ADLC, Décision du 1er février 1994 relative à des pratiques relevées dans le secteur du verre plat, 94-D-11

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cons. conc., déc. n° 94-D-11 du 1er févr. 1994
Numéro(s) : 94-D-11
Identifiant ADLC : 94-D-11
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Décision n° 94 D-11 du 1er février 1994 relative à des pratiques relevées dans le secteur du verre plat

Le Conseil de la concurrence (section II),

Vu la lettre enregistrée le 29 août 1990 sous le numéro F 338 par laquelle le ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et du budget a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques relevées dans le secteur du verre plat;

Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée relative a la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 novembre 1986 modifié pris pour son application;

Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement et par la société Saint- Gobain Vitrage;

Le rapporteur, le rapporteur général, le commissaire du gouvernement et les représentants de la société Saint-Gobain Vitrage entendus;

Adopte la décision fondée sur les constatations (I) et sur les motifs (II) ci-après exposés:

I. – CONSTATATIONS

A. – Le marché

Le verre plat est aujourd’hui obtenu pour la plus grande partie de la production (90 p. 100) par une technique de 'flottage’ du verre en fusion sur un bain d’étain liquide : on parle de glace flottée ('float') ou 'glace’ par opposition au verre étiré ou au verre coulé.

Ce procédé a été mis au point à la fin des années 1950 par sir Alastair Pilkington. Le verre ainsi fabriqué se présente comme une feuille transparente dont les deux faces sont d’un parallélisme presque parfait.

Le verre plat, qui est utilisé dans deux grands secteurs, le bâtiment et l’automobile, peut être l’objet de différentes opérations préalables à son utilisation. Il s’agit notamment:

- du dépôt sur les vitrages d’une couche destinée à en faire des vitrages colorés ou 'à faible émissivité’ (c’est-à-dire de nature à diminuer les fuites thermiques) ou encore à la fois réfléchissants et transparents : la fabrication de ces produits dits 'à couche’ a lieu, en principe, directement sur la ligne de production;

- du feuilletage, qui consiste à assembler des feuilles de verre et des films en matière plastique : il permet notamment d’éviter l’éclatement en cas de choc;

- du découpage de la glace et de la préparation des bordures (façonnage);

— de l’assemblage de feuilles de verre pour la fabrication de vitrage isolant sous forme de double-vitrage.

A proprement parler (c’est-à-dire, si l’on distingue 'production’ et 'transformation'), seuls produisent en France du verre plat:

- d’une part, la société Saint-Gobain Vitrage (ci-après société S.G.V.), qui, en France, exploite, notamment, trois lignes de glace flottée et une usine de verre coulé. La société S.G.V. fait partie du groupe français 'Compagnie de Saint-Gobain’ qui, par l’intermédiaire de ses filiales, possède en Europe onze lignes de glace flottée. La société S.G.V., dont la part de marché peut être évaluée à environ 40 p. 100, a réalisé en France, au cours de l’exercice 1992, un chiffre d’affaires de 2 225 millions de francs hors taxes;

- d’autre part, la société Boussois Société anonyme (ci-après société B.S.A.), qui est (depuis 1982) une filiale du groupe américain 'PPG (Pittsburgh Plate Glass) Industries Inc.'. Sa part de marché peut être évaluée à environ 23 p. 100.

Les grands groupes verriers – comme l’a d’ailleurs relevé la Commission des communautés européennes dans une décision du 7 décembre 1988 – sont tous intégrés vers l’aval pour avoir en particulier des activités de transformation ou de négoce. Toutefois, seules les sociétés S.G.V. et B.S.A. possèdent en France des filiales de transformation. Ainsi la société S.G.V. contrôle directement ou indirectement en 1989 le capital de quinze filiales qui transforment ou commercialisent du verre plat destiné au bâtiment dans une trentaine d’établissements répartis sur l’ensemble du territoire. Ces filiales n’achètent de la glace qu’à la société S.G.V. et on peut estimer qu’elles assurent environ 50 p. 100 du chiffre d’affaires réalisé par celle-ci dans le secteur du verre destiné au bâtiment.

A la production des sociétés S.G.V et B.S.A. s’ajoutent plusieurs courants d’importation, qui concernent le verre non transformé et le verre transformé. Il s’agit, d’abord, de courants alimentés par les filiales européennes des deux groupes précités. Il s’agit, ensuite, de l’importation de produits fabriqués par des sociétés appartenant à quatre groupes internationaux, qui, avec les groupes PPG et Saint-Gobain, contrôlent environ 60 p. 100 de la production mondiale de verre plat : le groupe anglais Pilkington PLC, le groupe japonais Asahi Glass (propriétaire du groupe belge Glaverbel), le groupe italien Societa Italiana Vetro et le groupe américain Guardian. Il s’agit, enfin, de courants d’importation relativement moins importants en provenance de Turquie et d’Europe centrale.

Quant à la demande de verre plat, elle est le fait de transformateurs industriels et de négociants ou de transformateurs-négociants : au nombre d’environ 80, ils assurent l’approvisionnement de 450 miroitiers-vitriers ou 'techniverriers', qui pratiquent le découpage et le façonnage ainsi que la vente et la pose de produits verriers.

En ce qui concerne le secteur du verre destiné au bâtiment, l’activité de transformation comporte notamment la fabrication de vitrage isolant sous forme de double vitrage. Utilisé pour assurer l’isolation thermique, surtout dans les immeubles à usage de bureaux, mais aussi dans des immeubles à usage d’habitation, ce vitrage est composé de deux feuilles de verre parallèles, reliées par un joint posé en bordure et enfermant entre elles une couche d’air ; il est fabriqué aux dimensions dans lesquelles il doit être posé. La principale difficulté de fabrication tient à la nécessité d’assurer la netteté parfaite des faces internes des deux feuilles de verre utilisées afin d’éviter, notamment, que s’y déposent de la buée ou de la poussière. A cette fin, l’air qui se trouve entre ces deux feuilles doit être déshydraté et le joint périphérique doit être posé de manière parfaitement étanche.

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Dans ce domaine du vitrage isolant, la société S.G.V. a mis au point différents procédés de fabrication qui ont fait l’objet de brevets sous les appellations 'Biver', 'Polyglass’ et 'Climalit D'. La société S.G.V. a déposé les marques 'Biver’ et 'Climalit D’ en 1972 et la marque 'Polyglass’ en 1976.

B. – Les pratiques relevées

La clientèle de la société S.G.V. comprend, pour une part qui peut être évaluée à environ 10 p. 100 de son chiffre d’affaires, des transformateurs qui ont passé avec elle des contrats de licence et des contrats 'de coopération', concernant la fabrication et la distribution de doubles vitrages. Les contrats de licence comportent la cession par la société S.G.V. du savoir-faire nécessaire à la fabrication de ce produit selon les procédés brevetés 'Biver', 'Polyglass’ ou 'Climalit D’ ; les contrats 'de coopération', conclus, à l’exception de l’un d’entre eux, pour une durée de dix ans, confèrent aux licenciés le droit de commercialiser le vitrage isolant sous les marques 'Biver licence Saint-Gobain', 'Polyglass licence Saint-Gobain’ ou 'Climalit D licence Saint-Gobain'.

Parmi les onze entreprises bénéficiant d’un contrat de licence, une seule n’a pas passé conjointement de contrat de coopération. Les autres contrats ont été passés entre 1980 et 1987 avec huit transformateurs indépendants auxquels s’ajoutent deux filiales de la société S.G.V. ; pour chaque entreprise, les deux contrats (licence et coopération) ont été signés à la même date.

Les clauses des contrats de licence sont classiques. Quant aux contrats de coopération, ils sont tous rédigés, à quelques nuances près, dans les termes suivants:

Il est préalablement exposé que:

1. Saint-Gobain fait depuis de nombreuses années des efforts importants, en matière de recherche et de développement dans le domaine des vitrages isolants, qui ont abouti:

- à la mise au point de procédés et de brevets portant sur la fabrication de vitrages isolants… (selon les cas 'Biver’ et/ou 'Polyglass’ ou 'Climalit D').

- à l’expérience d’une exploitation industrielle de ces procédés dans ses établissements depuis dix années, pour fabriquer:

- d’une part, un vitrage isolant répondant aux caractéristiques de l’avis technique délivré par le C.S.T.B. le… (date de l’avis) et vendu sous le nom de marque déposée… (selon les cas 'Biver’ et/ou 'Polyglass’ ou 'Climalit D');

2. Le marché des vitrages isolants demande pour se développer:

- que ces vitrages soient fabriqués selon des technologies fiables et permettant d’atteindre une très bonne productivité;

- que la fabrication soit rapprochée de l’utilisateur en l’intégrant à la distribution, lorsque les marchés locaux le permettent;

- que les produits et les services proposés aux consommateurs soient d’une homogénéité dans la qualité garantie par la notoriété d’une marque connue.

3. Aussi S.G.V. est-elle prête à répondre à la demande de… (la société cocontractante) qui présente des garanties techniques pour l’assemblage et la commercialisation de vitrages isolants de types… (selon les cas 'Biver’ et/ou 'Polyglass’ ou 'Climalit D').

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4…. (la société cocontractante) qui a signé par ailleurs une licence pour obtenir le droit d’utiliser les procédés et brevets de S.G.V., est intéressée à compléter cette licence et demande à S.G.V. de lui accorder le droit de commercialiser:

- les produits élaborés selon le procédé… (selon les cas 'Biver’ et/ou 'Polyglass’ ou 'Climalit D') sous la marque… (selon les cas 'Biver’ et/ou 'Polyglass’ ou 'Climalit D') licence Saint-Gobain;

Il a été convenu:

Article 1er

Objet de la coopération

S.G.V. accorde une licence des marques… (selon les cas 'Biver’ et/ou 'Polyglass’ ou 'Climalit D') et une assistance technique et commerciale à… (la société cocontractante) qui promet d’acheter exclusivement à S.G.V. ou aux sociétés désignées par elle les matériaux et produits nécessaires pour assembler des vitrages isolants de ces marques.

Article 2

Licence de marque

S.G.V. accorde de façon non exclusive à… (la société cocontractante) le droit d’apposer et de désigner par… (selon les cas 'Biver licence Saint-Gobain’ et/ou 'Polyglass licence Saint- Gobain’ ou 'Climalit D licence Saint-Gobain') les vitrages isolants qu’elle assemblera.

Article 3

Assistance technique et commerciale de S.G.V.

3.1. Afin d’assurer le maintien de la notoriété des marques… (selon les cas 'Biver’ et/ou 'Polyglass’ ou 'Climalit D') et l’homogénéité des standards de qualité visés et contrôlés par le C.S.T.B., il est prévu:

- qu’en dehors de 2 visites annuelles programmées des techniciens… (selon les cas 'Biver’ et/ou 'Polyglass’ ou 'Climalit D') de S.G.V. dans l’unité de fabrication de… (la société cocontractante) S.G.V. s’engage, selon la disponibilité de ses techniciens à conseiller les techniciens de… (la société cocontractante) pour la résolution des problèmes techniques exceptionnels de fonctionnement de cette unité;

- que… (la société cocontractante) paiera les prestations effectuées par S.G.V. selon 'tarif S.G.V.', remis préalablement par S.G.V. à… (la société cocontractante);

- que… (la société cocontractante) s’engage à fournir, sur demande de S.G.V., les échantillons de vitrages isolants qu’elle fabrique et commercialise avec les marques… (selon les cas 'Biver licence Saint-Gobain’ et/ou 'Polyglass licence Saint-Gobain’ ou 'Climalit D licence Saint-Gobain') pour permettre à S.G.V. d’en contrôler la qualité et d’en communiquer les résultats au C.S.T.B. conformément à l’avis technique des deux vitrages isolants.

3.2…. (la société cocontractante) conserve seule la responsabilité de la commercialisation et de la promotion des ventes des vitrages isolants… (selon les cas 'Biver licence Saint-Gobain'

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et/ou 'Polyglass licence Saint-Gobain’ ou 'Climalit D licence Saint-Gobain') qu’elle a assemblés.

- pour sa part, S.G.V. s’engage à assurer l’action publi-promotionnelle des marques… (selon les cas 'Biver’ et/ou 'Polyglass’ ou 'Climalit D') et à permettre les échanges d’expérience souhaitables pour le développement de ces marques.

Article 4

Engagement d’achat de… (la société cocontractante).

Pour les raisons techniques qui précèdent… (la société cocontractante) s’engage à s’approvisionner exclusivement auprès de Saint-Gobain Vitrage ou des sociétés désignées par elle, en matériaux et produits utilisés par… (la société cocontractante) pour l’assemblage des vitrages isolants : produits verriers et mastics visés à l’avis technique C.S.T.B.

4.1. la présente promesse sera confirmée par des commandes fermes au fur et à mesure des besoins de… (la société cocontractante).

4.2. Le prix des produits verriers commandés sera équivalent à celui pratiqué par Saint- Gobain Vitrage et par les sociétés désignées dans la région à l’égard de tout client pour des quantités et services équivalents. En tout état de cause, le prix pratiqué sera en harmonie avec le prix de marché. En cas de contestation sur le prix de marché, les parties conviennent de s’en remettre à l’avis d’un expert nommé par le président du tribunal de commerce de Paris.

Interrogé sur le sens et la portée des articles 1er et 4 de ces contrats de coopération, la société Saint-Gobain Vitrage a précisé, d’une part, que, s’agissant des produits verriers, les expressions 'sociétés désignées par elle’ ou 'sociétés désignées dans la région’ concernaient des sociétés du groupe Saint-Gobain ; elle a indiqué, d’autre part, que, eu égard à l’évolution de la technologie et à l’apparition d’une nouvelle certification (CEHTAL) créée dans la perspective du Marché unique européen et se substituant à celle du C.S.T.B., elle avait, postérieurement à la saisine du Conseil de la concurrence, supprimé les clauses d’approvisionnement exclusif que ces contrats comportent.

II. – SUR LA BASE DES CONSTATATIONS QUI PRECEDENT, LE CONSEIL

Sur les pratiques relevées:

Considérant que la société Saint-Gobain Vitrage a, entre 1980 et 1988, concédé à neuf transformateurs indépendants des licences de brevet et de savoir-faire pour l’utilisation des procédés de fabrication de doubles vitrages qu’elle avait mis au point ; que ces licences concernaient le procédé 'Polyglass', par lequel les feuilles de verre plan sont séparées par un profilé espaceur en alliage d’aluminium et assemblées par collage à l’aide de deux produits d’étanchéité, l’un thermofusible et l’autre élastomère, le procédé 'Climalit’ par lequel les feuilles sont séparées par un profilé espaceur en alliage d’aluminium et assemblées à l’aide d’un produit d’étanchéité de type élastomère et le procédé 'Biver', par lequel les feuilles sont assemblées à la périphérie par collage sur un double cordon de mastic assurant l’écartement et délimitant un volume d’air sec;

Considérant que la société Saint-Gobain Vitrage a, par ailleurs, signé avec huit de ces neuf transformateurs indépendants, simultanément aux licences de brevet et de savoir-faire, des

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contrats de coopération commerciale leur accordant notamment le droit d’apposer, dans certaines conditions. sur les vitrages isolants fabriqués selon les procédés susmentionnés, les mentions 'Polyglass licence Saint-Gobain’ ou 'Climalit D licence Saint-Gobain’ ou 'Biver licence Saint-Gobain', qu’il résultait. en particulier, des clauses 1 et 4 de ces contrats que les licenciés devaient s’engager à acheter exclusivement à Saint-Gobain Vitrage ou aux sociétés désignées par elle, les produits verriers et mastics qu’ils utilisaient pour l’assemblage des vitrages isolants ; que ces clauses étaient ainsi de nature à interdire aux transformateurs de se fournir en produits verriers auprès des concurrents de Saint-Gobain Vitrage pour la mise en oeuvre des procédés d’assemblage des doubles vitrages;

Considérant que la société Saint-Gobain Vitrage fait valoir, en premier lieu, que les clauses susmentionnées répondaient au souci de garantir la qualité des produits, condition nécessaire au maintien de son image de marque, et étaient justifiées par le fait qu’à l’époque de la signature des contrats, la production de verre plat par flottage selon le procédé Pilkington, utilisé par Saint-Gobain Vitrage pour ses propres fabrications, n’était pas généralisée, certains fournisseurs, notamment étrangers, utilisant encore d’autres techniques comme l’étirage ; qu’en outre, la société Saint-Gobain Vitrage fait valoir que la teneur en fer des glaces produites par le procédé de flottage varierait d’un producteur à l’autre, ce qui aurait une influence directe sur la luminosité des produits;

Mais considérant qu’à les supposer établies, les considérations techniques relatives à la qualité des glaces devant être utilisées dans les vitrages isolants qui portent les marques susmentionnées ne sauraient justifier les clauses d’approvisionnement exclusif ; qu’en effet, la société Saint-Gobain Vitrage aurait pu s’assurer de l’homogénéité de la qualité des vitrages isolants commercialisés sous les marques 'Polyglass licence Saint-Gobain’ ou 'Climalit D licence Saint-Gobain’ ou 'Biver licence Saint-Gobain’ en imposant simplement aux transformateurs d’utiliser pour l’assemblage de ces vitrages des glaces produites par le procédé de flottage Pilkington et contenant un pourcentage donné de fer ; qu’à supposer que la société Saint-Gobain Vitrage applique à sa propre production, comme elle l’allègue sans le démontrer, 'des règles plus strictes que les normes, notamment en ce qui concerne la qualité optique', rien ne l’empêchait de préciser ces règles aux transformateurs ; que l’article 3 des contrats de coopération commerciale, qui réservait à la société Saint-Gobain Vitrage la possibilité de faire des contrôles de qualité chez ses licenciés, lui donnait les moyens juridiques de contrôler le respect de ses prescriptions par ces derniers ; que, si Saint-Gobain Vitrage soutient dans ses observations écrites que le contrôle qu’elle aurait dû exercer si ses licenciés avaient eu la faculté de se fournir en glace auprès de certains de ses concurrents, aurait dû être systématique et aurait nécessité des investissements considérables, elle n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de ces allégations qu’elle n’a pas confirmées dans ses observations orales ; que, d’ailleurs, elle ne soutient pas que la suppression des clauses litigieuses de ses contrats de coopération commerciale, à laquelle elle a procédé au début des années 1990 à la suite de l’adoption, pour les vitrages isolants, d’une nouvelle certification se référant à des normes et non à des produits déterminés, aurait entraîné une diminution de la qualité des produits en cause ou entraîné pour elle des coûts insupportables;

Considérant, en deuxième lieu, que la société Saint-Gobain Vitrage soutient que les clauses litigieuses seraient justifiées par le fait que les contrats de coopération commerciale dans lesquels elles figurent se réfèrent à des avis techniques délivrés par le Centre scientifique et technique du bâtiment (C.S.T.B.) et que certains de ces avis mentionnent, parmi les matériaux à utiliser, les produits verriers de la marque 'Planilux’ laquelle appartient à la société Saint- Gobain Vitrage;

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Mais considérant que cette circonstance n’est pas non plus de nature à justifier les clauses d’exclusivité limitatives de concurrence susmentionnées : qu’en effet, si la portée de ces avis est de permettre à l’utilisateur de savoir à quelles conditions les produits sur lesquels ils portent sont aptes à l’emploi ainsi que leurs caractéristiques techniques, leur finalité est étrangère au droit de la concurrence et ils ne sauraient justifier l’introduction par un fournisseur d’une clause d’exclusivité anticoncurrentielle dans un contrat de coopération commerciale;

Considérant, en troisième lieu, que la société Saint-Gobain Vitrage fait valoir que les contrats de licence dont sont titulaires tous les transformateurs indépendants qui ont passé avec elle un contrat de coopération ne comportent eux-mêmes aucune clause d’approvisionnement exclusif ; qu’alors que les contrats de coopération n’imposent pas aux transformateurs de vendre le double vitrage qu’ils fabriquent sous la marque 'Saint-Gobain', ces contrats de licence donnent donc à ces entreprises le droit, dont elles useraient effectivement, de fabriquer du vitrage isolant selon les procédés 'Biver', 'Polyglass’ ou 'Climalit D’ sans pour autant acquérir auprès de la société Saint-Gobain Vitrage le verre nécessaire à cette fabrication ; que, toutefois, à supposer même que les partenaires de la société S.G.V. interprètent ainsi les contrats de coopération dont ils sont titulaires, il n’en reste pas moins que l’exclusivité d’approvisionnement en produits verriers leur est imposée sans justification pour la fabrication du vitrage isolant commercialisé sous les marques 'Biver licence Saint-Gobain', 'Polyglass licence Saint-Gobain’ ou 'Climalit D licence Saint-Gobain';

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les clauses d’exclusivité d’approvisionnement en produits verriers, qui figuraient aux articles 1er et 4 des contrats de coopération commerciale passés par la société Saint-Gobain Vitrage avec des transformateurs indépendants fabricants de double vitrage, avaient un objet et une potentialité d’effet anticoncurrentiels en limitant, sans justification technique ou commerciale, la possibilité pour ces transformateurs de se fournir chez un concurrent ; que, dès lors, elles étaient contraires aux dispositions de l’article 7 de l’ordonnance qui prohibe les ententes ou conventions lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ; qu’ainsi la société Saint-Gobain Vitrage qui, au surplus, réalisait un chiffre d’affaires de l’ordre de deux milliards de francs, détenait une part du marché du verre plat d’environ 40 p. 100 et livrait jusqu’à 10 p. 100 de sa production aux transformateurs n’est pas fondée à soutenir que ses pratiques ne seraient pas visées par les dispositions susmentionnées;

Sur la sanction:

Considérant qu’aux termes de l’article 13 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, le Conseil de la concurrence 'peut infliger une sanction applicable soit immédiatement, soit en cas d’inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie et à la situation de l’entreprise ou de l’organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 5 p. 100 du montant du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos';

Considérant que l’importance du dommage causé à l’économie doit s’apprécier en tenant compte de la durée des pratiques relevées, de la position éminente de la société Saint-Gobain

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Vitrage sur le marché du verre et de sa notoriété ; qu’il convient, cependant, de tenir compte de ce que la société Saint-Gobain Vitrage a spontanément mis fin aux pratiques relevées après la saisine du Conseil de la concurrence;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’infliger à la société S.G.V., dont le chiffre d’affaires est pour le dernier exercice connu de 2 225 millions de francs, une sanction pécuniaire de deux millions de francs,

Décide:

Article unique. – Il est infligé une sanction pécuniaire de deux millions de francs à la société Saint-Gobain Vitrage.

Délibéré, sur le rapport de M. du Besset, par M. Jenny, vice-président, présidant, MM. Blaise, Robin, Sargos et Gicquel, membres.

Le rapporteur général Le vice-président, présidant la séance Marc Sadaoui Frédéric Jenny

© Conseil de la concurrence

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