Le Fiscal by Doctrine / Commentaires d'arrêts



Décision. - Le Conseil d’État rejette le pourvoi formé par la société Foncière Vélizy Rose à l’encontre d’un arrêt ayant refusé l’application de l’exonération prévue par l’article 119 ter du CGI à raison de distributions versées à sa société mère luxembourgeoise. En premier lieu, la contestation de la qualité de bénéficiaire effectif ne nécessite pas, en principe, la mise en œuvre de la procédure de répression des abus de droit, même lorsqu’elle repose sur des éléments qui constituent également des indices d’abus. En deuxième lieu, dès lors qu’elle doit être interprétée à la lumière de la directive mères-filiales qu’elle a pour objet de transposer, la loi française est nécessairement conforme à cette directive, de sorte que doit être regardé comme inopérant le moyen, fondé sur la liberté d’établissement, tiré de ce que le CGI instituerait une différence de traitement fiscal entre les sociétés mères percevant d’une filiale établie en France des dividendes dont elles ne sont pas les bénéficiaires effectives, selon qu’elles sont elles-mêmes établies en France ou dans un autre Etat-membre de l’Union européenne. En troisième lieu, la cour administrative d’appel a exactement considéré en l’espèce que la société Vélizy Rose Investment SARL n’était pas la bénéficiaire effective des sommes versées. En dernier lieu, dès lors que la résidence fiscale des bénéficiaires effectifs de ces sommes, notamment, ne ressortait pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond, il n’est pas possible de procéder à une application par transparence des conventions fiscales bilatérales.
Portée. - Cette décision, particulièrement riche, apporte certaines réponses, processuelles, quant à l’absence de nécessité de mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit pour dénier la qualité de bénéficiaire effectif, même lorsque les éléments retenus au soutien de cette contestation sont également des indices d’abus, et substantielles, quant à l’appréciation concrète de la qualité de bénéficiaire effectif et à l’application par transparence des conventions fiscales bilatérales. En revanche, l’échappatoire trouvée par le Conseil d’Etat pour éviter d’aborder la question de la compatibilité de l’article 119 ter du CGI et de la directive mères-filiales avec la liberté d’établissement semble non seulement en délicatesse avec le droit de l’Union européenne mais également inopportune, l’occasion de préciser si le régime des sociétés mères comporte ou non une condition tenant à la qualité de bénéficiaire effectif n’ayant pas été saisie.
À la lecture des arrêts T Danmarket Y Denmark Apsi et N Luxembourg 1i , M. le professeur Daniel Gutmann concluait sévèrement : « L’articulation entre théorie du bénéficiaire effectif et abus de droit est devenue si inutilement complexe que le droit de l’Union européenne comme les conventions fiscales gagneraient à se débarrasser d’une notion floue, viciée et obsolète : celle de bénéficiaire effectif »i .
La décision commentée confirme le fort potentiel d’insécurité juridique que recèle la notion de bénéficiaire effectif.






