ADLC, Décision du 8 juin 1993 relative à des pratiques mises en oeuvre lors de l'acquisition de la Société européenne des supermarchés par la société Grands Magasins B du groupe Cora, 93-D-21

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Sur la décision

Référence :
Cons. conc., déc. n° 93-D-21 du 8 juin 1993
Numéro(s) : 93-D-21
Identifiant ADLC : 93-D-21
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Décision n° 93-D-21 du 8 juin 1993 relative à des pratiques mises en oeuvre lors de l’acquisition de la Société européenne des supermarchés par la société Grands Magasins B du groupe Cora

Le Conseil de la concurrence (formation plénière),

Vu la lettre enregistrée le 31 janvier 1991 sous le numéro F 383 par laquelle le ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et du budget, a saisi le Conseil de la concurrence des pratiques mises en oeuvre lors de l’acquisition de la Société européenne des supermarchés (S.E.S.) par la société Grands Magasins B (G.M. B.) du groupe Cora;

Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifiée, ensemble le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, modifié, pris pour son application;

Vu les observations présentées par la société G.M. B. et par le commissaire du Gouvernement;

Vu les autres pièces du dossier;

Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la société G.M. B. entendus;

Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et les motifs (II) ci-après exposés:

I. – CONSTATATIONS

A. – Le marché

1. Le groupe Cora

Le groupe Cora exerce des activités dans le domaine de la presse, de l’informatique, des produits de luxe et de la distribution de biens de consommation courante. Cette dernière activité consiste en l’exploitation de fonds de commerce d’hypermarchés, de supermarchés et de magasins de proximité. Le groupe a acquis le 17 mai 1989 la Société européenne de supermarchés (S.E.S.). A la suite de cette opération, l’activité 'distribution’ du groupe était exercée, au 31 décembre 1989, par sept sociétés : Grands Magasins A (G.M. A.), Grands Magasins B (G.M. B.), Gro-Est, Fraismarché Gro, Hyper-Est, Superal et Corso. Toutes ces sociétés sont filiales directement ou indirectement de la société G.M. B. et exploitaient au 31 décembre 1989: 52 hypermarchés aux enseignes Cora et Record; 152 supermarchés aux enseignes Gro, Fraismarché Gro et Migros; 289 magasins de proximité aux enseignes Corso, Agam et Happy; 2 magasins populaires à l’enseigne Prisunic; 3 centres de bricolage à l’enseigne Briker.

En décembre 1989, les hypermarchés et supermarchés du groupe Cora occupaient une surface de vente de 578 527 mètres carrés représentant 5,2 p. 100 de la surface nationale détenue les magasins de cette catégorie. Les magasins, implantés essentiellement en Alsace et en Lorraine, représentaient pour la même année 24,23 p. 100 du total des surfaces de ventes en hypermarchés et supermarchés en Alsace et 37,2 p. 100 en Lorraine.

Pour l’année 1989, les hypermarchés et supermarchés du groupe ont réalisé un chiffre d’affaires de 24 milliards de francs représentant 4,7 p. 100 du montant des ventes nationales réalisées dans les hypermarchés et supermarchés, montant qui a été estimé par l’I.N.S.E.E. à 516,8 milliards de francs. Au niveau régional, la part du groupe Cora dans les dépenses de consommation comprenant les dépenses en alimentation, en équipement de la personne et de la maison et, en culture-loisirs, tous types de commerces confondus, a été estimée par le groupe à 13,12 p. 100 du total de ces dépenses en Alsace et en Lorraine, dont 11,4 p. 100 en Alsace et 14,3 p. 100 en Lorraine.

2. La société Grands Magasins B (G.M. B.)

L’activité de la société G.M. B. consiste notamment à référencer les fournisseurs pour le compte de l’ensemble des magasins du groupe et à négocier avec ces fournisseurs les conditions d’achat. Cette fonction de centrale d’achat est assurée par deux départements de la société, Loceda pour ce qui concerne les produits alimentaires ainsi que les produits de droguerie, hygiène, parfumerie (D.H.P.), et Hypersélection pour ce qui concerne les autres produits (bazar, textile, électro-ménager…). La société G.M. B. référence environ 9 500 fournisseurs qui, cependant, ne contractent pas nécessairement avec ces magasins. La négociation des conditions d’achat se tient généralement d’octobre à mars. Les fournisseurs sont sélectionnés au sein des départements Loceda et Hypersélection par des commissions dénommées 'files’ qui sont spécialisées par familles de produits. Le département Loceda comporte huit files (épicerie/boissons/D.H.P., boucherie, charcuterie, produits laitiers,

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poissonnerie, produits surgelés, fruits et légumes, boulangerie), et le département Hypersélection trois files (textile, bazar-libre-service et électro-ménager). Ces files sont animées par des responsables de magasins et conduites par un directeur d’hypermarché. Les achats sont effectués par les magasins qui sont directement facturés par les fournisseurs.

La négociation des conditions d’achat porte sur la nature et le montant des avantages susceptibles d’être accordés par les fournisseurs au distributeur. Ces avantages sont de trois sortes : les remises sur factures, les ristournes hors factures et la rémunération des services de 'coopération commerciale’ rendus par le distributeur au fournisseur.

Les remises sur factures viennent en déduction du prix tarif du fournisseur et sont accordées en raison de l’importance des quantités achetées, des promotions exceptionnelles réalisées par les magasins, du paiement comptant des factures, ou de la prise en charge par le distributeur des frais de stockage des marchandises et de leur livraison aux magasins.

Les ristournes hors factures font l’objet d’un avoir du fournisseur au distributeur, accordé selon une périodicité mensuelle, trimestrielle, semestrielle ou annuelle. Elles sont généralement calculées en pourcentage du chiffre d’affaires annuel réalisé avec le fournisseur mais peuvent aussi consister en une somme forfaitaire. Elles sont fondées sur de multiples critères. Le groupe Cora bénéficie ainsi de ristournes qualifiées d’ 'inconditionnelles’ accordées automatiquement en fin d’année, telle la ristourne de remise de fin d’année ou R.F.A., et de ristournes qualifiées de 'progressives’ dont les taux augmentent en fonction des paliers de chiffres d’affaires réalisés ou critères tels que l’élargissement de l’assortiment, le référencement du fournisseur par un nouveau magasin, le référencement d’un nouveau produit, les actions promotionnelles diverses (anniversaires, quinzaines, fêtes variées…).

La coopération commerciale du distributeur peut revêtir des formes multiples et n’est pas toujours clairement définie. Elle peut consister par exemple en la mise en place, dans les magasins du groupe, de 'têtes de gondole', ou en l’octroi d’emplacements privilégiés dans les rayons désigné par 'mises en avant'. Elle recouvre aussi les actions promotionnelles engagées par le groupe Cora au niveau national consistant par exemple en la diffusion à la fin de l’année d’un catalogue des produits intitulé’ Cora en fête'. Dans la coopération commerciale figurent encore les avantages acquis à l’occasion d’une opération promotionnelle ponctuelle ou d’un événement particulier tels que le premier référencement du fournisseur, ou son maintien d’une année sur l’autre, ou, en l’espèce, l’acquisition de la S.E.S. La coopération commerciale recouvre enfin la rémunération de services spécifiques rendus par le distributeur au fournisseur telle que la négociation centralisée des conditions d’achat. La coopération commerciale est rémunérée soit sous forme de ristourne, soit sous forme d’une facture adressée par le distributeur au fournisseur. Tel est le cas de l’ Intervention pour la promotion commerciale’ (I.P.C.), qui rémunère la fonction de centrale d’achat exercée par le département Loceda, et de la 'Participation publi-promotionnelle forfaitaire’ (P.P.F.), qui est une somme sollicitée par la société G.M. B. de ses fournisseurs lors de l’acquisition de la S.E.S.

3. Les marchés concernés

Les pratiques décrites ci-après affectent deux marchés : celui de l’approvisionnement en biens de consommation courante et celui de la distribution au détail de ces mêmes biens dans les hypermarchés et supermarchés. Sur le premier marché, le groupe Cora se présente comme demandeur face aux offreurs que sont les fournisseurs. Sur le second marché, le groupe Cora se présente comme offreur face aux demandeurs que sont les consommateurs.

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Ce dernier marché présente des caractéristiques propres tant en ce qui concerne l’offre que la demande de produits. S’agissant de l’offre, on observe que les entreprises de distribution présentes sur ce marché sont de grande taille. En 1991, les quatre premières entreprises – Leclerc, Intermarché, Carrefour et Casino – ont réalisé chacune un chiffre d’affaires supérieur à 50 milliards de francs. Le groupe Cora se classe pour sa part, au huitième rang. Les points de vente, communément appelés 'grandes surfaces', occupent au minimum 2 500 mètres carrés pour un hypermarché et 400 mètres carrés pour un supermarché. Les produits présents dans ces points de vente sont offerts à la vente en libre-service et représentent un large éventail tant par le nombre de familles de produits que par celui des références dans chaque famille de produits. Les conditions d’achat des produits sont négociées par l’intermédiaire de centrales d’achat aux origines, structures et fonctions très diverses. Les grandes surfaces engagent fréquemment des actions publicitaires et des opérations promotionnelles sur les lieux de vente, qui sont généralement axées sur la pratique de prix bas.

S’agissant de la demande, elle s’oriente vers ces magasins en raison des prix bas qui y sont pratiqués et correspond à des achats en grande quantité, portant sur de multiples biens de nature diverse.

B. – Les pratiques relevées

A la suite de l’acquisition de la S.E.S., la société G.M. B. a renégocié ses conditions d’achat auprès des fournisseurs des familles de produits suivants : crémerie, boucherie-volaille, charcuterie, épicerie/liquides, surgelés, boulangerie, bazar et textile. Les réunions de renégociation se sont tenues à l’initiative des centrales d’achat Loceda et Hypersélection en juin et juillet 1989 et ont concerné 750 fournisseurs. A cette occasion, la société G.M. B. a sollicité et obtenu de la part de nombreux fournisseurs l’octroi d’avantages rétroactif, une rémunération dénommée 'Participation publi-promotionnelle forfaitaire’ et l’allongement des délais de paiement. Des pratiques consistant en la menace de déréférencement, de réduction des opérations promotionnelles, de baisse des commandes ou de déréférencement partiel ont également été dénoncées dans le dossier de saisine.

1. Les avantages rétroactifs

La société G.M. B. a sollicité et obtenu de la part de nombreux fournisseurs des avantages rétroactifs selon l’une ou plusieurs des modalités ci-après.

En premier lieu, lorsque des écarts dans les conditions d’achat négociées par les sociétés G.M. B. et S.E.S. étaient constatés, tous les magasins du nouveau groupe ont bénéficié des conditions les plus avantageuses négociées avec l’une ou l’autre des deux sociétés, avec effet rétroactif généralement fixé au 1er janvier 1989. Certains fournisseurs ont au surplus versé une somme dénommée 'rattrapage 1988' destinée à compenser les écarts de conditions constatés sur l’année 1988.

En second lieu, les magasins du nouveau groupe Cora ont bénéficié d’une augmentation des ristournes avec effet rétroactif au 1er janvier 1989. Cette augmentation a pu concerner l’ensemble des ristournes différées, comme dans le cas des fournisseurs Customagic, Société anonyme des Fermiers réunis, cave vinicole d’Eguisheim, ou seulement certaines d’entre elles. Par exemple, dans le cas des fournisseurs Teisseire, Rowntree, Adp, Le Gouessant, ce sont les taux de ristournes progressives qui ont été revalorisés par la création de paliers de ristournes

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supplémentaires. La société Rowntree a également accepté une augmentation des ristournes de 'coopération commerciale', tandis que les sociétés Deldique, Valmont et Horvat ont accordé des ristournes nouvelles et que les sociétés Customagic et Vogelsang ont modifié les ristournes progressives en ristournes inconditionnelles.

En troisième lieu, l’I.P.C. facturée par le département Loceda aux fournisseurs, a été revalorisée avec effet rétroactif fixé généralement au 1er janvier 1989, parfois même à une date antérieure comme dans le cas des sociétés Grumbach et Fils et Gillet Lorraine qui ont accepté de régler une I.P.C. pour les ventes effectuées en 1988.

2. La 'Participation publi-promotionnelle forfaitaire'

La société G.M. B. a sollicité et obtenu de nombreux fournisseurs une rémunération exceptionnelle dénommée 'Participation publi-promotionnelle forfaitaire'. Facturée par la centrale d’achat Loveda à ces fournisseurs, cette rémunération correspond soit à un montant forfaitaire, soit à un pourcentage du chiffre d’affaires annuel réalisé avec le groupe Cora variant de 0,4 p. 100 à 6 p. 100, les taux les plus fréquemment appliqués étant de 1 p. 100 à 2 p. 100. Le montant des sommes perçues par le groupe Cora au titre de cette rémunération s’est élevé à 105,9 millions de francs et a concerné plus de 600 fournisseurs.

Selon les responsables du groupe Cora, la facturation de la 'Participation publi-promotionnelle forfaitaire’ était justifiée par l’une ou l’autre des raisons suivantes : développement ou perspectives de développement des ventes, élargissement des gammes, réalisation d’opérations promotionnelles ou publicitaires (têtes de gondoles, mises en avant, édition de dépliants publicitaires), droit de référencement auprès des magasins de la S.E.S., rattrapage sur les écarts des conditions d’achat constatés entre les deux enseignes. Les fournisseurs, pour leur part, ont qualifié cette rémunération de prime de référencement auprès des magasins du nouveau groupe, de participation aux coûts des travaux de modernisation et de changement d’enseigne, de contribution au financement du rachat de la S.E.S. ou de participation à la’ corbeille de la mariée'.

Lors de la négociation de cette rémunération, plusieurs fournisseurs ont conditionné son versement à une augmentation de leur chiffre d’affaires avec le groupe, ou encore à l’élargissement du référencement de leur produit dans les magasins. Certains fournisseurs n’ont pas versé la somme facturée dès lors que ces conditions n’avaient pas été respectées.

3. L’allongement des délais de paiement

L’allongement de trente jours du délai de paiement courant qui passe de quatre-vingt-dix jours à cent vingts jours a été accepté notamment par les fournisseurs de produits textiles et de bazar. Ce prolongement est valable pour une période de six mois ou de douze mois.

4. Les autres pratiques relevées

Les menaces de déréférencement ont été mentionnées par de nombreux fournisseurs. Tous les responsables d’achats du groupe Cora ont cependant formellement démenti de telles déclarations

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La suppression des opérations promotionnelles a, au vu des pièces du dossier, concerné les sociétés Métropolitaine des boissons, Orangina Pernod-Ricard, Martini, Elida Gibbs et Besnier. Cette pratique a été reconnue par MM. Perosa, chef du département Epicerie de l’hypermarché Cora à Moulins-lès-Metz et Puttemans, responsable des achats de produits d’épicerie et Leblanc, responsable des achats de produits de crémerie. Ceux-ci ont déclaré que ces 'sanctions’ étaient justifiées car les sociétés concernées avaient présenté des propositions inacceptables.

La réduction des commandes a, selon les déclarations de M. Sepulchre, responsable des achats de produits de bazar, concerné les sociétés Coparel Vademecum et Melitta parce qu’elles avaient dans un premier temps refusé d’harmoniser leurs conditions de vente au groupe Cora et à la S.E.S. Le responsable de la société Sicavyl a pour sa part, déclaré aux enquêteurs qu’à son avis, les fortes baisses de commandes enregistrées au cours du mois d’août 1989 étaient dues à son refus de verser une somme de 10 000 F sans 'contrepartie claire'.

Le seul déréférencement partiel a concerné la société Dim, à l’encontre de laquelle une mesure de 'boycott’ a été décidée, selon les termes mêmes de M. de Grave, responsable des achats de produits textiles. Au cours des mois de juillet et août 1989, des télex d’annulations de commandes ont été adressés à ce fournisseur par les magasins de l’enseigne Cora de Limoges, Livry-Gargan, Dôle, Moulins-lès-Metz, Dreux et Vesoul. Les relations ont repris avec la société début septembre après qu’un accord fut intervenu entre les parties sur les nouvelles conditions d’achat.

II. – SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL

Sur la procédure:

Considérant que la société G.M. B. invoque, en premier lieu, la nullité des procès-verbaux de déclaration des fournisseurs qui auraient été établis par les enquêteurs en violation des règles de forme prévues par l’ordonnance du 1er décembre 1986 en ce qu’ils ne comportent pas la mention qu’un double a été laissé aux intéressés;

Considérant que, selon les dispositions de l’article 46 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, les enquêtes effectuées en application de ladite ordonnance donnent lieu à l’établissement de procès-verbaux et un double doit en être laissé aux parties intéressées ; qu’aux termes de l’article 31 du décret du 29 décembre 1986, 'les procès-verbaux prévus à l’article 46 de l’ordonnance sont rédigés dans le plus court délai. Ils énoncent la nature, la date et le lieu des constatations ou des contrôles effectués. Ils sont signés de l’enquêteur et de la personne concernée par les investigations. En cas de refus de celle-ci mention en est faite au procès- verbal';

Considérant qu’en conséquence doivent être écartés du dossier les procès-verbaux établis en violation des règles de forme ci-dessus énoncées, pour lesquels il n’est pas établi ou sur lesquels ne figure pas la mention qu’un double a été laissé aux parties intéressées, ainsi que les procès-verbaux non revêtus de la signature de la personne concernée et de l’enquêteur;

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Considérant que la société G.M. B. invoque, en second lieu, la nullité des pièces qualifiées 'd’origine inconnue', qui ne sont pas accompagnées d’un procès-verbal de communication ou d’une copie de celui-ci;

Considérant qu’aux termes de l’article 46 de l’ordonnance du 1er décembre 1986. 'Les enquêtes donnent lieu à l’établissement de procès-verbaux… ', et de l’article 47, 'Les enquêteurs peuvent accéder à tous locaux, terrains ou moyens de transport à usage professionnel, demander communication des livres, factures et tous autres documents professionnels et en prendre copie’ ; qu’il résulte des dispositions combinées des articles précités que les enquêteurs doivent établir un procès-verbal à l’occasion de l’accomplissement des actes prévus à l’article 47 ; qu’en conséquence il y a lieu d’écarter du dossier les pièces dont l’origine et la communication régulière aux enquêteurs ne sont pas établies;

Considérant que la société G.M. B. invoque, en troisième lieu, la nullité des procès-verbaux de déclaration des fournisseurs qui auraient été établis par les enquêteurs en violation des règles de forme prévues par l’administration en ce qu’ils ne comportent pas, soit la mention 'persiste et signe', à apposer par le signataire du procès-verbal, soit de paraphe sur chaque page et pour les ajouts et modifications;

Considérant qu’en l’absence de dispositions relatives à l’obligation pour les signataires des procès-verbaux d’apposer la mention 'persiste et signe’ ou un paraphe sur chaque page et à chaque ajout il n’y a pas lieu d’écarter du dossier les procès-verbaux ne comportant pas ces formes ; que, par ailleurs, il a été jugé par la Cour de cassation que l’absence de paraphe pour les ajouts, lorsqu’elle ne porte pas sur un point essentiel, ne constitue pas une formalité pouvant entraîner la nullité du procès-verbal;

Considérant que la société G.M. B. invoque, en quatrième lieu, la nullité des procès-verbaux établis par les enquêteurs et relatant des 'faits non vécus’ par la personne interrogée;

Mais considérant que la preuve des infractions économiques peut être apportée par tous moyens ; que, par ailleurs, aux termes de l’article 47 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, 'Les enquêteurs peuvent… recueillir sur convocation ou sur place les renseignements et justifications’ ; que l’audition de toute personne, quelle que soit sa situation à l’égard des faits, relève de l’application de ces dispositions;

Considérant que la société G.M. B. invoque, en cinquième lieu, la nullité des procès-verbaux mentionnant la remise de pièces aux enquêteurs alors que celles-ci n’ont pas été jointes au dossier mis à la consultation des parties;

Mais considérant que toutes les pièces communiquées par les enquêteurs au rapporteur ont été mises à la consultation des parties ; que l’article 21 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 n’impose de joindre au rapport que les documents sur lesquels le rapporteur se fonde et les observations des intéressés ; que le fait que certaines pièces n’ont pas été jointes au dossier mis à la consultation des parties ne rend pas la procédure irrégulière dès lors qu’il n’en est fait mention ni dans le rapport administratif, ni dans la notification de griefs;

Considérant que la société G.M. B. invoque, en sixième lieu, la violation de l’article 21 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et de l’article 18 du décret du 29 décembre 1986, et le renversement de la charge de la preuve en soutenant, d’une part, que 'le rapporteur n’a pas clairement indiqué les griefs retenus à charge par le rapport', d’autre part, 'que le Conseil ne

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dispose pas en annexe au rapport de pièces lui permettant de démontrer l’existence des infractions reprochées à l’égard des fournisseurs';

Mais considérant que les griefs ont été exprimés dans le corps de la notification de griefs et du rapport et ont été repris sans réserve ni doute possible en conclusion de ces deux documents ; que par ailleurs, les griefs retenus dans le rapport reposent sur toutes les pièces figurant en annexes de ce document;

Considérant que la société G.M. B. invoque, en septième lieu, la nullité de la procédure pour violation des droits de la défense et de la Convention européenne des droits de l’homme en raison du court délai qui lui a été laissé pour répondre à la notification de griefs;

Mais considérant que, conformément à l’article 21 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, la société G.M. B. a disposé d’un délai de deux mois, à compter de la notification de griefs, pour consulter le dossier et présenter ses observations;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède, que pour apprécier l’objet ou l’effet anticoncurrentiel qui s’attache éventuellement aux conditions de la négociation par la société G.M. B. de nouvelles conditions d’accès à ses services, le conseil ne peut pas se fonder sur les pièces du rapport cotées C 31 à C 34, C 38 et C 39, C 113, C 123 et C 564 à C 668 qui doivent être écartées du dossier ; que les autres moyens de procédure invoqués par la société G.M. B. ne peuvent être retenus;

Sur le fond:

Considérant, en premier lieu, que l’acte par lequel un distributeur, à l’occasion de la réalisation par celui-ci d’une opération de concentration, fait savoir à l’ensemble de ses fournisseurs d’une catégorie de produits, ou à une partie substantielle d’entre eux, qu’il entend, en simple raison de l’accroissement de sa puissance d’achat, renégocier certaines des conditions que ces fournisseurs lui ont consenties ou qu’il entend subordonner la poursuite des relations commerciales qu’il a nouées avec eux à des conditions supplémentaires par rapport à celles qu’il avait acceptées, doit être regardé comme susceptible d’être visé par les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986;

Considérant, en deuxième lieu, que le fait pour un distributeur, à l’occasion d’une concentration lui conférant une plus grande puissance d’achat, de renégocier à la hausse les avantages consentis par ses fournisseurs revêt le caractère d’un abus lorsqu’une telle négociation ne s’accompagne pas de l’offre par le distributeur de contreparties précisément définies ou de services à chacun des producteurs en cause pour promouvoir les ventes de leurs produits ; qu’une telle pratique est susceptible d’être visée par les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 si elle émane d’une entreprise détenant une position dominante ou tenant dans sa dépendance les fournisseurs considérés;

Mais considérant que, même si les accords et pratiques abusives susmentionnés aboutissent à des transferts injustifiés de ressources des producteurs vers le distributeur dont la puissance d’achat s’est accrue par le biais d’une concentration, et aussi préoccupants que peuvent être de tels transferts dans une situation institutionnelle et économique caractérisée par une tendance au développement des opérations de concentration dans la distribution, ces accords et pratiques ne peuvent être qualifiés au regard des dispositions du titre III de l’ordonnance du 1er décembre 1986 que dans le cas où il est établi qu’ils ont pour objet ou peuvent avoir pour

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effet de limiter la concurrence soit sur les marchés des produits en cause, soit entre le distributeur qui a bénéficié de ces transferts et d’autres distributeurs;

Sur l’application des dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986:

Considérant qu’il résulte des déclarations des responsables des achats de la société G.M. B., qu’à l’occasion de l’acquisition de la société S.E.S., la société G.M. B. a convoqué, afin d’entamer des négociations financières, l’ensemble des fournisseurs de produits de crémerie et de charcuterie, les fournisseurs de produits de boulangerie qui livraient les magasins situés à l’Est de la France, les fournisseurs les plus importants de produits de boucherie-volaille, les fournisseurs nationaux et certains fournisseurs régionaux importants de produits d’épicerie et de boissons, ainsi que les fournisseurs de produits textiles présentant des collections permanentes ; que pour ce qui concerne les produits surgelés et les produits de bazar/libre- service, seuls certains fournisseurs ont été convoqués sans que les critères de leur sélection ressortent du dossier ; que si ces convocations n’ont, selon la société G.M. B., concerné que 750 entreprises, la demande de renégociation a concerné la plupart ou la totalité des fournisseurs de plusieurs rayons ; que la société G.M. B. a, dans la presque totalité des cas, demandé à ces fournisseurs une 'participation publi-promotionnelle forfaitaire’ ; qu’elle a, dans une cinquantaine de cas, demandé et obtenu sous des formes variées que des fournisseurs lui consentent des rattrapages de conditions lorsque les conditions que ces fournisseurs avaient consenties à la S.E.S. et au groupe Cora n’étaient pas identiques ; qu’enfin, dans six cas, la société G.M. B. a négocié un allongement des délais de paiement;

Considérant que seule la première pratique ci-dessus mentionnée de la société G.M. B. revêt un caractère de généralité suffisant pour pouvoir être regardée comme susceptible d’être visée par les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986;

Considérant qu’il ressort du dossier que les demandes concernant cette 'participation’ n’avaient pas en elles-mêmes de contrepartie réelle et spécifique ; qu’à cet égard, la progression du chiffre d’affaires réalisé dans les magasins Cora par les fournisseurs concernés, postérieurement au versement de cette participation, ne saurait, à elle seule, démontrer l’existence de contrepartie ; qu’en effet, il n’est pas établi que cette évolution ne se serait pas produite en l’absence de ce versement;

Mais considérant qu’indépendamment de l’éventuelle qualification de cette demande au regard des dispositions de l’article 36 pour l’application duquel le conseil n’est pas compétent celui- ci, doit, au regard des dispositions de l’article 7 de l’ordonnance, s’interroger sur la question de savoir si cette demande avait pour objet ou aurait pu avoir pour effet de limiter, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur un marché;

Considérant qu’il est soutenu, en premier lieu, que par leur importance et leur brutalité, les revendications de la société G.M. B., assimilables à des 'conditions générales d’achat', pouvaient avoir pour effet de mettre hors marché des producteurs compétitifs ne pouvant 'supporter un choc de trésorerie important’ et donc de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés sur lesquels interviennent ces fournisseurs;

Mais considérant qu’il n’est ni soutenu ni établi que les demandes de la société G.M. B. avaient pour objet d’entraver le jeu de la concurrence entre les fournisseurs ; qu’il est par ailleurs établi que le montant de la 'participation publi-promotionnelle forfaitaire’ demandée par la société G.M. B. était déterminé soit en pourcentage du chiffre d’affaires réalisé avec le

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fournisseur (variant, dans ce cas, de 0,4 p. 100 à 6 p. 100) soit sous forme d’un versement forfaitaire (variant dans de larges limites) et était négocié individuellement avec chaque entreprise ; qu’ainsi, il n’est pas établi par le dossier, que les négociations engagées par la société G.M. B. ne prenaient pas en compte les circonstances propres à chaque entreprise et qu’elles pouvaient avoir pour effet de conduire à la mise hors marché d’entreprises performantes mais aux capacités de trésorerie faibles ; que d’ailleurs, dans les faits, il n’est pas non plus établi que des entreprises aux capacités de trésorerie faibles ont été déréférencées ou a fortiori mises hors marché;

Considérant qu’il est soutenu, en deuxième lieu, que le caractère restrictif de concurrence de la pratique en cause se déduirait du fait qu’elle conduirait à un abaissement temporaire des prix pratiqués par le groupe Cora, abaissement qualifié de 'sélectif', qui aurait pu avoir pour effet de fidéliser artificiellement la clientèle, même si un réajustement des prix devait intervenir ultérieurement, en trompant le consommateur sur la réalité de la concurrence et en pénalisant les autres enseignes;

Mais considérant que le fait que le groupe Cora pouvait envisager de rétrocéder aux consommateurs tout ou partie des avantages qu’il obtenait de ses fournisseurs n’impliquait pas de leur part un accord de volonté ; que, dès lors, la mise en oeuvre d’une telle baisse des prix, à la supposer établie, aurait été la manifestation d’un acte unilatéral du groupe Cora;

Considérant, par ailleurs, qu’une baisse temporaire des prix dans les magasins du groupe Cora n’aurait pu inciter les consommateurs à changer de distributeur que si ces consommateurs étaient sensibles aux prix relatifs pratiqués par les différentes enseignes ; que, dans cette hypothèse, les consommateurs se seraient détournés du groupe Cora lorsque ce dernier aurait remonté ses prix ; qu’ainsi, la pratique de baisse temporaire des prix de revente par ce groupe n’aurait pu, en tout état de cause, affecter durablement la capacité concurrentielle des autres distributeurs;

Considérant enfin, qu’il n’est pas contesté que la position du groupe Cora sur le marché de la distribution des biens de consommation courante s’est affaiblie depuis 1989, ce qui implique que ses concurrents n’ont pas été victimes d’une désaffection des consommateurs à leur égard;

Considérant qu’il est soutenu, en dernier lieu, que l’exigence de la 'participation publi- promotionnelle forfaitaire’ pouvait avoir pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence en ce que ce mode de financement d’une concentration dans le secteur de la distribution interdirait l’apparition de nouveaux concurrents dans ce secteur, le rachat de distributeurs ne pouvant être le fait que d’entreprises déjà installées et puissantes;

Mais considérant que, d’une part, il n’est nullement établi que l’achat d’une société comme S.E.S. par un distributeur 'déjà installé et puissant’ soit en lui-même restrictif de concurrence comme l’indique, semble-t-il, le fait qu’il n’a pas été fait usage des pouvoirs que confère au ministre chargé de l’économie le titre V de l’ordonnance du 1er décembre 1986 qui lui permet de s’opposer à une concentration anticoncurrentielle ; que d’autre part, il n’est pas non plus établi que des sociétés d’autres secteurs ne pourraient disposer de ressources propres ou de capacités de financement à un coût global commensurable avec celui dont disposent les grands distributeurs ; qu’en outre, aucun élément figurant au dossier ne suggère que la décision par la société G.M. B. de procéder à l’achat de la société S.E.S. ait été déterminée par la possibilité d’obtenir des contributions de ses fournisseurs;

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Considérant qu’en conséquence, les conditions d’application de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ne sont pas réunies en l’espèce;

Sur l’application des dispositions du 1 de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986:

Considérant que les pratiques décrites au B du I ci-dessus se déroulent sur le marché de l’approvisionnement des biens de consommation courante, mais peuvent également affecter celui de la distribution au détail de ces mêmes biens dans les hypermarchés et supermarchés : que, sur le premier de ces deux marchés, la position dominante d’un distributeur ne peut être caractérisée, d’une part, que vis-à-vis des fournisseurs d’une famille de produits substituables entre eux, d’autre part, que si ce distributeur se portait acquéreur d’une part dominante du marché de l’approvisionnement de ces produits;

Considérant qu’il n’est pas établi que pour chaque famille de produits visés en l’espèce, le groupe Cora concentre une part dominante du marché de l’approvisionnement des produits considérés;

Considérant que, même si l’entreprise ne détient pas une position dominante sur les marchés sur lesquels se déroulent les pratiques relevées, celles-ci peuvent être visées par les dispositions du 1 de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, s’il est démontré que l’entreprise a abusé d’une position dominante détenue sur un autre marché pour mettre en oeuvre des pratiques dont le caractère anticoncurrentiel doit encore être établi ; qu’il y a donc lieu de déterminer si le groupe Cora détient une position dominante sur le marché de la distribution au détail des biens de consommation courante;

Considérant qu’au moment des faits la part du groupe Cora s’élevait à 1,3 p. 100 du chiffre d’affaires national des ventes de produits de consommation courante réalisé dans tous les types de commerces et à 4,7 p. 100 du chiffre d’affaires national réalisé dans les hypermarchés et supermarchés ; que, dans les régions Alsace et Lorraine, les parts du groupe Cora dans les dépenses de consommation effectuées dans tous les types de commerces ont été estimées par celui-ci respectivement à 17 p. 100 et 14 p. 100 ; qu’ainsi le groupe Cora ne détient pas une position dominante sur le marché national de la distribution au détail des biens de consommation courante ou une partie substantielle de celui-ci, que ce marché soit évalué en intégrant tous les types de commerces ou seulement les hypermarchés et supermarchés;

Considérant qu’en conséquence les conditions d’application du 1 de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ne sont pas réunies en l’espèce;

Sur l’application des dispositions du 2 de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986:

Considérant que l’état de dépendance économique d’un fournisseur vis-à-vis d’un distributeur doit s’apprécier au regard de plusieurs critères et, notamment, de l’importance de la part du chiffre d’affaires réalisé par ce fournisseur avec le distributeur, de l’importance du distributeur dans la commercialisation des produits concernés, des facteur ayant conduit à la concentration des ventes du fournisseur auprès du distributeur (choix stratégique ou nécessité technique), de l’existence et de la diversite éventuelle de solutions alternatives pour le fournisseur ; que, pour apprécier l’importance des deux derniers critères qui ne peuvent pas toujours donner lieu à une observation directe, peuvent être prises en compte, notamment, la faiblesse des ressources financières du fournisseur, la faiblesse des marges des offreurs sur le marché sur lequel il opère, l’absence de notoriété de la marque du fournisseur, la durée et l’importance de la

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pratique de la politique de partenariat qu’il a éventuellement nouée avec le distributeur, l’importance et la surcapacité d’offre sur le marché de ses produits, l’importance des contraintes de transport de ses produits;

Considérant que sur le fondement de ces critères, il est soutenu que les entreprises Lapins Mayer (volailles), Saem de Ribeauvillé (Boissons), Sengelé (fromages), Ott Amand (charcuterie), Semy-Levy (boucherie) et Vaucard (charcuterie), étaient au moment des faits en situation de dépendance vis-à-vis du groupe Cora ; qu’en particulier, ces sociétés étaient des petites ou moyennes entreprises régionales, dont les produits sont de faible notoriété et fortement concurrencés par des produits de marque ou sous label, dont le transport sur de longues distances était onéreux par rapport au coût unitaire ou soumis à des difficultés techniques, ayant noué des relations anciennes (de dix à quarante ans) avec le groupe Cora et réalisant par l’intermédiaire de ce distributeur de 22 p. 100 à 67,5 p. 100 de leur chiffre d’affaires total;

Mais considérant que cette démonstration n’est pas appuyée d’éléments chiffrés concernant le niveau des marges ou l’importance des excédents de capacité dans les différents secteurs d’activité concernés ; que si cette circonstance n’interdit pas de caractériser la situation des fournisseurs en cause, encore faut-il que les indices figurant au dossier convergent pour établir l’existence de situations de dépendance économique;

Considérant, à cet égard, qu’il ne ressort pas du dossier que les sociétés Vaucard et Semy Levy aient été soumises de la part de la société G.M. B. à une pression à laquelle elles ne pouvaient se soustraire comme l’atteste, d’une part, le fait que la première, ayant constaté une baisse de son chiffre d’affaires avec ce distributeur pour l’année 1989, a demandé et obtenu un remboursement de la totalité des sommes qu’elle avait versées au titre de la 'participation publi-promotionnelle forfaitaire’ et, d’autre part, le fait que la seconde n’a pas versé la somme qui lui tait demandée au titre de cette prime sans pour autant faire l’objet de mesures de rétorsion;

Considérant par ailleurs que la société Saem de Ribeauvillé, filiale du groupe Perrier, dont les capacités financières ne peuvent être considérées comme négligeables, commercialise des eaux minérales, notamment sous la marque Carola, marque dont il n’est pas contesté qu’elle bénéficie d’une certaine notoriété dans l’Est de la France, et intervient dans un secteur dans lequel les marges sont notoirement importantes, comme il ressort de la décision de la Commission des communautés européennes du 22 juillet 1992 concernant la concentration entre les groupes Nestlé et Perrier;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il n’est pas établi que les sociétés Vaucard, Semy Levy et Saem de Ribeauvillé aient été en situation de dépendance économique vis-à-vis du groupe Cora;

Considérant, enfin, qu’à supposer que les sociétés Lapins Meyer, Ott Amand et Sengelé aient été en situation de dépendance économique vis-à-vis du groupe Cora, il ne ressort pas du dossier que ce dernier ait exercé sur elles une pression à laquelle elles ne pouvaient se soustraire ; qu’en effet, cette pression est niée, d’une part, par la société Sengelé, qui a déclaré que ses 'relations avec le groupe Bouriez ont toujours été empreintes d’une grande correction et d’une confiance réciproque', et, d’autre part, par la société Lapins Meyer qui a déclaré qu’elle était 'prête à cesser ses relations commerciales avec le groupe Cora’ si elle n’avait pas obtenu gain de cause sur le montant de la somme à verser à ce distributeur au titre de la

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'participation publi-promotionnelle forfaitaire’ ; que le dossier ne comporte pas d’élément permettant d’établir qu’une telle pression ait été exercée sur la société Ott Amand;

Considérant par ailleurs, que les éléments du dossier ne permettent pas d’établir que les 'participations publi-promotionnelles forfaitaires’ obtenues de ces fournisseurs qui s’élèvent à 10 000 F pour la société Lapins Meyer (soit 1,25 millième du chiffre d’affaires de cette entreprise), à 70 000 F pour la société Ott Amand (soit 5 millièmes de son chiffre d’affaires) et à 300 000 F pour la société Sengelé (soit 3,6 millièmes de son chiffre d’affaires), aient eu pour effet de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés de l’approvisionnement en volailles, en fromages et en produits de charcuterie, en mettant ces entreprises hors marché ; que d’ailleurs il n’est pas contesté que les chiffres d’affaires réalisés par les sociétés Lapins Meyer et Sengelé avec les magasins du groupe Cora ont augmenté dans des proportions significatives en 1989 et 1990;

Considérant qu’en conséquence, les conditions d’application du 2 de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ne sont pas réunies en l’espèce;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les pratiques mises en oeuvre par la société G.M. B. ne peuvent être regardées comme constitutives de pratiques prohibées par les articles 7 et 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986,

Décide:

Article unique. – La saisine enregistrée sous le numéro F 383 est rejetée.

Délibéré, sur le rapport de Mme Renée Galène, par MM. Barbeau, président, Jenny, vice- président, Blaise, Bon, Callu, Cortesse, Gicquel, Mme Hagelsteen, MM. Marleix, Pichon, Robin, Sargos, Sloan, Thiolon et Urbain, membres.

Le rapporteur général, Le président, Marc Sadaoui Charles Barbeau

© Conseil de la concurrence

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Textes cités dans la décision

  1. Décret n°86-1309 du 29 décembre 1986
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ADLC, Décision du 8 juin 1993 relative à des pratiques mises en oeuvre lors de l'acquisition de la Société européenne des supermarchés par la société Grands Magasins B du groupe Cora, 93-D-21