son choix de procéder in fine à sa publication. De même, si l’article 2 alinéa 4 du code des usages pour la traduction d’une œuvre de littérature générale dispose que « si le traducteur ne remet pas le manuscrit dans le délai convenu, et après mise en demeure fixant le délai supplémentaire et raisonnable, le contrat est rompu à l’initiative de l’éditeur », cet usage ne peut se substituer à une clause résolutoire que les parties n’ont pas entendu insérer dans leur contrat.

En l’absence d’une telle clause résolutoire, il appartient en conséquence au tribunal d’apprécier souverainement en cas d’inexécution alléguée, si cette inexécution à la supposer établie, est suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résolution du contrat.

En l’espèce, il ressort des pièces versées que par lettre en date du 16 novembre 2010 Monsieur H X, faisant valoir à la société EDITIONS DE L’ÉCLAT qu’elle disposait depuis le 25 août 2010 de la traduction de l’ouvrage précité, a mis en demeure celle-ci de lui « faire connaître sous huitaine (ses) propositions relatives aux délais de révision et de paiement du solde qui (lui) reste dû à l’expiration du délai de révision » et de lui régler la somme de 3 566 euros correspondant au solde restant dû déduction faite des versements effectués à hauteur de 4500 euros.

En réponse à cette lettre de mise en demeure, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT, aux termes d’un courrier recommandé en date du 26 novembre 2010, faisant valoir qu’elle ne disposait pas à cette date de la traduction complète de l’ouvrage, refusant de lui confier la relecture de la traduction estimant qu’il en était « strictement incapable » et rappelant à Monsieur H X qu’il était tenu de la remettre le 30 novembre 2009, lui a indiqué être « en droit de considérer ce contrat comme rompu, et vous le signifie par cette lettre recommandée », termes qui doivent être considérés sans équivoque comme étant constitutifs de la date à laquelle le contrat a été rompu par la société EDITIONS DE L’ÉCLAT.

Aux termes de ce même courrier, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT a indiqué à Monsieur H X qu’il confierait la « traduction à quelqu’un d’autre » et qu’il entamerait « des démarches pour que le versement de 4500 euros (lui) soit remboursé à moins que » Monsieur H X accepte « de ne pas réviser la version incomplète et fautive (…) adressée » et « de percevoir un montant duquel j’aurai déduit les frais occasionnés par la révision ».

Sur le non respect de l’obligation de remise de la traduction dans les délais ;

Il est constant en l’espèce que Monsieur H X n’a pas livré la traduction le 30 novembre 2009 conformément à ses engagements contractuels, les nombreux échanges entre les parties permettant de F que la traduction a été remise à la société EDITIONS DE L’ÉCLAT en plusieurs fois, après des relances de l’éditeur, le 24 mai 2010 puis le 23 juin 2010, et en dernier lieu le 25 août 2010, date à laquelle Monsieur H X lui a adressé les derniers chapitres 4 et 5 en précisant toutefois dans son courriel de transmission qu’il « reste des citations à traduire ».

Cependant, le non respect de ce délai n’a pas conduit la société EDITIONS DE L’ÉCLAT, conformément aux usages de la profession qu’elle invoque par ailleurs, à rompre le contrat après une mise en demeure « fixant un délai supplémentaire et raisonnable » de telle sorte qu’en laissant Monsieur H X poursuivre son travail de traduction, elle a nécessairement consenti à la poursuite du contrat en accordant ainsi tacitement des délais complémentaires au traducteur et qu’il ne peut être, sans excès, exciper de ce seul retard, auquel l’éditeur avait consenti et qui a donc conduit le traducteur à poursuivre son travail de traduction, pour justifier aujourd’hui la résolution du contrat, ce d’autant qu’au surplus, il établi également que la société EDITIONS DE L’ÉCLAT ne s’est pas acquittée de la première fraction de l’à valoir due au traducteur à la signature du contrat, les premiers versements n’ayant été réalisés qu’à compter du mois d’octobre 2009 jusqu’au mois de mars 2010 et ayant porté sur un montant total de 5 000 euros.

Sur les défauts allégués de qualité de la traduction réalisée par Monsieur H X ;

Il convient de rappeler qu’en application de la clause III du contrat conclu entre les parties, l’éditeur « est juge de la qualité de la traduction. Il peut refuser la traduction pour des raisons de qualités et subordonner son acceptation à une révision de texte ».

De même, aux termes de la clause V de ce contrat, « l’éditeur doit accepter la traduction, la refuser ou demander son remaniement dans un délai de 3 mois. Ce délai court à compter de la remise de la traduction ».

Il ressort des échanges entre Monsieur H X et la société EDITIONS DE L’ÉCLAT, qu’au moins jusqu’au mois d’avril 2010, cette dernière était plutôt satisfaite du travail de Monsieur H X reconnaissant notamment aux termes d’un courriel daté du 8 avril 2010 concernant les premiers chapitres que « la première lecture est très satisfaisante ».

En revanche, cette appréciation a évolué après la remise des chapitres suivants, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT ayant dans un premier courriel du 17 juin 2010 contesté l’option adoptée par Monsieur H X de rétablir les citations qui figurent dans le livre de M N au risque selon l’éditeur de dénaturer son texte, et préférant donc s’en tenir à une traduction de la citation telle que l’auteur la mentionne quand bien même elle serait erronée afin de respecter son œuvre

De même, par courriel en date du 23 juin 2010, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT a fait part à Monsieur H X, concernant les chapitres 2 et 3, d'« imprécisions » relevées estimant que « sous cette forme les chapitres sont encore à l’état de brouillon », faisant état de « notes » qui ne sont pas placées comme convenu (à savoir en bas de page) et de « traductions ajoutées qui ne sont pas entre crochets ».

Puis le 30 août 2010, après la remise des chapitres 4 et 5, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT en la personne de Monsieur Z, a adressé plusieurs remarques sur la qualité du travail accompli et notamment sur la différence « d’approche » entre eux sur ce que devait être la traduction d’un texte en français et estimant que le résultat était « une copie de traduction sur laquelle j’ai encore plusieurs semaines (voire quelques mois) de travail », Monsieur Z se proposant de reprendre lui-même le travail.

Aux termes de ce courriel, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT a détaillé les motifs faisant notamment valoir que la traduction proposée était trop « diluée » de telle sorte que le nombre de signes pouvait être singulièrement réduit (par exemple la traduction du terme « antiquity » par « les croyances des hommes du monde ancien ») pour parvenir à un total de 600 000 signes et ce afin notamment de revenir au style plus direct de M N ; que contrairement à ce qui lui avait été demandé en juin 2010, Monsieur H X a intégré les références de chaque article, livre, dictionnaire, dans le texte ce qui selon la société EDITIONS DE L’ÉCLAT a pour effet de « gêner considérablement la lecture déjà complexe de l’ensemble » ; suggérant de supprimer les notes en bas de page « quand il ne s’agirait que de nouvelles références bibliographiques » ; estimant que la traduction de Dante reprise de celle de Q R est « fautive » de telle sorte qu’il faudra « reprendre toutes les références de Dante pour les remplacer par une traduction fiable » ; reprochant enfin des « approximations » ou l’usage d’un français « précieux » alors que l’anglais de L. N est « brut ».

Il ressort de ces éléments que si Monsieur H X a considéré avoir remis une traduction de l’ouvrage sous forme achevée le 25 août 2010, outre le fait qu’il précisait lui-même avoir encore quelques citations à traduire, il est manifeste que la société EDITIONS DE L’ÉCLAT, n’a pas entendu accepter en l’état ce travail, pour des motifs qui ont été précisés à Monsieur X, estimant nécessaire un remaniement de celui-ci.

Cependant, malgré ces observations, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT n’a pas entendu à cette date expressément refuser le travail de Monsieur H X, reconnaissant aussi qu’il ne « conteste nullement le travail de recherche accompli. C’est excellent » et précisant que « ce travail n’est évidemment pas inutile » mais souhaitant en revanche se charger personnellement de la révision de ce texte sur les bases indiquées ci-dessus afin notamment de réduire l’ensemble à environ « 600 000 signes » et proposant à Monsieur H X de lui soumettre une « épreuve digne de ce nom pour relecture », cette réduction du nombre de signes devant conduire à évaluer sa rémunération à hauteur de 8 000 euros.

Ce faisant, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT qui s’inscrivait dans un processus non de refus de l’ouvrage mais de révision de celui-ci, n’a pas respecté les termes du contrat du 15 juillet 2009, dès lors que si la clause III stipule que l’éditeur peut « subordonner » l’acceptation de la traduction « à une révision de texte », cette clause précise que dans ce cas « Il doit en aviser prioritairement le traducteur. Si le traducteur accepte de revoir lui-même sa traduction, il perçoit les droits prévus au contrat sans diminution ni augmentation. Les délais de révision et de paiement du solde sont fixés d’un commun accord. Lorsque le traducteur refuse de revoir sa traduction, l’éditeur peut la confier à un tiers. Les droits d’auteur prévus au contrat de traducteur sont alors répartis entre le traducteur et le tiers réviseur en fonction de leur participation respective à la traduction achevée et acceptée ».

En l’espèce, bien que ne refusant pas expressément la traduction de Monsieur H X mais en lui imposant de procéder elle-même à sa révision et de déduire les frais liés à cette révision, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT a méconnu les termes du contrat en empêchant Monsieur H X de procéder lui-même au remaniement de sa traduction, qui, en dépit de ce qu’elle nécessitait encore des ajustements, au demeurant essentiellement formels afin de satisfaire aux exigences éditoriales souhaitées par l’éditeur ainsi que l’ajout de traductions de citation, constitue un ouvrage proche de l’aboutissement, comportant plus de 260 pages dactylographiées consacrées à l’étude du concept d’harmonie du monde et impliquant celle d’un « champ sémantique qui s’est constitué à des époques et dans des littératures différentes » ayant donné lieu à un ouvrage de M N comprenant 205 pages dans l’édition de 1963 (hors notes) et ayant ainsi nécessité la traduction de multiples citations dans plusieurs langues anciennes et modernes, révélateur de l’ampleur du travail accompli.

Ces agissements ainsi que la rupture du contrat subséquente par la société EDITIONS DE L’ÉCLAT caractérisent dès lors une violation des engagements contractuels de la société EDITIONS DE L’ÉCLAT qui justifient de prononcer la rupture du contrat aux torts de cette dernière.

Il convient en conséquence de condamner la société EDITIONS DE L’ÉCLAT à payer à Monsieur H X, eu égard au prix fixé par le contrat (22 euros brut par page de 1500 signes) et nombre de signes fixés à 700 000 pour tenir compte des ajustements souhaités par l’éditeur une somme qu’il convient de fixer à 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi, déduction faite de la somme de 5 000 euros d’à valoir d’ores et déjà versés.

En revanche, la responsabilité personnelle de Monsieur Z n’a pas lieu d’être engagée, celui-ci ayant agi en sa seule qualité de gérant de la société EDITIONS DE L’ÉCLAT et ce alors que les décisions qu’il a pu prendre l’ont été en considération d’un contexte financier délicat de la maison d’édition qu’il dirige et s’inscrivent manifestement dans une ligne éditoriale exigeante.

Même si ces circonstances ne justifient nullement la tenue de propos dépourvus d’élégance et de nuance, voire même parfois blessants sur la qualité d’une prestation ou d’un comportement (« vous en êtes strictement incapable » à propos de la demande de révision par Monsieur X de son texte), ils ne sont pas de nature à caractériser une faute détachable de ses fonctions.

Sur l’action en contrefaçon

Sur l’irrecevabilité tirée du défaut d’identification des passages et d’originalité de l’ouvrage dont la protection au titre du droit d’auteur est revendiquée ;

La société EDITIONS DE L’ÉCLAT soutient que contrairement aux exigences légales et jurisprudentielles, Monsieur H X se dispense d’identifier avec précision les passages et expressions dont il revendique la protection, ce dont il résulte qu’il n’identifie pas les éléments qui porteraient l’empreinte de sa personnalité. Rappelant qu’il appartient à celui qui se prétend auteur de l’œuvre de définir et expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue en identifiant les éléments qui portent l’empreinte de sa personnalité, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT considère que Monsieur X ne démontre pas en quoi sa traduction porterait l’empreinte de sa personnalité, étant à préciser que l’originalité de la traduction est toute relative dès lors que le traducteur est tenu de restituer fidèlement l’œuvre originelle.

En réponse, Monsieur H X expose que son texte ne constitue pas une traduction littérale découlant naturellement du texte anglais et qu’il a effectué des choix très significatifs et personnels pour rendre au mieux dans la langue et la culture française le sens du texte initialement écrit en langue anglaise.

Sur ce ;

Conformément à l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.

En application de l’article L. 112-1 du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute œuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.

La protection d’une œuvre de l’esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable.

Dans ce cadre toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue. En effet, seul l’auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. En outre, le principe de la contradiction posé par l’article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques qui fondent l’atteinte qui lui est imputée pour apporter le cas échéant en réponse la preuve de l’absence d’originalité

En l’espèce, Monsieur H X se contente de propos généraux pour considérer que sa traduction n’est pas le fruit d’une traduction uniquement littérale mais qu’elle est révélatrice de choix « significatifs et personnels » révélateur de son empreinte, cette affirmation n’étant étayée par aucun exemple précis et concret permettant au tribunal d’apprécier la réalité des choix opérés par le traducteur et ce faisant l’empreinte de sa personnalité.

Faute d’apporter ces éléments, il convient de considérer que l’originalité de la traduction qu’il revendique n’est pas prouvée de telle sorte que faute de justifier être titulaire de droits d’auteur sur cette traduction, son action en contrefaçon sera rejetée.

Sur la demande reconventionnelle formée par la société EDITIONS DE L’ÉCLAT pour procédure abusive

La société EDITIONS DE L’ÉCLAT estime que la demande de Monsieur H X témoigne d’une intention de déstabiliser l’équilibre économique de la maison d’éditions et constitue ainsi un abus du droit d’ester en justice. Elle considère que les manquements contractuels du demandeur, son absence de sérieux quant à la traduction remise et l’inertie dont il a fait preuve pour engager ladite procédure révèlent sa mauvaise foi, corroborée par l’acharnement judiciaire dont il fait preuve à l’encontre de Monsieur Z.

Sur ce ;

L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts qu’en cas de faute susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur.

En l’espèce, les demandes de Monsieur H X ayant été partiellement accueillies, la société EDITIONS DE L’ÉCLAT sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Il y a lieu de condamner la société EDITIONS DE L’ÉCLAT, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En outre, elle doit être condamnée à verser à Monsieur H X, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 3 500 euros.

Compte tenu de l’ancienneté du litige, il convient d’assortir la présente décision de l’exécution provisoire qui est compatible avec la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par décision mise à disposition au greffe, rendue contradictoirement et en premier ressort,

— MET hors de cause Madame J A ;

— REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

— PRONONCE la résolution du contrat d’édition conclu entre Monsieur H X et la société EDITIONS DE L’ÉCLAT aux torts de cette dernière ;

— CONDAMNE la société EDITIONS DE L’ÉCLAT à payer à Monsieur H X la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

— DEBOUTE Monsieur H X et la société EDITIONS DE L’ÉCLAT du surplus de leurs demandes ;

— CONDAMNE la société EDITIONS DE L’ÉCLAT à payer à Monsieur H X la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— CONDAMNE la société EDITIONS DE L’ÉCLAT aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

— ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à Paris le 01 décembre 2017

Le Greffier Le Président

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 1er décembre 2017, n° 16/10642