ADLC, Décision du 3 décembre 1991 relative à la situation de la concurrence dans le secteur des géomètres experts, 91-D-55

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Sur la décision

Référence :
Cons. conc., déc. n° 91-D-55 du 3 déc. 1991
Numéro(s) : 91-D-55
Identifiant ADLC : 91-D-55
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Décision n° 91-D-55 du 3 décembre 1991 relative à la situation de la concurrence dans le secteur des géomètres experts

Le Conseil de la concurrence,

Vu la lettre enregistrée le 21 décembre 1989 sous le numéro F 293, par laquelle le ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et du budget, a saisi le Conseil de la concurrence d’un dossier concernant la situation de la concurrence dans le secteur des géomètres experts ;

Vu les ordonnances n° 45-1483 et n° 45-1484 du 30 juin 1945, modifiées, relatives respectivement aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ;

Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié, pris pour son application;

Vu la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 instituant l’ordre des géomètres experts, modifiée notamment par la loi n° 85-1408 du 30 décembre 1985 portant amélioration de la concurrence ;

Vu l’avis n° 349-144 du Conseil d’Etat en date du 6 juin 1991 ;

Vu les observations présentées par les parties et par le commissaire du Gouvernement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les parties entendus,

Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés :

I. – CONSTATATIONS

A. – Conditions d’exercice de la profession de géomètre expert

I. – Les conditions d’exercice de la profession de géomètre expert sont définies par la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 créant l’Ordre des géomètres experts, modifiée par la loi n° 87-998 du 15 décembre 1987, notamment par les articles 22, 9, 6 et 11. Il est institué, pour les seuls travaux touchant à la définition des limites des biens fonciers, un monopole au profit des géomètres experts inscrits au tableau de l’Ordre et l’exercice illégal de la profession est sanctionné pénalement. Pour les activités exclues du monopole (photogrammétrie,

topographie, études foncières, aménagement urbain, ingénierie), les géomètres experts sont en concurrence avec d’autres professions (topographes, experts agricoles et fonciers notamment) ou les représentants des 'services publics pour l’exécution de travaux qui leur incombent'.

L’inscription au tableau de l’Ordre dans une circonscription donne le droit d’exercer la profession sur l’ensemble du territoire. Si un géomètre expert, membre de l’Ordre, désire exercer de façon habituelle, dans une circonscription autre que celle dans laquelle il est inscrit, il doit en aviser au préalable le conseil régional de l’Ordre de cette circonscription et est alors placé pour les opérations effectuées dans cette dernière circonscriptions sous le contrôle du conseil régional (art. 22 de la loi du 7 mai 1946). La fixation des honoraires des géomètres experts a fait l’objet des dispositions de l’article 9 de la loi modifiée du 7 mai 1946 : 'Les membres de l’Ordre reçoivent, pour tous les travaux entrant dans leurs attributions, des honoraires qui sont exclusifs de toute autre rémunération, même indirecte, par un tiers, à quelque titre que ce soit. Ces honoraires doivent constituer la juste rémunération du travail fourni, leur montant est convenu librement avec les clients, sous réserve des tarifs approuvés par les ministres de l’éducation nationale, des finances, de l’agriculture, de la reconstruction et de l’urbanisme'.

La loi n° 85-1408 du 30 décembre 1985 portant amélioration de la concurrence a, par un article 11, modifié l’article 9 précité en son deuxième alinéa, ainsi qu’il suit :

'Le montant des honoraires est convenu librement avec leurs clients dans les limites fixées, le cas échéant, par l’Etat, en vertu de ses prérogatives générales en matière de prix.'

Le règlement intérieur de l’Ordre et le Code des devoirs professionnels font l’objet de l’alinéa 1er de l’article 6 et de l’article 11 de la loi du 7 mai 1946 ;

'Les géomètres experts, les sociétés de géomètres, les géomètres experts stagiaires doivent respecter les règles édictées dans la présente loi ainsi que celles contenues dans le code des devoirs professionnels et dans le règlement intérieur établi par le Conseil supérieur de l’Ordre et dûment approuvé par le commissaire du Gouvernement’ (art. 6).

'Les pouvoirs publics sont représentés auprès du Conseil supérieur et des Conseils régionaux par un commissaire du Gouvernement (…). Le commissaire du Gouvernement assiste aux séances du Conseil supérieur de l’Ordre (…). Il approuve les règlements intérieurs rédigés par les conseils de l’Ordre’ (art. 11).

Conformément à ces articles, un code des devoirs professionnels et un règlement intérieur ont été établis, approuvés par le commissaire du Gouvernement et adoptés. Ils contiennent des dispositions concernant, d’une part, les honoraires, d’autre part, l’exercice de la profession sur l’ensemble du territoire.

II. – Les articles 26-02 du règlement intérieure et 4-08 du code des devoirs professionnels réaffirment le principe de la liberté de détermination des honoraires. Cette liberté trouve toutefois une limite dans le fait que les honoraires doivent constituer 'la juste rémunération du travail fourni', expression figurant dans le texte ancien de la loi du 7 mai 1946, non reprise dans sa nouvelle rédaction, issue de la loi du 30 décembre 1985, mais subsistant dans le code des devoirs professionnels (art. 4-09) et dans le règlement intérieur (art. 26-03), cette 'juste rémunération’ étant déterminée par le Tarif national de l’Ordre des géomètres experts (art. 26- 04 du règlement intérieur).

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Les articles 26-05 et 26-06, ainsi que les articles 43-01 à 09 du règlement intérieur instituent une procédure de vérification des honoraires sous la responsabilité des Conseils régionaux de l’Ordre saisi par des clients ou par des membres de l’Ordre et pouvant aboutir à des poursuites disciplinaires 'si les honoraires demandés au client ont été fixés au-dessus du tarif avec une intention frauduleuse, ou au-dessous, avec l’intention d’enlever un travail à un confrère'. La procédure fait intervenir, pour l’instruction et en première instance, les Conseils régionaux et, en appel, le Conseil supérieur de l’Ordre.

Le code des devoirs professionnels considère comme acte de concurrence déloyale et, comme tel, passible de sanction disciplinaire, le fait de proposer des réductions d’honoraires ou d’offrir des commissions pour enlever des affaires (art. 5-02, 5-04 et 10).

III. – Le principe de la liberté d’exercice de la profession de géomètre expert sur l’ensemble du territoire, prévu à l’article 22 de la loi, est également l’objet de clauses du règlement intérieur et du code des devoirs professionnels. L’article 2 du règlement intérieur, relative à l’instruction des demandes d’instruction au tableau des géomètres experts et des géomètres experts associés prévoit la nomination d’un commissaire instructeur chargé d’examiner le dossier des candidats qui rédige un rapport (art. 2-13).

Des dispositions spéciales visent le lieu d’installation (art. 3 et 4) et le changement de lieu d’installation (art. 11). Le conseil régional peut faire connaître les inconvénients qui peuvent résulter du lieu choisi pour l’installation et les avantages que présenterait le choix d’une autre localité. L’ouverture de permanences, par exception au principe de l’unicité de cabinet pour l’exercice de la profession, ou de barreaux de chantiers doit, de même, faire l’objet d’autorisations de la part du Conseil de l’Ordre (art. 20 et 21 du règlement intérieur).

B. – Organisation de la profession

La profession s’est dotée d’organisations syndicales représentatives. Les géomètres experts adhèrent à des chambres syndicales, elles-mêmes regroupées au sein de la Fédération nationale des géomètres experts fonciers (F.N.G.E.F.). Des liaisons sont organisées entre l’Ordre et la Fédération au travers d’un comité de liaison et de comités régionaux, dotés de la personnalité morale, composés de membres des conseils régionaux de l’Ordre et des présidents des chambres syndicales des circonscriptions ordinales.

C. – Interventions du Conseil supérieur de l’Ordre des géomètres experts en matière d’honoraires

1° Le Tarif national de l’Ordre des géomètres experts

Le tarif de l’Ordre des géomètres experts, adopté par décision du Conseil supérieur du 13 novembre 1973, est un barème de tarification des honoraires élaboré à partir d’une 'nomenclature des travaux et prestations’ et permettant d’établir un décompte en unités d’œuvre élémentaires, appelées unités de compte, des travaux susceptibles d’être effectués par des géomètres experts. La nomenclature devient un barème tarifaire par l’affectation d’une valeur de l’unité de compte au nombre d’unités de compte attribuées à une prestation.

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Cette valeur a été arrêtée régulièrement par le Conseil supérieur jusqu’au 15 juin 1986. Elle peut être actualisée, ou révisée, au moyen de l’Indice Géomètre Expert (I.G.E.), déterminé par la profession et publié régulièrement au MONITEUR DES TRAVAUX PUBLICS ET DU BATIMENT.

La nomenclature contient, en outre, des normes tarifaires concernant les honoraires selon le temps passé, ou à la vacation, ainsi que le niveau des abattements par rapport au tarif dont le montant est recommandé pour les missions confiées par les collectivités locales.

Il résulte d’une enquête statistique effectuée par l’Ordre des géomètres experts que 53 p. 100 des honoraires pratiqués par les géomètres experts relevaient d’une facturation établie en unités de compte. La majorité des travaux rentrant dans cet ensemble fait partie du monopole institué par la loi. Dans les autres cas, le tarif est fixé selon un barème déterminé par les donneurs d’ordres (administrations) ou librement négocié (appels d’offres ou ingénierie hors unité de compte).

2° Interventions du Conseil supérieur de l’Ordre en matière d’honoraires

2.1. La décision du Conseil supérieur de l’Ordre du 14 mai 1986 :

Par cette décision, dont le Conseil supérieur expliquait qu’elle était prise 'en vertu des dispositions de l’article 2 de l’arrêté n° 85-57/A du 8 novembre 1985' (lui-même pris en application de l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945), l’Ordre fixait la valeur de l’unité de compte à 12,88 F H.T.

2.2. Décision et communiqué du 11 mars 1987 :

Par un communiqué publié à la suite de sa réunion du 11 mars 1987, le Conseil supérieur précisait : 'Le Conseil supérieur a examiné les conséquences de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Il résulte notamment de ce texte que chaque géomètre expert est libre de fixer le montant de ses honoraires. En conséquence, le Conseil supérieur a décidé de ne plus fixer la valeur de l’unité de compte prévue par le Tarif des honoraires de l’Ordre, le contenu des autres articles de ce 'Tarif’ demeurant toujours en vigueur, à titre indicatif, comme bordereau de prix unitaire. De ce fait, les conseils régionaux pourront continuer à délivrer des avis sur les notes d’honoraires établies par les membres de l’Ordre en contrôlant le nombre d’U.C. décompté ou en expertisant l’ensemble des travaux accomplis. En tout état de cause, le Conseil supérieur fait siennes les consignes de modération des prix diffusées par le Gouvernement et incite les géomètres experts à faire preuve de discernement et de sens civique dans le calcul des prix de revient des travaux professionnels.

'L’Indice Géomètre Expert (I.C.E.) continuera à être publié dans les revues professionnelles spécialisées, puisqu’il s’agit d’un indice mensuel qui constate a posteriori l’évolution des paramètres économiques. Cet indique peut donc toujours servir de base à l’actualisation et à la révision des marchés et des contrats. Par ailleurs, une observation par voie d’enquête des unités de compte réellement pratiquées aux niveaux départemental, régional et national fera l’objet périodiquement d’une publication sous forme de statistiques. Cette publication pourra être utilisé pour l’ajustement de tout contrat conclu sur la base de l’unité de compte préalablement à la promulgation de l’ordonnance du 1er décembre 1986.'

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A la suite de cette décision, la Nomenclature des Travaux et Prestations devait se substituer par le jeu d’un simple autocollant, au document intitulé 'Tarif des honoraires'.

Un relais de ces recommandations a été opéré par des instances ordinales régionales et par des organisations syndicaux. La Fédération Nationale des Géomètres Experts Foncier (F.N.G.E.F.) a organisé une enquête afin, selon elle, 'de permettre une analyse comparative des valeurs d’unités de compte pratiquées dans les divers départements de France (…)'. Elle a adressé, à cet effet, le 3 mars 1988, un courrier à chacun des présidents de Chambres syndicales, afin que lui soient communiquées les valeurs d’unités de compte pratiquées. Il ne résulte pas de l’instruction que les résultats de cette enquête aient été diffusés en retour aux géomètres experts.

D. – Interventions d’instances ordinales régionales et d’organismes syndicaux en matière tarifaire

1° Le Conseil régional de l’Ordre des géomètres experts de la région de Strasbourg

Le compte rendu de la réunion du 7 juillet 1987 du Conseil régional mentionne que l’instance ordinale a chargé une commission élargie d’étudier et de proposer une méthodologie d’actualisation du tarif national basée sur l’I.C.E., à la suite de la décision du Conseil supérieur de ne plus fixer la valeur de l’unité de compte : 'M. Jacques Simon rend compte au Conseil de ses réflexions sur une méthodologie de facturation et sur la manière pratique de maintenir une référence à notre ancien tarif et à l’indice d’actualisation publié par la profession (…), il est souhaitable et même fortement conseillé d’assortir les devis et les commandes d’une clause d’indexation à l’aide de l’indice Géomètres experts'.

Tout en précisant que la valeur de l’unité de compte est déterminée librement par chaque géomètre M. KLOPFENSTEIN, président du Conseil régional, a indiqué lors de son audition que 'la variation de l’indice I.G.E. est conseillée et sert de référence à la valeur de l’unité de compte pour des marchés qui se prolongent dans le temps'.

Dans une lettre du 8 janvier 1988, adressée aux géomètres experts de la région, le président du Conseil régional insistait, en outre, sur le fait que la nomenclature des travaux et prestations serait toujours la référence de la profession, de Conseil régional et du Conseil supérieur pour une juste rémunération des travaux élaborés selon les règles de l’art…

2° Le Conseil régional de l’Ordre des géomètres experts de la région de Clermont-Ferrand

L’enquête statistique de la fédération a donné lieu à la réponse suivante par le représentant de la Chambre locale : 'I.E. : la valeur de l’unité de compte dans le Cantal est de 13,20 F'.

Selon le rapport d’enquête de la Direction départemental de concurrence, les quatre cabinets les plus importants du département du Cantal (sur un total de cinq) adoptent des comportements semblables en utilisant des niveaux de prix similaires voire identiques.

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Pour déterminer les cotisations de 1987 et de 1988, le Conseil régional a fixé une valeur de l’unité de compte de 12,88 F et 13 F alors que la valeur communément pratiquée de l’unité de compte était respectivement de 12,88 F et de 13,30 F. L’appel de cotisation 1989 ne mentionne plus la valeur de l’unité de compte mais son montant peut être déduit des bases de la cotisation.

3° Le Comité régional de la Fédération nationale des géomètres experts foncier de Lyon

Une concertation sur la valeur des unités de compte a eu lieu au sein du Comité régional. Celui-ci est composé des membres du conseil régional de l’Ordre adhérents à la Chambre syndicale et des présidents de Chambres syndicales de la circonscription. Au cours de la réunion du Comité régional élargi le 26 juin 1987, à laquelle ont participé quatorze géomètres experts, il est en effet mentionné :

'A titre d’information, en indexant la valeur de l’unité de compte fixée à 12,88 F (H.T.) en juillet 1986 à l’indice de la profession I.G.E. (publié dans Le Moniteur) on obtiendrait une valeur de l’unité de compte en mars 1987 de 13,34 F (H.T.).

Par, ailleurs, à titre statistique, on a constaté que la valeur de l’unité de compte de la région se situe actuellement entre 12,88 F et 13,50 F (H.T.).'

Le compte rendu de la réunion du même Comité le 19 décembre 1987 (quinze présents) reprend la même méthode, appliquée cette fois à la valeur de l’unité de compte au 1er septembre 1987 (13,70 F) et indique : 'à titre statistique on a constaté que la valeur de l’unité de compte devrait probablement se situer entre 13,50 F et 14 F au 1er janvier au regard des valeurs pratiquées actuellement.'

Ce texte traduit la préoccupation d’harmonisation des valeurs d’unité de compte du Comité régional, confirmée par les déclarations du président de la Chambre syndicale de l’Ain et d’un géomètre expert de ce même département ainsi que par le compte rendu de réunion du Comité régional du 3 avril 1987 qui indique, en effet : 'unité de compte : (…). Dans l’attente de directives de l’échelon national, il est décidé de conserver la valeur de 12,88 F en jouant sur les coefficients'.

4° La Chambre syndicale de l’Ain

Le compte rendu de l’assemblée général de la Chambre syndicale de l’Ain du 4 mai 1987 mentionne :

'Tarif : … Position de la chambre recommandation pour appliquer la valeur de l’unité de compte à 12,88 F jusqu’au congrès de Rouret'.

Le compte rendu de la réunion du 21 décembre 1987 indique : 'Unité de compte : la Chambre prend note qu’à titre d’information en indexant la valeur de l’unité de compte fixée à 12,88 F (H.T.) à… l’indice géomètre expert, on obtiendrait une valeur de l’unité de compte en septembre 1987 de 13,70 F (H.T.). Par ailleurs, à titre statistique, on a constaté que la valeur de l’unité de compte de la région se situe entre 13,50 F et 14 F.'

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Le compte rendu de la réunion syndicale du 13 juin 1988 mentionne : 'valeur unité de compte : la chambre prend note qu’a titre d’informations en indexant la valeur de l’unité de compte fixée à 12,88 F (H.T.) en juillet 1986 sur l’indice de la profession I.G.E., on obtiendrait une valeur de l’unité de compte en juillet 1988 égale à 14,18 F (H.T.)'.

Le président de la Chambre syndicale a confirmé que les valeurs d’unités de compte ont été établies à partir de l’indice I.G.E. selon le mode de détermination retenu par le Comité régional syndical. Les valeurs de toutes ces unités de compte ont été communiquées aux membres de la Chambre syndicale de l’Ain lors de réunions.

Des déclarations concordantes de géomètres experts du département confirment le rôle de la Chambre syndicale et le fait que ses recommandations ont été suivies d’effet. Les géomètres experts sont par ailleurs convenus d’une valeur commune de l’unité de compte dans la négociation d’une convention avec l’Office public d’aménagement et de construction (O.P.A.C.) de l’Ain. La Chambre syndicale a ainsi substitué une valeur définie par elle au 'Tarif de l’Ordre’ auquel il était fait référence auparavant.

5° La Chambre syndicale du Rhône

L’unité de compte facturée par les géomètres experts à la communauté urbaine de Lyon (C.O.U.R.L.Y.) pour les documents d’arpentage a été établie par la Chambre syndicale par un 'accord entre le service aménagement urbain de la communauté urbaine de Lyon et la Chambre syndicale des géomètres experts du Rhône', daté du 14 janvier 1988, selon lequel les documents d’arpentage établis d’après ladite convention sont rémunérés selon un bordereau de prix joint, exprimé en unités de compte dont la valeur est négociée chaque année.

6° La Chambre syndicale de la Loire

Le compte rendu de la Chambre du 17 juin 1988 mentionne : 'Tarif : la valeur de l’unité moyenne constatée le 1er janvier 1988 était de 13,70 F. Une étude faite par application de l’indice I.G.E. ainsi que différents sondages effectués laissent penser que l’unité de compte sera de 14,10 F le 1er juillet 1988. Rappel : la valeur moyenne de l’unité de compte se situe dans la fourchette comprise entre 14,10 F et 14,20 F pour notre région. La facturation en unité de compte des toujours conseillée'.

Un procès-verbal de déclaration d’un géomètre expert confirme cette entente : 'La Chambre syndicale locale des géomètres experts se réunit régulièrement pour fixer la valeur de l’unité de compte à pratiquer par les géomètres experts du département.'

7° La Chambre syndicale de l’Isère

Il résulte des déclarations de l’ancien président, quant à la réponse formulée à l’enquête de la Fédération, ainsi que de celles d’un professionnel du département, que la valeur de l’unité de compte a fait l’objet de discussions lors des réunions syndicales, cet échange d’informations ayant pour objet 'd’appréhender la valeur moyenne pratiquée dans les cabinets et de la réévaluer en appliquant certains indices’ dans le souci que l’écart retenu soit faible.

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8° La Chambre syndicale de la Savoie

Le problème de la valeur de l’unité de compte a été évoqué à deux reprises, d’une part, à la réunion de la chambre syndicale du 4 septembre 1987 : 'tarif à titre indicatif : l’unité de compte serait actuellement à 13,34 F en mars 1987', d’autre part, à la réunion du 11 décembre 1987 où, de façon plus significative, il est porté à l’ordre du jour diffusé aux adhérents. La question de la valeur de l’unité de compte est abordée et son mentionnées sur ce document les valeurs de l’indice géomètre expert de février 1986 et de septembre 1987 ainsi que les valeurs de l’unité de compte en juin 1986 et janvier 1988 ; celle-ci résulte d’une révision de la valeur de base suivant ces indices, soit 14,02 F.

Le compte rendu de la réunion du 11 décembre 1987 à laquelle participaient seize géomètres experts précise : 'unité de compte : bien que non en vigueur, ont peut estimer son montant d’après la variation de l’indice géomètre experts soit 14 F, étant précisé que chacun reste libre d’en fixer le montant à sa convenance'.

9° Le Comité régional de Poitou-Charentes

Dans la lettre du Comité du 1er juin 1987 adressé aux géomètres experts, on lit : 'le nouveau Comité régionale a décidé de recommander à tous les confrères l’application d’une valeur de l’unité de compte à 13,66 F à compter du 1er juin'.

La lettre adressée aux géomètres experts le 30 juillet 1987 et les déclarations du président du comité confirment cette décision : 'Après consultation des membres présents du Conseil régional, réunis à Poitiers le 24 juillet, je vous propose à compter du 1er août une valeur de l’unité de compte aux alentours de 13,66 F correspondant sensiblement au pourcentage d’augmentation des salaires. Je compte sur votre sens civique et votre solidarité professionnelle pour appliquer ce nouvel indice (…)'.

'L’application à l’unité de compte de la variation du coefficient I.G.E. donne une valeur de 14 F à compter du 1er janvier 1988, selon une lettre du comité du 4 février 1988.'

10° La Chambre syndicale du Bas-Rhin

La lettre de réponse du président de la Chambre syndicale du Bas-Rhin à l’enquête de la Fédération (mars 1988) sur la valeur des unités de compte porte la mention manuscrite : 'valeur conseillée : 13,70 F, valeur effective appliquée par certains confrères : 5 F'.

La valeur ainsi conseillée a été pratiquée par sept cabinets sur dix en mars, selon l’enquête administrative. Par ailleurs, une technique de fixation indirecte de l’unité de compte a pu être mise en place dans ce département. La fixation de la cotisation syndicale se fait en effet sur la base de 150 unités de compte, la valeur de 14 F retenue et fixée en assemblée générale faisant à cette occasion l’objet d’une communication aux adhérents de la Chambre syndicale.

Le compte rendu de la réunion syndicale du 23 septembre 1988 précisé sous le titre Bila financier : 'Les cotisations nationales ne sont pas encore payées. Pour 1989, la cotisation est maintenue à 150 unités de compte (valeur de l’unité de compte : 14 F).

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La dernière valeur ainsi affichée de 14 F est celle constatée comme étant quasi systématiquement pratiquée par les géomètres experts visités par les enquêteurs. Elle découle d’ailleurs de la valeur résultant de l’application de l’indice I.G.E. à la dernière valeur officiellement établie par l’Ordre (12,88 F au 15 juin 1986).

11° La Chambre syndicale de la Charente-Maritime

Un procès-verbal de déclaration d’un géomètre expert cite la Chambre syndicale du département : 'la valeur de l’unité de compte que j’applique (…) relève d’une moyenne définie par la chambre syndicale départementale'.

Les valeurs des unités de compte constatées pour onze géomètres experts indiquent, selon l’enquête administrative, qu’un alignement relatif des valeurs utilisées a pu être réalisé.

12° La Chambre syndicale de la Vienne

Le compte rendu de la réunion du 6 avril 1988 de la Chambre syndicale mentionne : 'Rappel : la valeur conseillée de l’unité de compte est de 14 F à compter du 1er janvier 1988' et les professionnels interrogés reconnaissent l’existence de conseils en matière d’unités de compte de la part des instances syndicales.

13° La Chambre syndicale des Deux-Sèvres

La Chambre syndicale a notamment assuré le relais du comité régional auprès des professionnels du département, le compte rendu d’une réunion du 24 mars 1987 indiquant que 'l’actualisation des prix peut se déterminer en utilisant une valeur d’unité de compte fictive, préconisée à 13,20 F'.

14° La Chambre syndicale de l’Eure

La Chambre des géomètres experts du département de l’Eure a diffusé le 28 avril 1987, une 'information de dernière minute’ précisant que la valeur de l’unité de compte passait à 13,20 F à compter de ce jour. Selon le président de la Chambre, la valeur de 13,20 F a été déterminée par application de la variation de l’indice Géomètre expert au mois de janvier 1987. Sa déclaration établit, en outre, l’existence d’échanges d’informations sur ce point avec d’autres présidents de chambres syndicales.

15° La Chambre syndicale de la Somme

L’action de cette Chambre syndicale est mise en évidence par des déclarations concordantes de géomètres experts. 'La valeur actuelle de l’unité de compte est de 14,60 F (H.T.) valeur décidée par la Chambre syndicale est en principe appliquée par tous les membres de cette chambre', déclare l’un, alors qu’un autre a affirmé : 'Une réunion organisée par le Chambre syndicale départementale des géomètres experts s’est tenue à Amiens, à la Chambre d’agriculture, le 17 janvier 1989, avec l’inscription à l’ordre du jour de la réunion de la valeur de l’unité de compte. Compte tenu du fait que la valeur de l’unité de compte appliquée par notre cabinet est déjà inférieur à la valeur communément appliquée dans le département, nous serons probablement amenés à moduler l’augmentation arrêtée en réunion.'

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16° La Chambre syndicale de l’Orne

Lors de l’assemblée générale du 12 janvier 1988 de la Chambre départementale, à laquelle participaient dix géomètres experts, une valeur indicative de l’unité de compte a été déterminée : 'Compte tenu de la variation de l’indice géomètre, la valeur de l’unité de compte passerait de 13,34 F à 13,70 F.'

E. – Pratiques limitant le libre exercice de la profession de géomètre expert sur le plan territorial

Le Conseil régional de l’Ordre des géomètres experts de la région de Lyon a été amené à solliciter l’avis de Chambres syndicales lors de l’installation de géomètres experts ou de l’ouverture d’une permanence.

Ainsi, dans un compte rendu de la Chambre syndicale de la Loire du 18 février 1989, il est mentionné que le projet d’installation d’un géomètre expert à Andrézieux 'fait l’objet d’un avis défavorable unanime de la chambre'. Malgré cet avis défavorable, l’installation a néanmoins eu lieu.

Le compte rendu de l’assemblée générale de la Chambre syndicale du Rhône du 16 avril 1987 indique, de son côté : 'Le Conseil de l’Ordre (…) nous demande notre avis sur l’ouverture d’une permanence (…) la politique de la Chambre syndicale étant hostile à la prolifération des permanences, quelles qu’elles soient, il est donné un avis négatif.'

Une attitude identique est constaté de la part de la Chambre syndicale de la Savoie. De même, un compte rendu de la Chambre syndicale de l’Ain, à propos de l’installation d’un géomètre expert, mentionne que la chambre adresse une réponse au commissaire-enquêteur 'avec mise en garde insistant sur la large couverture du secteur de Villars par les cabinets existants'.

II. – SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT

Le Conseil,

Considérant que les pratiques du groupement d’intérêt économique Géosavoie ayant une spécificité et une autonomie suffisante par rapport à l’ensemble des autres faits examinés, il y a lieu d’en faire l’objet d’une décision distincte ;

Sur la recevabilité de la saisine ministérielle :

Considérant que le Conseil supérieur de l’Ordre ainsi que les autres instances ordinales et professionnelles intéressées font valoir que la saisine serait 'irrecevable pour défaut de qualité et d’intérêt légitime’ du ministre à saisir le conseil de la concurrence en raison du fait qu’il serait le coauteur des règlements faisant l’objet de la saisine ;

Mais considérant qu’il résulte des articles 11 et 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 que le ministre chargé de l’économie est au nombre des personnes habilitées à saisir le Conseil de la concurrence de pratiques qu’il estime contraires aux dispositions du titre III de ladite ordonnance ; qu’aucune des dispositions régissant la profession, et en particulier la tutelle exercée sur l’Ordre, n’est de nature à faire obstacle à cette qualité ;

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Sur la compétence du Conseil de la concurrence :

Considérant que les intéressés soutiennent que le Conseil de la concurrence n’est pas compétent pour statuer sur la régularité des dispositions du règlement intérieur de l’Ordre et du code des devoirs professionnels relatives aux honoraires, en raison du caractère réglementaire que revêtiraient ces dispositions ;

Mais considérant que, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1985, l’Ordre n’a plus compétence pour régir les honoraires de la profession ;

Considérant que, par l’avis susvisé en date du 6 juin 1991, le Conseil d’Etat a estimé que : 'Le Conseil supérieur de l’Ordre des géomètres experts n’a, en tout état de cause, pas compétence, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1985, pour prendre un acte réglementaire concernant les tarifs de la profession. Il suit de là qu’un acte tendant à régir ces tarifs ne relève pas des prérogatives de puissance publique dévolues par la loi à l’Ordre des géomètres experts pour l’exercice de sa mission de service public et, dès lors, ne présente pas le caractère d’un acte administratif’ ;

Considérant qu’ainsi, il appartient au Conseil de la concurrence d’apprécier la régularité des dispositions dont il s’agit, qui sont dépourvues de caractère réglementaire ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant que le conseil de l’ordre des géomètres experts se plaint de ne pas avoir trouvé, joint aux observations du commissaire du Gouvernement, le texte de l’avisavis du Conseil d’Etat en date du 6 juin 1991 dont il était fait état dans lesdites observations et prétend que les droits de la défense se sont trouves de ce fait limités ;

Mais considérant que, il est exact que le texte ce texte de cet avis ne figurait pas en annexe aux observations ministérielles, il a été remis au Conseil de la concurrence quarante-huit heures après le dépôt de celles-ci et adressé le même jour au Conseil de l’Ordre des géomètres experts qui a, ainsi, disposé d’un délai de treize jours pour prendre connaissance du texte intégral d’un document dont le sens lui avait été donné par les observations ministérielles ; que, dans les circonstances de l’espèce, le caractère contradictoire de la procédure et les droits de la défense n’ont pas été méconnus ;

Sur les pratiques du Conseil supérieur de l’Ordre en matière d’honoraires :

Considérant que les règlements intérieure de l’Ordre ainsi que le Code des devoirs professionnels contiennent des dispositions faisant obstacle au libre jeu de la concurrence en favorisant artificiellement la hausse des prix ; que tel est le cas des articles énumérés au point A de la partie I de la présente décision, instituant le Tarif national de l’Ordre des géomètres experts et tendant à instaurer une discipline de prix dans la profession ; que, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1985, le Conseil supérieur de l’Ordre, qui a maintenu les dispositions dont s’agit, les a diffusées et en a demandé l’application aux géomètres experts, a enfreint l’article 50 de l’ordonnance du 30 juin 1945, puis celles de l’ordonnance du 1er décembre 1986 à compter de son entrée en vigueur ;

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Considérant que la décision du Conseil supérieur en date du 14 mai 1986, fixant la valeur de l’unité de compte à 12,88 F, constitue une pratique prohibée par les dispositions de l’article 50 de l’ordonnance du 30 juin 1945 ; qu’il en est de même du communiqué du Conseil supérieur du 11 mars 1987 ; que les orientations données par l’Ordre dans ce communiqué pouvaient implicitement conduire au rétablissement de l’ancien Tarif ; qu’il en est ainsi de la consigne visant l’utilisation de la nomenclature, sur laquelle l’Ordre affirmait continuer l’exercice de son contrôle, du fait que l’Ordre avait, une dernière fois fixé la valeur de l’unité de compte à 12,88 F en mars 1986, enfin de la référence à une actualisation ou à une révision des marchés et des contrats au moyen de l’indice Géomètre expert (I.G.E.), cette mention du communiqué pouvant être comprise par ses destinataires comme une suggestion s’appliquant à l’ensemble de la tarification des honoraires sur la base des unités de compte ;

Considérant que le Conseil supérieur de l’Ordre allègue dans ses observations que, d’une part, la décision du 11 mars 1987 vise l’ordonnance du 1er décembre 1986 et a été prise pour son exacte application, que, d’autre part, la nomenclature des travaux et prestations introduit un élément de clarté dans la définition et peut être utilisée pour prévenir d’éventuels abus de facturation, que, dès lors, elle favorise la concurrence en permettant aux demandeurs de comparer réellement les offres des professionnels, qu’enfin, pour des prestations complexes, la définition de leurs composants peut varier d’un cabinet à l’autre, cette circonstance limitant ainsi l’effet d’harmonisation de la nomenclature ;

Mais considérant, sur le premier point, qu’il suffit que l’information diffusée ait pu entraîner des effets anticoncurrentiel pour qu’elle entre dans le champ de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; que la recommandation d’utiliser l’indice I.G.E., fût-ce uniquement pour actualiser ou réviser les contrats en cours, revêtait en elle-même un caractère anticoncurrentiel ; que cette recommandation n’était pas nécessaire à la mise en œuvre de la décision du Conseil supérieur de ne plus fixer la valeur de l’unité de compte ;

Considérant, sur le deuxième point, que la nomenclature des travaux et prestations détermine forfaitairement le nombre d’unités de compte applicable à la majorité des prestations des géomètres experts, particulièrement dans les secteurs relevant du monopole de la profession ; que ce nombre tient compte de divers facteurs, notamment, la responsabilité du géomètre expert, la qualification du personnel affecté à l’exécution des travaux, les salaires du personnel, le temps nécessaire à l’exécution des travaux, les frais généraux, la précision, la compétence du géomètre expert, les résultats normaux qu’il est en droit de tirer de son activité pour assurer la juste rémunération du travail fourni ; qu’en fixant ainsi, de manière normative et détaillée, le contenu des prestations facturées par les géomètres experts, sans relation avec les éléments de coûts réels constatés dans chaque cabinet, lesquels peuvent varier en fonction de leur productivité, la nomenclature confère aux prix un caractère artificiel ;

Considérant, sur le troisième point, que le fait, que pour des prestations complexes, la définition de leurs composants peut varier d’un cabinet à l’autre n’est pas suffisant, à lui seul, pour priver la nomenclature de ses effets anticoncurrentiels ; que, d’ailleurs, les géomètres experts n’ignoraient pas que les Conseils régionaux pouvaient en contrôler l’utilisation ainsi que le leur rappelait le communiqué du 11 mars 1987 ;

Considérant enfin que les parties allèguent que les pratiques constatées en matière d’honoraires sont justifiées par l’application du 1° de l’article 51 de l’ordonnance du 30 juin 1945 et du 1° de l’article 10 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ;

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Mais considérant qu’il ne peut être argué de l’existence d’aucun texte législatif, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1985, ou réglementaire, pris ou non pour l’application d’un tel texte, pour justifier des pratiques en cause ; que dès lors les dispositions précitées ne sont pas applicables ;

Considérant le bénéfice du 2° de l’article 51 de l’ordonnance du 30 juin 1945 et du 2° de l’article 10 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ne saurait être invoqué que dans la mesure où la restriction de concurrence que comporte l’utilisation du bordereau de prix serait nécessaire à l’obtention du progrès économique; qu’à cet égard, contrairement à l’affirmation du Conseil supérieur de l’Ordre, la présentation par les géomètres experts à leurs clients d’un détail pour quantités et prix peut être faite sans référence à un barème commun; que, contrairement à ce que prétend ledit conseil, l’utilisation de la nomenclature, loin d’avoir favorisé la concurrence, a permis, au cas d’espèce, de faciliter la concertation en permettant à l’Ordre de contrôler les éléments de la tarification des honoraires; que chaque cabinet de géomètre expert doit être libre de déterminer par lui-même ses propres éléments de coût; qu’il résulte de ce qui précède que les dispositions précitées ne sauraient trouver application en l’espèce;

Sur les pratiques des instances ordinales régionales et des organismes syndicaux en matière d’honoraires;

Considérant que le Conseil régional de l’Ordre des géomètres experts de la région de Strasbourg a pris le relais des orientations données par le Conseil supérieur et fait en sorte de maintenir une référence à l’ancien tarif; qu’il soutient cependant que la recommandation qu’il a faite d’utiliser la variation de l’indice I.G.E. pour réviser les contrats trouve une origine dans les sollicitations de géomètres experts interrogeant le Conseil régional sur la manière d’appliquer les contrats conclus antérieurement à la décision du Conseil supérieur du 11 mars 1987 de ne plus fixer la valeur de l’unité de compte; que les consignes données à ses membres ont été clairement interprétées comme devant conduire à la disparition du tarif et de toute référence à la valeur de l’unité de compte, que, par ailleurs, des collectivités et des comptables publics lui ont demandé de détailler les notes d’honoraires en fonction du tarif;

Mais considérant que cette recommandation avait en elle-même un caractère anticoncurrentiel, l’indexation ne pouvant dans les circonstances de l’espèce qu’aboutir à un alignement des tarifs pour les contrats en cours; qu’il résulte de l’instruction que le Conseil régional a ainsi cherché à maintenir une référence à l’ancien tarif comme en témoigne le compte rendu de la réunion de ce Conseil du 7 juillet 1987, volonté confirmée par ailleurs par les pièces 1687 et 1694 relatives à la réunion du 28 septembre 1987;

Considérant que le Conseil régional de l’Ordre des géomètres experts de la région de Clermont-Ferrand a établi de 1987 à 1989 un mode de calcul de la cotisation due par les membres de l’Ordre sur la base d’une valeur de l’unité de compte pouvant avoir pour effert une détermination de leurs honoraires par les géomètres experts; qu’il en est de même en ce qui concerne la Chambre syndicale des géomètres experts fonciers du Bas-Rhin qui a fixé la cotisation syndicale sur la base d’une valeur d’unité de compte; que ces pratiques sont contraires aux dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986;

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Considérant que la Chambre syndicale du Rhône a enfreint les mêmes dispositions en concluant un accord fixant une valeur commune d’unité de compte pour certains marchés passés avec la communauté urbaine de Lyon (C.O.U.R.L.Y.); qu’elle sollicite cependant application du 2° de l’article 10 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 en faisant valoir que cet accord concerne les marchés relatifs aux documents d’arpentage et lui a été réclamé par la C.O.U.R.L.Y., qu’il est destiné à réduire les frais de gestion de cette dernière ainsi qu’à permettre un accomplissement accéléré des missions d’intérêt public dont elle est investie;

Mais considérant que la Chambre syndicale n’apporte aucun élément à l’appui de son affirmation : qu’il résulte de ce qui précède que les dispositions du 2° de l’article 10 ne sont pas applicables en l’espèce;

Considérant que la Chambre syndicale du département de l’Ain a émis des recommandations concernant les valeurs d’unités de compte à appliquer et entendu harmoniser les tarifs des géomètres experts du département; qu’elle a organisé une concertation en vue d’établir une valeur commune de l’unité de compte à pratiquer à l’égard de l’Office public d’Aménagement et de Construction de l’Ain;

Considérant que, dans ses observations en réponse, la Chambre syndicale produit des pièces attestant la réalité de la concurrence dans le département dans le cadre de commandes publiques, que par ailleurs, selon elle, la valeur de l’unité de compte a été convenue avec l’Office public d’Aménagement et de Construction (O.P.A.C.) de l’Ain à la demande de celui- ci dans son souci d’abaisser les coûts de revient des prestations qu’il commande aux géomètres experts et d’accélérer la rapidité de leurs interventions ;

Mais considérant que la circonstance qu’une concurrence effective existe sur certains marchés ne peut priver de leur caractère répréhensible les pratiques de concertation retenues ; que les avantages liés à l’établissement d’un tarif commun se substituant dans une convention avec l’O.P.A.C. de l’Ain au tarif de l’Ordre des géomètres experts ne sont pas établis ; qu’il résulte de ce qui précède que la Chambre syndicale de l’Ain a enfreint les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; que les dispositions du 2 de l’article 10 ne sont pas applicables ;

Considérant qu’il ressort également de l’instruction et des constatations consignées au I de la présente décision que le Comité régional de Lyon de la Fédération nationale des géomètres experts fonciers (F.N.G.E.F.), les chambres syndicales des géomètres experts fonciers de la Loire, de l’Isère, de la Savoie, de la Charente-Maritime, de la Vienne, du Bas-Rhin, des Deux- Sèvres, de l’Eure, de la Somme, de l’Orne et le Comité régional de Poitou-Charentes ont organisé une concertation sur la valeur des unités de compte à pratiquer dans leurs circonscriptions, en procédant notamment à des échanges d’informations ;

Considérant que la Comité régional de Lyon de la F.N.G.E.F. soutient qu’aucun effet sur les prix ne serait établi et que des écarts auraient subsisté entre les valeurs d’unités de compte pratiquée en janvier 1988, que les comptes rendus du Comité régional ne faisaient pas l’objet de diffusion et ne pouvaient, dès lors, avoir pour effet une harmonisation des prix sur un territoire étendu, et que la preuve d’une volonté de concertation ne saurait être tirée des mentions indicatives des valeurs actuelles et passées de l’unité de compte ; que la Chambre syndicale de la Charente-Maritime souligne l’absence d’incidence des faits qui lui sont reprochés, les éléments du dossier étant sur ce point insuffisants ; que la Chambre syndicale

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de la Vienne fait observer que les valeurs d’unités de compte pratiquées dans ce département n’ont connu aucune hausse supérieure à celles constatées dans les autres départements et que les comportements dont il lui est fait grief sont en fait l’expression des demandes faites à certaines instances locales alors que dans le même temps elles se trouvaient en face d’un vide juridique; que la Chambre syndicale du département des Deux-Sèvres fait observer qu’elle n’a entendu 'préconiser’ une valeur de l’unité de compte que pour l’actualisation des devis et des marchés existants et non dans les autres cas, pour lesquels elle a rappelé le principe de la liberté de fixation ; que la Chambre syndicale de l’Isère fait valoir la très grande variété des valeurs d’unités de compte et l’absence d’identité des dates de réévaluation de chaque cabinet ; que la Chambre syndicale de la Savoie invoque les mêmes arguments et conteste notamment le fait qu’il y ait eu un rapprochement des valeurs d’unités de compte à partir de janvier 1988 ; que la Chambre syndicale se prévaut de l’existence d’une concurrence effective sur les prix dans les appels d’offres émanant de collectivités publiques, qu’il ne serait pas sérieusement envisageable, selon elle, que la concurrence ne soit pas encore plus sévère sur des marchés privés où les entrepreneurs sont tenus à d’évidents impératifs de rentabilité ; que le Comité régional de Poitou-Charentes a répondu dans le même sens que la Chambre syndicale du département de la Vienne et a indiqué avoir cessé de procéder aux recommandations qui lui sont reprochées, que la Chambre syndicale de l’Eure souligne à la fois l’existence d’une concurrence entre ses membres, en invoquant les résultats d’un appel d’offres d’août 1988, et la variété des valeurs d’unités de compte pratiquées aux mois de mai-juin 1988 ; que la Chambre syndicale de la Somme avance des arguments de même nature, les effets des pratiques qui lui sont reprochées étant, selon elle, 'limités ou nuls’ ;

Mais considérant que la circonstance qu’une certaine dispersion des valeurs d’unités de compte ait pu subsister malgré les tentatives d’harmonisation ne saurait enlever leur caractère répréhensible aux pratiques relevées, dès lors que les instances professionnelles concernées ont pu par ce moyen limiter les effets de la concurrence par les prix ; que le fait que des donneurs d’ordres publics aient contribué à l’existence d’une concurrence effective sur certains marchés ne saurait légitimer les recommandations ou suggestions tendant à l’harmonisation des pratiques tarifaires sur d’autres marchés publics ou privés;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les organisations mentionnées ci-dessus ont enfreint les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 en se livrant à des pratiques tendant à l’harmonisation de leurs honoraires; que ces pratiques ne peuvent être justifiées au regard des dispositions du 1 de l’article 10 du même texte; que pour celles des parties qui l’ont invoqué, elles ne sauraient davantage bénéficier des dispositions du 2 de ce même article;

Sur les pratiques relatives à la liberté d’exercice de la profession;

Considérant qu’aux termes de l’article 22 de la loi du 7 mai 1946, susvisé, 'l’inscription au tableau de l’Ordre dans une circonscription donne le droit d’exercer la profession sur l’ensemble du territoire'; qu’en mettant en œuvre les pratiques analysées au E de la partie I de la présente décision, le Conseil régional de Lyon, la Chambre syndicale du Rhône, la Chambre syndicale de la Savoie, la Chambre syndicale de la Loire et la Chambre syndicale de l’Ain ont entravé le libre exercice de la profession tel qu’il est garanti par la disposition législative précitée, en faussant de ce fait le jeu de la concurrence, en limitant notamment l’accès au marché; que ces pratiques, qui sont d’ailleurs étrangères à la procédure d’inscription au tableau et à la discipline, ne peuvent trouver leur justification dans les prérogatives de puissance publique qui ont été confiées à l’Ordre dans un but et des limites précises par les

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législateurs; que les intéressés ne sauraient soutenir que ces pratiques découlent du règlement intérieur qui n’y fait nulle référence; qu’il s’agit bien, dès lors, de pratiques anticoncurrentielles ne trouvant aucune justification au regard de l’article 10 de l’ordonnance de 1986 et contraires aux dispositions de l’article 7 du même texte;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de faire application de l’article 13 et de prononcer des sanctions pécuniaires qui tiennent compte des incidences des pratiques retenues sur le jeu de la concurrence ainsi que des capacités contributives des organisations mises en cause,

Décide :

Art. 1er.- Il est enjoint au Conseil supérieur de l’Ordre des géomètres experts de ne plus faire figurer dans son règlement intérieur ainsi que dans le code des devoirs professionnels les dispositions concernant le Tarif national de l’Ordre des géomètres experts ou la Nomenclature des Travaux et Prestations et notamment :

— les articles 26-03, 26-04, 26-05, 26-06 et 43-01 à 43-09 du règlement intérieur;

- les articles 4-09 et 5-04 du code des devoirs professionnels,

Art.2- Il est enjoint au Conseil supérieur de l’Ordre des géomètres experts de ne plus diffuser la Nomenclature des Travaux et Prestations.

Art 3.- Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes :

—  1 000 F à la Chambre syndicale des Deux-Sèvres;

- 2 000 F à la Chambre syndicale de la Vienne;

- 7 000 F à la Chambre syndicale de l’Orne;

- 8 000 F à la Chambre syndicale de l’Eure;

- 9 000 F à la Chambre syndicale de l’Ain;

- 11 000 F à la Chambre syndicale de la Loire;

- 16 000 F à la Chambre syndicale du Rhône;

- 17 000 F au comité régional de Lyon;

- 20 000 F à la Chambre syndicale de la Charente-Maritime;

- 22 000 F à la Chambre syndicale du Bas-Rhin;

- 24 000 F à la Chambre syndicale de la Somme;

- 24 000 F à la Chambre syndicale de la Savoie;

- 26 000 F à la Chambre syndicale de l’Isère;

- 80 000 F au Conseil régional de Strasbourg;

- 100 000 F au Conseil régional de Clermont-Ferrand;

- 300 000 F au Conseil régional de Poitou-Charentes;

- 400 000 F au Conseil régional de Lyon;

- 5 000 000 F au Conseil régional de l’Ordre des géomètres experts;

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Art 4. – Dans un délai maximum de trois mois suivant sa notification, le texte intégral de la présente décision sera publié, aux frais du Conseil supérieur de l’Ordre des géomètres experts, dans 'Le Géomètre’ et 'Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment'.

Cette publication sera précédée de la mention 'Décision du Conseil de la concurrence en date du 3 décembre 1991 relative à la situation de la concurrence dans le secteur des géomètres experts'.

Délibéré en section sur le rapport de M. Jacques Louis, dans sa séance du 3 décembre 1991 où siégeaient :

M. Pineau, vice-président, président la séance; MM. Blaise, Cortesse et Urbain, membres.

Le rapporteur général suppléant,

Le vice-président, présidant la séance, M. Santarelli J. Pineau

© Conseil de la concurrence

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ADLC, Décision du 3 décembre 1991 relative à la situation de la concurrence dans le secteur des géomètres experts, 91-D-55