ADLC, Décision du 19 mai 1992 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du déménagement des fonctionnaires et agents français en provenance ou à destination des D.O.M. et des T.O.M., 92-D-36

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Sur la décision

Référence :
Cons. conc., déc. n° 92-D-36 du 19 mai 1992
Numéro(s) : 92-D-36
Identifiant ADLC : 92-D-36
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Décision n° 92-D-36 du 19 mai 1992 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du déménagement des fonctionnaires et agents français en provenance ou à destination des D.O.M. et des T.O.M.

Le Conseil de la concurrence (section 1),

Vu la saisine d’office du Conseil de la concurrence du 19 octobre 1988, enregistrée sous le numéro F 194 et relative à la situation de la concurrence en matière de déménagement des fonctionnaires et agents français à destination ou en provenance des D.O.M., des T.O.M. et des pays étrangers;

Vu la lettre du 2 décembre 1988, enregistrée sous le numéro F 207, par laquelle la société Bedel a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles éventuellement mises en œuvre par la société A.G.S.;

Vu les ordonnances n°s 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 modifiées, relatives respectivement aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique;

Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié, pris pour son application;

Vu les observations présentées par les parties et par le commissaire du Gouvernement;

Vu les autres pièces du dossier;

Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les parties ayant demandé à présenter des observations orales entendus;

Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés:

I. – CONSTATATION

A. – Le secteur

1. La prestation et le cadre réglementaire

Un déménagement à destination ou en provenance d’un D.O.M., d’un T.O.M. ou d’un pays étranger comporte les prestations d’emballage et chargement, de transport routier ou par voie ferrée du domicile au lieu d’embarquement, de chargement en container, de formalités administratives et douanières, de transport maritime ou aérien, de débarquement, de nouvelles

formalités administratives et douanières, t de transport routier ou par voie ferrée suivi du déchargement au nouveau domicile.

Cet ensemble de prestations constitue un tout et il est indentique que le client soit une entreprise ou un particulier et, dans ce dernier cas, qu’il travaille dans une entreprise privée ou qu’il soit fonctionnaire civil ou militaire. Toutefois, pour ces deux derniers, les prestations fournies par les déménageurs présentent des singularités dues à la réglementation des remboursements de leurs déménagements.

Conformément aux dispositions du décret n° 53-511 du 21 mai 1953, modifié, et de la circulaire du 7 août 1953, les personnels civils de l’Etat qui changeaient de résidence pour un département d’outre-mer étaient remboursés des frais qu’ils avaient réellement engagés, avec une limitation, et sous réserve de produire 'au minimum trois devis émanant d’entreprises de déménagement différentes'. Depuis l’intervention du décret n° 89-271 du 12 avril 1989, ces remboursements se font sur une base forfaitaire.

Les agents civils affectés dans les territoires d’outre-mer, généralement logés en meublé par l’administration, ne sont remboursés que de leurs frais de bagages. Les déménagements de l’étranger ou vers l’étranger des fonctionnaires civils ont été remboursés conformément au décret du 21 mai 1953 jusqu’au 12 mars 1986, date à laquelle le décret n° 86-416 a introduit le remboursement forfaitaire.

Pour les militaires, le remboursement des frais de déménagement vers les D.O.M. et les T.O.M. résulte des dispositions du décret n° 54-213 du 1er mars 1954 complétant le décret du 3 juillet 1897 et de l’instruction ministérielle n° 107200/T.O.M./B.A.D. du 1er avril 1960. Sont remboursés les frais réellement engagés, avec une limitation et sous réserve de produire deux devis concurrents.

2. Les marchés concernés

Le secteur concerné est celui qui regroupe l’ensemble des prestations de services rendus par les entreprises : prestations de déménagement au sens strict, mais également celles qui y sont associées, parmi lesquelles les opérations administratives et de dédouanement. Ce secteur regroupe plusieurs marchés parmi lesquels peuvent être individualisés : un marché général 'de l’international’ pour la période postérieure à l’intervention du décret de 1986, les marchés de déménagement des militaires en métropole et dans chacun des départements d’outre-mer, notamment, dans l’espèce, les marchés guyanais et martiniquais, et les marchés de déménagement des fonctionnaires civils en métropole (à destination des D.O.M. et des T.O.M.) et dans chacun des départements d’outre-mer (à destination de la métropole ou des autres D.O.M. et T.O.M.).

3. La demande

Le fonctionnaire civil ou le militaire qui déménage est le bénéficiaire de la prestation : c’est lui qui prend contact avec les déménageurs et c’est lui qui paye le prix convenu. Mais ce prix ne constitue pas un élément de choix déterminant entre les offreurs, puisque l’administration impose de choisir l’entreprise moins-disante puis rembourse les frais.

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Les fonctionnaires civils en poste dans les D.O.M.-T.O.M. étaient près de 60 000 en 1988, dont 53 000 pour les seuls D.O.M. et les collectivités territoriales. Parmi ceux-ci, 60 p. 100 dépendaient du ministère de l’éducation nationale, 10 p. 100 du ministère des P.T.T., 7,5 p. 100 du ministère de la défense, 6 p. 100 du ministère de l’économie et des finances, 6 p. 100 du ministère des transports et de l’équipement et 4 p. 100 du ministère de l’intérieur. Le nombre global estimé de mouvements entre les D.O.M. et la métropole est passé de 1 758 en 1986 à 1 847 en 1987 et à 1 703 en 1988. Leur coût global est passé de 151 millions de francs en 1986 à 161 millions de francs en 1987 et à 163 millions de francs en 1988, soit un coût moyen, pour l’Etat, de 70 000 F par déménagement environ.

4. L’offre

Tous les déménageurs pourraient assurer la prestation définie au 1 ci-avant, mais certains seulement se sont spécialisés. En 1988, une cinquantaine d’entreprises ont effectué des déménagements de fonctionnaires à destination ou en provenance des D.O.M., mais seulement cinq d’entre elles ont réalisé près de 70 p. 100 du chiffre d’affaires global : A.G.S. (33 p. 100), F.V. International (21 p. 100), D.T.S.I. (7 p. 100), Compagnie générale (6 p. 100) et Bedel (1,5 p. 100).

En 1981, le chiffre d’affaires d’A.G.S., qui venait d’être créée par fusion de deux petites entreprises familiales, était de 5 millions de francs environ. Sept ans plus tard, en 1988, il était multiplié par 36 et atteignait 180 millions de francs environ. Le nombre global de déménagements de fonctionnaires civils et de militaires étant resté relativement stable au cours de la période, cette expansion d’A.G.S. s’est faite au détriment des offreurs traditionnels.

Les chiffres d’affaires réalisés par les entreprises concernées par le présent dossier, tels qu’elles les ont communiqués ou qu’ils ont été recueillis par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, figurent au tableau joint en annexe à la présente décision. La S.E.T. réalisait plus de 99 p. 100 de son chiffre d’affaires total (495 031 502 F) dans des activités sans lien avec le déménagement.

La plupart des entreprises visées ci-après sont adhérentes de la Chambre syndicale des entreprises de déménagements et garde-meubles de France, créée en 1890 et dont le président était, jusqu’en 1990, M. Desponds, directeur de la S.A. Bedel. En 1988, elle regroupait plus de 1 000 adhérents qui auraient réalisé 80 p. 100 du chiffre d’affaires de la profession, laquelle compte 1 500 entreprises environ.

B. – Les pratiques relevées

1. Les devis d’entreprises juridiquement et économiquement distinctes

Il ressort des déclarations de nombreux, déménageurs que la pratique consistant pour une entreprise à établir les trois devis présentés à l’administration en vue du remboursement des déménagements des fonctionnaires (le sien propre, moins-disant, et les deux autres 'de couverture’ ou 'de complaisance’ au nom d’entreprises présentées comme 'concurrentes') était généralisée et ancienne. Tel est le cas des déclarations de responsables des entreprises Bedel, Bailly, Desbordes, S.I.T., A.G.S. Paris, Ghiglion et Granero et Martinez pour la métropole, des entreprises Ho You Fat et Déménagements Antilles-Guyane pour la Guyane et des

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entreprises Déménagement express, Transit Alain Bijou, D.T.S.I. et Speed pour la Guadeloupe.

L’instruction a permis d’établir que cette pratique existait de façon permanente dans certains cas, notamment par échange entre entreprises de papier à en-tête et, de façon plus ponctuelle dans d’autres.

a) De façon permanente

En métropole

La S.A. A.G.S. Paris:

Un responsable de la S.A. A.G.S. Paris a reconnu que son entreprise, comme ses concurrents, établissait parfois les trois devis requis par la réglementation, le sien propre et ceux de deux autres entreprises. Elle dactylographiait le sien et ou bien dactylographiait aussi ceux des deux autres entreprises sur le papier à en-tête vierge qu’elles lui avaient fourni au préalable, ou bien donnait les indications aux deux autres entreprises qui les dactylographiaient elles-mêmes. Parmi les entreprises avec lesquelles elle procédait d’une façon ou de l’autre, il citait les sociétés Guillaumet, Granero, Europe continentale (Stejoynan) et Juin S.A.

A.G.S., Guillaumet et Grenero et Martinez:

Au siège d’A.G.S. Paris ont été saisis;

- les originaux dactylographiés avec des caractères différents, revêtus des cachets et paraphes correspondants, des devis des 3, 4 et 6 février 1987, relatifs à un déménagement de Gennevilliers vers la Guyane, d’A.G.S. (moins-disante), Guillaumet et Granero;

- deux 'fiches client, document à usage interne', relatives à un autre déménagement, ainsi que trois devis manuscrits des 17,20 et 21 juillet 1987 rédigés de la même main sur des photocopies de papier à en-tête d’A.G.S. (moins-disante), de Granero et de Guillaumet, trois doubles des mêmes devis dactylographiés avec des caractères différents, correspondant aux devis manuscrits précédents et la même copie dactylographiée du devis A.G.S., mais sur papier à en-tête;

- une fiche de 'gestion du fichier comptes clients', relative à un autre déménagement, à laquelle était agrafé un 'papillon’ indiquant notamment : 'excellent contact/faire les devis', diverses correspondances avec le client et trois séries de doubles de devis dactylographiés, avec des caractères différents, des 4, 9 et 10 mai 1988, sur papier à en-tête d’A.G.S. (moins- disante), de Granero et de Guillaumet.

De même, ont été recueillis au cours de l’enquête administrative trois devis des 27 octobre et 6 et 7 novembre 1986 pour le déménagement de Paris à Cayenne (Guyane) de M. Veyrières par A.G.S. (moins-disante), Guillaumet et Transport et Déménagement Achin, trois devis des 27, 29 et 30 janvier 1987 pour le déménagement de Montendre (Charente-Maritime) à la Réunion de M. Rulier par A.G.S. (moins-disante), Guillaumet et Granero et trois devis des 5, 6 et 7 juillet 1988 établie pour le déménagement de Charleville-Mézières (Ardennes) à la Réunion de M. Disant par A.G.S. (moins-disante), Guillaumet et Granero. Dans chaque cas, le cubage et le poids sont identiques d’un devis à l’autre, mais leur présentation est différente : intitulé et nombre des postes, caractères typographiques, graphie du nom du destinataire (Veyrières, Verrieyres et Verrieyres corrigé de façon manuscrite en Veyrieres), prix unitaires très

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différentes entre eux et, pour chacune des entreprises, très différents de ceux proposés dans d’autres devis examinés par ailleurs.

Le responsable de la société Guillaumet a déclaré que les devis Veyrieres, Rulier et Disant, rédigés sur son papier à en-tête sur un modèle abandonné depuis plus de trois ans, ne l’avaient pas été dans son entreprise, qui ne déménage que des militaires et des gendarmes, et qu’il ignorait comment leurs rédacteurs avaient pu se procurer des exemplaires vierges de son papier à en-tête.

Le responsable de la société Granero et Martinez a pour sa part déclaré qu’il ne reconnaissait ni la signature ni les caractères dactylographiques des devis Rulier et Disant rédigés sur son papier à en-tête, et qu’il ne s’expliquait leur présence que par un échange préalable de papier à en-tête vierge. Il a reconnu avoir procédé à de tels échanges avec d’autres sociétés, dont A.G.S. Paris.

Plus généralement, l’enquête a révélé que la société A.G.S. a présenté un devis dans 123 des 188 dossiers examinés concernant le déménagement de la métropole vers l’outre-mer de fonctionnaires de la direction générale des impôts (ci-après D.G.I.) pendant les années 1986 à 1988 et qu’elle a réalisé 113 de ces déménagements; de même, elle a présenté un devis dans 160 des 311 dossiers examinés concernant le déménagement de fonctionnaires du ministère des P.T.T. pendant la même période et a réalisé 156 de ces déménagements.

Dans 44 de ces 113 cas D.G.I., et dans 49 des 156 cas P.T.T., les deux autres devis étaient au nom des entreprises Guillaumet et Granero et Martinez. Dans 24 autres des 113 cas D.G.I. et dans 39 autres des 156 cas P.T.T. figuraient un devis de l’une ou l’autre de ces deux entreprises et celui d’une entreprise tierce.

Sur les 54 dossiers établis d’avril 1986 à juin 1989 et concernant les déménagements dans le sens métropole-Guadeloupe de fonctionnaires de l’ensemble des ministères civils, examinés lors de l’enquête, A.G.S. s’est révélée moins-disante dans 34 de ces dossiers. Dans 14 de ces 34 cas, les deux autres devis émanaient des deux entreprises Guillaumet et Granero et Martinez, dans cet ordre décroissant. Dans 10 autres de ces 34 cas, un devis de l’une ou l’autre des entreprises Guillaumet et Granero et Martinez figurait aux dossiers.

Enfin, dans sa saisine du Conseil de la concurrence, la S.A. Bedel a produit les copies des devis des 29 mai et 1er juin 1987 concernant un déménagement par voies routière et maritime de Sarcelles (95) vers la Guyane. Ces devis présentent la même configuration que ceux qui viennent d’être examinés : celui d’A.G.S. est moins-disant, suivi de ceux de Guillaumet et de Granero.

A.G.S., Stejoynan (ou Stejoinan) 'Europe continentale’ et Achin 'Transport et déménagement D.O.M.-T.O.M. international':

Ont été saisis, au siège d’A.G.S. Paris:

- un document interne 'Fiche client’ indiquant, de façon manuscrite, quelques données administratives et techniques d’un déménagement de Metz vers la Guadeloupe, et comportant la mention manuscrite 'OK 2 devis', les manuscrits non datés de deux devis établis sur papier à en-tête d’A.G.S. (moins-disante) et Transport Déménagement (Achin) rédigés de la même main et avec le même stylobille bleu; une copie dactylographiée des devis sur le papier à en-

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tête d’A.G.S. et de Stejoynan ('Europe Continentale') des 5 et 4 juin 1986, le second reprenant le devis manuscrit Achin;

- une 'Fiche client’ identique à la précédente relative à un déménagement de Vandoeuvre- lès-Nancy vers la Polynésie française; les manuscrits de devis pour A.G.S. (moins-disante), Guillaumet et Stejoynan, tous rédigés de la même main et avec le même stylobille rouge sur des copies de papier à en-tête de ces trois entreprises; deux copies dactylographiées, avec des caractères différents, des devis du 13 juillet 1988 d’A.G.S., Guillaumet et Stejoynan 'Europe Continentale', l’un sur le papier à en-tête de l’entreprise correspondante et l’autre sur papier sans en-tête.

Plus généralement, dans 17 des 113 cas D.G.I. et 17 des 156 cas P.T.T., un devis avait été également présenté par les entreprises Stejoynan et Achin. En sus de ces 34 déménagements, A.G.S. a été moins-disante dans 57 autres cas où un des deux devis suivants émanait soit de Transport et Déménagement soit de Stejoynan, et le dernier devis soit de Guillaumet, soit de Granero et Martinez, soit de Juin International, soit d’entreprises dont le nom n’apparaît qu’une fois.

Transport et déménagement Achin et Stejoynan n’ont effectué aucun déménagement au cours de la période examinée; dans six déménagements effectués par Juin International, les devis suivants émanaient de Stejoynan et Transport et déménagement Achin ainsi que de Guillaumet et Granero, outre des entreprises tierces.

La S.A. Bedel:

Après avoir reçu quinze devis, alors qu’il n’avait sollicité que quatre entreprises, M. Seresmes a pris contact avec l’entreprise Bedel, laquelle, après la brève visite d’un agent commercial, lui a fait parvenir deux devis (maritime et aérien) datés et postés le 9 février 1989. Le même jour, par envoi séparé, il recevait un devis de la S.A. Grospiron Raoult-Grospiron successeur, entreprise qu’il n’avait pas sollicitée. Ce devis indique néanmoins être envoyé 'suite à votre demande et aux indications fournies à notre inspecteur lors de sa visite'.

De même, à la suite de la demande de M. Sala, fonctionnaire aux P.T.T., qui devait déménager pour la Réunion, la S.A. Bedel a envoyé à son domicile un visiteur technique, puis lui a fait parvenir, sous une même enveloppe, son propre devis daté du 30 septembre 1988, ainsi que les devis de la S.A. S.E.T. et de la S.A. Grospiron, Raoult-Grospiron successeur, portant la même date. Le devis Bedel était moins-disant.

Un responsable de la S.A. Grospiron, Raoult-Grospiron Successeur a reconnu que le devis Sala du 30 septembre 1988 avait été établi dans son entreprise à la demande de Bedel, le 30 septembre 1988, sur la base des données techniques communiquées, et transmis dans la journée à l’entreprise Bedel.

Pour sa part, le responsable de la S.A. Bedel a déclaré que devant l’urgence de la demande du client, son entreprise s’est adressée à des sociétés de déménagement concurrentes, pour qu’elles rédigent des devis avec leurs propres cotations sur la base de ses informations relatives aux données techniques du déménagement de M. Sala. Après réception de ces devis, elle a transmis au client le lot de trois devis. Il a ajouté : 'Cette pratique n’est pas isolée dans l’entreprise même si elle n’est pas courante. Elle a lieu essentiellement en cas d’urgence, ou bien devant la demande du client qui insiste pour que nous le déménagions et qui ne veut pas

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faire appel à la concurrence. De fait, ces devis ne sont pas réellement concurrentiels. Dans ce cas précis, j’ai le sentiment qu’il s’agit d’un piège contre Bedel.'

Le responsable de la S.A. S.E.T., enfin, a confirmé que le devis de M. Sala du 30 septembre 1988 à son en-tête provenait bien de son entreprise. Il a émis l’hypothèse que ce devis ait pu être rédigé sans visite préalable du client et ajouté que ce type de pratique n’était pas quotidienne mais relativement courante en période de surcharge de travail, ce qui était le cas à l’époque. Lui-même demande à des confrères d’établir des devis sur la base d’informations techniques 'filtrées’ qu’il leur communique dans des cas d’urgence, de spécialisation et de compétitivité, mais se dit défavorable à ce que son entreprise établisse de tels devis pour des confrères.

La S.A.R.L. France Transfert Continentale (F.T.C.):

Le co-gérant de la S.A.R.L. F.T.C. a déclaré que, 'dans des cas très rares et en cas d’urgence', il demandait à des confrères d’établir des devis à leur en-tête sur la base des données techniques qu’il leur communiquait, et de les lui transmettre.

La société F.T.C. a présenté un devis pour 12 des 188 dossiers D.G.I. et 20 des 311 dossiers P.T.T. Elle a réalisé le déménagement dans 8 cas pour les premiers, dans 19 cas pour les seconds. Dans 7 des 8 cas D.G.I. et dans 12 des 19 cas P.T.T., les deux autres devis avaient été présentés par les entreprises Antheaume et Chiche, O.D.T., Continex International ou Stejoynan.

Enfin, les enquêteurs de Guadeloupe ont recueilli un dossier de déménagement de métropole vers la Guadeloupe : le devis de F.T.C. du 15 juin 1987 était moins-disant, suivi de ceux d’O.D.T. du 16 juin et d’Antheaume et Chiche du 17 juin.

La S.A.R.L. Normandie Transit:

La société Normandie Transit a présenté un devis pour le 16 des dossiers P.T.T. Elle a réalisé le déménagement dans 15 cas. Dans 14 de ces cas, un devis avait été également présenté par les entreprises Translame et Gabriel Faroult.

Le responsable de l’entreprise n’a pas nié avoir dû suivre les 'règles de travail très spéciales’ ayant cours dans le secteur, parmi lesquelles la 'pratique des devis concurrentiels de couverture', mais il affirme que le seul choix était d"entrer dans le système ou fermer son entreprise'.

En Guadeloupe

A.G.S. Guadeloupe, Sotragua et Louis:

Sur les 31 dossiers examinés lors de l’enquête, établis d’avril 1986 à juin 1989 et relatifs à des déménagements depuis la Guadeloupe, A.G.S. s’est révélée moins-disante pour 9 dossiers; les deux autres devis émanaient des deux entreprises Louis et Sotragua ainsi que, dans un cas, de l’entreprise Jean Michel.

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Le gérant de la S.A.R.L. A.G.S. Guadeloupe a reconnu que 'depuis 1982, création de l’agence A.G.S. en Guadeloupe’ il faisait établir des devis par les entreprises Sotragua S.A.R.L. et Louis Justin.

L’exploitant personnel de l’entreprise Justin Louis, frère du gérant de la S.A.R.L. Sotragua et actionnaire et salarié de celle-ci, a reconnu que six devis de déménagement portant son cachet n’avaient pas été établis par son entreprise et que depuis l’arrivée d’A.G.S. en Guadeloupe en 1982, celle-ci établissait 'en plein accord avec lui’ des devis à son nom. Il a ajouté : 'A.G.S. Guadeloupe dispose en permanence des cachets de mon entreprise et de la S.A.R.L. Sotragua. Les devis établis en notre nom peuvent être signés par une personne d’A.G.S. Guadeloupe.'

Après avoir tout d’abord déclaré, le 21 juin 1989, être l’auteur de sept devis, le gérant de la S.A.R.L. Sotragua a reconnu, le 30 juin suivant, 'que les devis au nom de Sotragua S.A.R.L. figurant dans les dossiers de déménagement des fonctionnaires n’ont pas été calculés et établis par notre société. Ces devis ont été dactylographiés par la société A.G.S. Guadeloupe avec mon consentement. J’appose le tampon de mon entreprise sur les devis qui me sont présentés par A.G.S., mais je reconnais que n’importe qui peut les signer ou les parapher. Contrairement à mes déclarations du 21 juin 1989, je n’ai pas été contacté par les sept fonctionnaires (…) Les devis au nom de Sotragua avaient été tapés par A.G.S. Guadeloupe'.

Il a également remis aux enquêteurs les photocopies de 19 des devis Sotragua établis par A.G.S. Guadeloupe en 1988 (dont deux ont été ci-avant examinés), ajoutant que 'd’autres devis de ce type’ avaient été établis en 1989 'en plein accord avec (lui)'.

Les devis des 9, 12 et 16 février 1987 relatifs à un déménagement de Baillif (Guadeloupe) vers Saint-Mandé (Val-de-Marne), produits par la S.A. Bedel à l’appui de sa saisine, font apparaître eux aussi A.G.S. comme moins-disante, devant Sotragua et Louis Justin.

Plus généralement, sur les 37 et 20 dossiers complets de déménagement dans le sens Guadeloupe-métropole de fonctionnaires en 1986, 1987 et 1988, respectivement de la D.G.I. et des P.T.T., la société A.G.S. a présenté un devis pour 11 des 37 dossiers D.G.I. et 8 des 20 dossiers P.T.T. Elle a réalisé le déménagement dans tous les cas. Les deux autres devis, plus élevés, émanaient des entreprises Justin Louis et Sotragua dans 16 cas. Dans un autre cas, de 1986, A.G.S. est moins-disante, suivie de Sotragua et de l’entreprise Auguste.

Déménagements Express, Antilles déménagements et Speed:

Sur les 31 dossiers concernant un déménagement depuis la Guadeloupe, Déménagements Express s’est révélée moins-disante dans quatorze cas où les deux autres devis émanaient des deux entreprises Speed et Antilles déménagements, ainsi, dans un cas, que de l’entreprise A. Bijou.

En ce qui concerne l’un de ces 14 déménagements, les trois devis comportent une erreur, corrigée dans ceux de Speed et d’Antilles déménagements, dans l’orthographe du nom du fonctionnaire concerné (M. Lutbert et non Luthert). Il existe par ailleurs un cas où Speed est moins-disante, suivie de Déménagements Express et d’Antilles déménagements, et un autre cas où l’est Antilles déménagements, suivie de Déménagements Express et de T.E.D.

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Le gérant de la société Déménagements Express a reconnu solliciter et établir des devis de couverture avec 'd’autres professionnels (…), plus particulièrement avec Speed et Antilles déménagements'. L’exploitant de l’entreprise Speed a reconnu qu’il lui arrivait de fournir des devis de couverture ou du papier à en-tête vierge à des concurrents. La gérante de la S.A.R.L. Antilles déménagements a également reconnu fournir des devis de couverture à 'Déménagements Express, F.V., Speed et, autrefois, Demetrans Alain Bijou', mais non par à T.E.D. ni à A.G.S. Enfin, l’exploitant de l’entreprise Transit Alain Bijou a reconnu fournir 'des formulaires de devis vierges munis du cachet et de la signature de Mme Gustave, ma secrétaire (…) au profit de l’entreprise Déménagements Express'.

Jean Michel, T.E.D., Alain Bijou et Demetrans:

Pour 31 déménagements depuis la Guadeloupe, les entreprises Jean Michel, T.E.D., Alain Bijou, Demetrans et Lallement ont émis, trois par trois, des devis dans cinq cas. Jean Michel a été moins-disant dans quatre cas, et T.E.D. dans le cinquième.

Deux cadres de la S.A.R.L. Déménagements Jean Michel ont reconnu avoir établi eux- mêmes, conformément à une 'pratique généralisée dans la profession', les devis Lallement, Transit Alain Bijou et Demetrans pour quatre de ces dossiers, sur les exemplaires de devis vierge que leur avaient remis ces entreprises.

L’exploitant de l’entreprise Transit Alain Bijou a reconnu l’existence de cette pratique généralisée et la remise 'des formulaires vierges de documents commerciaux’ aux entreprises T.E.D. et Jean Michel, notamment de formulaire vierges munis de cachet et d’une signature pour deux des dossiers en cause.

M. Théophile, exploitant de l’entreprise T.E.D. et gérant de la S.A.R.L. Déménagement Jean Michel, a confirmé qu’il fournissait à ses clients 'les trois devis concurrentiels', généralement à leur demande, et remplissait lui-même les devis au nom de Transit Alain Bijou, Déménagements Jean Michel, Etablissements Lallement, à partir de formulaires de devis vierges remis par ces entreprises. Réciproquement, il remettait à ces trois entreprises des formulaires de devis vierges à l’en-tête de son entreprise afin qu’elles puissent constituer leurs dossiers de déménagements.

De même, l’exploitant de l’entreprise Déménagements Lallement a reconnu que, dans un des cinq cas, le devis à son nom avait été réalisé par T.E.D., à qui il avait remis et dont il avait reçu du papier à en-tête vierge. La secrétaire de M. Lallement a confirmé les déclarations de son employeur.

Plus généralement, dans 37 et 21 dossiers complets de déménagements dans le sens Guadeloupe-métropole de fonctionnaires en 1986, 1987 et 1988, respectivement de la D.G.I. et des P.T.T., on relève que les entreprises T.E.D. et Jean Michel ont présenté un devis dans 20 des 37 dossiers D.G.I. et 6 des 21 dossiers P.T.T., soit 26 au total. Le troisième devis émanait, soit de Demetrans, soit de Transit Alain Bijou, soit de Lallement. Par ailleurs, Jean Michel et T.E.D. ont présenté un devis pour un déménagement en 1987 alors qu’A.G.S., moins-disante, a fourni la prestation.

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En Martinique

a) Fonctionnaires civils:

A.G.S. Martinique, Sodetram et Alain Anne:

19 dossiers recueillis par les enquêteurs comportent trois devis dont les montants, du plus cher au moins cher, émanent toujours dans cet ordre des entreprises Alain Anne, Sodetram et A.G.S. Les deux premières sont en fait des sociétés de dédouanement et de transit qui ne font jamais de déménagements.

Les devis Sodetram de MM. Vidal et Bastien communiqués par le responsable de l’entreprise sont identiques, dans leur présentation, aux 19 précédents.

Par ailleurs, sur les 22 dossiers complets de déménagement dans le sens Martinique-métropole de fonctionnaires en 1986, 1987 et 1988, respectivement de la D.G.I. (11) et des P.T.T. (11), la société A.G.S. a présenté un devis pour 6 des 11 dossiers D.G.I. et 6 des 11 dossiers P.T.T. Elle a réalisé le déménagement dans tous les cas. Les deux autres devis, plus élevés, émanaient des entreprises Alain Anne et Sodetram.

Le gérant de la société A.G.S. Martinique a reconnu : 'Nous dispositions, au coup par coup, de papiers à en-tête Alain Anne et Sodetram, et (…) nous établissons nous-mêmes les deux autres devis nécessaires au dossier du fonctionnaire. Je vous communique un exemplaire du papier à en-tête Alain Anne; il m’en reste actuellement un stock d’une dizaine (…). Les devis sont par la suite transmis aux transitaires pour signature. La cote 1209 du dossier est bien une feuille de papier de l’entreprise Alain Anne, remise aux enquêteurs par procès-verbal de constat de remis de documents du 20 juin 1989.

Le gérant de la S.A.R.L. Sodetram a confirmé fournir à A.G.S. du papier à en-tête de sa société, papier vierge qu’il(s) remplissai(en)t à leur convenance’ et avoir apposé son cachet sur ces devis qui lui étaient renvoyés, parfois signés à l’avance par A.G.S. Il a ajouté : 'Il y a environ 100 devis fictifs par an, dont j’ai gardé copie.' Il a remis aux enquêteurs, à titre d’exemple de ces 100 devis annuels, la copie de deux d’entre eux, des 9 et 10 mars 1988.

De même, le responsable de la S.A. Alain Anne a confirmé avoir établi des devis de couverture à la demande de tout déménageur, la société A.G.S. comme tout autre (…) en fonction des données fournies par le déménageur, en ce qui concerne le volume et le montant chiffré.'

Les responsables de Somotrans et de Cogetram, qui font des opérations de transit et de dédouanement dans l’île, ont par ailleurs déclaré fournir de leur papier à en-tête à A.G.S.

Pompiere, Luc Elisabeth et Chalono:

En 1986 et 1987 l’entreprise Pompiere a présenté un devis, et s’est trouvée moins-disante dans 5 cas. Les autres devis émanaient des entreprises Luc Elisabeth et Guy Chalono dans cet ordre pour quatre cas, dans l’ordre inverse pour le cinquième.

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Le responsable de la société Pompiere n’a pas nié avoir bénéficié des devis de couverture des entreprises Luc Elisabeth et Guy Chalono, mais a invoqué le rôle d’A.G.S. et des appuis dont cette société bénéficierait 'en haut lieu'.

Martinique déménagements, Sodetram et Caraïbe déménagements:

Sur les 11 dossiers complets de déménagement dans le sens Martinique-métropole de fonctionnaires du ministère des P.T.T. en 1986, 1987 et 1988, l’entreprise Martinique déménagements a présenté un devis, et s’est trouvée moins-disante, dans deux dossiers. Les autres devis émanaient des entreprises Sodetram et Caraïbe déménagements. Dans un autre cas, le déménagement d’un fonctionnaire à la D.G.I. a été effectué par la Sodetram, moins- disante, alors que le devis de Martinique déménagements venait en seconde position. Le troisième devis émanait de D.T.D.

b) Militaires:

Les entreprises Martinique déménagements et Caraïbe déménagements se partageaient en outre ce marché, où l’administration n’exige que deux devis 'concurrentiels'.

Le gérant de la société Martinique déménagements a reconnu que la quasi-totalité de son chiffre d’affaires est réalisé avec les gendarmes et les militaires des armées de terre et de l’air et qu’il 'travaille en étroite collaboration avec la société Caraïbe déménagements S.A.R.L. (…) qui fournit un deuxième devis d’un montant plus élevé (..) Réciproquement, Martinique déménagements établit des devis surévalués pour les déménagements des militaires de la marine nationale qui sont effectués par Caraïbe déménagements. Pour ce qui concerne les fonctionnaires civils, le troisième devis est fourni par Sodetram qui, en échange, assure le transit de tous mes dossiers'.

En Guyane

Dans ce département, les devis présentés pour le déménagement des fonctionnaires civils émanent de Guyane déménagements, Sogudem, Cofranav, Douglas et Rusland. Les deux premières entreprises sont seules à être moins-disantes et à réaliser les déménagements. Les seuls déménagements qui leur échappent sont réalisés par T.E.D.

Le gérant de la S.A.R.L. Guyane déménagements, laquelle est représentante exclusive d’A.G.S., a reconnu se concerter avec Sogudem et Cofranav pour élaborer les devis et il a ajouté : 'Les déménagemeurs concurrents, Déménagements Antilles-Guyane, T.E.D. Déménagement, D.T.S.I. (D.O.M.-T.O.M. Service International), Douglas, s’échangent également des devis, et c’est le premier contacté qui en règle générale obtient le marché'.

Le capital de Guyane déménagements, Sogudem et Cofranav est majoritairement détenu par la famille Soler.

Sur les 11 et 14 dossiers complets de déménagements dans le sens Guyane-métropole de fonctionnaires en 1986, 1987 et 1988, respectivement de la D.G.I. et des P.T.T., les entreprises Guyane déménagements (représentant exclusif d’A.G.S.), Sogudem et Cofranav ont présenté des devis dans 6 des 11 dossiers D.G.I. et dans 4 des 14 dossiers P.T.T., soit 10 cas au total.

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Par ailleurs, une ou deux de ces entreprises sont associées avec Douglas et Rusland dans 12 autres cas.

A la Réunion

La S.A.R.L. A.G.S. Réunion:

Sur les 24 et 10 dossiers complets de déménagements dans le sens Réunion-métropole de fonctionnaires en 1986, 1987 et 1988, respectivement de la D.G.I. et des P.T.T., la société A.G.S. a présenté un devis dans 24 cas. Elle a réalisé le déménagement dans 22 de ces cas. Les deux autres devis, plus élevés, émanaient des entreprises Cazal et Maillot (10 dossiers) ou de celles-ci et de Réunion transit, Ycard ou Somanutrans prises deux à deux (7 dossiers).

Le gérant d’A.G.S. Réunion a déclaré : 'Je suis conscient qu’il existe une anomalie au niveau de la production des devis, cette situation est oeuvre de tous. La part des devis effectivement en concurrence est d’environ 50 p. 100.'

L’exploitant de l’entreprise Jacques Ycard a pour sa part reconnu avoir produit les trois devis demandés, dont ceux de couverture de plusieurs entreprises, notamment des transitaires ou transporteurs, parmi lesquelles T. Tram, Réunion transit et Transports Pothin (Saint-Pierre). Il a de même reconnu avoir établi des devis de couverture à la demande d’autres déménageurs, parmi lesquels A.G.S. après son installation à la Réunion.

Les responsables des entreprises Cazal et Maillot ont également reconnu avoir fourni des imprimés à en-tête de leur entreprise, notamment à A.G.S. Réunion, en vue de produire des devis de couverture, et, dans un cas au moins, d’avoir eux-mêmes apposé leur cachet commercial sur celui-ci.

La S.A. J.-C. Cotteret et le groupe Benard ayant repris les actifs de la S.A. J.-C. Cotteret comportait donc désormais trois entreprises : la S.A. J.-C. Cotteret, seule vraie entreprise de déménagement, dont 80 p. 100 du capital étaient détenus par des membres de la famille Benard, et dont le P.-D.G. était M. Philippe Benard, et les S.A.R.L. Transports Benard et Somanutrans (qui ne se livraient qu’au transport terrestre de marchandises alors qu’elles possédaient chacune une carte de déménageur) dont le capital était détenu par quatre membres de la famille Benard, et qui étaient dirigées par MM. Benard (Christophe et Philippe).

Depuis le 1er juin 1987, les devis relatifs à des déménagements de fonctionnaires présentés par la S.A. Cotteret sont systématiquement moins-disants, et accompagnés de devis émanant des deux autres entreprises du groupe, Somanutrans et Transports Benard. Tel est le cas dans deux séries de devis, où par ailleurs les devis de couverture sont présentés de façon identique à ceux de Benard.

De même, sur les 24 et 10 dossiers complets de déménagements dans le sens Réunion- métropole de fonctionnaires en 1986, 1987 et 1988, respectivement de la D.G.I. et des P.T.T., Cotteret a présenté, depuis le milieu de 1987, un devis dans deux cas. Chaque fois, elle a été moins-disante et a réalisé le déménagement : les deux autres devis étaient présentés par Benard et Somanutrans.

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Le directeur général de la S.A. J.-C. Cotteret a reconnu : 'Je délivrais systématiquement les trois devis. Le client restant libre de demander d’autres devis à la concurrence. Les devis sont toujours établis sur la base des mêmes tarifs et systématiquement le devis Cotteret est le moins-disant, les deux autres entreprises du groupe n’ont pas de tarif particulier. Il ne s’agit toutefois pas de faux devis, mais plutôt de devis de couverture.'

Le gérant de Somanutrans et directeur de Transports Benard a reconnu les faits et ajouté que 'la stratégie commerciale (…) est du ressort de la S.A. J.-C. Cotteret'.

Le groupe Sofidem:

Dans des écritures, le responsable d’A.G.S. Paris exposait que la holding Sofidem créée par le groupe SO.FIN.CO., déjà propriétaire de la S.A. D.T.S.I., avait pris des participations financières dans F.V. et Tropical déménagements et faisait croire à une 'véritable concurrence’ entre elles, chacune présentant des devis de couverture pour les autres et employant des commerciaux qui utilisaient 'des pseudonymes ou des noms de certains salariés de leur groupe ne vivant pas dans la région, et ce pour éviter tout quiproquo'.

A son envoi, le responsable d’A.G.S. Paris joignait un constat d’huissier et des photographies montrant que sur un terrain proche du siège de la S.A. J.-C. Cotteret, dans la zone industrielle n° 2 de Le Port, se trouvaient simultanément, le 9 mars 1989, un container portant la marque de D.T.S.I., un camion de déménagement portant la marque F.V. International et une fourgonnette portant la marque Tropical déménagements. Il a également joint des photographies du même lieu, qui auraient été prises le 7 mars précédent, à 6 h 45, et qui montrent la présence simultanée d’une camionnette Tropical déménagements, d’un container D.T.S.I. et de deux camions D.T.S.I. et F.V.

La S.A.R.L. F.V. International Réunion a été créée en septembre 1987, succédant à l’établissement local de F.V. Transports rapides, en redressement judiciaire du 22 février 1986 au 16 juin 1987.

Dans une série de devis, le devis de F.V. International est moins-disant : daté du 13 avril 1989, il est suivi de ceux de D.T.S.I. daté du 8 juin et de Tropical déménagement transport (ci-après T.D.T.), non daté. Dans une autre série de devis, le devis de D.T.S.I. est moins- disant : datés du 10 avril 1989, il est suivi de ceux de F.V. International et de Tropical déménagement transport, datés des 31 mai et 12 avril.

Dans deux autres séries de devis, ceux de D.T.S.I. et F.V. International datés du 26 et du 28 juin 1989 sont moins-disants. Ceux de Tropical déménagement transport, datés du 27 et du 30 juin, sont plus élevés, ainsi que ceux de l’entreprise Jacques Ycard, des 29 et 30 juin.

De même, dans les 24 et 10 dossiers complets de déménagements dans le sens Réunion- métropole de fonctionnaires en 1986, 1987 et 1988, respectivement de la D.G.I. et des P.T.T., on constate que les entreprises F.V. International et D.T.S.I. ont été moins-disantes dans quatre cas. Les deux autres devis étaient présentés par les entreprises Condera, Ocitra, Réunion transit, S.C.A.C. et Sery Alexis.

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Deux responsables de F.V. International et de Sofidem ont reconnu que les devis présentés par les sociétés F.V. International, D.T.S.I. et T.D.T. étaient établis en concertation depuis la création du holding et ils ont ajouté : 'auparavant nous avons sollicité d’autres entreprises locales telles que Condapa et S.C.A.C.'

Le responsable de l’agence réunionnaise de D.T.S.I. et celui de T.D.T. ont également reconnu les faits, ainsi que celui de l’entreprise personnelle Jacques Ycard qui a déclaré : 'J’ai établi à plusieurs reprises des devis à la demande d’autres déménageurs, par exemple D.T.S.I. (…). J’ai pour la période des déménagements, juillet-août-septembre 1989, période des mutations de fonctionnaires, établi des devis à la demande de l’entreprise D.T.S.I.'

M. Condapanaiken, exploitant personnel, a reconnu demander à des confrères et obtenir d’eux sur ses indications des devis de couverture. Enfin, l’épouse de M. Alexis Sery a déclaré que vers 1986 la société F.V. avait confectionné un cachet commercial au nom 'Sery Alexis’ et que depuis son mari avait interrompu toutes relations commerciales avec F.V.

b) De façon ponctuelle

En métropole

A propos des devis Seremes:

Le ministre des P.T.T. avait demandé à ce fonctionnaire de présenter, pour son déménagement de Pierrefitte (93) à la Guadeloupe, un dossier comprenant quatre devis. Le 11 février 1989, il s’est donc adressé à la Compagnie générale (Nice) et aux sociétés Granier, Cotteret et D.T.S.I. (Marseille). Chacune de ces quatre entreprises lui a envoyé un lot de trois devis.

La S.A. Compagnie générale lui a envoyé les deux siens propres, prévoyant les voies maritime et aérienne ainsi que ceux, qui prévoyaient la voie maritime seulement, de la S.A.R.L. Déménagements Reveillaud et Cie à Argenteuil et de la S.A. Tenart déménagements à Rouen. La Compagnie générale était moins-disante pour son devis maritime.

Le cubage et le poids net sont identiques d’un devis à l’autre (17 mètres cubes et 2 tonnes); les deux devis Revillaud et Tenart ont été rédigés le même jour (1er février 1989), cinq jours après ceux de la Compagnie générale, les trois devis maritimes 'concurrentiels’ présentent la même faute dans la graphie du nom de demandeur (Feremes au lieu de Seremes), faute corrigée par surcharge manuscrite pour les devis Compagnie générale et Tenart. Leur présentation est différente : intitulé et nombre des postes, caractères dactylographiques, etc. D’autre part, les prix unitaires sont très différents entre eux.

Plus généralement, sur les dossiers complets de déménagements dans le sens métropole-outre- mer de fonctionnaires en 1986, 1987 et 1988 respectivement de la D.G.I. et des P.T.T., la Compagnie générale a présenté un devis pour 6 des 188 dossiers D.G.I. et 12 des 311 dossiers P.T.T. Elle a réalisé le déménagement dans tous les cas. Les deux autres devis, plus élevés, présentés dans ces 18 dossiers émanaient, pris deux à deux, d’entreprises que l’on retrouve une seule fois, dont F.V. International, Stardem et Y. Bassac, ou deux fois (Maussire Reclus), trois fois (Peres et Davin), quatre fois (Reveillaud) et huit fois (Angelier – France Europe déménagement).

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Par ailleurs, dans les 54 dossiers établis d’avril 1986 à juin 1989 de déménagements dans le sens métropole-Guadeloupe de fonctionnaires de l’ensemble des ministère civils, la Compagnie générale apparaît moins-disante dans 10 cas. Les deux autres devis émanaient d’Angelier, Davin, D.F.T., Henry, Peres, Larnaudie et Reveillaud.

Le responsable de l’entreprise a déclaré : 'La S.A. Compagnie générale réalise à la demande de sa clientèle les trois devis requis par la réglementation. (…) Après la demande du client, nous nous adressons à deux entreprises concurrentes afin qu’elles nous donnent leurs cotations pour un déménagement sur la base de nos informations. Nous rédigeons notre propre devis et demandons à nos concurrents de nous adresser les cas, à la suite de quoi nous les expédions au client comme dans le cas de M. Seremes.'

Les responsables des entreprises Henry, Reveillaud et Davis ont également reconnu la concertation.

La S.A.R.L. D.M. F. Granier déménagements lui a envoyé, dans un seul pli, ses deux devis (voie maritime et voie aérienne) ainsi que ceux (voie maritime seulement) de la S.A. S.I.T. à Marseille et de la S.A. J.-C. Cotteret à Marseille qui avait par ailleurs été sollicitée individuellement (cf. infra). La société Granier était moins-disante pour son devis maritime.

Le cubage est identique d’un devis à l’autre mais le poids n’est indiqué sur aucun devis maritime. Le devis Cotteret n’est pas daté, les devis S.I.T. et Granier étant datés des 30 janvier et 1er février 1989. Les trois devis maritimes 'concurrentiels’ ont des présentations différentes: intitulé et nombre des postes, caractères dactylographiques, etc. D’autre part, les prix unitaires sont très différents entre eux.

Le devis Cotteret envoyé par Granier aboutit à un total légèrement supérieur à celui qui a été envoyé directement au fonctionnaire sur sa demande (cf. infra). Les deux sont présentés de façon différente : nombre de postes différents, caractères dactylographiques et même signature.

Le responsable de l’entreprise Granier a reconnu avoir envoyé au client les trois devis, ceux des entreprises 'concurrentes’ ayant été établis par celles-ci sur ses informations et à sa demande.

La S.A. Cotteret lui a fait parvenir le sien propre (voie maritime) ainsi que ceux (voie maritime également) de la S.A. Desbordes international à Paris et de la S.A.R.L. Granier qui avait par ailleurs été sollicitée individuellement (cf. supra). La société Cotteret était moins- disante.

Le cubage et le poids net sont identiques mais le poids indiqué est différent de celui qui figure aux devis envoyés par la Compagnie générale. Par ailleurs, les devis Cotteret et Granier sont datés du 6 février 1989 et le devis Desbordes du lendemain. Les trois devis ont des présentations différentes : intitulé et nombre des postes, caractères dactylographiques, etc. Enfin, les prix unitaires sont très différents entre eux.

Le devis Cotteret envoyé directement sur demande du fonctionnaire aboutit à un total légèrement inférieur à celui envoyé par Granier (cf. supra). Les deux sont présentés de façon différentes : nombre de postes différents, caractères dactylographiques et même signature… De même, le devis Granier envoyé par Cotteret aboutit à un total supérieur à celui envoyé

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directement. Les deux devis sont présentés de façon différente : bien que portait des dates voisines (1er et 6 février 1989) ils sont rédigés sur du papier à en-tête différent : nombre de postes, caractères dactylographiques, signature, etc. différents.

Le chef de l’agence marseillaise de la S.A. J.-C. Cotteret a reconnu avoir envoyé trois devis à M. Seremes dont deux à en-tête d’entreprises concurrents, Desbordes et Granier, qui les avaient établis sur ses indications puis les lui avaient adressés.

Par ailleurs, sur les dossiers complets de déménagements dans le sens métropole-outre-mer de fonctionnaires en 1986, 1987 et 1988 respectivement de la D.G.I. et des P.T.T., la société Cotteret a présenté un devis pour 7 des 188 dossiers D.G.I. et 7 des 311 dossiers P.T.T. Elle a réalisé le déménagement dans tous les cas. Les deux autres devis, plus élevés, présentés dans ces 14 dossiers émanaient, pris deux à deux, d’entreprises que l’on retrouve une seule fois, dont Granier, ou huit fois (Lebourgeois) ou neuf fois (Lagache).

La société Lagache a reconnu qu"en 1985 et 1986 (elle) avait été amenée à répondre de manière positive aux cotisations demandées par Cotteret (…) mais exclusivement pour les opérations de chargement ou de livraison en région parisienne’ et elle a ajouté : 'Nous émettons des devis que nous adressons directement au domicile du futur client. Cette affirmation confirme le fait que notre entreprise n’a jamais adressé un quelconque devis à Cotteret.'

La S.A. D.T.S.I. lui a fait parvenir les deux siens propres, par voies maritime et aérienne, ainsi que ceux, par voie maritime uniquement, de la S.N.C. Lebourgeois et Cie à Bayeux (Calvados) et de la S.A.R.L. Demevan Y. Van Brackel à Vendargues (Hérault). Le devis D.T.S.I. par voie maritime était moins-disant.

Le cubage et le poids net sont identiques d’un devis à l’autre et à ceux des devis envoyés par la S.A. Cotteret, mais le poids indiqué est différent de celui qui figure sur les devis envoyés par la compagnie générale. Par ailleurs, les devis D.T.S.I. et Demevan sont datés du 9 février 1989 et le devis Lebourgeois du 6 février. Les trois devis ont une présentation différente : intitulé des postes, indication des centimes et des prix unitaires dans le seul devis D.T.S.I. etc. Les caractères dactylographiques sont les mêmes sur les trois devis.

Par ailleurs, sur les dossiers complets de déménagements dans le sens métropole-outre-mer de fonctionnaires en 1986, 1987 et 1988 respectivement de la D.G.I. et des P.T.T., la société D.T.S.I. a présenté un devis pour 9 des 188 dossiers D.G.I. et 4 des 311 dossiers P.T.T. Elle a réalisé le déménagement dans 7 cas pour les premiers, dans 3 cas pour les seconds. Les deux autres devis, plus élevés, présentés dans ces 9 dossiers émanaient, pris deux à deux, d’entreprises que l’on retrouve une seule fois, dont Antheaume et Chiche, ou trois fois (T.A.L.) ou cinq fois (Demevan-Van Brackel et Lebourgeois).

Le responsable de l’entreprise a reconnu qu’il lui arrivait de proposer à ses clients les trois devis prévus par le décret de 1953. Il a ajouté : 'Certains clients nous les ont eux-mêmes réclamés. Cette pratique concerne aussi bien les agents civils que les militaires.'

A la réception de ces quinze devis, M. Seremes a contacté l’entreprise Bedel (cf. le 1 [a] ci- avant).

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Autres cas

La S.A.R.L. F.V. International:

Le gérant de F.V. International a reconnu qu’il lui arrivait, s’agissant d’une pratique très courante dans la profession', 'de demander à des sociétés concurrents de lui adresser des devis sur la base de ses informations et réciproquement'.

S’agissant des dossiers complets de déménagements dans le sens métropole-outre-mer de fonctionnaires en 1986, 1987 et 1988 respectivement de la D.G.I. et des P.T.T., la société F.V. International a présenté un devis pour 6 des 188 dossiers D.G.I. et 6 des 311 dossiers P.T.T. Elle a réalisé le déménagement dans 5 cas pour les premiers, dans 5 cas pour les seconds. Les deux autres devis, plus élevés, présentés dans ces cas émanaient, pris deux à deux, d’entreprises que l’on retrouve une fois, deux fois (France transfert continentale), cinq fois (Stejoynan-Europe Continentale) ou sept fois (Steemarc).

La S.A. A.G.S.:

Outre les pratiques de concertation permanente examinées au 1 a ci-avant, la S.A. A.G.S. se livre parfois à des concertations ponctuelles avec certains de ses confrères, ainsi que l’a déclaré son directeur général.

La S.A.R.L. Ghiglion:

Le gérant de la S.A.R.L. Ghiglion a reconnu qu’il lui arrivait de se livrer à la 'pratique, non systématique, (qui) existe dans l’ensemble de la profession', à savoir 'de solliciter de deux confrères la rédaction et l’émission de devis comparatifs pour le déménagement d’une même personne, sur la base d’informations techniques qu('il) leur communique'.

Sur les dossiers complets de déménagements dans le sens métropole-outre-mer de fonctionnaires en 1986, 1987 et 1988, respectivement de la D.G.I. et des P.T.T., la société Ghiglion a présenté un devis et réalisé le déménagement pour un des 188 dossiers D.G.I. et 5 des 311 dossiers P.T.T. Les deux autres devis, plus élevés, présentés dans ces 6 dossiers émanaient, pris deux à deux, de diverses entreprises, ainsi que de Boulogne déménagement, La Nationale-Ofradem et Gondrand.

La S.A. S.E.T.

Cette entreprise s’est associée à la concertation permanente constatée entre la S.A. Bedel et ses filiales. Son responsable ne reconnaît pas la permanence de sa participation à cette concertation, mais il ne la lie pas pour certains cas particuliers et la reconnaît pour celui de M. Sala. Il reconnaît enfin, solliciter lui-même, dans certains cas 'd’urgence', 'de spécialisation et de compétitivité’ des devis de couverture de la part de ses confrères.

En Guyane

Sur le marché guyanais du déménagement des militaires. Déménagement Antilles-Guyane occupe une place d’environ 90 p. 100 et se concerte avec les autres offreurs : D.T.S.I. Daude, T.E.D., Douglas et Ho You Fat.

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Ainsi, le gérant de la S.A.R.L. Déménagements Antilles-Guyane a communiqué aux enquêteurs un lot de six devis, trois par voie aérienne et trois par voie maritime, tous datés du 30 mars 1989 relatifs à un déménagement de Cayenne à Limay (78). Deux d’entre eux émanaient de sa propre entreprise, moins-disante aussi bien par voie aérienne que par voie maritime, les deux suivantes émanaient de l’entreprise personnelle Maurice Daude; les deux derniers émanaient de D.T.S.I. Guyane.

Le gérant de la S.A.R.L. Guyane déménagements, laquelle est représentante exclusive d’A.G.S., a déclaré : 'Les déménageurs concurrents, Déménagements Antilles-Guyane, T.E.D. Déménagements, D.T.S.I. (D.O.M.-T.O.M. Service international), Douglas, s’échangent également des devis, et c’est le premier contacté qui, en règle générale, obtient le marché.'

Le gérant de Déménagements Antilles-Guyane n’a pas démenti ces propos. Il a déclaré : 'Les devis de couverture ne sont un secret pour personne, et il m’arrive d’en faire notamment avec les entreprises D.T.S.I. et Daude, quand il n’y a pas concurrence sur un client. Toutefois, il n’existe pas d’entente au niveau local.'

Le chef d’agence de D.T.S.I. Guyane a confirmé que lorsqu’il était approché par un client, il sollicitait des devis de couverture auprès de confrères, dont D.A.G., T.E.D., Douglas et Ho You Fat. Il a ajouté : 'Il y a entre nous de la sympathie commerciale. Cette entente est due au monopole de certains dans ce secteur.'

De même, l’exploitant personnel de l’entreprise Ho You Fat a reconnu qu’il établissait des devis de couverture à la demande de confrères ou qu’il en sollicitait et en obtenait d’eux, parmi lesquels T.E.D., D.T.S.I. et D.A.G. Il a ajouté : 'En principe, c’est le premier d’entre nous qui est contacté qui conserve le client (…) Face à cette concurrence extérieure, nous avons mis en place avec des confrères de la place ce système de 'gentlemen agreement’ qui nous permet de conserver le client qui nous contacte.'

En Guadeloupe

Outre les concertations permanentes examinées au 1. a, ci-avant, il existait les concertations ponctuelles suivantes.

Sur les trente et un dossiers établis d’avril 1986 à juin 1989 de déménagements dans le sens Guadeloupe-métropole de fonctionnaires de l’ensemble des ministères civils, F.V. Déménagement Guadeloupe s’est révélée moins-disante avec un devis du 17 juin 1987 pour l’un de ces 31 dossiers, celui d’un déménagement de Le Moule (Guadeloupe) à Orange. Les deux autres devis émanaient des deux entreprises Luc Salondy (du 16 juin 1987) et Claude Hereson (du 16 juin 1987).

Le gérant de F.V. Guadeloupe a déclaré que sur demande des clients, il lui arrivait de leur indiquer l’adresse de concurrents, lesquels, connaissant ses tarifs, 'en règle générale, se positionnent de manière à ne pas constituer une gêne pour notre société, sans que cela ait fait l’objet d’un accord formel'.

Pour leur part, MM. Luc Salondy et Claude Hereson ont déclaré, indépendamment l’un de l’autre et le même jour, le 22 juin 1989, qu’ils ne réalisaient aucun déménagement de particuliers et que leur devis du 16 juin 1987 avait été dactylographié par la secrétaire de la

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société F.V. Déménagement Guadeloupe à laquelle ils avaient fourni de leur papier à en-tête et qui avait calculé les prix. Ils ont ajouté l’un et l’autre qu’ils n’avaient pas été sollicités par le client, qu’ils n’avaient pas de double de ce devis, qu’ils auraient été dans l’impossibilité de réaliser ce déménagement s’ils avaient été retenus et que ce cas de devis de couverture était le seul pour ce qui les concernait.

Toutefois, le 26 juin suivant, soit quatre jours plus tard, MM. Salondy et Héréson se sont rétractés dans des termes identiques d’où il ressort que, selon eux, un employé de F.V. International Guadeloupe aurait pris contact avec M. Héréson en mai 1986 et lui aurait demandé le tampon de son entreprise ainsi que celui de M. Salondy 'afin de prouver au responsable de l’entreprise F.V. International Guadeloupe que (ces) deux entreprises étaient immatriculées au registre du commerce'. L’un et l’autre auraient alors donné ces tampons, pensant qu’ils pourraient 'effectuer un jour des transports pour le compte de F.V. International'. C’est à leur insu que ces tampons auraient été utilisés pour établir les devis du 16 juin 1987 à leur nom et ils ignoreraient si d’autres devis ou documents semblables ont été établis par F.V. International Guadeloupe.

Le gérant d’A.G.S. Guadeloupe a déclaré que ses concurrents sollicitaient des devis de couverture : 'Express fait appel à Speed et Demetrans; Jean-Michel S.A.R.L. à T.E.D. et Lallement : F.V. International à Héréson et Salondy'.

A la Réunion

1. Outre les cas de concertations permanentes examinés au 1 (a) ci-avant, A.G.S. Réunion se concertait avec deux entreprises locales, Déménagements Condapanaiken et S.D.T.

Dans deux séries de devis, ceux d’A.G.S. Réunion par voie maritime des 12 et 16 juin 1989 sont moins-disants. Ceux de Condapanaiken datés des 6 et 9 juin sont plus élevés, ainsi que ceux de S.D.T. non datés, lesquels sont par ailleurs présentés de façon identique à ceux d’A.G.S. et proviennent manifestement de la même machine à écrire ou imprimante que ces derniers.

Le gérant de la S.A.R.L. A.G.S. Réunion a déclaré : 'Je suis conscient qu’il existe une anomalie au niveau de la production des devis, cette situation est oeuvre de tous. La part des devis effectivement en concurrence est d’environ 50 p. 100.'

M. Condapanaiken, exploitant personnel, a reconnu demander à des concurrents des devis de couverture. Un cogérant de S.D.T. a également reconnu fournir à des concurrents, dont A.G.S., et obtenir d’eux des devis de couverture par échange de papier à en-tête vierge.

2. Le même cogérant de S.D.T. a reconnu que les mêmes procédés étaient employés avec l’entreprise Cheung Ah Seung, dont deux responsables ont déclaré : 'Dans d’autres cas, le fonctionnaire qui tient à déménager par notre entreprise nous demande les trois devis. Alors, nous nous adressons à deux confrères, Condapa et la S.C.A.C., principalement, pour obtenir les deux autres devis, en leur fixant notre seuil.' M. Condapanaiken, exploitant personnel, a reconnu demander à des concurrents des devis de couverture.

3. De même, outre la concertation organisée entre les entreprises du groupe Sofidem, deux responsables de F.V. International et de Sofidem ont déclaré : 'Nous établissons les devis en faisant appel aux trois entités. Cette politique est appliquée depuis la création du holding

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Sofidem, auparavant nous avons sollicité d’autres entreprises locales telles que Condapa et S.C.A.C.' Comme indiqué ci-avant, M. Condapanaiken a reconnu demander à des concurrents des devis de couverture.

4. Enfin, outre sa concertation avec les entreprises A.G.S. D.T.S.I. et F.V. examinée au 1 (a) ci-avant, le responsable de l’entreprise personnelle Jacques Ycard a reconnu, d’une part, avoir produit, à l’appui de ses propres devis moins-disants, des devis de couverture établis à sa demande par T. Tram, Réunion Transit et Transports Pothin et, d’autre part, avoir lui-même établi des devis de couverture à la demande de Cotteret.

M. Pothin a déclaré : '(J’ai) pour seule activité « taxi » depuis le 7 juin 1979. (…) Je certifie n’avoir jamais établi de devis de déménagement. (…) Je maintiens n’avoir eu aucune relation commerciale avec les déménageurs.' Le responsable de la société T. Tram a reconnu avoir 'courant 1986 (…) établi quelques devis pour les déménagements de fonctionnaires civils à la demande de M. Jacques Ycard, déménageur à Saint-Pierre'.

2. Les devis d’entreprises appartenant à un même groupe

Entreprises d’un même groupe seules

Parmi les pratiques examinées ci-avant, se rencontre le cas où les devis remis à un client émanaient seulement d’entreprises appartenant à un même groupe. Il en va ainsi de la S.A. Bedel et de ce qui était alors sa filiale à 49 p. 100, la S.A. Grospiron Raoult-Grospiron Successeur : la S.A.R.L. Guyane déménagements, So.Gu.Dem et Cofranav; la S.A. J.-C. Cotteret, Somanutrans et Transports Benard; F.V. International, D.T.S.I. et Tropical Déménagement Transport.

Deux entreprises d’un même groupe et une entreprise tierce

En métropole : A.G.S. et Juin International:

Lors de la visite du 15 novembre 1988 au siège d’A.G.S. Paris, à Gennevilliers, divers documents ont été saisis, et notamment un formulaire vierge de devis de la S.A. Juin International, un formulaire vierge (différent du précédent) de devis de la S.A. Juin International et deux ensembles de devis relatifs aux déménagements de MM. Donnelly et Gardavaud.

S’agissant du déménagement du second, ces documents saisis sont : un document manuscrit interne daté du 30 mai 1988 concernant les données administratives et techniques du déménagement de Besançon vers la Martinique, sur lequel figurait notamment les mentions suivantes : '3 devis/OK devis concurrents/ + Lettre'; diverses correspondances; deux copies du devis d’A.G.S., sur son papier à en-tête, du 2 juin 1988 : l’original et une copie, revêtus du cachet de l’entreprise et d’un paraphe; un original et une copie du devis de l’entreprise personnelle Léonard Colussi et de la S.A. Juin International, sur leur papier en-tête, des 6 et 3 juin 1988, revêtus du cachet de l’entreprise et d’un paraphe et dactylographiés avec des caractères différents de ceux d’A.G.S. et différents entre eux.

S’agissant du déménagement de M. Donnelly, les documents saisis sont : un document manuscrit interne concernant les données administratives et techniques (inventaire, etc.) du déménagement de Montrouge vers la Guadeloupe : un original et deux copies du devis

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d’A.G.S., sur son papier à en-tête, du 1er septembre 1988, l’original et une copie étant revêtus du cachet de l’entreprise et d’un paraphe; un original et une copie du devis de la S.A.R.L. Steemarc et de la S.A. Juin International, sur leur papier à en-tête, des 5 et 2 septembre 1988, revêtus du cachet de l’entreprise et d’un paraphe et dactylographiés avec des caractères différents de ceux d’A.G.S. et différents entre eux.

Par ailleurs, dans sa saisine du Conseil de la concurrence, la S.A. Bedel a produit les copies des devis des 25 et 26 août 1987 concernant un déménagement par voies routière et maritime de Paris (13e) vers la Guadeloupe. Ces devis se présentent de la même manière que ceux qui ont déjà été analysés; celui d’A.G.S. est moins-disant, suivi de ceux de Juin International et de Guillaumet. Un quatrième devis, de Juin International, concerne le même déménagement, mais par voies routière et aérienne.

Sur les 54 dossiers établis d’avril 1986 à juin 1989, relatifs au déménagement dans le sens métropole-Guadeloupe de fonctionnaires de l’ensemble des ministères civils, A.G.S. s’est révélée moins-disante pour 34 de ces 54 dossiers. Dans 12 de ces 34 cas, un des deux autres devis émanait de l’entreprise Juin International et le troisième de Guillaumet, Steemarc, Tramo, Transcap ou Colussi.

Plus généralement, l’enquête a révélé que la société A.G.S. a présenté un devis dans 123 des 188 dossiers examinés concernant le déménagement de la métropole vers l’outre-mer de fonctionnaires de la D.G.I. pendant les années 1986 à 1988 et qu’elle a réalisé 113 de ces déménagements; de même, elle a présenté un devis dans 160 des 311 dossiers examinés concernant le déménagement de fonctionnaires des P.T.T. pendant la même période et a réalisé 156 de ces déménagements. Dans 17 des 113 cas D.G.I., un devis avait été également présenté par la société Juin International et une entreprise tierce, A.G.S. se trouvant moins- disante dans 13 cas, Juin International dans un autre. Dans 9 des 160 cas P.T.T., un devis avait été également présenté par la société Juin International, A.G.S. se trouvant moins-disante.

Pour l’ensemble des 26 cas où A.G.S. et Juin International dans un autre. Dans 9 des 160 cas P.T.T., un devis avait été également présenté par la société Juin International, A.G.S. se trouvant moins-disante.

Pour l’ensemble des 26 cas où A.G.S. et Juin International ont présenté l’une et l’autre un devis, le troisième devis émanait de diverses entreprises. Parmi celles-ci les plus fréquentes sont Guillaumet, Granero et Martinez, Europe Continentale et Transports et Déménagements Achin dans les occurrences déjà examinées ci-avant. On note également la présence de devis de couverture de l’entreprise Haddad dans trois cas (fonctionnaires de la D.G.I. à destination de la Réunion). Les autres entreprises émettrices d’un devis ne sont intervenues qu’une fois.

Le directeur général d’A.G.S. Paris a déclaré qu’il n’existait aucun lien juridique ni financier entre A.G.S. et Juin International, mais 'un certain nombre de liens familiaux'. Il avait auparavant déclaré : 'Les papiers à en-tête vierges d’entreprises concurrentes où sont rédigés les devis (…) ont été obtenus par échange avec d’autres entreprises. (…) Les exemplaires des entreprises (…) Juin S.A. ont été obtenus directement par échange avec ces entreprises.'

En métropole : Bedel, Nortier et Grospiron Raoult-Grospiron Successeur:

La S.A. Bedel a fait appel de façon permanente, à la S.A. Grospiron Raoult-Grospiron Successeur pour qu’elle lui fournisse des devis de couverture. Par ailleurs, elle détenait des

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participations majoritaires dans Le Garde-meuble Nortier, Bedel-Voyages, Déménagement et Compagno, Société marocaine Bedel et Cie et Grospiron, Raoult-Grospiron Successeur. Cette dernière avait pour président M. Bernard Delpuech, également président de la S.A. Bedel.

Un lot de trois devis a été saisi au siège d’A.G.S. pour un déménagement de Sarcelles à Cayenne. L’un émanait de Bedel moins-disant, un autre de sa filiale Nortier et le dernier de la Société d’entreprises de transport et de transit (S.E.T.).

Sur les 54 dossiers établis d’avril 1986 à juin 1989, relatifs au déménagement dans le sens métropole-Guadeloupe de fonctionnaires de l’ensemble des ministères civils, Bedel s’est révélée moins-disante pour l’un de ces 54 dossiers, les deux devis émanant des deux entreprises S.E.T. et Nortier.

Sur les dossiers complets de déménagements dans le sens métropole-outre-mer de fonctionnaires de 1986 à 1988 respectivement de la D.G.I. et des P.T.T., la société Bedel a présenté un devis pour 17 des 188 dossiers D.G.I. et 19 des 311 dossiers P.T.T. et réalisé le déménagement dans 15 cas pour les premiers, dans 13 des 19 cas pour les seconds. Pour ce qui concerne la D.G.I., un devis avait été également présenté par la société Nortier dans 10 cas sur ces 15 et, dans 8 de ceux-ci, par S.E.T. également. Pour ce qui concerne les P.T.T., un devis avait été également présenté par les sociétés Nortier et S.E.T. dans 12 cas sur les 13.

Les responsables des sociétés S.E.T. et Bedel ont reconnu s’être concertés.

En Guadeloupe:

Le contexte dans lequel les entreprises T.E.D., Jean Michel, Demetrans, Speed, Transit A. Bijou, Justin Louis et Sotragua se sont livrées aux pratiques décrites aux 1, a et 1. b ci-avant est le suivant:

L’exploitant de T.E.D., M. Maurice Gérard Theophile est également gérant de la S.A.R.L. Déménagements Jean Michel, dont il possède depuis le 7 juin 1989 34,84 p. 100 du capital. Son épouse et ses enfants, depuis la même date, en possèdent 51,72 p. 100.

Les parts de la S.A.R.L. Demetrans, qui a cessé son activité fin 1986 et dont la liquidation a été prononcée, étaient détenues par deux cousins : Guy Bijou (gérant) et Alain Bijou. L’un et l’autre exploitent une entreprise personnelle, respectivement Speed et Transit Alain Bijou.

M. Justin Wenceslas Louis, exploitant de l’entreprise personnelle qui porte son nom, est également le gérant de la S.A.R.L. Sotragua, dont il détient un tiers du capital et son frère, Hubert Georges Louis, au autre tiers.

3. Accord de répartition en Martinique

Le gérant de la S.A.R.L. Sodetram (Société générale de transit Martinique) a déclaré : 'Je me suis mis d’accord avec la société A.G.S. sise en Martinique, à leur demande, pour ne pas les concurrencer en matière de déménagement export et import. J’ai rencontré à ce sujet, dès 1987, M. Taïed (Alain), qui m’a proposé ce marché. En contrepartie, il m’accordait des opérations de transit. Cependant, alors que je demandais l’exclusivité, je ne l’ai pas obtenue. (…) Depuis (le 18 mai 1989), je n’ai plus aucun dossier avec eux, ni de transit ni de déménagement en devis'.

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M. Houelche, actuellement gérant de la S.A.R.L. A.G.S. Martinique et ancien directeur de ce qui était alors une agence d’A.G.S. S.A. à Gennevilliers, a déclaré le même jour et à la même heure que le précédent : 'Pour les déménageurs, nous faisons appel aux transitaires suivants : Alain Anne, Cogetram, Sodetram. La société travaille de moins en moins avec Sodetram pour des raisons de tarif (il est trop cher). (…) Je ne sais pas de quelle nature sont les liens entre A.G.S. et Alain Anne et Sodetram : écrits ou oraux.'

Le 13 juillet suivant, le même M. Houelche a déclaré : 'A.G.S. a renégocié ses tarifs en mai 1989 afin d’obtenir les tarifs les plus bas possible. C’est ainsi qu’A.G.S. ne travaille plus avec la Sodetram, depuis mai 1989 (…). Avant mai 1989, A.G.S. travaillait avec Sodetram, A. Anne et Cogedram. Depuis cette date, A.G.S. ne travaille plus qu’avec les deux dernières sociétés, compte tenu du refus de Sodetram de baisser ses tarifs'.

De 1987 à 1988, le chiffre d’affaires de Sodetram est passé de 1,4 à 1,09 million de francs et son volume d’affaires avec A.G.S. est passé de 0,56 à 0,43 million de francs.

4. Pressions exercées sur trois transitaires martiniquais

Il ressort des déclarations des responsables de Somotrans, de Cogetram, de Sodetram et d’A.G.S. Martinique que Somotrans, qui fait exclusivement des opérations de transit et de dédouanement, a travaillé avec A.G.S. de la mi-1986 à la fin de septembre 1987, date à laquelle A.G.S. lui a demandé, d’une part, de lui fournir du papier à en-tête pour réaliser des devis de complaisance, demande que d’autres entreprises auraient satisfaire et, d’autre part, de lui consentir une ristourne de 400 F pour les déménagements de militaires par rapport au forfait de 606,74 F Somotrans a refusé à l’une et l’autre demandes et A.G.S. a cessé toute relation commerciale avec elle jusqu’en mai 1989.

Par ailleurs, A.G.S. Martinique travaille avec Cogetram depuis juillet 1987. Elle lui payait des honoraires (opérations de dédouanement) de 250 F par client pour un groupage, avec un plafond de 1 000 F, et de 500 F par container. Enfin, jusqu’en mai 1989, le tarif de transit de Sodetram vis-à-vis d’A.G.S. était de 300 F H.T. par dossier avec un maximum de 1 200 F par container de groupage. Sodetram et Cogetram réalisent environ 40 p. 100 de leur chiffre d’affaires avec A.G.S.

Le 18 mai 1989 A.G.S. a négocié des accords avec ces trois transitaires : avec Somotrans le tarif de transit du container ou du client en cas de groupage de plusieurs clients par container a été fixé à 100 F; avec Cogetram, à qui A.G.S. a par ailleurs demandé de son papier à en-tête, il a également été fixé à 100 F, avec un maximum de 1 000 F en cas de groupage (sauf pour une entreprise avec laquelle elle a négocié un forfait particulier, Cogetram pratique des tarifs différents pour le reste de sa clientèle); avec Sodetram, la demande d’A.G.S. de passer à 100 F par dossier a été repoussée et, depuis, les deux entreprises n’ont plus aucune relation commerciale.

A.G.S. Martinique confie environ 80 p. 100 de ses opérations de transit à l’entreprise Alain Anne et ne choisirait ses transitaires qu’en fonction de leurs prix, indépendamment des services rendus 'au niveau des devis'.

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II. – SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL

En ce qui concerne la procédure:

Considérant que la saisine de la S.A. Bedel du 2 décembre 1988 est relative à des faits et pratiques inclus dans ceux pour lesquels le Conseil de la concurrence s’était saisi d’office le 19 octobre précédent; qu’il y a lieu de joindre ces deux saisines pour statuer par une même décision;

Considérant que la saisine d’office du 19 octobre 1988 a interrompu le cours de la prescription; que les faits soumis au Conseil de la concurrence sont postérieurs au 19 octobre 1985 et peuvent donc être qualifiés par lui; qu’ils doivent être appréciés au regard des articles 50 et 51 de l’ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 qui demeurent applicables en l’espèce puis au regard des articles 7 et 10 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986; que des faits antérieurs au 19 octobre 1985 peuvent cependant être relatés à seule fin de permettre la compréhension des griefs retenus et relatifs à des faits susceptibles d’être sanctionnés;

Considérant que pour apprécier la portée des modifications intervenues dans la situation juridique des entreprises, il convient de rechercher si subsiste une continuité économique et fonctionnelle entre celle qui s’est livrée à la pratique examinée et celle qui lui a succédé; qu’il en est ainsi de l’entreprise en nom personnel de M. Yvan Bassac dont a location-gérance a été confiée à la S.A.R.L. Bassac, de l’entreprise en nom personnel de M. René Albonico d’abord mise en location-gérance puis dont l’exploitation directe a été reprise par son propriétaire, des sociétés Continex, Déménagements Guillaumet, Lebourgeois et Cie, Ocitra et Sogudem qui ont été reprises respectivement par les sociétés Oceanlink, Faure Déménagements, Déménagements Lebourgeois, Sagatrans Réunion et Guyan Transit, et de la société Grospiron Raoult Grospiron Successeur qui a été achetée par la société Raoult Grospiron International, laquelle a ensuite fusionné avec la société Bedel; que, dès lors, ces entreprises ne peuvent utilement se prévaloir des modifications intervenues dans leur situation;

Considérant que M. Maurice Daude a demandé à être confronté avec M. Luc Bollo au cours de l’instruction par le rapporteur; qu’en l’absence d’obligation légale en la matière, le fait que cette confrontation n’ait pas été organisée est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que, comme en l’espèce, les parties intéressées ont été mises en mesure de présenter en temps utile leurs observations tant sur la notification de griefs que sur le rapport, ainsi que de présenter leurs observations orales devant le conseil;

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent M. Daude et les entreprises A.G.S. Martinique, Tenart et S.C.A.C. La Réunion, les déclarations des personnes entendues au cours de l’instruction peuvent constituer des éléments de preuve lorsqu’elles ont été simultanées ou réitérées, et que, loin de contredire les autres éléments du dossier, elles les confirment;

En ce qui concerne les pratiques constatées:

Considérant que, contrairement à ce que soutient A.G.S. Paris, il n’est pas établi, dans l’état du dossier, que la chambre syndicale des entreprises de déménagements et garde-meuble de France ait pris une part quelconque dans les pratiques anticoncurrentielles mises en oeuvre par nombre de ses adhérents; que le Conseil de la concurrence n’est pas compétent s’agissant de l"ostracisme', des 'discriminations', des 'dénigrements, calomnies et délations’ dont A.G.S.

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aurait été victime de la part de la chambre syndicale et dont il n’est pas établi qu’ils résultent d’une concertation anticoncurrentielle ou d’un abus, également anticoncurrentiel, de position dominante ou de dépendance économique; que la circonstance, à la supposer établie, qu’A.G.S. ou les membres de la chambre syndicale se seraient contentés d’adopter la pratique des devis de couverture mise en oeuvre par d’autres entreprises avant eux, est sans portée sur la qualification des faits constatés;

Considérant que les faits étrangers aux griefs régulièrement notifiés et qui se sont révélés postérieurement à la notification de griefs, soit par les observations des parties, soit par l’enquête administrative complémentaire, ne peuvent être examinés dans la présente décision;

Sur les pratiques de primes et cadeaux:

Considérant que le Conseil de la concurrence n’a pas compétence pour apprécier la licéité des primes et cadeaux que des entreprises de déménagement auraient offerts à des fonctionnaires mutés dès lors qu’il ne ressort pas de l’instruction que de telles pratiques, d’une part, relèvent d’ententes entre des entreprises concurrentes et, d’autre part, soient liées à une situation de position dominante ou de dépendance économique;

Sur les pratiques de devis de couverture:

Considérant que les constatations consignées aux B 1 et B 2 de la partie I de la présente décision établissent que les entreprises suivantes se sont concertées en échangeant du papier à en-tête vierge ou en se communiquant des informations aux fins d’établir des devis de couverture au profit de celle d’entre elles qui se réservait d’être moins-disante:

A.G.S. Guadeloupe avec Justin Louis, Sotragua, T.E.D. et Jean Michel;

A.G.S. Martinique avec Alain Anne, Sodetram et Cogetram;

A.G.S. Paris avec Guillaumet, Granero et Martinez, Stejoynan, Transports et Déménagements Achin, Juin International, Haddad, Léonard Colussi et Steemarc;

A.G.S. Réunion avec Raymond Cazal, Somanutrans, Jacques Ycard, Réunion Transit, Hilaire Maillot, S.D.T. et André Condapanaiken;

Antilles déménagements avec Déménagements Express, Speed, Demetrans et T.E.D.;

Bedel avec Grospiron, S.E.T. et Nortier;

Cheung Ah Seung avec S.D.T., André Condapanaiken et S.C.A.C. Réunion;

Compagnie générale avec Reveillaud, Davin, Angelier, Larnaudie, Peres Services, Maussire- Reclus, Yvon Bassac, Stardem, Tenard, Henry et D.F.T.;

Cotteret avec Benard, Somanutrans, Lebourgeois et Cie, Lagache, D.M. F. Granier, Desbordes et Ycard;

Déménagements Antilles-Guyane avec Maurice Daude et Ho You Fat;

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Déménagements Express avec Speed et Transit A. Bijou;

D.M. F. Granier avec S.I.T.;

D.T.S.I. avec Demevan Van Brackel, Déménagements Antilles-Guyane, Douglas et Cie, F.V. Réunion, Tropical Déménagement Transport, Lebourgeois et Cie, T.A.L., Réunion Transit, Jacques Ycard, Antheaume et Cie, Ho You Fat, T.E.D. et Ocitra;

F.T.C. avec Antheaume et Chiche, Continex, O.D.T. et Stejoynan;

F.V. International avec Stejoynan, F.T.C., Steemarc et Compagnie générale;

F.V. Guadeloupe avec Antilles déménagements, Luc Salondy et Claude A. Hereson;

F.V. Réunion avec Tropical Déménagement Transport, Ocitra, A. Sery, Jacques Ycard, André Condapanaiken et S.C.A.C. Réunion;

Ghiglion avec La Nationale/Ofradem, Boulogne déménagement et Gondrand;

Guyane déménagements avec Sogudem, Cofranav, Rusland et Douglas;

Jean Michel avec T.E.D. Demetrans, Transit A. Bijou et Albert Lallement;

Juin International avec Granero et Martinez, Guillaumet, Europe Continentale (Stejoynan) et Transports et déménagements Achin;

Justin Louis avec Sotragua;

Martinique Déménagement avec Sodetram;

Normandie Transit avec Translame et Gabriel Faroult;

Pompiere avec Luc Elisabeth et Guy Chalono;

Sogudem avec Cofranav, Douglas et Rusland;

T.E.D. avec Demetrans, Albert Lallement, Transit A. Bijou et Ho You Fat;

Jacques Ycard avec T. TRAM, Réunion Transit et Transports Pothin;

Considérant que M. Maurice Daude a indiqué qu’il avait porté plainte auprès du procureur de la République de Cayenne pour 'faux et usage de faux'; qu’en effet, selon lui, les devis établis en son nom, sur du papier à son en-tête, dont les doubles sont détenus par l’entreprise Déménagements Antilles-Guyane, seraient des 'imitations grossières'; que les déclarations du responsable de Déménagements Antilles-Guyane, selon qui son entreprise se concerterait notamment avec M. Daude en vue de produire des devis de couverture, résulteraient d’un 'malentendu’ ou vraisemblablement 'de faux témoignage'; qu’il y a donc lieu de surseoir à statuer sur l’éventuelle concertation entre les deux entreprises dans l’attente des suites données à cette plainte;

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Considérant de même que l’entreprise Sery a déclaré avoir découvert que la société F.V. avait de son propre chef fait confectionner un cachet 'Sery Alexis', à la suite de quoi elle avait cessé toutes relations commerciales avec F.V.; que l’entreprise Gondrand avance que l’utilisation de son papier à en-tête par Ghiglion ne peut avoir été qu’unilatérale et 'totalement en dehors de son consentement'; que la société Oceanlink (anciennement Continex International) avance que les devis établis sur son papier à en-tête et qui figurent dans les dossiers de la direction générale des impôts (Nelson) et des P.T.T. (Baret et Germain) ne pourraient, pour plusieurs raisons matérielles, émaner d’elle; que M. Yoland Pothin expose qu’il est chauffeur de taxi, qu’il ne serait pas concerné mais que pourrait l’être une entreprise homonyme ayant également son siège au Port, à la Réunion;

Considérant, dès lors, qu’il y a lieu de poursuivre l’instruction sur l’éventuelle concertation entre les entreprises Sery et F.V. Réunion, Gondrand et Ghiglion, F.T.C. et Continex, et Ycard et Pothin;

Considérant que le fait, pour des entreprises indépendantes, de se concerter ou d’échanger du papier à en-tête vierge ou des informations en vue de produire des devis de couverture a pour objet et peut avoir pour effet de limiter l’exercice de la libre concurrence de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu des marchés concernés; qu’il en a été ainsi des entreprises mentionnées au 1 du B de la partie I de la présente décision;

Considérant que les entreprises citées au 2 du B ci-dessus, ayant entre elles des liens juridiques ou financiers pouvaient choisir de présenter des devis distincts et concurrents dès lors qu’elles disposent de leur autonomie commerciale; que s’étant néanmoins concertées pour coordonner leurs offres ou pour élaborer ou réaliser des devis en commun, elles ont faussé le jeu de la concurrence entre des entreprises autonomes; que de telles pratiques mises en oeuvre par des entreprises appartenant à de mêmes groupes ont également pour objet et peuvent avoir pour effet de limiter l’exercice de la libre concurrence;

Considérant que la Compagnie générale soutient que le marché concerné serait le 'marché des droits à remboursement'; que sur un tel marché les offreurs ne pourraient être que l’ensemble des administrations et les demandeurs l’ensemble des fonctionnaires mutés;

Mais considérant au contraire que le rencontre entre les offres des entreprises de déménagement qui ont leur siège ou leur agence dans une aire géographique et les demandes des fonctionnaires mutés qui y résident constitué les marchés concernés au sens du droit de la concurrence; que la circonstance que le prix payé par les fonctionnaires, qui résulte en principe de la confrontation de l’offre et de la demande, leur soit finalement remboursé par leur administration n’est pas de nature à modifier cette définition des marchés; que les marchés concernés par la présente affaire sont circonscrits au territoire métropolitain et aux quatre départements d’outre-mer;

Considérant que les entreprises Desbordes, D.M. F. Granier, Lagache et Cie, Luc Elisabeth et S.E.T. avancent qu’elles ne sont concernées que par un nombre faible de devis de couverture; que la Compagnie générale et D.M. F. Granier allèguent que les devis de couverture établis à leur profit n’ont pas été rédigés par elles mais par les entreprises plus-disantes sur leurs indications; que Lagache et Cie indique que les devis de couverture établis au profit de Cotteret ont été adressés directement aux clients par elle-même; que Desbordes, Luc Elisabeth, Oceanlink et S.E.T. affirment n’avoir pas pris l’initiative des devis de couverture qu’elles ont établis au profit d’autres entreprises et n’ont jamais réalisé de déménagement en

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ces occurrences; que la Compagnie générale indique que, dans quelques cas, elle n’a pu fournir la prestation malgré la production de devis de couverture à son profit, le fonctionnaire ayant consulté d’autres entreprises à son insu;

Considérant qu’il a également été allégué que de nombreuses entreprises qui se sont livrées à la pratique des devis de couverture n’ont pas, ou n’ont que très peu, d’activités de déménagement au sens strict; que dans l’ensemble du secteur la concurrence a continué à opposer les principes entreprises dont les parts de marchés ont ainsi pu évoluer; que certaines entreprises entretiendraient des relations privilégiées avec des syndicats de fonctionnaires et certaines administrations; que ce serait à la demande de fonctionnaires ou de leur hiérarchie qu’auraient été établis et produits des devis de couverture; que les services administratifs responsables du déménagement des fonctionnaires n’auraient jamais décelé que des devis qui leur étaient soumis étaient des devis de couverture;

Mais considérant qu’aucune de ces circonstances, à les supposer établies, ne saurait justifier la pratique des devis de couverture, qui a eu pour objet et pouvait avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence par les prix;

Considérant que les sociétés A.G.S., Bedel et D.M. F. Granier se prévalent de leur 'bonne foi’ qui résulterait, pour la première, de sa dénonciation ancienne des faits et de ses nombreuses démarches en vue de l’abrogation du décret de 1953 et, pour la seconde, de sa saisine du Conseil de la concurrence des pratiques mises en oeuvre par A.G.S.; que la Compagnie générale avance qu’aucune 'intention frauduleuse’ ne serait établie; que la société S.E.T. expose que le rédacteur des devis litigieux aurait agi 'pour des raisons totalement étrangères à toute idée de répartition de marché';

Mais considérant que les infractions définies aux articles 50 de l’ordonnance de 1945 et 7 de l’ordonnance de 1986 ne comportent aucun élément intentionnel et que les concertations en vue de produire des devis de couverture sont prohibées dès lors que leur objet ou leur effet, actuel ou potentiel, est anticoncurrentiel;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les pratiques de devis de couverture des entreprises Yvan Bassac, Boulogne déménagement, Martinique déménagements, Maussire et Reclus, Stardem et T.A.L. sont visées par les dispositions de l’article 50 de l’ordonnance du 30 juin 1945; que les pratiques des entreprises Antilles déménagements, Cheung Ah Seung, Cogetram, Colussi, Condapanaiken, Déménagement- Antilles-Guyane, Déménagement Express, Desbordes, D.F.T., D.M. F. Granier, F.V. Guadeloupe, F.V. Réunion, Grospiron, Henry, Hereson, Ho You Fat, Maillot, Ocitra, Salondy, S.C.A.C. Réunion, S.D.T., S.I.T., Speed, Tenart, Transit A. Bijou, Transports Benard, Tropical Déménagement Transport et T. Tram sont visées par les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986; que les pratiques des entreprises A.G.S. Guadeloupe, A.G.S. Martinique, A.G.S. Paris, A.G.S. Réunion, Alain Anne, Anteaume et Chiche, Bedel, Cazal, Chalono, Cofranav, Compagnie générale, Cotteret, Davin, Demevan Van Brackel, Demetrans, Douglas et Cie, D.T.S.I., Europe Continentale – Stejoynan, G. Faroult, F.T.C., F.V. International, Ghiglion, Granero et Martinez, Guillaumet, Guyane Déménagement, Haddad, Jean Michel, Juin International, Lagache et Cie, Lallement, Larnaudie, Lebourgeois et Cie, Justin Louis, Luc Elisabeth, La Nationale – Ofradem, Normandie transit, Nortier, O.D.T., Peres, Pompiere, Réunion Transit, Reveillaud, S.E.T., Sodetram, Sogudem, Somanutrans, Sotragua, Steemarc, T.E.D., Translame et Ycard sont visées par les dispositions de ces deux textes;

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Sur l’accord de répartition entre A.G.S. Martinique et Sodetram;

Considérant qu’aux termes de l’accord conclu entre les entreprises Sodetram et A.G.S. Martinique de 1987 au 18 mai 1989, la première s’interdisait de concurrencer la seconde pour ce qui concernait les déménagements à destination ou au départ de la Martinique, en contrepartie de quoi elle se voyait confier par A.G.S. Martinique des opérations de transit; qu’un tel accord avait pour objet et pouvait avoir pour effet de limiter l’exercice de la libre concurrence sur les marchés concernés et faisait obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse; qu’il est donc visé par les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986;

Sur les pressions exercées par A.G.S. Martinique sur Sodetram, Somotrans et Cogetram:

Considérant qu’il n’est ni établi qu’A.G.S. Martinique était en état de position dominante sur le marché martiniquais à l’époque des faits, ni qu’elle y ait constitué le principal client de Somotrans, Cogetram et Sodetram, ni que ces trois transitaires n’aient pas eu la possibilité de compenser la perte éventuelle du courant d’affaires réalisé avec A.G.S. Martinique en nouant de nouvelles relations commerciales avec d’autres clients; que ces trois entreprises ne se trouvaient donc pas en situation de dépendance économique vis-à-vis d’A.G.S. Martinique; que les pressions exercées par cette société sur ses partenaires ne sont donc pas visées par les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986;

En ce qui concerne l’application des articles 51 de l’ordonnance de 1945 et 10 de l’ordonnance de 1986:

Considérant, d’une part, que, contrairement à ce qu’avancent plusieurs entreprises, notamment A.G.S., Alain Anne, Bedel, Compagnie générale, D.T.S.I. et Normandie Transit, les pratiques constatées ne sont pas dues à l’existence du décret n° 53-511 du 21 mai 1953 modifié; que celui-ci, non seulement ne contenait aucune disposition imposant aux entreprises de se concerter en vue de se répartir les marchés ou de produire des devis de couverture, mais avait été conçu au contraire pour organiser l’exercice de la libre concurrence entre déménageurs devant permettre d’obtenir la meilleure prestation au prix le plus bas et optimiser ainsi les dépenses de l’Etat; que, d’autre part, il n’est pas établi que les pratiques constatées aient conduit à un quelconque progrès économique; qu’en conséquence les dispositions des articles 51 de l’ordonnance de 1945 et 10 de l’ordonnance de 1986 ne peuvent trouver application;

En ce qui concerne les sanctions:

Considérant en conséquence qu’il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 13 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et d’infliger aux entreprises en cause des sanctions pécuniaires dans les conditions et limites fixées par ledit article 13 lorsque les infractions ci- dessus retenues ont eu lieu ou se sont poursuivies après l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et dans les conditions et limites fixées par l’article 53 de l’ordonnance du 30 juin 1945 susvisée lorsque les infractions retenues ont eu lieu avant cette entrée en vigueur; que le plafond de ces sanctions doit être déterminé en fonction du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos dans le premier cas, et en fonction du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France dans le secteur considéré au cours du dernier exercice clos avant le premier acte interruptif de la prescription, à savoir avant le 19 octobre 1988, dans le second cas; qu’il convient ensuite de tenir compte pour chacune de ces

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entreprises, comme indiqué à l’annexe à la présente décision, de ses capacités contributives, du nombre et de l’importance des comportements sanctionnés ainsi que de l’atteinte portée aux règles de la concurrence dans les marchés concernés; qu’en particulier, les sanctions pécuniaires infligées aux entreprises pour lesquelles la pratique de devis de couverture n’est établie que dans un seul cas ne doivent être appliquées qu’en cas d’inexéculation d’une injonction d’avoir à s’abstenir de participer à toute nouvelle pratique anticoncurrentielle.

Décide:

Art. 1er. – Il est sursis à statuer sur les pratiques éventuellement mises en oeuvre par les entreprises Déménagements Antilles-Guyane et Maurice Daude, A. Sery et F.V. Réunion, Gondrand et Ghiglion, Continex et F.T.C. et Ycard et Pothin.

Art. 2. – Il est enjoint aux S.A.R.L. Yvan Bassac, D.F.T. Déménagements et Stardem, aux S.A. Desbordes, Société internationale de transit et Transports Tenart et à MM. Gérard Henry, Claude A. Hereson et Luc Salondy de s’abstenir de participer à toute pratique prohibée par les articles 7 et 8 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, et notamment à la pratique des devis de couverture.

Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes, qui seront applicables en cas d’inexécution de cette injonction:

15 000 F à la S.A.R.L. Bassac; 900 000 F à la S.A. Desbordes; 70 000 F à la S.A.R.L. D.F.T. Déménagements; 40 000 F à M. Gérard Henry (Transports et Déménagements Francis Henry); 15 000 F à M. Claude A. Hereson; 15 000 F à M. Luc Salondy; 150 000 F à la S.A. Société internationale de transit (S.I.T.); 15 000 F à la S.A.R.L. Stardem; 50 000 F à la S.A. Transports Tenart.

Art. 3. – Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes, applicables immédiatement:

350 000 F à la S.A.R.L. A.G.S. Guadeloupe; 620 000 F à la S.A.R.L. A.G.S. Martinique; 3 000 000 F à la S.A. A.G.S. Paris; 660 000 F à la S.A.R.L. A.G.S. Réunion; 800 000 F à la S.A. Alain Anne; 30 000 F à la S.A.R.L. Antheaume et Chiche; 170 000 F à la S.A.R.L. Antilles déménagements; 1 050 000 F à la S.A. Bedel pour ce qui concerne tant ses propres pratiques que celles mises en œuvre par la S.A. Grospiron-Raoult Grospiron Successeur qu’elle a absorbée; 30 000 F à la S.A.R.L. Boulogne déménagement; 100 000 F à la S.A.R.L. Raymond Cazal Transport; 110 000 F à la S.A.R.L. Guy Chalono Transit; 350 000 F à M. Cheung Ah Seung; 480 000 F à la S.A.R.L. Cofranav; 15 000 F à la S.A.R.L. Comptoir général de transit martiniquais (Cogetram);

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65 000 F à M. Léonard Colussi; 600 000 F à la S.A. Compagnie générale; 20 000 F à M. André Condapanaiken; 640 000 F à la S.A. Cotteret; 190 000 F à la S.A. Déménagements Davin; 100 000 F à la S.A.R.L. Déménagements Antilles-Guyane; 40 000 F à la S.A.R.L. Déménagement Express; 70 000 F à la S.A.R.L. Demevan-Van Brackel; 9 000 F à la S.A.R.L. Demetrans; 420 000 F à la S.A.R.L. Granier Déménagements; 195 000 F à la S.A.R.L. Agence Douglas et Cie; 120 000 F à la S.A. D.T.S.I.: 15 000 F à la S.A.R.L. Europe Continentale (Stejoynan); 85 000 F à la S.A. Transit et Transports Gabriel Faroult; 115 000 F à la S.A.R.L. France Transfert Continentale (F.T.C.); 580 000 F à la S.A.R.L. F.V. Transports rapides; 80 000 F à la S.A.R.L. F.V. Déménagements Guadeloupe; 240 000 F à la S.A.R.L. F.V. Déménagements Réunion; 380 000 F à la S.A.R.L. Ghiglion Déménagements; 70 000 F à la S.A.R.L. Granero et Martinez; 320 000 F à la S.A. Faure Déménagements (Guillaumet-Faure); 290 000 F à la S.A.R.L. Guyane déménagements; 60 000 F à M. Roger Haddad; 50 000 F à la S.A.R.L. Ho You Fat; 100 000 F à la S.A.R.L. Déménagements Jean Michel; 175 000 F à la S.A. Juin International; 360 000 F à la S.A.R.L. Lagache et Cie; 50 000 F à M. Albert Lallement; 170 000 F à la S.A.R.L. Bordeaux Aquitaine Déménagements Larnaudie; 20 000 F à la S.A.R.L. Déménagements Lebourgeois; 12 000 F à M. Justin Louis; 65 000 F à la S.A.R.L. Luc Elisabeth; 85 000 F à M. Hilaire Maillot; 90 000 F à la S.A.R.L. Martinique Déménagement; 80 000 F à la S.A. Maussire et Reclus; 100 000 F à M. René Albonico (La Nationale Ofradem); 300 000 F à la S.A.R.L. Normandie Transit; 105 000 F à la S.A. Garde-Meubles Nortier; 190 000 F à la S.A. Sagatrans Réunion; 60 000 F à Mme Nina Taïeb (Office de déménagement et de transit); 80 000 F à la S.A.R.L. Pères Services Déménagements; 70 000 F à la S.A. Pompiere Déménagement; 760 000 F à la S.A. Réunion Transit; 105 000 F à la S.A.R.L. Reveillaud et Cie; 600 000 F à la S.N.C. S.C.A.C. Réunion; 50 000 F à la S.A.R.L. Saint-Denis Transport (S.D.T.); 120 000 F à la S.A. Société d’entreprise de transports et de transit (S.E.T.); 40 000 F à la S.A.R.L. Générale de transit martiniquais (Sodetram); 150 000 F à la S.A.R.L. Guyane Transit;

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580 000 F à la S.A.R.L. Somanutrans; 33 000 F à la S.A.R.L. Sotragua; 50 000 F à M. Guy Bijou (entreprise Speed); 15 000 F à la S.A.R.L. Steemarc; 290 000 F à la S.A.R.L. Transports-Affrètements-Locations (T.A.L.); 95 000 F à M. Maurice Theophile (entreprise T.E.D.); 150 000 F à la S.A.R.L. Translame; 35 000 F à M. Yvon Bijou (entreprise Transit A. Bijou); 570 000 F à la S.A.R.L. Transports Renard; 90 000 F à la S.A.R.L. Tropical Déménagement Transport; 450 000 F à la S.A. T. Tram; 30 000 F à M. Jacques Ycard (Déménagements et transports).

Art. 4. – Dans un délai maximum de deux mois suivant sa notification, la partie II de la présente décision sera publiée, à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires qui leur sont infligées:

- par les entreprises mentionnées à l’article 3 et ayant leur siège en France métropolitaine, dans Le Monde, Libération et La Tribune de l’expansion;

- par les entreprises mentionnées à l’article 3 et ayant leur siège en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique, dans France Antilles;

- par les entreprises mentionnées à l’article 3 et ayant leur siège à la Réunion, dans Le Quotidien de la Réunion.

Ces publications seront précédées de la mention : 'Décision du Conseil de la concurrence en date du 19 mai 1992 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du déménagement des fonctionnaires et agents français en provenance ou à destination des D.O.M. et des T.O.M.'.

Adopté le 19 mai 1992, sur le rapport de M. Jean-Claude Facchin, par M. Béteille, vice- président, présidant, MM. Bon et Fries, Mmes Lorenceau et Hagelsteen et MM. Schmidt et Sloan, membres.

Le rapporteur général, Le vice-président, présidant la séance, F. Jenny R.Béteille

© Conseil de la concurrence

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ANNEXE

C.A.H.T. de référence Devis de couverture Entente de Ordonnance Ordonnance Permanente Occasion Un seul cas répartition de 1945 de 1986 AGS Guadeloupe

11 619 719 X

AGS Martinique

15 501 000 X X

X AGS Paris

99 605 193 X X

AGS Réunion

21 950 000 X X

Alain Anne

26 554 409 X

Antheaume-Chiche

1 121 994 X X

Antilles Déménagement

5 807 689 X X

Yvan Bassac 968 848

X

Bedel

35 143 864 X

Boulogne Déménagement 1 938 377

X

Raymond Cazal

3 580 310 X

Guy Chalono

3 831 712 X

Cheung Ah Seung

11 557 828 X X

Cofranav

16 158 132 X

Cogetram

1 133 937

X

Léonard Colussi

4 469 836

X

Compagnie générale

19 797 352 X X

A.Condapanaiken

1 416 686

X

Cotteret

21 215 427 X X

Davin Déménagement

6 376 287 X

Antilles-Guyane

6 694 917

X

Déménagement Express

1 391 729 X

Demevan-Van B

2 432 227 X

Démétrans

294 150 X

Desbordes

66 040 841

X

D.F.T.

2 235 835

X

Granier

40 473 220

X

Douglas et Cie

6 520 007 X X

D.T.S.I.

4 000 000 X X

Stejoynan

547 244 X X

G.Faroult

2 881 996 X

F.T.C.

7 048 844 X

F.V. Transp. Rap.

19 518 230 X X

F.V. Guadeloupe

2 727 122 X

F.V. Réunion

8 000 000 X

Ghiglion

12 747 099 X

Granero

2 374 460 X

Guillaumet-Faure

10 600 000 X

Guyane Déménagement

9 724 357 X

Roger Haddad

4 137 824

X

F.Henry

2 572 159

X

Claude A. Hereson

1 100 000

X

Ho You Fat

3 423 414

X

Jean Michel

3 424 311 X X

Juin International

5 861 217 X X

Lagache et Cie

12 101 508 X

Albert Lallement

1 608 076 X

Larnaudie

5 700 000 X

Lebourgeois

663 045 X

Justin Louis

413 229 X

Luc Elisabeth

2 172 743 X

Hilaire Maillot

2 938 147 X

Martinique Déménagement 3 017 627

X

Maussire et Reclus 2 626 612

X

33

Nationale/Ofradem

3 343 076 X

Normandie Transit

9 931 489 X

Nortier

3 554 468 X

Sagatrans Réunion (Ocitra)

12 971 056

X

O.D.T.

1 963 247 X

Pères Services

2 826 334 X

Pompière

2 278 569 X

Réunion transit

25 376 919 X X

Reveillaud et Cie

3 490 693 X

S.C.A.C. Réunion

41 017 182

X

S.D.T.

1 715 000 X

S.E.T.

495 031 502 X X

S.I.T.

11 151 966

X

Sodetram

1 088 142 X

X Guyane Transit (Sogudem)

10 020 734 X X

Somanutrans

19 329 979 X

Sotragua

1 094 528 X

Speed

1 623 181 X

Stardem 1 012 018

X Steemarc

589 542 X X

T.A.L. 9 652 067

X

T.E.D.

3 191 906 X X

Transports Tenart 38 812 284

X Translame 5 128 267 X

Transit A. Bijou 1 230 259 X X Transports Benard 19 313 137 X

Tropical Déménagement Transport 3 106 696 X

T.Tram 15 070 702 X

Jacques Ycard 1 135 465 X X

34

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    • Tropical Déménagement Transport

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ADLC, Décision du 19 mai 1992 relative à la situation de la concurrence dans le secteur du déménagement des fonctionnaires et agents français en provenance ou à destination des D.O.M. et des T.O.M., 92-D-36