Droit de l'Union Européenne

Le droit de l'Union européenne (UE), également appelé droit européen, droit unioniste et droit communautaire (en référence à l'ancêtre de l'UE, la Communauté économique européenne), correspond aux règles qui régissent le fonctionnement de l'Union et qui s'appliquent à la fois aux citoyens, aux États membres et aux institutions européennes.

Le droit de l'UE est constitué d'un ensemble de règles respectant une certaine hiérarchie. En premier lieu, se trouve le droit primaire qui correspond aux normes suprêmes se trouvant principalement dans les traités. Vient ensuite le droit dit « dérivé », c'est-à-dire le droit adopté par les institutions et les organes de l'UE à partir du droit primaire, comme les règlements ou encore les directives. Enfin, on trouve les décisions rendues par la Cour de justice, qui permettent d'éclairer le droit européen tout en contrôlant son respect.

1. Qu'est-ce que le droit primaire de l'Union européenne ?

Le droit primaire, ou droit originaire, se place au sommet de la hiérarchie des normes européennes. Même s'il existe des principes généraux que doit respecter chaque acte pris par les institutions, le droit primaire se trouve principalement dans les traités fondateurs de l'Union.

1.1 Les traités

Le droit primaire correspond aux traités fondamentaux de l'Union. Ces traités sont au sommet de l'ordre juridique communautaire. Ils prévalent sur tout le droit dérivé. Toutefois, il n'y a aucune hiérarchie entre les éléments du droit primaire. Ils coexistent et ont la même valeur juridique.

Dans ces traités, on trouve des règles formelles et matérielles qui encadrent la mise en œuvre des politiques des institutions européennes. Ils définissent aussi la répartition des compétences parmi les institutions et entre l'Union et ses États membres.

On distingue les traités fondateurs de l'UE des traités modificatifs.

A l'origine, le traité de Paris, ratifié en 1951, et le traité de Rome, en 1957, ont constitué les trois Communautés européennes. Le Traité de Rome est ratifié par l'Allemagne, la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas. Il institue le marché commun européen, aujourd'hui appelé le marché intérieur de l'UE, dans lequel circulent librement, les biens, les services, les capitaux et les personnes. Il permet ainsi la création de la Communauté économique européenne (CEE), ancêtre de l'UE.

Ensuite, le Traité de Maastricht, ratifié en 1992 et aussi appelé Traité sur l'UE (TUE), est venu superposer aux Communautés une Union européenne. Acte fondateur de l'UE, le traité de Maastricht est l'aboutissement d'une part, de la construction d'une union monétaire et, d'autre part, d'une union politique. Par conséquent, il pose le principe de l'existence d'un cadre institutionnel unique, formé par le Conseil européen, le Parlement européen, le Conseil, la Commission et la Cour de justice. Dans ce cadre, le traité présente l'UE comme fondée sur trois piliers : le pilier communautaire, la politique étrangère et de sécurité commune et la coopération dans les domaines de la justice et de la sécurité intérieure. Toutefois, dans ce système, l'Union n'a pas de personnalité juridique et ne représente qu'une confédération.

Un terme est finalement mis à la distinction entre communautés et Union grâce à l'adoption du Traité de Lisbonne en 2007, aussi appelé TFUE. Entré en vigueur deux ans plus tard, il s'agit d'un traité modificatif qui modifie les textes préexistants sans pour autant les remplacer. Désormais, l'Union européenne est une entité à part entière qui dispose de la personnalité juridique.

1.2 Les principes généraux de droit et la Charte des droits fondamentaux

En parallèle des textes fondamentaux de l'UE, des principes généraux de droit s'imposent également face au droit dérivé. Ces principes sont dégagés par les juges de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et ne sont reconnus qu'en l'absence de conflit avec le droit primaire. Pour autant, ces principes généraux sont considérés comme préexistants à leur découverte par les juges. Dans la mesure où ils sont censés découler de l'économie générale des traités, ces principes s'imposent aux autorités de l'UE. Il ne s'agit donc pas de droit dérivé mais, selon la jurisprudence européenne, de droit primaire.

Ces principes ont ainsi pu permettre de combler les lacunes du droit communautaire sur des questions essentielles telles que la protection des droits fondamentaux ou le principe de subsidiarité. Ils permettent par ailleurs de faire le lien avec les droits humains protégés par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ConvEDH) et sa Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).

En effet, l'article 6 § 3 du TUE prévoit que « Les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux. » Cette relation étroite a été confortée et s'est même institutionnalisée à la faveur de la Charte des droits fondamentaux de l'Union, laquelle a acquis une valeur équivalente aux traités fondateurs en application du Traité de Lisbonne de 2007 entré en vigueur le 1er décembre 2009.

En effet, l'article 52 de la Charte relatif à la « portée des droits garantis » prévoit que : « Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l'Union accorde une protection plus étendue. ».

En d'autres termes, la ConvEDH et la jurisprudence de la CEDH constituent un plancher de garanties sur lequel sont nécessairement indexés les droits garantis par la Charte, sachant que ces derniers peuvent offrir une protection plus ample.

La Charte est aujourd'hui la norme de référence en termes de droits fondamentaux de l'UE. Par conséquent, les principes généraux du droit de ne sont plus utilisés par la Cour de justice. Seuls les droits mentionnés dans la Charte sont invocables par le justiciable. Néanmoins, certains États comme le Royaume-Uni (qui, au moment de l'adoption, était encore membre de l'Union) et la Pologne ont décidé de ne pas adopter ce texte.

2. Qu'est-ce que le droit dérivé de l'Union européenne ?

Le droit européen comprend également un droit dérivé. Celui-ci correspond à l'ensemble des actes juridiques pris par les institutions et les organes de l'Union (Commission européenne, Conseil de l'Union européenne et Parlement européen) en application du droit primaire européen.

Ce droit dérivé comprend à la fois des actes juridiques contraignants et des actes non contraignants, comme le précise l'article 288 du TFUE, ainsi que la jurisprudence de la Cour de justice et l'activité de régulateur de certaines institutions.

2.1 Les actes contraignants

Les actes contraignants permettent de générer une obligation juridique. Dans ce cadre, les institutions européennes peuvent adopter des règlements, des directives et également des décisions.

Les règlements européens

Le règlement est un acte législatif adopté par le Conseil de l'UE avec le Parlement, ou seulement par le Conseil en cas de procédure législative spéciale (article 289 § 2 du TFUE). Il s'agit d'un acte ayant une portée générale et impersonnelle. Par conséquent, il ne s'applique pas à une situation particulière ou à un destinataire particulier. Il est obligatoire dans tous ses éléments et ne peut donc s'appliquer de manière incomplète ou sélective.

Un règlement européen s'applique de manière uniforme sur l'ensemble du territoire de l'UE. Il est directement applicable sans aucune mesure de réception nationale. On dit ainsi qu'il est d'applicabilité directe.

Exemple : le RGPD (Règlement général sur la protection des données personnelles)

Les directives européennes

La directive est également un acte législatif adopté par le Conseil de l'UE avec le Parlement ou seul dans certains cas spéciaux. Néanmoins, à la différence du règlement, une directive européenne n'est pas d'application directe et nécessite d'être transposée dans le droit interne des Etats membres. Cela permet d'harmoniser les législations des membres de l'Union tout en leur laissant une marge de manœuvre, quant à la forme et aux moyens, pour atteindre l'objectif fixé par la directive.

La Commission veille cependant à la bonne transposition de la directive dans les délais fixés lors de son adoption et peut engager une procédure d'infraction à l'encontre de l'Etat membre qui ne les respecte pas.

Exemple : la directive MIF (Directive sur les marchés d'instruments financiers)

Les décisions

Les institutions de l'UE peuvent adopter des décisions de nature législative et non législative dans le cadre de leurs attributions.

A l'image du règlement et de la directive, la décision adoptée est un acte obligatoire dans tous ses éléments et produit des effets juridiques directs. Toutefois, la décision n'est pas obligatoirement de portée générale et peut donc désigner des destinataires précis et identifiés, comme un État, une entreprise ou bien même un particulier. Par conséquent, lorsque ses destinataires sont clairement identifiés, la décision n'a de force obligatoire que pour ces derniers.

Par ailleurs, il faut noter que la plupart des décisions ont une portée restreinte, les décisions de portée générale n'étant apparues que récemment avec l'adoption du Traité de Lisbonne.

Exemple : Décision (PESC) 2016/849 concernant des mesures restrictives à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée

2.3 La jurisprudence européenne

L'Union européenne disposant de son propre organe juridictionnel, des décisions sont régulièrement prononcées par la Cour de justice de l'UE (CJUE). Autorité judiciaire de l'Union, elle a pour mission d'assurer le respect du droit européen en veillant à l'interprétation et à l'application uniforme des traités. L'institution contribue à la préservation des valeurs de l'Union et œuvre à la construction européenne par sa jurisprudence, à savoir l'ensemble des décisions rendues par ses deux juridictions : la Cour de justice et le Tribunal de l'UE.

A l'image de la jurisprudence en droit interne, la jurisprudence de la CJUE est une source de droit fondamental pour assurer le bon fonctionnement de l'Union. Elle permet ainsi de préciser le droit européen tout en veillant à son respect.

En 2022, on compte 806 affaires portées devant la Cour et 808 affaires ont été clôturées par celle-ci. La Cour de justice est saisie principalement de recours contre les décisions rendues par le Tribunal européen et de renvois préjudiciels. Ces derniers permettent aux juridictions nationales de demander à la Cour de justice européenne de préciser un point d'interprétation du droit communautaire, afin de leur permettre, par exemple, de vérifier la conformité avec ce droit de leur législation nationale. Dans ce cas, la Cour de justice rend un arrêt qui lie la juridiction de l'Etat membre.

2.4 La régulation par les instances européennes

Les traités européens donnent également à la Commission un rôle de régulateur dans certains domaines. Elle veille notamment à l'application des règles de concurrence et dispose, dans ce cadre, d'un pouvoir de contrôle et de sanction. Par exemple, la Direction générale de la concurrence est amenée à enquêter et rendre des décisions qui affectent directement des situations (contrôle des concentrations et sanction des abus de position dominante). Ces décisions font “jurisprudence” en impactant la manière dont les autorités nationales interprètent le droit de l'UE.

Exemple : Sanction de 4,1 milliards d'euros d'amende pour Google pour abus de position sur Android, en 2018 (Commission européenne, 18 juillet 2018, affaire AT.40099)

3 Qu'est-ce que la primauté du droit européen ?

La Cour de justice veille au respect de la législation européenne par ses Etats membres, de sorte qu'il semblerait que le droit de l'Union s'impose face au droit interne de ces derniers. On parle alors de principe de primauté du droit européen sur le droit interne. Toutefois, l'Union européenne s'assure de la réciprocité en indiquant, dans l'article 4 du TUE, que les traités européens respectent "l'identité nationale [des États], inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles."

Concrètement, si un litige survient et oppose une disposition du droit de l'Union avec celle du droit d'un Etat membre, le principe de primauté fait prévaloir la législation européenne sur le droit interne. Ce principe est essentiel au bon fonctionnement de l'Union puisqu'il permet une mise en œuvre de ses politiques sans blocage direct par les législations des Etats membres.

Ce principe de primauté n'est pas expressément mentionné dans les traités. Il s'agit en réalité d'une construction jurisprudentielle, à laquelle un protocole annexé au traité d'Amsterdam (1997) faisait référence en mentionnant les “principes mis au point par la Cour de justice en ce qui concerne la relation entre le droit national et le droit communautaire.” L'article I-6 du Traité entendait tirer les conséquences de ce principe en introduisant le principe de primauté. De plus, une déclaration n°17 annexée au traité de Lisbonne souligne que “selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union, les traités et le droit adoptés par l'Union sur la base des traités priment le droit des États membres, dans les conditions définies par ladite jurisprudence.”

Ce principe apparaît dans la jurisprudence européenne dès 1963. Dans l'arrêt Van Gend en Loos (CJCE, 5 février 1963, affaire 26/62), le juge admet l'effet direct du droit européen, de sorte qu'il s'applique immédiatement dès la publication de l'acte. Par conséquent, les citoyens peuvent désormais invoquer les normes européennes devant les juridictions nationales. La Cour de justice veille donc au respect des traités et sanctionne les manquements des États à leurs obligations européennes.

Le principe de primauté a ensuite été consacré en 1964 dans l'arrêt Costa c/ Enel (CJCE, 15 juillet 1964, aff. 6/64). Le juge déclare qu'à la différence des autres traités internationaux ordinaires, le traité de la CEE institue un ordre juridique propre et intégré au système juridique des Etats membres lors de l'entrée en vigueur du traité, tout en précisant que ce système s'impose alors à leur juridiction. Ce principe assure ainsi une protection uniforme de tous les citoyens européens sur tout le territoire de l'Union.

Cette souveraineté ne s'applique cependant que dans les domaines partagés (définis à l'article 4 du TFUE) comme le marché unique ou l'environnement et non pas pour les compétences dites “d'appui” (citées à l'article 6 du TFUE), comme l'éducation, l'industrie ou encore le tourisme, pour lesquelles l'UE ne peut harmoniser ses politiques mais seulement soutenir les activités déjà existantes des Etats membres.

Remise en cause du principe de primauté

Progressivement, le principe de primauté du droit européen a été reconnu dans tous les Etats membres. Néanmoins il arrive parfois qu'il fasse l'objet d'interprétations, voire de contestations, de la part de certaines juridictions internes.

Par exemple, par un arrêt rendu le 7 octobre 2021, le Tribunal constitutionnel polonais a directement contesté la compétence de la CJUE qui avait demandé l'annulation d'une réforme du système judiciaire polonais. Le juge national, saisi par le Premier ministre polonais, estimait que certaines dispositions européennes étaient incompatibles avec sa Constitution et, par conséquent, empiétaient sur la souveraineté de la Pologne.

4. Qu'est-ce que l'Etat de droit ?

En parallèle du principe de primauté du droit européen, l'UE repose également sur le respect du principe de l'Etat de droit et la démocratie. L'Etat de droit consiste en l'encadrement par le droit des modalités de formation des règles applicables et également, sur l'idée de soumission des pouvoirs publics au respect des droits fondamentaux qui inspirent le système juridique de l'Union. L'idée est telle que, pour éviter tout abus de pouvoir, les gouvernants autant que les gouvernés doivent respecter la loi.

Dans ce cadre, le principe d'Etat de droit est mentionné à deux reprises dans le TUE, dans son préambule et à l'article 2 qui stipule que “l'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit.”

Une illustration concrète de ce principe serait par exemple la mise en place d'une juridiction indépendante et impartiale, afin de veiller à ce que chaque justiciable puisse, en principe, disposer d'un procès équitable. Cette exigence s'impose à la fois à l'UE avec la Cour de justice et également, auprès des juridictions de chaque Etat membre.