CEDH, Cour (troisième section), FERRARO c. l'ITALIE, 12 septembre 2002, 53106/99

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Sur la décision

Référence :
CEDH, Cour (Troisième Section), 12 sept. 2002, n° 53106/99
Numéro(s) : 53106/99
Type de document : Recevabilité
Date d’introduction : 25 novembre 1999
Jurisprudence de Strasbourg : Arrêt Contrada c. Italie du 24 août 1998, Recueil 1998-V, p. 2185, §§ 54, 67
Arrêt Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni du 30 août 1990, série A n° 182, p. 16, § 32
Arrêt I.A. c. France du 23 septembre 1998, Recueil 1998-VIII, p. 2978, § 102
Arrêt Labita c. Italie [GC], n° 26772/95, §§ 152, 155, CEDH 2000-IV - (6.4.00)
Arrêt Wemhoff c. Allemagne du 27 juin 1968, série A n° 7, p. 23, § 9
Ouajil c. Italie (déc.), n° 38764/97, 31.5.2001, non publiée Comm. Eur. D.H. No 27143/95, déc. 14.1.97, D.R. 88, p. 94
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Conclusion : Irrecevable
Identifiant HUDOC : 001-43741
Identifiant européen : ECLI:CE:ECHR:2002:0912DEC005310699
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Sur les parties

Texte intégral

TROISIÈME SECTION

DÉCISION

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 53106/99
présentée par Salvatore Anton FERRARO
contre l’Italie
 

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant le 12 septembre en une chambre composée de

MM.G. Ress, président,
I. Cabral Barreto,
P. Kūris,
B. Zupančič,
J. Hedigan,
K. Traja

V. ZAGREBELSKY, juges,

et de M. V. Berger, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 25 novembre 1999 et enregistrée le 1er décembre 1999,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant est un ressortissant italien, né en 1967 et résidant à Siderno. A l’époque des faits il était assistant à la faculté de droit de l’Université « La Sapienza ». Il est représenté devant la Cour par Me A.E. Falcetta, avocat à Rome.

A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

1.  L’ouverture des poursuites et le placement du requérant en détention provisoire

Le 9 mai 1997, une étudiante de l’Université « La Sapienza » de Rome fut frappée par une balle de pistolet pendant qu’elle marchait à proximité d’un bâtiment de la faculté de droit.

Suite à ce coup, la jeune fille décéda dans un hôpital le 14 mai 1997.

L’enquête ouverte par le parquet de Rome établit que le coup de pistolet meurtrier avait été tiré à 11h42. D’après les expertises techniques effectuées par la police, le coup pouvait provenir d’une fenêtre de la salle n° 6 située au premier étage de l’immeuble de la faculté de droit. Les vérifications réalisées relevèrent des traces de poudre sur le rebord de cette fenêtre.

M.C.L., interrogée en qualité de personne informée des faits, affirma que le matin du 9 mai 1997 elle s’était rendue dans la salle en question pour téléphoner et cela précisément à 11h44, ce qui fut confirmé par l’enregistrement téléphonique effectué par le standard de l’Université. Le témoin affirma que dans cette salle étaient présentes quelques personnes. Parmi celles-ci, elle fut à même de reconnaître l’huissier F.L. et la secrétaire G.A.

Le 14 juin 1997, à l’issue de nombreux interrogatoires, G.A. admit que le jour du crime elle se trouvait dans la salle censée être le lieu de provenance du coup de pistolet. Elle déclara avoir entendu un coup sourd, comme un coup de feu; à ce moment, elle s’était retournée et elle avait vu l’assistant universitaire Giovanni Scattone à côté de la fenêtre avec un bras vers l’extérieur et un pistolet ; près de celui-ci se trouvait également le requérant ; dans la salle il y avait aussi l’huissier F.L. Le témoin déclara avoir vu la serviette du requérant posée sur un bureau proche de lui et que, immédiatement après le coup de feu, le requérant avait introduit sa main dans la serviette comme pour y mettre un objet qui pouvait être le pistolet.

Le 14 juin 1997, le parquet de Rome demanda que le requérant fût placé en détention provisoire pour participation à homicide volontaire et détention d’arme à feu.

Par une ordonnance du même jour, le juge des investigations préliminaires du tribunal de Rome ordonna le placement en détention provisoire du requérant. Le juge estima que de graves indices de culpabilité pesaient sur ce dernier. Pour parvenir à cette conclusion, le juge se fonda surtout sur les déclarations du témoin G.A, qu’il estima concorder avec les déclarations du témoin M.C.L. et corroborées par les résultats des vérifications de la police.

En outre, le juge estima qu’il existait des exigences spécifiques rendant nécessaire la détention provisoire du requérant aux termes de l’article 274 du code de procédure pénale. D’une part il était à craindre que le requérant puisse commettre d’autres délits. D’autre part, il y avait un danger d’altération des preuves car l’arme du crime n’avait pas été retrouvée et le requérant pourrait menacer les témoins.

Le 14 juin 1997, le requérant fut arrêté.

Le 16 juin 1997, l’huissier F.L. déclara avoir assisté au délit commis par Scattone en complicité avec le requérant et expliqua ne pas avoir fait cette déclaration avant au motif qu’il avait reçu des menaces de la part des deux complices. Toutefois, le lendemain, l’huissier F.L. rétracta ses déclarations.

2.  Le recours visant la mise en liberté

Le 19 juin 1997, le requérant introduisit un recours devant la chambre du tribunal de Rome chargée de réexaminer les mesures de sûreté (« Tribunale del riesame »). L’intéressé contestait en particulier la crédibilité des témoins ayant fait des déclarations à charge et faisait valoir qu’il n’y avait aucun indice grave de culpabilité contre lui.

Par une ordonnance du 28 juin 1997, le tribunal rejeta la demande du requérant. Le tribunal considéra que les déclarations de G.A., F.L. et M.C.L. étaient précises, crédibles et concordantes. De plus, le tribunal estima que ces déclarations étaient corroborées par d’autres éléments, notamment les résultats des expertises techniques sur la poudre trouvée sur la fenêtre et les rapports balistiques.

En outre, un danger concret d’altération des preuves se posait en l’espèce, au vu des menaces faites par le requérant envers des témoins avant d’être arrêté et du fait que le pistolet n’avait pas été retrouvé. Le tribunal souligna enfin qu’en raison de la gravité du délit et en l’absence d’un mobile, le requérant devait être considéré comme socialement dangereux et il était à craindre qu’il puisse commettre d’autres délits.

Le 24 juillet 1997, le requérant se pourvut en cassation contre cette décision. Il faisait valoir que sa détention provisoire ne se justifiait pas au vu de l’absence de raisons plausibles de le soupçonner et que le raisonnement concernant le danger de récidive était illogique. En particulier le requérant alléguait que la décision n’était pas dûment motivée quant à sa participation à l’action criminelle.

Par un arrêt du 15 octobre 1997, la Cour de cassation releva que le tribunal de Rome avait motivé de façon adéquate sa décision quant à l’existence d’indices de culpabilité à la charge du requérant, notamment quant à la crédibilité des déclarations de G.A., F.L. et M.C.L. La Cour de cassation considéra ensuite que l’appréciation par le tribunal de Rome du risque de récidive n’était pas illogique. Elle estima cependant que la décision attaquée était insuffisamment motivée quant à la participation du requérant à l’action meurtrière et, sur ce point, elle annula la décision avec renvoi.

Par une ordonnance du 22 décembre 1997, le tribunal de Rome chargé de réexaminer les mesures de sûreté confirma la décision du 14 juin 1997 ordonnant la mise en détention du requérant. A la suite d’une analyse approfondie des éléments recueillis, le tribunal estima que le requérant avait eu, immédiatement avant le coup de feu et après l’action criminelle, un comportement qui devait s’analyser en participation matérielle à homicide volontaire.

3.  La première demande en vue d’obtenir l’assignation à domicile

Entre-temps, le 1er août 1997, le requérant avait déposé au greffe du juge des investigations préliminaires une demande d’application de la mesure de sûreté de l’assignation à domicile.

Par une ordonnance du 6 août 1997, dont le texte fut déposé au greffe le même jour, le juge rejeta la demande du requérant. Compte tenu de ce que le pistolet n’avait toujours pas été retrouvé et des menaces faites par le requérant sur le témoin F.R., le juge estima qu’il subsistait le danger d’altération des preuves ainsi que le danger de récidive et de commission d’autres infractions. En plus, en l’absence d’un mobile, le requérant devait être considéré comme socialement dangereux.

Le requérant interjeta appel devant la chambre du tribunal de Rome chargée de réexaminer les mesures de sûreté.

Par une ordonnance du 8 octobre 1997, le tribunal rejeta la demande du requérant, au motif que le danger d’altération des preuves ainsi que le danger de récidive et de commission d’autres infractions persistaient et n’avaient pas faibli ; de ce fait, la détention provisoire en prison s’avérait la seule mesure appropriée.

Le requérant se pourvut en cassation en alléguant que la décision attaquée était illogique et insuffisamment motivée.

Par un arrêt du 17 février 1998, dont le texte fut déposé au greffe le 4 avril 1998, la Cour de cassation débouta la requérant de son pourvoi. La cour estima que la décision attaquée était motivée de manière logique et appropriée, tant à propos du danger d’altération des preuves et du danger de récidive qu’à propos de la proportionnalité de la mesure.


4.  Le renvoi en jugement du requérant et la deuxième demande en vue d’obtenir l’assignation à domicile

A une date non précisée, le parquet demanda le renvoi en jugement du requérant pour participation à un homicide volontaire (« concorso in omicidio volontario ») et possession et port illégal d’arme à feu (« detenzione e porto illegale di armi »).

Les débats devant la cour d’assises de Rome commencèrent le 20 avril 1998.

Au cours de l’audience du 14 septembre 1998, le requérant présenta à la cour d’assises une demande de mise en liberté ou, subsidiairement, d’application de la mesure de sûreté de l’assignation à domicile.

Par une ordonnance du 8 octobre 1998, la cour d’assises rejeta la demande de mise en liberté, mais fit droit à la demande d’application de la mesure de sûreté de l’assignation à domicile. La cour releva l’affaiblissement du danger d’altération des preuves et de récidive. Par conséquent elle estima que l’assignation à domicile était une mesure appropriée.

5.  La suite du procès

Il ressort du dossier que de nombreuses audiences eurent lieu devant la cour d’assises de Rome, que des centaines de témoins furent entendus et que des expertises furent effectuées.

Par un arrêt du 1er juin 1999, la cour d’assises de Rome condamna le requérant pour complicité par aide en homicide involontaire (« favoreggiamento personale ») à une peine de quatre ans d’emprisonnement. Le requérant fut remis en liberté le même jour.

Le 17 novembre 1999, le requérant interjeta appel devant la cour d’assises d’appel de Rome.

Par un arrêt du 7 février 2001, la cour d’assises d’appel confirma la condamnation du requérant pour complicité par aide en homicide involontaire (« favoreggimento personale ») et augmenta la peine à six ans d’emprisonnement.

Le requérant se pourvut en cassation.

Par un arrêt du 6 décembre 2001, la Cour de cassation cassa l’arrêt attaqué et renvoya l’affaire devant une autre section de la cour d’assises d’appel de Rome.

Actuellement la procédure devant la cour d’assises d’appel de Rome est pendante.

B.  Le droit et la pratique internes pertinents

Le premier paragraphe de l’article 273 du code de procédure pénale (« CPP ») est libellé comme suit :

« Nul ne peut être soumis à des mesures de détention provisoire en l’absence de graves indices de culpabilité à son encontre. »

L’article 274 précise ensuite les cas dans lesquels des mesures de détention provisoire peuvent être adoptées, et précisément :

« a) en présence d’exigences spécifiques et inéluctables ayant trait à l’enquête concernant les faits qui en font l’objet, en relation avec des situations de danger concret et actuel pour l’administration ou l’authenticité de la preuve, fondées sur des circonstances de fait expressément indiquées dans la décision sous peine de nullité pouvant être déclarée d’office;

b) quand l’inculpé s’est enfui ou s’il y a un danger concret de fuite, à condition que le juge estime qu’une peine supérieure à deux ans d’emprisonnement pourrait être infligée ;

c) quand, pour les modalités spécifiques et les circonstances des faits et compte tenu de la personnalité de la personne visée par l’enquête ou de l’inculpé, telle qu’elle ressort de ses comportements ou de ses actes ou de son casier judiciaire, il y a un danger concret que celle-ci commette de graves délits par l’usage d’armes ou d’autres moyens de violence contre les personnes, ou des délits contre l’ordre constitutionnel, ou des délits en rapport avec le crime organisé, ou encore des délits du même type que ceux reprochés. »

L’article 303 CPP prévoit des délais maxima de détention provisoire en fonction de l’état de la procédure. Dans le cas du requérant, poursuivi initialement pour homicide volontaire et détention d’arme à feu, ces délais étaient respectivement de:

- un an à partir du début de la détention si la décision de renvoi en jugement n’était pas encore intervenue (article 303 1.a.3 CPP);

- un an et six mois à partir du renvoi en jugement si le jugement de première instance n’avait pas encore été prononcé (article 303 1.b.3 CPP).

GRIEFS

1.  Invoquant l’article 5 § 1 c) de la Convention, le requérant se plaint de l’irrégularité de sa détention provisoire au motif que celle-ci aurait été ordonnée en l’absence de graves indices de culpabilité.

2.  Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, le requérant se plaint de la durée de sa détention provisoire.

EN DROIT

1.  Invoquant l’article 5 § 1 c) de la Convention, le requérant se plaint de l’illégalité de sa détention provisoire et soutient qu’aucun « grave indice de culpabilité » ne pesait sur lui.

L’article 5 § 1 c) se lit comme suit :

«  1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

(...)

c)  s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci  (...) »

La Cour rappelle que la « plausibilité » des soupçons sur lesquels doit se fonder une arrestation, constitue un élément essentiel de la protection offerte par l’article 5 § 1 c) contre les privations de liberté arbitraires. Pour que des soupçons soient plausibles, il doit exister des faits ou renseignements propres à persuader un observateur objectif que l’individu en cause peut avoir accompli l’infraction (Labita c. Italie [GC], n° 26775/95, CEDH 2000, § 155). Ce qui peut passer pour « plausible » dépend toutefois de l’ensemble des circonstances (arrêt Fox, Campbell et Hartley c. Royaume-Uni du 30 août 1990, série A n° 182, p. 16, § 32).

La Cour rappelle que « les raisons plausibles de soupçonner » évoquées à l’article 5 § 1 c) de la Convention ne signifient pas que soit établie et prouvée à ce stade la culpabilité du suspect. C’est précisément le but de l’instruction d’établir définitivement la réalité et la nature des infractions dont l’intéressé est accusé. Encore faut-il que les soupçons aient une base raisonnable (voir Contrada c. Italie, requête n° 27143/95, Commission, décision du 14 janvier 1997, Décisions et rapports (DR) 88, p. 94).

La Cour constate que dans la présente affaire le placement en détention provisoire du requérant a été décidé sur la base des déclarations d’un témoin corroborées par les déclarations d’autres témoins et concordant avec le résultat des expertises techniques. En outre, les juridictions internes ont considéré l’existence d’exigences spécifiques rendant nécessaire la détention provisoire du requérant, notamment le danger d’altération des preuves et le danger de récidive.

La Cour estime que les autorités internes doivent pouvoir jouir d’une large marge d’appréciation en la matière et qu’à défaut du caractère manifestement déraisonnable, voir arbitraire, des conclusions tirées, il appartient en premier lieu à celles-ci d’apprécier la crédibilité des déclarations faites par des témoins. La tâche de la Cour consiste à vérifier si les éléments dont les juges nationaux disposaient au moment du prononcé des décisions ordonnant ou confirmant la détention étaient raisonnablement suffisants pour soupçonner que le requérant avait commis l’infraction reprochée.

En l’espèce, les juridictions nationales ont examiné à plusieurs reprises les déclarations incriminées et ont constamment conclu qu’elles étaient précises, crédibles et concordantes, corroborées par les résultats des expertises techniques. De plus, les juridictions nationales ont relevé l’existence du danger d’altération des preuves et du danger de récidive au moment de l’adoption de l’ordonnance de détention provisoire et ont estimé que ces dangers ont continué d’exister même par la suite. Par ailleurs, une fois relevé leur affaiblissement, les juridictions nationales ont ordonné l’application de la mesure de sûreté de l’assignation au domicile.

La Cour considère que la mise en détention provisoire du requérant a suivi les voies légales prévues par le droit italien et que les décisions adoptées par les juridictions internes étaient fondées sur des raisons logiques et pertinentes, et elle estime qu’aucune apparence d’arbitraire ne saurait être décelée en l’espèce.

Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme manifestement mal fondé, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

2.  Le requérant se plaint de la durée de sa détention provisoire. Il invoque l’article 5 § 3 de la Convention, qui se lit ainsi :

« Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c du présent article (...) a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. (...) »

La Cour relève que la détention provisoire litigieuse a débuté le 14 juin 1997, date à laquelle le requérant a été arrêté, et s’est terminée le 1er juin 1999, date à laquelle le requérant a été mis en liberté. A cet égard, la Cour rappelle que le terme final de la période visée à l’article 5 § 3 est « le jour où il est statué sur le bien-fondé de l’accusation, fût-ce seulement en premier ressort » (arrêt Wemhoff c. Allemagne du 27 juin 1968, série A n° 7, p. 23, § 9). Dès lors, la période à considérer s’étend sur près d’un an, onze mois, dix-sept jours, dont un an, trois mois et vingt-quatre jours de détention provisoire et sept mois et vingt-trois jours d’assignation à domicile.

La Cour rappelle que « le délai raisonnable de la détention ne se prête pas à une évaluation abstraite. Le caractère raisonnable du maintien en détention d’un accusé doit s’apprécier dans chaque cas d’après les particularités de la cause. La poursuite d’une incarcération ne se justifie, dans une espèce donnée, que si des indices concrets révèlent une véritable exigence d’intérêt public prévalant, nonobstant la présomption d’innocence, sur la règle du respect de la liberté individuelle » (Labita c. Italie [GC], précité, § 152).

Il incombe au premier chef aux autorités judiciaires nationales de veiller à ce que, dans un cas donné, la durée de la détention provisoire d’un accusé ne dépasse pas la limite du raisonnable. La tâche de la Cour consiste ensuite à déterminer, sur la base des motifs figurant dans les décisions des autorités et des faits non controversés indiqués par l’intéressé dans ses recours, si la durée de la détention provisoire se justifie ou non à la lumière des exigences de l’article 5 § 3 de la Convention.

Comme la Cour l’a affirmé à plusieurs reprises, si la persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d’avoir commis une infraction est une condition sine qua non justifiant le maintien en détention, au bout d’un certain temps elle ne suffit plus. La Cour est donc appelée à examiner si les autres motifs invoqués par les autorités continuent à légitimer la privation de liberté et lorsque ceux-ci se révèlent « pertinents » et « suffisants », si les autorités nationales ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure (Labita c. Italie [GC], précité, § 152 ; voir aussi les arrêts Contrada c. Italie du 24 août 1998, Recueil 1998-V, p. 2185, § 54, et I.A. c. France du 23 septembre 1998, Recueil 1998-VII, p. 2978, § 102).

La persistance de raisons plausibles de soupçonner le requérant n’étant cependant pas un élément décisif au fil de l’écoulement du temps, encore faut-il que la décision de le maintenir en état de détention se fonde sur d’autres motifs pouvant être considérés comme « pertinents et suffisants ». A cet égard, la Cour note que les autorités compétentes ont examiné à plusieurs reprises la question du maintien en détention du requérant. Elle relève que, conformément au code de procédure pénale, la décision de maintenir la mesure de privation de liberté se fondait sur le danger de récidive et sur le danger d’altération des preuves, notamment sur le fait que le pistolet n’avait pas été trouvé et que quelques-uns des témoins avaient déclaré avoir reçu des menaces de la part du requérant. En plus, la Cour observe que les juridictions italiennes, une fois relevé l’affaiblissement du danger d’altération des preuves et du danger de récidive, sur demande du requérant, ont ordonné l’application de la mesure de sûreté de l’assignation à domicile, estimant que cette mesure était appropriée.

La Cour relève que les motifs fournis par les tribunaux italiens paraissent suffisamment pertinents pour justifier toute la durée de la détention.

Enfin, la Cour estime utile de se pencher aussi sur la question de savoir si les autorités nationales compétentes ont apporté à la poursuite de la procédure la diligence requise dans ce domaine.

La Cour note que l’enquête a permis très rapidement d’identifier l’auteur présumé du crime et que des éléments de preuve ont été recueillis même après l’arrestation du requérant.

La Cour relève ensuite que les débats devant la cour d’assises de Rome ont débuté le 20 avril 1998, soit environ dix mois après l’arrestation du requérant.

Si les éléments du dossier ne permettent pas d’établir avec précision quels actes d’instruction ont été accomplis pendant cette période et à quelles dates, il est en tout cas certain que des investigations ont effectivement eu lieu, notamment l’interrogatoire des témoins et des expertises techniques.

En outre, à partir du 20 avril 1998, les débats se sont déroulés assez rapidement, compte tenu du nombre des audiences, des témoignages recueillis et des expertises effectuées.

S’agissant de la conduite de la procédure dans la période concernée, la Cour rappelle que la célérité particulière à laquelle un accusé détenu a droit dans l’examen de son affaire ne doit pas porter préjudice aux efforts des magistrats pour accomplir leur tâche avec le soin voulu (arrêt Contrada, précité, § 67). Eu égard à ce qui précède, et compte tenu des éléments en sa possession, la Cour ne voit pas de raisons particulières de critiquer la conduite de l’affaire par les autorités judiciaires pendant la période concernée par la détention provisoire du requérant.

En conclusion, la Cour estime que la durée globale de la détention provisoire subie par le requérant du 14 juin 1997 au 1er juin 1999 ne se révèle pas contraire aux exigences de l’article 5 § 3 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Ouajil c. Italie, (déc.), no.38764/97, 31.05.2001, non publiée, où la Cour a estimé non excessive une détention provisoire ayant duré environ un an et neuf mois). Il s’ensuit que ce grief est donc manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Vincent BergerGeorg RESS
GreffierPrésident

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