Tribunal de grande instance de Strasbourg, 19 novembre 2014, n° 2012/06272

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Sur la décision

Référence :
TGI Strasbourg, 19 nov. 2014, n° 12/06272
Juridiction : Tribunal de grande instance de Strasbourg
Numéro(s) : 2012/06272
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D20140242
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Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG JUGEMENT du 19 Novembre 2014

PREMIERE CHAMBRE CIVILE Rôle N° 12/06272

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Magistrats qui ont délibéré :

-Dominique VIEILLEDENT-THEATE, 1re vice-présidente, Président,
- Florence VANNIER, Vice-Président, assesseur,
- Olivier RUER, Vice-Président, assesseur. Greffier : Michèle MEHL, Greffier

DÉBATS : à l’audience publique du 06 Octobre 2014 à l’issue de laquelle la Présidente a avisé les parties que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe à la date du 19 Novembre 2014

JUGEMENT :
- déposé au greffe le 19 Novembre 2014,
- Contradictoire et en premier ressort
- signé par Dominique VIEILLEDENT-THEATE, Présidente et par Michèle MEHL, Greffier.

OBJET : Demande en contrefaçon de brevet français, de certificat complémentaire de protection ou de topographie de semi- conducteurs

DEMANDERESSES : S.A.R.L. T INDUSTRIE prise en la personne de son représentant légal […] 67720 HOERDT représentée par Me Michel MALL, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant/postulant, vestiaire : 164

S.A.R.L. FERMETURES T JEAN JACQUES prise en la personne de son représentant légal […] 67470 NIEDERROEDERN représentée par Me Michel MALL, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant/postulant, vestiaire : 164

DÉFENDERESSES SARL JL FERMETURES […] 67760 GAMBSHEIM représentée par Me Marie-Rose GAASCH, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant/postulant, vestiaire : 46

Madame Aline S […] 67550 VENDENHEIM représentée par Me Paul LUTZ, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant/postulant, vestiaire : 38

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES La SARL TSCHOEPPE Industrie est une société familiale spécialisée dans la fabrication de portails, clôtures à destination de professionnels. La SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques est le distributeur exclusif en ALSACE de ce produit dont elle assure en outre l’installation.

La présentation de l’entreprise et des produits est accessible sur un site internet. Les gammes de fabrication sont exposées dans un catalogue régulièrement actualisé.

Le 16 décembre 2008, la SARL TSCHOEPPE Industrie a déposé sous enveloppe SOLEAU un modèle de portillon composé de bandes transversales et horizontales insérées dans des formes carrée triangulaires et rectangulaires intégrées.

En juillet 2010, Madame Aline S a fait établir par la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques un devis pour la fourniture et l’installation d’un portail coulissant automatisé, d’un portillon et d’une clôture, le tout en aluminium, de la gamme ZENOX Line, modèle « Contraste », pour un prix de 10.222,63 € (y compris automatisation). La défenderesse n’a pas donné suite. Quelques mois plus tard cependant, Madame Aline S a fait fabriquer et installer à son domicile, […], par la SARL JL FERMETURES un portail coulissant automatisé et un portillon le tout en aluminium, dont les demandeurs soutiennent qu’ils constituent la contrefaçon du modèle de la gamme ZENOX Line pour lequel Madame Aline S avait fait établir un devis.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 12 juillet 2012, adressée à la SARL JL FERMETURES, le conseil des SARL TSCHOEPPE Industrie et SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques a fait valoir que le portail posé au domicile de Madame Aline S était identique au modèle de la gamme ZELOX Line qui avait été proposé quelque mois plus tôt à cette dernière et qui constituait une création originale de la SARL TSCHOEPPE Industrie. Au motif que ces faits relevaient de la contrefaçon, les demanderesses ont proposé à titre transactionnel à la SARL JL FERMETURES de :

— retirer du site de la SARL JL FERMETURES et de tout autre support commercial la reproduction du modèle ZENOX Line VEGA,
- prendre l’engagement écrit de ne plus porter atteinte aux créations originales des sociétés TSCHOEPPE

— verser à la SARL TSCHOEPPE Industrie une somme de 1.500 € en réparation de son droit moral et à la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques une indemnité de 5.000 € en réparation du manque à gagner sur le produit.

Par exploit signifié les 22 et 26 novembre 2012, la SARL TSCHOEPPE Industrie et la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques ont fait assigner Madame Aline S et la SARL JL FERMETURES à comparaître devant le tribunal de grande instance de STRASBOURG, chambre civile. Dans le dernier état de leurs conclusions enregistrées au greffe le 20 mars 2014, la SARL TSCHOEPPE Industrie et la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques demandent au tribunal de :

* juger que Madame Aline S et la SARL JL FERMETURES se sont rendues coupables d’actes de contrefaçon de droit d’auteur par reproduction, ou à tout le moins imitation, des modèles de portail et de portillon ZENOX Line V appartenant à la SARL TSCHOEPPE Industrie ;

* condamner en conséquence in solidum Madame Aline S et la SARL JL FERMETURES à payer à chacune des SARL TSCHOEPPE Industrie et SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques une somme de 10.000 € en réparation du préjudice économique subi ;

*condamner Madame Aline S à payer à la SARL TSCHOEPPE Industrie et à la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques une somme de 3.000 € en réparation de leur préjudice moral ;

*condamner la SARL JL FERMETURES à payer à la SARL TSCHOEPPE Industrie et à la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques une somme de 10.000 € en réparation de leur préjudice moral ;

*condamner in solidum Madame Aline S et la SARL JL FERMETURES à payer à la SARL TSCHOEPPE Industrie une somme de 5.000 € en réparation de l’atteinte portée au droit à la paternité de l’œuvre ;

* condamner la SARL JL FERMETURES à payer à la SARL TSCHOEPPE Industrie et à la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques une somme de 10.000 € en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et de parasitisme dont elle est l’auteur ;

* ordonner la destruction du modèle contrefaisant aux frais de la SARL JL FERMETURES et de Madame Aline S sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

* faire interdiction à la SARL JL FERMETURES d’importer, détenir, commercialiser ou offrir à la vente tout modèle contrefaisant les produits de la gamme ZENOX Line V, ainsi que tout autre modèle de la gamme ZENOX Line appartenant à la SARL TSCHOEPPE Industrie, sous astreinte de 300 € par jour de retard et par infraction constatée, à compter de la signification du jugement à intervenir ;

* se réserver le droit de liquider l’astreinte ;

* ordonner, en cas de condamnation, la publication du jugement à intervenir, au frais des défenderesses in solidum selon les modalités suivantes : publication du dispositif sur la page d’accueil du site Internet de « celle-ci » pendant une durée de trois mois avec un lien permettant d’accéder à son intégralité ; publication dans au moins trois revues ou périodiques au choix des demanderesses, aux frais de la SARL JL FERMETURES dans la limite de 4.000 € HT par publication, soit 12.000 € HT au total ;

* condamner in solidum les défenderesses aux dépens de l’instance, ainsi qu’au paiement d’un montant de 5.000 € à chacune des demanderesses à titre d’indemnité de procédure ;

* ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Les SARL TSCHOEPPE Industrie et SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques invoquent les dispositions des articles L 111-1 et L 113-4 du Code de la propriété intellectuelle et l’effort créatif, même limité, de la création du portail ZENOX Line V qui, en combinant, découpant et recomposant des formes géométriques variables, refléterait la personnalité de son auteur. Elles ajoutent que les défenderesses ne rapportent pas la preuve d’une antériorité de toute pièce, les photographies produites n’ayant pas date certaine et reproduisant des modèles ne reproduisant pas de manière identique ou similaire la combinaison originale des éléments revendiqués ; en toute hypothèse, les SARL TSCHOEPPE Industrie et SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques soutiennent que l’antériorité serait sans emport en matière de propriété littéraire et artistique, seule l’originalité étant déterminante. Elles en déduisent qu’elles sont en droit de revendiquer les droits attachés à la propriété intellectuelle sur ce modèle ZENOX Line VEGA, dont le portail et le portillon installés chez Madame Aline S constituent la copie servile ou quasi servile, avec la même recherche d’effet de gamme (portail et portillon installés côte à côte) et utilisation des mêmes matériaux. Elles exposent à cet égard, qu’outre le devis remis à Madame Aline S, la SARL JL FERMETURES disposait à 150 m du domicile de cette dernière du modèle original posé chez Monsieur et Madame G, ce que la SARL JL FERMETURES a expressément reconnu (en tous cas son salarié).

Subsidiairement, les SARL TSCHOEPPE Industrie et SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques se prévalent de la concurrence déloyale, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, et ce tant à l’égard de Madame Aline S que de la SARL JL FERMETURES, en faisant valoir que Madame Aline S n’a pas hésité à s’adresser à cinq entreprises pour obtenir la copie du modèle litigieux, la SARL JL FERMETURES ayant sciemment détourné à son profit la réalisation d’un concurrent pour obtenir la commande à un prix inférieur. Ce procédé caractérise pour les demanderesses des faits de parasitisme. Elles rappellent à ce propos que les parties exercent la même activité dans la même zone géographique, que la SARL JL FERMETURES présente sur son site Internet une gamme de modèles très largement inspirés de la collection ZENOX Line DELTA, cherchant manifestement à créer une confusion avec les produits des sociétés TSCHOEPPE.

Suivant conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 11 avril 2014, Madame Aline S demande au tribunal de :

* débouter les SARL TSCHOEPPE Industrie et SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques de-l’'ensemble de leurs prétentions,

* les condamner aux dépens de l’instance ainsi qu’au paiement d’une indemnité de procédure de 3.000 €.

Subsidiairement, Madame Aline S appelle la SARL JL FERMETURES à la garantir de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre, en principal, frais (y compris de destruction du portail) et intérêts. Elle réclame en outre la condamnation de la SARL JL FERMETURES à lui payer une somme de 4.000 € en réparation du trouble de jouissance et des désagréments subis, sa condamnation au remboursement de la somme de 7.348,08 € (correspondant au prix de l’installation), avec intérêts compensatoires au taux légal à compter du 05 mai 2011, la réserve de ses droits pour le surplus, la capitalisation des intérêts échus pour une année entière, la condamnation de la SARL JL FERMETURES aux dépens et au paiement d’une indemnité de procédure de 2.000 €, avec exécution provisoire du jugement à intervenir.

La défenderesse fait valoir qu’elle est un simple consommateur, que le modèle qu’elle a choisi – parmi plusieurs autres propositions – figure dans le catalogue de la SARL JL FERMETURES. Elle soutient qu’il est bien différent de celui qui lui avait été présenté par le préposé de la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques, et s’en rapporte aux écritures de la SARL JL FERMETURES pour contester les droits d’auteur allégués par les demanderesses sur le modèle litigieux qu’elle estime dépourvu de toute originalité. Madame Aline S conteste également le préjudice allégué qu’elle considère « démesuré ».

Subsidiairement elle appelle la SARL JL FERMETURES à la garantir de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre en faisant valoir que la SARL JL FERMETURES est un professionnel qui aurait dû préalablement se renseigner et, en tous cas, l’éclairer sur ses choix.

En dernier lieu, la SARL JL FERMETURES demande au tribunal, dans ses conclusions récapitulatives déposées le 18 février 2014, de débouter les SARL TSCHOEPPE Industrie et SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques de l’ensemble de leurs prétentions, de débouter également Madame Aline S de toutes ses demandes et appel en garantie. Elle conclut en outre à la condamnation des demanderesses aux dépens de l’instance et au paiement d’un montant de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose qu’elle crée, fabrique et commercialise des portails, balustrades, vérandas et autres installations en aluminium, bois et fer. S’agissant du portail commandé par Madame Aline S, la défenderesse affirme qu’il figure dans son catalogue depuis des années, qu’il ne présente pas d’originalité par rapport aux autres modèles de portails proposés depuis plusieurs années sur le marché, et que l’enveloppe SOLEAU déposée en 2011 par les demanderesses ne leur confère aucun droit de propriété intellectuelle, mais permet seulement d’acquérir date certaine. La SARL JL FERMETURES invoque notamment les portails de Monsieur Jean Pierre R et de Monsieur C et affirme que l’absence d’originalité serait encore plus flagrante pour le portillon. Elle fait également valoir : * qu’elle ignorait que les sociétés TSCHOEPPE réalisaient le modèle litigieux ; * que le portail figurant au devis établi par la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques pour Madame Aline S est totalement différent de celui qui a été installé au domicile de cette dernière;

* qu’elle est titulaire d’un procédé de fabrication unique qui la différencie de ses concurrentes

Subsidiairement, la SARL JL FERMETURES conteste les montants mis en compte, qu’elle déclare sans commune mesure avec ceux qui avaient été demandés dans la lettre du 12 juillet 2012, et qu’en tout état de cause, une seule des sociétés TSCHOEPPE pourrait réclamer.

La défenderesse conteste, en second lieu, s’être rendue coupable de concurrence déloyale. Elle expose que le logo de la SARL TSCHOEPPE Industrie ne figurait pas sur le portail prétendument

copié, et explique le choix de Madame Aline S par le fait que les prix pratiqués par la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques sont près de deux fois supérieurs aux siens. Elle conclut, enfin, au rejet de l’appel en garantie de Madame Aline S, qui, en cas de condamnation au principal, devrait être considérée comme responsable des faits préjudiciables.

L’instruction de l’affaire a été déclarée close par ordonnance prononcée le 15 mai 2014.

MOTIFS

Sur la demande principale de la SARL TSCHOEPPE Industrie et de la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques

La demande est principalement fondée sur les dispositions de l’article L 111-1 du Code de la propriété intellectuelle selon lesquelles : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre du seul fait de sa création d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. »

L’objet du litige est un modèle de portail en aluminium fabriqué par la SARL TSCHOEPPE Industrie et commercialisé par la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques dans une gamme de produits ZENOX Line, dénommé VEGA se composant : * de parties pleines : un bandeau horizontal au bas du portail et un triangle central dont la pointe est orientée vers le bas ; * de traverses ajourées, placées de part et d’autre et parallèlement aux côtés du triangle central.

Ce portail et son portillon ont fait l’objet d’un dépôt sous enveloppe SOLEAU à l’INPI le 16 décembre 2008. Le portail est proposé à la vente, assorti de l’encadré « Nouveau », dans le catalogue des sociétés TSCHOEPPE depuis 2009, et constamment depuis cette date (voir annexe 6, 7, 8, 9 des demanderesses).

Il est visible sur le site Internet des sociétés TSCHOEPPE, parmi d’autres, avec un portillon du même modèle.

Le 24 août 2010, la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques a établi un devis au nom de Madame Aline S pour un portail coulissant de la gamme ZELOX Line modèle Contraste (et non pas VEGA) de forme rectangulaire se composant : en partie haute : de barreaux « encastrés verticalement dans le cadre avec ajourage », en partie basse : d’un soubassement plein à effet de lambris et languettes, proposé avec son portillon et une automatisation au prix de 10.222,63 €.

Le portail finalement installé par la SARL JL FERMETURES pour un prix de 7.348,08 € correspond, à quelques détails près, au modèle ZENOX Line VEGA figurant dans la gamme de produits fabriqués et commercialisés par les sociétés TSCHOEPPE.

Les sociétés demanderesses ne peuvent cependant se prévaloir de droits d’auteur sur ce modèle qui, pour l’essentiel, correspond au modèle RIESS déposé le 19 mai 2006, dont il ne se différencie que par la pointe basse du triangle visible sur le bandeau du soubassement horizontal dans le modèle VEGA, alors que, dans le modèle RIESS, cette pointe est masquée par le bandeau. Hormis cette différence minime, qui ne saurait caractériser une quelconque recherche esthétique ou parti pris d’originalité, le modèle VEGA s’inscrit dans la lignée des modèles traditionnels de portails en aluminium, et ne révèle aucun trait de la personnalité de son auteur.

Les SARL TSCHOEPPE Industrie et SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques ne sont dès lors pas fondées à se prévaloir d’une quelconque contrefaçon de droits inexistants à l’égard du modèle en cause.

Sur le terrain de la concurrence déloyale ensuite, il est de droit que la reproduction ou l’imitation servile d’un produit n’est constitutive d’un acte de concurrence déloyale que si le demandeur à l’action prouve que la similitude a pour objet, ou pour effet, de créer un risque de confusion entre les productions, dans l’esprit du public. En l’occurrence, la SARL JL FERMELURES ne peut sérieusement discuter que le portail coulissant installé chez Madame Aline S constitue la copie servile du modèle ZENOX Line VEGA présenté sur le site Internet des sociétés TSCHOEPPE et installé au domicile des consorts G situé à proximité du domicile de Madame Aline S. La couleur (gris anthracite chez cette dernière, blanc chez les consorts G) ne constituant pas un critère de distinction pour ce type de produit pour lequel il appartient au client de déterminer le colori adéquat dans une palette souvent étendue.

La similitude des deux produits a nécessairement pour effet de créer la confusion dans l’esprit du public, même si la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques a pour habitude de « signer » ses produits en apposant son logo sur le portail livré (logo qui ne figure pas sur le portail installé par la SARL JL FERMETURES chez Madame Aline S). En effet, le risque de confusion doit s’apprécier par rapport à un consommateur d’attention moyenne, alors que le repérage du logo suppose, en raison de sa taille et de sa localisation, un examen plutôt attentif. Contrairement à ce que soutient la SARL JL FERMETURES, aucune des photographies (non datées) des portails qu’elle affirme avoir livré depuis des années (sans en rapporter la preuve) ne présente les mêmes similitudes que le portail S avec le modèle ZENOX Line VEGA,

et la défenderesse reconnaît elle même qu’elle dispose de tout le matériel et du savoir-faire nécessaire pour répondre « aux vœux du client ». Il est indifférent, au regard de l’objet du litige, que la SARL JL FERMETURES utilise un procédé technique de fabrication qui lui est propre, seule l’apparence du modèle de portail étant ici en cause. Or la reproduction à l’identique : * ne peut être le fruit du hasard et suppose nécessairement l’existence d’un modèle constitué en l’espèce : par le portail G à 150 mètres du domicile de Madame Aline S, et par les modèles publiés sur le site internet des sociétés TSCHOEPPE ;

* exclut nécessairement la bonne foi, la SARL JL FERMETURES qui se prétend fabricant et installateur de portails et vérandas depuis une vingtaine d’années, ne pouvant prétendre ignorer les règles minimales qui régissent la concurrence déloyale et dont l’interdiction de la copie servile constitue l’un des fondements.

Or, la SARL JL FERMETURES a manifestement emporté l’accord de Madame Aline S, par rapport à toutes les autres entreprises contactées par cette dernière, en acceptant de fournir à cette cliente la reproduction identique du modèle présenté par un concurrent direct, pour un prix sensiblement moindre, ce qui établit le détournement de clientèle.

Au regard de l’appréciation du préjudice, il importe toutefois de relever que la reproduction ne concerne qu’un exemplaire unique, ce qui réduit nécessairement l’importance du dommage.

De plus, quoique significative, la différence de prix – 10.222,63 € pour la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques ; 7.348,08 € pour la SARL JL FERMETURES – ne caractérise pas un vil prix et les sociétés TSCHOEPPE, qui ne justifient ni de sa particulière notoriété (par rapport à celle de la SARL JL FERMETURES), ni de frais publicitaires visant à valoriser son image, ni de quelques investissements que ce soit, dans le domaine de la recherche et de la création, ne peuvent se prévaloir d’actes de parasitisme. Il n’est pas davantage justifié de retenir l’atteinte à l’image des demanderesses, dès lors que les produits livrés par la SARL JL FERMETURES apparaissent de qualité équivalente à ceux des sociétés TSCHOEPPE (ce qu’elles ne discutent d’ailleurs pas).

Dès lors, et au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de limiter le montant de la condamnation de la SARL JL FERMETURES, au titre de la concurrence déloyale, au paiement d’une somme de 2.000 €.

La publication du dispositif du présent jugement constitue une forme nécessaire de réparation du dommage et doit en conséquence être ordonnée :

* sur le site Internet de la SARL JL FERMETURES pendant une durée d’un mois après expiration d’un délai de sept jours à compter de la signification du présent jugement ;

* dans trois périodiques ou revues au choix des SARL TSCHOEPPE Industrie et SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques dans la limite de 1.000 € par insertion, dont la SARL JL FERMETURES devra s’acquitter au vu des justificatifs d’engagement de ces frais.

La demande fondée sur la concurrence déloyale ne peut en revanche prospérer à l’encontre de Madame Aline S qui, en tant que simple consommateur, n’est pas en situation de concurrence par rapport à la SARL TSCHOEPPE Industrie et de la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques.

Enfin, les demandes relatives à la destruction du portail et à l’interdiction d’importer, détenir, commercialiser visant exclusivement les « modèles contrefaisants' », alors même que les prétentions des sociétés TSCHOEPPE n’ont été retenues que sur le terrain de la concurrence déloyale, il y a lieu de considérer que le tribunal n’est pas saisi à ce titre.

Sur l’appel en garantie de Madame Aline S

Cet appel en garantie est sans objet dès lors que la demande dirigée à l’encontre de Madame Aline S a été rejetée, et que le tribunal a considéré qu’il n’était pas saisi d’une demande de destruction du portail à titre de réparation du préjudice découlant de la concurrence déloyale. Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile

Il appartient à la SARL JL FERMETURES qui succombe partiellement de supporter la charge des dépens de l’instance et de payer à la partie demanderesse un montant de 1.500 € à titre d’indemnité de procédure. La demande de Madame Aline S fondée sur les dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et dirigée à l’encontre de la SARL JL FERMETURES est également rejetée, l’appel en garantie ayant été reconnu sans objet.

Sur l’exécution provisoire du jugement

L’exécution provisoire du jugement est compatible avec la nature du litige, elle n’apparaît cependant pas opportune au regard de son objet et des condamnations prononcées. PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et susceptible d’appel :

DÉBOUTE la SARL TSCHOEPPE Industrie et la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques de leurs demandes dirigées à l’encontre de la SARL JL FERMETURES et de Madame Aline S fondées sur la contrefaçon de droits d’auteur ;

DÉBOUTE la SARL TSCHOEPPE Industrie et la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques de leurs demande dirigées à l’encontre de Madame Aline S fondée sur la concurrence déloyale ;

CONDAMNE la SARL JL FERMETURES à payer à la SARL TSCHOEPPE Industrie et à la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques une somme de 2.000 € (deux mille euros) au titre de la concurrence déloyale (détournement de clientèle) ;

ORDONNE la publication du dispositif du présent jugement sur la page d’accueil du site Internet de la SARL JL FERMETURES pendant une durée d’un mois ;

ORDONNE en outre la publication du dispositif du présent jugement dans trois revues ou périodiques au choix des demanderesses, et dans la limite de 1.000 € (mille euros) par publication, aux frais de la SARL JL FERMETURES et sur justificatifs d’engagement de ces frais ;

CONSTATE que les demandes de la SARL TSCHOEPPE Industrie et de la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques relatives à la destruction et à l’interdiction d’importer détenir commercialiser ou offrir à la vente concernent exclusivement « les modèles contrefaisants » pour lesquels les demanderesses n’ont pas obtenu gain de cause ;

CONSTATE que l’appel en garantie dirigé par Madame Aline S à l’encontre de la SARL JL FERMETURES est sans objet et le REJETTE ;

CONDAMNE la SARL JL FERMETURES aux dépens de l’instance ;

LA CONDAMNE à payer à la SARL TSCHOEPPE Industrie et à la SARL Fermetures TSCHOEPPE Jean Jacques une indemnité de

procédure de 1.500 € (mille euros) soit 750 € (sept cent cinquante euros) pour chacune des demanderesses ;

DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire .

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