ADLC, Avis du 8 décembre 1998 relatif à deux demandes d'avis sur les principes devant guider et encadrer la politique tarifaire d'EDF, 98-A-22

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Sur la décision

Référence :
Cons. conc., avis n° 98-A-22 du 8 déc. 1998
Numéro(s) : 98-A-22
Identifiant ADLC : 98-A-22
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Texte intégral

CONSEIL DE LA CONCURRENCE Avis n° 98-A-22 du 8 décembre 1998 relatif à deux demandes d’avis sur les principes devant guider et encadrer la politique tarifaire d’EDF Le Conseil de la concurrence (formation plénière), Vu la lettre enregistrée le 20 février 1998 sous le numéro A 237, par laquelle le Syndicat national des producteurs indépendants d’électricité thermique (SNPIET) a saisi le Conseil de la concurrence, sur le fondement de l’article 5 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, d’une demande d’avis sur les principes devant guider et encadrer la politique tarifaire d’EDF ; Vu la lettre enregistrée le 30 mars 1998 sous le numéro A 242, par laquelle la Fédération nationale de la gestion des équipements, de l’énergie et de l’environnement (FG3E) a saisi le Conseil de la concurrence, sur le fondement de l’article 5 de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, de la même demande ; Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 modifiée, relative à la liberté des prix et de la concurrence, notamment son article 5, et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié, pris pour son application ; Vu la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz ; Les rapporteurs, le rapporteur général et le commissaire du Gouvernement entendus, les représentants d’EDF, du Syndicat national des producteurs indépendants d’électricité thermique et de la Fédération nationale de la gestion des équipements, de l’énergie et de l’environnement entendus conformément aux dispositions de l’article 25 de l’ordonnance précitée ; Est d’avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations qui suivent : Par lettres enregistrées les 20 février et 30 mars 1998, le Syndicat national des producteurs indépendants d’électricité thermique (SNPIET) et la Fédération nationale de la gestion des équipements, de l’énergie et de l’environnement (FG3E) ont saisi le Conseil de la concurrence, en application de l’article 5 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, d’une demande d’avis relative à la " compatibilité (…) (de la) refonte tarifaire d’EDF avec le fonctionnement concurrentiel des marchés de l’électricité « . » Le Syndicat National des Producteurs Indépendants d’Électricité Thermique s’interroge sur la question de savoir si une « refonte tarifaire » d’une telle ampleur sur une période aussi courte est compatible avec le

fonctionnement concurrentiel des marchés de l’électricité, dès lors que l’effet de cette refonte tarifaire est de remettre en cause artificiellement la présence de concurrents sur les marchés affectés par la libéralisation ". Il cite l’exemple des entreprises (autoproductrices) ayant investi dans des centrales de pointe dans le cadre d’un abonnement « effacement jours de pointe » (EJP), pénalisées du fait de la baisse relative du kilowattheure aux heures les plus chargées et dont les coûts liés à ces investissements se seraient transformés en véritables « coûts échoués ». Il avance, en outre, que la « refonte tarifaire » affecterait sensiblement la rentabilité des installations de cogénération, en ce qu’elle " consiste en une forte hausse des tarifs d’été et une forte baisse des tarifs d’hiver ", et empêcherait de nouveaux entrants d’accéder au marché dit des « clients éligibles », prochainement ouvert à la concurrence. La Fédération nationale de la gestion des équipements, de l’énergie et de l’environnement souligne que " le mouvement tarifaire (hausse des tarifs d’été, baisse des tarifs d’hiver) affecte principalement la clientèle qui a vocation à être éligible « et se demande si elle » ne risque pas de rendre inopérantes les conditions d’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité ". Elle formule les mêmes demandes que le SNPIET. Dans un mémoire ampliatif déposé le 16 juillet 1998, auquel elle a joint un rapport établi en février 1998 par le National Economic Research Associates (NERA) sur les coûts et les tarifs d’EDF, elle allègue aussi que " la réforme tarifaire actuellement menée par EDF n’est pas compatible avec les principes de tarification au coût marginal de développement qui sous-tendent officiellement sa politique tarifaire ". L’article 5 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que le Conseil de la concurrence peut donner son avis sur toute question de concurrence à la demande d’organismes limitativement énumérés, notamment les " organisations professionnelles et syndicales (…), en ce qui concerne les intérêts dont elles ont la charge ". Le Syndicat national des producteurs indépendants d’électricité thermique (SNPIET) regroupe des entreprises de production d’électricité d’origine thermique, exclues de la nationalisation aux termes de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946, et a pour objet de représenter les producteurs indépendants d’électricité et de défendre leurs intérêts. La Fédération nationale de la gestion des équipements, de l’énergie et de l’environnement (FG3E) regroupe cinq syndicats professionnels d’entreprises, le Syndicat national du chauffage urbain et de la climatisation urbaine, le Syndicat national de l’exploitation climatique et de la maintenance, le Syndicat national du traitement et de la valorisation des déchets urbains et assimilés, le Syndicat national des entreprises de télégestion, télétransmission et immotique et enfin le Syndicat national de maintenance et des services après- vente. Elle a pour objet la défenses des intérêts des professionnels adhérents à ces syndicats dont les plus importants sont la Compagnie générale de chauffe, Elyo et Cofathec. Le SNPIET et la FG3E constituent donc des organisations qui ont qualité pour saisir le Conseil au titre de l’article 5 de l’ordonnance de 1986. Après une description du système tarifaire d’EDF (I), le présent avis s’attachera à répondre aux questions posées par le SNPIET et la FG3E (II).

I. – Le système tarifaire d’EDF A. – LA PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ EDF assure, en 1997, 90 % de la production nationale d’électricité (94 % en incluant la Compagnie nationale du Rhône), 100 % du transport et 95 % de la distribution de l’électricité. La production d’électricité s’est élevée en 1997 à 481 TWh, sur lesquels EDF a produit 453,5 TWh. Le reste de la production émane des producteurs autonomes, non nationalisés en 1946, qui bénéficient d’une obligation d’achat de la part d’EDF. En 1997, la consommation d’électricité s’est élevée à 410,5 TWh. Si l’on exclut les pertes, la consommation des industries sur production propre et les ventes internes à EDF, les ventes nettes d’électricité se sont élevées en 1997 à 369,9 TWh, réparties entre trois grandes catégories d’acheteurs : la grande industrie et les gros clients, au nombre d’environ 600 (tarifs verts B et C) qui achètent 27 % de l’électricité, les PME-PMI, collectivités et commerces (tarifs vert A et jaune) 35 % et enfin les ménages, commerçants et artisans (tarifs bleus) 38 %. Comme la plupart des parcs européens, le parc de production d’EDF est surcapacitaire depuis 1993. Ce phénomène est en grande partie dû à deux facteurs conjugués : un ralentissement de la croissance et de la consommation d’électricité sur la période et, parallèlement, la progression de la disponibilité du parc nucléaire français qui a gagné dix points. La grande majorité de l’électricité produite par les producteurs autonomes est d’origine hydraulique. Dans le secteur thermique, il est possible de distinguer plusieurs catégories de production autonome : ■ la production pure d’électricité assurée par des centrales de production hydrauliques ou thermiques autonomes dont la puissance installée n’excède pas 8000 kVA. Ces producteurs, de nature très variée, sont environ un millier ; ils exercent généralement une autre activité ; ces centrales sont construites dans le seul but de produire de l’électricité quand les prix d’achat sont les plus élevés, à savoir pendant les 400 heures de pointe. De même, les groupes EJP, qui sont des groupes électrogènes pourvus de moteurs diesel ou fioul installés sur un site industriel ou dans un hôpital, sont mis en route pendant les heures EJP ; les excédents sont vendus au tarif EJP, ce qui incite au surdimensionnement ; ■ la production accessoire ou combinée d’électricité qui se subdivise en autoproduction et en cogénération. Les autoproducteurs sont des industriels gros consommateurs d’énergie (le plus souvent de l’industrie lourde) qui possèdent un moyen de production d’électricité pour leur autoconsommation. Ils valorisent ainsi certains sous-produits ou satisfont à un impératif de sécurité d’approvisionnement ou encore cherchent à bénéficier de tarifs plus avantageux de la part d’EDF, par exemple du système EJP. Ces installations ne font pas l’objet de limitation de puissance. Les surcapacités non consommées sont vendues à EDF.

La cogénération désigne la production combinée de chaleur et d’électricité ; les principaux opérateurs sont les secteurs industriels qui ont des besoins d’eau ou d’air chaud importants et une forte consommation d’électricité, à savoir l’agro-alimentaire, la papeterie, la chimie, le secteur tertiaire (centres commerciaux, immeubles de bureaux) et certaines collectivités publiques (hôpitaux, municipalités). La cogénération est peu développée en France, alors qu’elle représente 30 % de la production électrique aux Pays-Bas et au Danemark et 10 % en Italie et en Allemagne. B. – LES TARIFS DE VENTE DE L’ÉLECTRICITÉ 1. La réglementation a) Le décret du 29 juillet 1988 Conformément à l’alinéa 2 de l’article 1er de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, le décret n° 88-850 du 29 juillet 1988 réglemente les prix de vente hors taxe de l’électricité transportée et distribuée par les réseaux publics en France (donc par EDF et par les distributeurs non nationalisés). Dans un avis n° 87-A-08 du 18 septembre 1987 portant sur ce décret, le Conseil de la concurrence a considéré que la concurrence par les prix entre les différentes formes d’énergie était limitée, d’une part, par l’existence au profit d’EDF d’une situation de monopole légal à la production, d’autre part, par la faible sensibilité des consommateurs aux variations de prix entre les différentes énergies. En vertu de l’article 2 du décret du 29 juillet 1988, " la tarification de l’électricité traduit les coûts de production et de mise à disposition de cette énergie aux usagers. Pour chaque contrat, le tarif de l’électricité comporte une redevance forfaitaire d’abonnement et un prix de l’énergie effectivement consommée ". Selon les dispositions de l’article 3 du même décret , " l’évolution des tarifs traduit la variation du coût de revient de l’électricité qui est constitué des charges d’investissement et des charges d’exploitation du parc de production et du réseau de transport et de distribution ainsi que des charges de combustibles ". Le ministre chargé de l’économie arrête chaque année l’évolution des tarifs. b) La loi n° 93-914 du 19 juillet 1993 Conformément aux dispositions de la loi n° 93-914 du 19 juillet 1993 portant transposition de la directive du Conseil (CEE) n° 90-377 du 29 juin 1990 instaurant une procédure communautaire assurant la transparence des prix au consommateur final industriel de gaz et d’électricité, EDF communique à l’autorité administrative ses prix et ses conditions de vente aux consommateurs industriels finals d’électricité. Les procédés de calcul ou d’évaluation des coûts servant à l’élaboration des tarifs sont communiqués à l’autorité administrative à sa demande. c) Le " cahier des charges de la concession, à Électricité de France, service national, du réseau

d’alimentation générale en énergie électrique " (RAG) Le chapitre IV de ce cahier des charges approuvé par décret du 23 décembre 1994 réglemente les tarifs de vente de l’électricité d’EDF. La structure des tarifs L’article 17 énumère les divisions et subdivisions tarifaires autorisées, à savoir les catégories tarifaires associées au niveau de la puissance souscrite, elles-mêmes divisées en options tarifaires reflétant les découpages horo-saisonniers, ces dernières étant à leur tour réparties en versions tarifaires adaptées à différentes durées d’utilisation de la puissance souscrite. " Un tarif est composé de barèmes pour chaque version de chaque option de chaque catégorie (ou sous-catégorie) offerte ". Les catégories, sous-catégories, options, versions et correctifs tarifaires sont approuvés par le ministre chargé de l’électricité, après consultation du ministre chargé de l’économie. La modification des tarifs Les articles 20 et 21 du cahier des charges distinguent les variations de la structure des tarifs des variations du niveau des tarifs. " Lorsque le concessionnaire envisage une adaptation de la structure des tarifs pour prendre en compte l’évolution des prix de revient, il apporte au ministre chargé de l’électricité tous les éléments justificatifs nécessaires ". Ce dernier vérifie que l’adaptation envisagée est établie de manière à respecter les conditions réglementaires en vigueur et " garantit que la nouvelle structure tarifaire traduit bien le coût de production et de mise à disposition de l’électricité pour les différents types de clients représentatifs de chaque tarif. Il transmet alors, avec son avis, la proposition de barèmes du concessionnaire au ministre chargé de l’économie ". S’il envisage une variation du niveau des tarifs, EDF doit " produire au ministre chargé de l’économie tous documents et études permettant l’étude complète d’une variation éventuelle des tarifs (…) ". L’égalité de traitement des consommateurs Conformément à l’article 24 du cahier des charges, EDF est tenue à une stricte égalité de traitement entre tous ses clients présentant les " mêmes caractéristiques électriques " de coût, à savoir les périodes d’utilisation de l’énergie, la puissance demandée, la tension de raccordement et le " caractère d’appoint ou de secours de la fourniture ". 2. La formation des tarifs a) La structure des tarifs : les coûts marginaux de développement

La structure tarifaire d’EDF est basée sur les coûts marginaux de production, transport et distribution de l’électricité. EDF a retenu, en application de la théorie dite de Ramsey-Boiteux, le principe de la tarification au coût marginal de long terme (ou coût marginal de développement), représentant les coûts (variables et fixes) qu’EDF supporterait aujourd’hui pour satisfaire une demande supplémentaire de 1 kilowattheure en utilisant les moyens de production les plus performants du moment (à la marge du parc de moyens optimal pour la demande existante). L’objectif de cette tarification est de faire coïncider l’intérêt de l’usager avec l’intérêt collectif, par une politique de « vérité des prix » consistant à facturer les prestations à leur prix de revient pour la collectivité. L’utilisation des coûts de développement est fondamentalement, selon M. Boiteux lui- même, un outil de choix des investissements visant l’optimum économique et, seulement à titre secondaire, un système tarifaire. Cette méthode permet de tenir compte d’éléments qui n’entrent pas dans le calcul des coûts comptables, tels les coûts de défaillance. Les coûts de développement varient en fonction de la période de l’année et aussi du lieu de consommation de l’électricité ; l’électricité est plus chère à produire en hiver, lorsqu’on fait appel à des moyens de production « de pointe » qu’on ne rentabilise que sur une courte durée ; l’électricité est aussi plus chère en basse tension qu’en haute tension car il faut développer plus d’infrastructures pour l’acheminer et les pertes techniques sont d’autant plus importantes que la tension est plus faible. Par construction, la tarification au coût marginal est neutre, puisqu’elle affiche un prix unique pour tous les clients présentant les mêmes caractéristiques électriques, qui est le coût de production théorique du dernier kilowattheure appelé. Les coûts de référence et le coût marginal de production Le calcul des coûts marginaux de production de l’électricité ne s’effectue qu’à la marge d’un parc de production théorique optimum qui, pour une demande donnée, égalise coûts marginaux de long terme et coûts marginaux de court terme. Les données nécessaires pour leur calcul sont les coûts d’investissement et d’exploitation des différents moyens de production. Ces coûts sont établis tous les trois ans par la Direction du gaz, de l’électricité et du charbon (DIGEC) du ministère chargé de l’industrie, au sein de groupes de travail spécialisés réunissant contradictoirement les représentants des ministères concernés (industrie, économie et finances, environnement), du Commissariat au plan, de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, d’EDF, GDF et des syndicats représentatifs des producteurs indépendants. A travers les coûts d’investissement et d’exploitation qu’elle retient, l’étude « coûts de référence » de la DIGEC a, par ailleurs, pour " objectif de valider les hypothèses de coût des moyens de production retenues pour l’élaboration des tarifs de l’électricité ". L’étude fournit les données de base pour déterminer le parc optimal de production fondant les tarifs. Elle " permet aussi de mettre en évidence les évolutions de la compétitivité des équipements de production, susceptibles de justifier des évolutions de la structure des tarifs de l’électricité au cours des prochaines années ". Le calcul des coûts de référence fournit une base de comparaison entre les différents moyens de production

d’électricité (nucléaire, charbon pulvérisé avec traitement des fumées, lit fluidisé circulant, cycle combiné au gaz, turbine à combustion, cogénération et aérogénérateurs). Il s’agit de coûts économiques complets de production actualisés d’électricité. " Pour une durée d’utilisation donnée, le coût de production d’un équipement est obtenu en actualisant à la date de mise en service l’ensemble des dépenses d’investissement, d’exploitation et de combustible engagées sur la durée de vie de cet équipement, et en ramenant le coût ainsi obtenu à la somme actualisée de l’énergie produite ". On aura donc, selon différentes hypothèses portant sur le taux d’actualisation retenu, le taux de change du franc par rapport au dollar et le prix des combustibles, le coût de production d’un kilowattheure pour différentes durées d’utilisation. La compétitivité des équipements de production varie selon cette durée, dite durée d’appel, des matériels. Les équipements très capitalistiques, comme les centrales nucléaires, sont rentables lorsqu’ils sont utilisés toute l’année, c’est-à-dire en base. Les installations de production qui engendrent surtout des coûts variables de combustibles sont rentables sur de plus courtes périodes, en semi-base (hiver) et en pointe (les 400 heures de l’année les plus chargées). Ces coûts n’intègrent pas les dépenses liées au transport et à la distribution d’électricité. Ils ne tiennent pas compte des externalités. Le coût marginal de transport et de distribution Les tarifs d’EDF ne distinguent pas aujourd’hui la part imputable aux coûts des réseaux, ce qui se traduit par une péréquation géographique implicite des prix. Il convient de rappeler que cette distinction devra être effectuée dans le cadre de la transposition de la directive. Le tableau suivant, fourni par EDF, donne une estimation de cette part selon le niveau de tension de raccordement : (Données moyennes Production Transport Distribution de consommation 96/97) (hors pertes) Vert C (THT) 90 % 10 % 0 % Vert B (HT) 85 % 10 % 5 % Vert A (MT) 75 % 15 % 10 % Basse Tension (Jaune + Bleu) 50 % 15 % 35 % Le même concept de coût de développement doit être utilisé pour calculer le coût des réseaux dans chaque catégorie tarifaire. Une fois connus les coûts unitaires des ouvrages utiles au transport de l’électricité aux différents niveaux de tension et les quantités de ces ouvrages nécessaires pour assurer le transit d’un kilowatt à chaque niveau, des coûts d’infrastructure peuvent être définis par niveau. A ces coûts s’ajoutent des pertes en lignes. La part imputable aux coûts de réseaux dans le tarif est alors obtenue en additionnant coûts d’infrastructure et pertes jusqu’au niveau de raccordement des clients concernés. Ces coûts de réseaux, relatifs à chaque niveau de raccordement, doivent ensuite être répartis sur les différents postes horo-saisonniers. Si les coûts de réseaux sont plus élevés en période de pointe qu’en période creuse, cette différenciation est moins marquée que celle des coûts de production. La concentration des coûts en

pointe est très faible pour le réseau 400 kV. La structure des tarifs prend en compte les particularités de la demande Le calcul des coûts marginaux de court terme à la marge du parc optimal fournit la valeur du kilowattheure pour chacune des 8760 heures de l’année. Le signal tarifaire a été simplifié, car les coûts de comptage de l’électricité et la complexité du tarif doivent être adaptés aux enjeux économiques pour les clients possibles. Les différents coûts marginaux sont agrégés par période horo-saisonnière de la demande (options tarifaires), pour chaque niveau de tension (catégories tarifaires THT, HT, MT, et BT). Toutes ces options sont calculées afin qu’en moyenne un client soit facturé au coût marginal de fourniture de son appel. La structure des tarifs est binôme : la mise à disposition de la puissance souscrite fait l’objet d’une rémunération distincte (taux de prime fixe) de la rémunération de l’énergie consommée (prix proportionnel au prix de l’énergie). L’appel d’une puissance élevée sur une période de temps courte nécessite des investissements plus lourds pour EDF et a donc un coût plus élevé que l’appel d’une faible puissance pendant une période continue et longue. La même consommation exprimée en kilowattheures peut donc générer des coûts de production différents. En outre, l’analyse de la demande des clients montre que ceux qui ont des durées d’utilisation courtes sur une période horo-saisonnière ont tendance à consommer durant les heures les plus chères de la période : le coût marginal qu’ils occasionnent est plus élevé que celui des clients consommant régulièrement toute l’année. Les versions tarifaires TLU (très longues utilisations), LU (longues utilisations), MU (moyennes utilisations) reflètent cet état de fait. Il est donc clair que les tarifs de vente de l’électricité correspondent à des agrégations de coûts marginaux reflétant les différences entre niveaux de raccordement des clients, périodes horo-saisonnières et durées d’utilisation. Chaque consommateur paie les kilowattheures qu’il consomme aux différentes périodes de l’année à des prix tels que, globalement, ils couvrent le coût total des moyens de production et de transport mis en oeuvre. b) Le niveau des tarifs En niveau, les prix tiennent compte de la nécessité d’assurer les grands équilibres financiers de l’entreprise. Les recettes calculées à partir des coûts marginaux de développement (relatifs par construction à des dépenses futures) ne couvrent pas les charges comptables de l’entreprise qui traduisent des décisions pour une bonne part passées. L’écart entre le niveau de recettes nécessaire pour assurer l’équilibre budgétaire de l’entreprise et les recettes basées sur les coûts marginaux est couvert par un « péage » appliqué uniformément à tous les postes tarifaires. Ce péage s’élevait en 1996 à environ 3,7 %.

3. Les différents tarifs Il existe, selon la puissance demandée, trois types de tarifs. ■ Le tarif bleu concerne les clients dont le besoin de puissance est de 3 à 36 kVa. On distingue le tarif bleu « clients professionnels » (à l’usage des commerçants, artisans et professions libérales) du tarif bleu « clients domestiques et agricoles ». ■ Le tarif jaune s’adresse aux clients dont le besoin de puissance est compris entre 36 et 250 kVa, c’est- à-dire, principalement les PME et PMI. ■ Le tarif vert s’applique, quant à lui, aux gros consommateurs d’électricité, au delà de 250 kVa. Il s’agit des gros industriels, des hypermarchés et des aéroports. Le tarif vert se décompose en trois sous- catégories selon la puissance demandée, le tarif vert A (de 250 kW à 10 MW, lui même subdivisé en A5, A8), le tarif vert B (de 10 à 40 MW) et le tarif vert C (plus de 40 MW). Chaque tarif comporte plusieurs options, les options de base caractérisées par un découpage de l’année ou de la journée en période fixes connues à l’avance et les options dites « en temps réel » où les périodes horo- saisonnières ne sont connues qu’en durée mais dont l’occurrence n’est pas fixée à l’avance (pour le tarif vert, ces options sont l’option « Effacement Jour de Pointe », dite EJP, et l’option modulable). Ces options en temps réel sont avantageuses pour les clients qui ont la capacité de moduler rapidement et sans préavis important leur appel à l’électricité ; plus de la moitié de la consommation des industriels est tarifée selon ces options. L’entreprise qui a souscrit l’option « Effacement Jour de Pointe » a le choix entre payer très cher son énergie et s’effacer en tout ou partie pendant les 18 heures des 22 jours tendus d’hiver (période pendant laquelle EDF prévoit qu’une forte demande d’énergie est probable), sa consommation étant alors, par exemple, assurée par un groupe électrogène de secours installé sur le site. Ces heures sont arrêtées par le Centre national des mouvements d’énergie et communiquées avec un préavis très court aux utilisateurs. Chaque association sous-catégorie/option est caractérisée par un découpage horo-saisonnier différent. 4. Les tarifs en Europe Les statistiques des prix de l’électricité d’Eurostat font ressortir la position médiane de la France au sein de l’Europe, tant pour les usages industriels que pour les usages domestiques. Les pays nordiques sont généralement peu chers, car ils disposent d’abondantes ressources en énergie hydraulique exploitées dans des barrages largement amortis. EDF n’est pas le seul électricien à proposer des prix différenciés selon l’heure et les saisons (Espagne, Belgique). Il existe presque partout des tarifs spécifiques pour les heures de pointe en hiver. La France se caractérise par une grande variété d’options, jusqu’à huit prix pour un tarif, tandis que les autres pays européens en ont tout au plus quatre, cinq ou six. C. – LES TARIFS D’ACHAT DE L’ÉLECTRICITÉ

1. L’obligation d’achat aux « producteurs autonomes » La loi de nationalisation du 8 avril 1946 modifiée a exclu de la nationalisation cinq types d’entreprises de production d’électricité : les entreprises ayant une production annuelle inférieure à 12 millions de kWh ou les aménagements de production d’énergie de tout établissement, entreprise ou particulier, lorsque la puissance installée est inférieure à 8 000 kVA, les installations de « cogénération », d’autoproduction et les installations exploitées par les collectivités locales pour utiliser les déchets ou pour utiliser l’énergie hydraulique, dans la limite, pour ce dernier cas, de 8 000 kVA. Ces producteurs non nationalisés en 1946, dits « producteurs autonomes », réalisent environ 5 % de la production. Il peut aussi s’agir d’installations nouvelles, n’entrant pas dans les catégories précédentes, des entreprises ou collectivités désirant employer l’électricité produite pour leurs propres besoins, sous réserve d’avoir fait l’objet d’une décision ministérielle et d’une convention avec EDF. Le décret n° 55-662 du 20 mai 1955 met à la charge d’EDF, des régies et des distributeurs non nationalisés l’obligation d’acheter l’électricité produite par ces producteurs autonomes. EDF est tenue de passer un contrat pour l’achat de l’énergie produite par leurs installations, pour une durée au moins égale à celle de l’amortissement normal de celles-ci. Le contrat prévoit aussi les quantités d’électricité que le producteur s’engage à livrer à EDF. L’obligation d’achat peut être suspendue si la production propre d’EDF est suffisante pour satisfaire la demande. Toutefois, le décret n° 94-1110 du 20 décembre 1994 a rendu permanente l’obligation d’achat de l’électricité produite par les installations de cogénération et les installations utilisant des énergies renouvelables ou des déchets ainsi que par les producteurs existant avant le 8 avril 1946. Le 23 janvier 1995, trois arrêtés ont été pris en application du décret du 20 décembre 1994. Le premier suspend pour trois ans l’obligation d’EDF de passer un contrat d’achat pour l’ensemble des installations de production ; le second définit la part d’énergies non renouvelables que doivent utiliser les installations fonctionnant à partir d’énergies renouvelables ; enfin, le troisième définit le type d’installation de cogénération qui peut bénéficier d’un contrat d’achat d’électricité par EDF ; ces installations doivent avoir un rendement énergétique global de 65 % minimum, un rapport chaleur/force supérieur à 50 % ; elles doivent enfin utiliser effectivement la chaleur produite et obtenir un certificat de conformité. Deux arrêtés techniques des 14 avril 1995 et 21 juillet 1997 fixent les conditions techniques de raccordement des installations des producteurs autonomes. Les contrats d’achat de l’électricité des producteurs autonomes par EDF comportant des clauses exorbitantes de droit commun, ils constituent des contrats administratifs selon la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE Sect. 19 janvier 1973, Société d’exploitation électrique de la rivière du Sant, Leb. p. 48). 2. Les tarifs d’achat aux producteurs autonomes L’article 27 du « cahier des charges » de la concession à EDF du réseau d’alimentation générale (RAG), approuvé par décret du 23 décembre 1994, dispose que le concessionnaire EDF est tenu d’acheter l’électricité à des prix fondés sur les " coûts évités de long terme que le concessionnaire aurait supportés s’il

avait eu à fournir lui-même cette énergie et à réaliser pour ce faire les investissements correspondants ". Les tarifs de vente de l’électricité reflétant les coûts de développement, le même article 27 du cahier des charges en déduit logiquement que " les tarifs d’achat, fixés par le ministre chargé de l’électricité et le ministre chargé de l’économie, (sont) calculés à partir des tarifs de vente en tenant compte des coûts qu’ (EDF) doit supporter pour distribuer l’énergie livrée par les producteurs autonomes " (réseaux et pertes). Les tarifs d’achat découlent donc des tarifs de vente (notamment dans leur version TLU), dont il faut défalquer le coût du transport de l’électricité. Le tarif le plus répandu, accessible à tous les producteurs autonomes, est le " tarif d’achat pour fournitures partiellement garanties « , le » tarif simplifié " n’étant accessible qu’aux petits producteurs hydrauliciens livrant à EDF la totalité de leur production. Le tarif d’achat pour fournitures partiellement garanties présente la même structure (périodes tarifaires) et les mêmes options (options base, EJP et modulable) que les tarifs de vente. Le producteur est rémunéré par une prime fixe, qui traduit les économies d’investissements d’EDF et par une partie variable qui est fonction de l’énergie livrée. Le taux de base de la prime fixe annuelle varie selon chaque sous-catégorie tarifaire A5, A8, B (elle est identique pour les trois options base, EJP et modulable). Pour chaque période horo-saisonnière, le producteur autonome s’engage sur une puissance livrée au réseau et sur une disponibilité de cette dernière, mesurées par « la puissance garantie disponible ». A chaque période horo-saisonnière de chaque sous-catégorie tarifaire correspond une part k (coefficient de puissance réduite) du taux de base de la prime fixe annuelle. La prime fixe attachée à chaque période tarifaire est obtenue en multipliant la prime fixe par ce coefficient de puissance réduite et par la puissance garantie disponible. Pour chaque période tarifaire, les kilowattheures livrés par le producteur sont rémunérés, en centimes, sur la base du tarif d’achat précisé au contrat. Les défaillances éventuelles constatées par rapport aux engagements font l’objet d’une déduction applicable à la rémunération du producteur, proportionnellement aux kilowattheures défaillants. D. – L’ÉVOLUTION RÉCENTE DES TARIFS La restructuration des tarifs de vente de l’électricité découle des modifications des conditions de production de l’électricité intervenues entre les exercices 1993 et 1997 et prises en compte dans les coûts de référence de la DIGEC ; avalisée dans le contrat de plan, elle conduit à une réduction des écarts horo-saisonniers des tarifs. 1. Le retard

En juin 1993, ainsi que le Conseil de la concurrence l’a relevé dans sa décision du 10 décembre 1996 relative aux producteurs autonomes (n° 96-D-80), les dirigeants d’EDF étaient conscients du fait que les tarifs d’EDF ne reflétaient plus les coûts de développement du parc optimal et étaient en particulier trop élevés à la pointe et trop bas en été et en heures creuses, donnant des signaux tarifaires erronés aussi bien aux consommateurs qu’aux producteurs autonomes. Un responsable d’EDF, cité dans la décision susvisée, alléguait en juin 1993 que le prix de la pointe devrait baisser d’au moins un tiers pour tenir compte du rééquilibrage des installations de production du parc optimal. La baisse continûment observée depuis 1986 du coût des installations de pointe que constituent les turbines à combustion dites « TAC » n’avait en effet été prise en compte que très partiellement et les tarifs enregistraient un retard par rapport à la cible définie en 1989. La structure horo-saisonnière des tarifs reposait, par ailleurs, sur un parc de production n’incluant ni les progrès des turbines à gaz à cycle combiné, devenues les moyens de production les plus économiques en semi-base, ni la montée en compétitivité, toujours pour la pointe, de moyens beaucoup plus légers, les diesels. Confrontée à un afflux de la production d’électricité relevant de l’obligation d’achat, alors que la surcapacité paraissait durable, EDF avait demandé à son ministère de tutelle d’autoriser une révision tarifaire réduisant les écarts horo-saisonniers et la suspension de l’obligation d’achat. Simultanément, l’entreprise a renoncé à mettre en service quatre des six turbines à combustion commandées en 1992 (les deux turbines installées l’ont été pour éviter de fortes pénalités et ont été construites à des endroits où elles renforçaient la sécurité du réseau). L’entreprise a aussi réduit de manière sensible son parc thermique classique (6 GW en deux ans). Les autoproducteurs qui avaient investi dans des diesels pour s’effacer au maximum aux heures de pointe ont fait savoir leur opposition à la réforme, tout comme les producteurs autonomes, puisque les tarifs d’achat pratiqués par EDF étaient liés à ses tarifs de vente. Les pouvoirs publics ont suspendu l’obligation d’achat en 1995 (cogénération et énergies non renouvelables exclues), mais n’ont pas, à cette époque, entamé de réforme tarifaire. De 1993 à 1997, le décalage des tarifs par rapport aux coûts de production s’est donc accru (retards par rapport à la cible tarifaire). Un nouveau cadre contractuel a été proposé aux producteurs autonomes en 1997, « décrochant » les tarifs qui leur étaient applicables des évolutions des tarifs de vente. Le principal obstacle à la réforme tarifaire était ainsi levé. 2. Les « coûts de référence » de la production électrique de 1997 L’établissement des coûts de référence en 1997 a conduit à constater des changements importants. a) Les hypothèses Les coûts de production ont été évalués avec deux hypothèses de mise en service industrielle, en 2000 et en 2005. Deux hypothèses de taux d’actualisation (8 % et 5 %) et de valeur du dollar (5 francs et 6,50 francs) ont été explorées. Plusieurs hypothèses de prix des combustibles, et notamment du gaz, ont été envisagées : prix déconnecté du prix du pétrole autour de 2 USD/Mbtu en 2000 (bulle gazière), stabilité du prix du gaz à 2,7 USD/Mbtu, hausse avec un scénario médian (3,3 USD/Mbtu) ou haut (3,9 USD/Mbtu).

b) Les principales évolutions depuis le dernier exercice 1993 Quatre phénomènes se sont conjugués depuis l’exercice « coûts de référence » de 1993 : le prix des équipements a baissé, le rendement des turbines a augmenté, la sécurité d’approvisionnement en gaz de l’Europe s’est améliorée et la détente sur le prix du gaz s’est avérée durable. Les cycles combinés au gaz, qui permettent de réutiliser la vapeur à la sortie du premier passage dans une turbine pour un second cycle de production à partir d’une deuxième turbine, ont bénéficié d’une baisse de 50 % du prix au kW installé en quatre ans. Des progrès supplémentaires sont encore attendus à l’horizon 2005. Pendant le même temps, le rendement des turbines thermiques, grâce à l’utilisation de nouveaux matériaux et la mise en oeuvre de techniques de refroidissement empruntées à l’aéronautique, est passé de 40 % à 60 %. Les réserves de gaz mobilisables en Europe (mer du Nord, Russie) et en Algérie se sont accrues et les experts considéraient comme très peu probable une remontée des prix avant 2005. c) Les conclusions de l’exercice 1997 Le nucléaire demeure globalement l’énergie la plus compétitive pour la production de l’électricité en base ; son avantage est bien moindre qu’en 1993 par rapport au gaz et au charbon. Les cycles combinés au gaz sont même compétitifs en base lorsque un taux de change favorable se conjugue avec des prix bas du gaz (scénario de « bulle gazière » ou scénario « bas » du prix du gaz à 2,7 USD/Mbtu). En 1993, un kWh nucléaire était toujours moins cher (de 5,3 à 9,9 c) qu’un kWh gaz, alors qu’en 1997, dans certaines hypothèses, il peut être plus cher de 1,6 c. La compétitivité du nucléaire dépend de la capacité à mettre en oeuvre un programme suffisamment étoffé (dix tranches, à raison d’une par an). Pour la production de l’électricité en semi-base, le cycle combiné au gaz est avantageux ; selon les hypothèses retenues pour le prix du gaz, il devient compétitif à partir d’une durée d’appel comprise entre 1 600 et 2 600 heures. Il reste compétitif jusqu’à une durée d’appel comprise entre 3 700 et 8 760 heures dans certains scénarios. Le coût de production du cycle combiné est très sensible à l’hypothèse retenue pour le prix du gaz et le cours du dollar. Les turbines à combustion (TAC) fonctionnant au gaz naturel sont compétitives à partir d’une durée d’appel de 400 à 600 heures et jusqu’à une durée d’appel de 1 600 à 2 600 heures selon les scénarios. La TAC fonctionnant au fioul domestique apparaît comme le moyen le plus compétitif pour des durées d’appel inférieures à 400-600 heures selon les scénarios. La production décentralisée d’électricité a aussi été étudiée et constitue, selon le document du ministère de l’industrie, une diversification intéressante du parc de production. Les équipements sont en pareil cas généralement situés près des lieux de consommation et permettent d’économiser des coûts de développement et d’exploitation des réseaux électriques.

Les turbines à vapeur à contre-pression fonctionnant au charbon sont compétitives en base et les turbines à gaz fonctionnant en cogénération sont compétitives en base et en semi-base, à partir d’une certaine taille ; pour un fonctionnement en base, une turbine à gaz (TAG) de 40 MW en cogénération apparaît plus compétitive que le cycle combiné à gaz de 650 MW et que le nucléaire, dans le scénario bas du prix du gaz. Pour la semi-base, la TAG de 40 MW est plus compétitive que tous les moyens de production centralisés. Par contre, les installations de cogénération de plus petite taille (turbines à combustion de moins de 10 MW, moteurs à gaz) présentent des coûts de production plus élevés que les équipements de production centralisés. Le renouvellement du parc de production permettra de faire émerger de nouvelles unités de production dont le coût marginal sera inférieur à celui d’un certain nombre d’installations existantes. L’impact réel de ce phénomène ne sera sensible en France qu’aux alentours de 2010, compte tenu de la surcapacité actuelle du parc. Le parc optimal suggéré par l’étude des coûts de référence est donc un parc qui comporterait une plus large part de cycles combinés au gaz en base et en semi-base, le nucléaire restant prépondérant en base et le cycle combiné intervenant aussi dans les heures chargées. Une telle structure de parc conduit à une réduction des écarts entre coûts marginaux relatifs aux différentes saisons. C’est de cette analyse qu’a découlé le mouvement tarifaire décidé en 1997. Il convient de noter à cet égard que les variations d’hypothèses technico- économiques (prix du gaz, coûts d’investissement des cycles combinés) influent peu sur les prix moyens des fournitures, calculés sur la base des coûts marginaux de développement du parc optimal et donc sur les tarifs. On observera encore que les conclusions de la DIGEC ont été confirmées en grande partie par le rapport Targen 96 de l’Union internationale des producteurs et distributeurs d’énergie électrique (UNIPEDE). La plupart des acteurs du secteur interrogés considèrent cependant que la DIGEC n’a pas intégré totalement toutes les évolutions de performance des cycles combinés au gaz. Les coûts de production des ces installations seraient donc en réalité un peu inférieurs aux coûts de référence 1997. 3 -Le contrat Etat-EDF et les mouvements tarifaires 1997-2000 Sur la période 1989-1996, EDF a engagé d’importants efforts de productivité et a baissé ses tarifs en niveau de 9,8 % en francs constants. Le contrat de plan entre l’Etat et EDF signé le 8 avril 1997 par le ministre de l’économie et des finances, le ministre de l’industrie, de la poste et des télécommunications, le ministre délégué au budget, le président d’EDF et le directeur général d’EDF, prévoit une baisse des tarifs en niveau et un aménagement en structure. Le contrat annonce " un meilleur ajustement de la structure des tarifs sur celle des coûts et l’ajustement du niveau moyen des tarifs sur la situation et les perspectives financières de l’entreprise, notamment ses gains de productivité « sur une période de quatre ans. a - » L’ajustement du niveau moyen des tarifs sur la situation et les perspectives financières de l’entreprise, notamment ses gains de productivité " :

La baisse du niveau des tarifs est rendue possible par la diminution sensible des charges financières de l’entreprise, par l’amélioration de la productivité et par la maîtrise des investissements. En francs constants, les mouvements d’ensemble prévus sont les suivants : 1997 1998 1999 2000
- 6 %
- 3,5 %
-2,25 %
-2,25 %

Deux mouvements tarifaires sont d’ores et déjà intervenus en application du contrat d’entreprise (arrêtés des 18 avril 1997 et 28 avril 1998). Ils fixent des taux moyens de baisse par grande famille tarifaire. Catégories tarifaires Arrêté du 18 avril1997 Arrêté du 28 avril 1998 tarif bleu domestique
- 3,2 %
- 1,9 % tarif bleu services publics communaux et
- 5,7 %
- 2,7 % intercommunaux tarif bleu éclairage public
- 2,7 %
- 2,0 % tarif bleu professionnel
- 9,2 %
- 4,3 % tarif jaune A
- 5,1 %
- 2,8 % tarifs vert B et C
- 3,7 %
- 1,9 %

Le contrat prévoit deux autres modifications des barèmes tarifaires, les 15 avril 1999 et 2000, qui comprendront chacune une baisse moyenne des prix de 2,25 % en francs constants. Ce niveau pouvait également être revu à l’automne 1998 au cours duquel un point d’étape était prévu. Cette échéance devait aussi permettre de définir " des modes de rémunération des services de transport d’électricité pour le compte de tiers, les modifications corrélatives à apporter au traitement des coûts de réseaux dans les tarifs d’EDF, des adaptations de l’architecture des tarifs, et la définition d’un cadre adapté pour les relations contractuelles entre EDF et les clients éligibles « . b - » Un meilleur ajustement de la structure des tarifs sur celle des coûts " Le principal effet des mouvements tarifaires consiste dans le rééquilibrage de la structure horo-saisonnière des tarifs, pour tenir compte de l’évolution des coûts de production de l’électricité (coûts de référence). Le contrat dispose : " en structure, ils (ces mouvements) entraîneront une importante atténuation des contrastes saisonniers des tarifs verts et jaune et permettront l’unification des tarifs bleus pour les fournitures

domestiques et professionnelles ". Compte tenu de la baisse des tarifs en niveau, presque tous les clients bénéficient d’une baisse de leur facture d’électricité, nonobstant le réaménagement de la structure horo-saisonnière. Aucun consommateur du tarif bleu ne connaît de hausse de facture, à structure et à niveau de consommation inchangés. Pour les quelques centaines de clients abonnés au tarif vert dont la facture s’est trouvée renchérie du fait des modifications de tarif en structure, c’est-à-dire les clients dont les consommations sont fortement concentrées en juillet-août et en saison creuse mobile au tarif modulable, le contrat d’entreprise a prévu un mécanisme d’écrêtement qui leur garantira " sur la durée du contrat une compensation financière limitant à 2 % maximum l’augmentation d’une année sur l’autre du prix en francs constants de leur fourniture, celle-ci étant plafonnée aux consommations des années 1995-1996 ". Ces mesures d’accompagnement au titre du mouvement tarifaire du 20 avril 1997 ont concerné trois clients de la direction de la production et des transports (très haute tension) et 202 clients de EDF-GDF Services. Ces mesures seront reconduites pendant chacune des années couvertes par le contrat de plan. En structure, les deux mouvements tarifaires ont atténué les contrastes saisonniers des tarifs verts et jaunes ; le prix du kWh a beaucoup plus baissé pour la période de pointe que pour les autres périodes horo- saisonnières. L’évolution du prix du kWh par période tarifaire pour les consommateurs industriels (tarif vert C) est retracée par le tableau suivant : option période tarif 1996 tarif 1997 tarif 1998 évolution 98-96 tarifaire tarifaire cf/kWh cf/kWh cf/kWh en % base pointe 88,71 80,01 76,23 - 14 %

heures pleines 60,75 55,94 53,64
- 12 % d’hiver

heures pleines 35,11 31,95 29,94
- 15 % de demi-saison

heures creuses 33,86 31,35 29,87
- 12 % d’hiver

heures creuses 22,00 19,61 18,83
- 14 % de demi-saison

heures pleines 20,75 20,19 19,93
- 4 % d’été

heures creuses 12,34 12,28 12,15
- 2 % d’été

juillet-août 8,23 10,56 11,74 + 43 % E.J.P pointe mobile 137,59 116,75 106,12 - 23 %

heures d’hiver 34,4 33,46 33,20
- 3 %

heures de demi- 24,53 22,31 20,95
- 15 % saison

heures pleines 20,75 20,19 19,93
- 4 % d’été

heures creuses 12,34 12,28 12,15
- 2 % d’été

juillet-août 8,23 10,56 11,74 + 43 %

D’après EDF, cette baisse des tarifs devrait se traduire par une économie de 56 milliards pour les clients (en francs 1997), dont 20 milliards pour les ménages, 9 milliards pour les artisans, commerçants et professions libérales du tarif bleu, 20 milliards pour les PME-PMI et 7 milliards pour les grandes industries. 4 -Les tarifs d’achat Il convient de rappeler qu’EDF avait, dès 1993, demandé à son ministère de tutelle la suspension de l’obligation d’achat et une modification de la tarification des heures de pointe jugée excessive au regard de la réalité économique. En effet, la forte différenciation des prix entre les périodes tarifaires, particulièrement accentuée dans les options en temps réel, avait conduit les producteurs autonomes à adopter les options EJP et modulables. Quant aux cogénérateurs, ils profitaient au maximum des tarifs de pointe, indépendamment de leurs besoins thermiques propres. Par lettre du 4 janvier 1994, le ministre de l’industrie a demandé à EDF de veiller à ce que l’évolution tarifaire ne pénalise pas la rentabilité des investissements effectivement réalisés par les producteurs autonomes. Aucun réaménagement tarifaire n’est en réalité intervenu avant 1997 ; quant à l’obligation d’achat, elle été suspendue en janvier 1995. Considérant que les producteurs autonomes opéraient sur le marché de l’électricité, le Conseil de la concurrence, dans sa décision n° 96-D-80 du 10 décembre 1996, a estimé qu’EDF, en position dominante sur ce marché, s’était rendue coupable de comportements restrictifs anticoncurrentiels à l’encontre de ces derniers (fixation unilatérale de la durée des contrats d’achat d’électricité ; subordination du paiement de la prime fixe à la signature de contrats de neuf ans ; durcissement des conditions de raccordement ; définition restrictive de la cogénération ; instruction lente des dossiers). Les mouvements tarifaires prévus dans le contrat de plan ayant, notamment, pour effet de réduire le niveau de prix du poste EJP et donc la rentabilité des diesels mis en place ces dernières années, il est apparu nécessaire de « décrocher » les tarifs de vente des tarifs d’achat de l’électricité, ce que permet l’article 27 du cahier des charges du RAG. En effet, les neuvième et dixième alinéas de cet article prévoient que " lorsque le producteur autonome est en mesure de proposer, au delà des prestations standard (…) des avantages spécifiques pour le concessionnaire (liés par exemple au fait que c’est ce dernier qui décide seul des périodes au cours desquelles les installations de production autonome sont appelées…) ", ce dernier peut renoncer à bénéficier du contrat d’achat type et conclure avec le concessionnaire un contrat particulier, après

approbation du ministre chargé de l’industrie. Le contrat d’entreprise a prévu que les relations d’EDF avec les producteurs indépendants s’établiront sur " la base de contrats d’achat dans la durée, basés sur les coûts de développement évités au système électrique ". Les producteurs autonomes dont la rentabilité des investissements, effectués sur la base des précédents signaux tarifaires, se trouverait compromise par l’évolution des tarifs d’achat (calqués sur les tarifs de vente) peuvent opter pour ces contrats de préférence au système de tarification traditionnel. Plusieurs contrats-types de longue durée, garantissant une rémunération indexée, ont été approuvés par les pouvoirs publics. a – Les contrats « dispatchables » Les producteurs propriétaires de centrales de pointe ont conclu avec EDF des contrats dits « dispatchables » d’une durée de quinze années. La rémunération des producteurs prévue dans ces contrats est calculée de façon à assurer une rémunération des capitaux engagés de même niveau que celle attendue au moment de la décision d’investissement ; elle est calculée à partir des coûts des moyens de production et de réseau qui seraient évités par l’utilisation de ces diesels, si le système électrique était dans un état optimal. On considère, dans cette hypothèse, que le moyen de production non décentralisé du parc optimal en période de pointe est la turbine à combustion (TAC). Les coûts évités par un diesel dispatchable sont les coûts d’une TAC de 150 MW. La rémunération est constituée d’une prime fixe indexée (en F/kW/an) correspondant aux coûts annuels fixes d’une TAC (charges d’investissement, charges fixes d’exploitation) et d’une prime proportionnelle (en c/kWh) correspondant aux charges proportionnelles d’une TAC (énergie et autres charges proportionnelles d’exploitation). La rémunération tient aussi compte des économies de réseau procurées par l’utilisation d’un diesel raccordé à un poste de transformation haute tension (HT), par rapport à la TAC raccordée au niveau 225 kV (THT). La prime fixe a été fixée à 470 F96/kW/an et la part proportionnelle à 49,8 c/kWh, soit 168 centimes par kWh. Cette rémunération est garantie pour quinze ans, pour un fonctionnement sur les 396 heures du poste EJP, alors que le tarif du poste EJP (tarif vert A) évoluera dans le contrat de plan. Sur la période couverte par le contrat de plan, à savoir 1997-2000, le niveau des achats aux producteurs autonomes concernés a été estimé par EDF à 2,4 TWh pour un montant total de 3 milliards de francs. Le surcoût (par rapport au coût évité) a été évalué à 2 800 millions de francs sur quatre ans, soit 700 millions de francs par an. b – Les contrats de cogénération Les contrats d’achat de l’électricité produite par cogénération ont été mis en place en mars 1997 par le

ministère chargé de l’industrie. Les installations existantes pouvaient opter pour le nouveau système jusqu’au 30 septembre 1998. Ces contrats fixent la rémunération des cogénérateurs pour une durée de douze ans. La rémunération est calculée sur la base des coûts évités de long terme, identifiés aux coûts d’une turbine à gaz à cycle combiné, l’équipement le plus compétitif en semi-base d’après les coûts de référence de la DIGEC. Elle est partiellement indexée sur le prix du gaz. Cette rémunération présente l’avantage de supprimer la niche tarifaire des heures de pointe et d’inciter les cogénérateurs à fonctionner en semi-base et base, rapprochant ainsi le système électrique de l’optimum économique (les coûts de référence indiquent en effet que la cogénération est compétitive au delà d’un certain seuil). La rémunération comporte une prime fixe comportant l’annuité d’amortissement de la turbine à gaz, les charges fixes annuelles et la part fixe des économies de réseaux, un prix proportionnel comportant les charges de combustible, les charges proportionnelles d’exploitation et la part proportionnelle des économies de réseau, ainsi qu’ une éventuelle incitation versée en fonction de l’efficacité énergétique globale de l’installation (de 0 à 2 c/kWh). Pour une disponibilité de 95 %, les rémunérations au début de 1997 allaient de 25 c/kWh (pour une puissance de 40 MW, un fonctionnement de 8 000 heures et une tension de livraison de 225 kV) à près de 47 c/kWh (avec 1 MW sur 3924 heures au tarif d’hiver, avec une tension de 20 kV). Ces conditions conduisaient, début 1997, à des rémunérations inférieures à celles résultant des tarifs publics (entre 5 et 15 %). Elles permettent cependant aux producteurs indépendants d’échapper, pour les années à venir, à la baisse des tarifs d’achat résultant de la baisse des tarifs de vente de l’électricité prévue dans le contrat de plan. II – ANALYSE CONCURRENTIELLE DE LA TARIFICATION D’EDF Il est demandé au Conseil de se prononcer, d’une part, sur les mouvements tarifaires prévus par le contrat de plan pour la période 1997-2000 dans la situation historique de monopole (A) et, d’autre part, sur les orientations futures à adopter en matière de réglementation des prix dans le cadre de l’ouverture partielle du marché de l’électricité à compter du 1er février 1999 (B). A – L’EFFET DU MOUVEMENT TARIFAIRE SUR LES MARCHÉS AUJOURD’HUI Le mouvement est analysé (1) avant appréciation de ses effets (2). 1 -Conformité du mouvement tarifaire aux principes de tarification d’EDF a – Méthodologie de détermination des tarifs La FG3E et le SNPIET avancent que les tarifs de l’électricité seraient inférieurs aux coûts marginaux de développement pour les postes horo-saisonniers de la pointe et leur seraient supérieurs en heures creuses d’été et juillet-août dès 1996 et qu’une nouvelle baisse serait intervenue en 1997 et 1998 sans preuve de baisse concomitante des coûts de référence.

Les tarifs d’EDF sont construits de la façon suivante : le tarif relatif à chaque période horo-saisonnière résulte d’une agrégation de coûts marginaux par heure, ces coûts marginaux étant eux-mêmes la moyenne des coûts marginaux obtenus dans différents scénarios de demande et de disponibilité des moyens de production. Si, pendant chaque période horo-saisonnière, un moyen peut être considéré comme marginal, d’autres moyens peuvent aussi revêtir ce caractère à certains moments. Ainsi, pendant la période tarifaire de pointe, d’autres moyens de production que les turbines à combustion (cycle combiné, centrale à charbon) se trouvent être marginaux à certains moments ou dans certaines configurations d’aléas. Inversement, les turbines à combustion sont marginales et donc utilisées à des heures situées en dehors de la période de pointe, ce d’autant plus que les postes dits de pointe ne contiennent les heures les plus chargées de l’année qu’avec une certaine probabilité. En conséquence, selon ce mode de tarification : la partie variable du coût marginal de développement relatif à un poste ne peut être assimilée au coût d’une installation particulière ; ■ pour le poste tarifaire de pointe ou EJP, cette partie variable est inférieure au coût proportionnel d’une turbine à combustion ; ■ pour les postes d’heures creuses d’été, elle est intermédiaire entre les coûts proportionnels du nucléaire et du cycle combiné ; les parties fixes du coût marginal de développement (qui au total représentent le coût fixe annuel d’une TAC) ne sont pas affectées au seul poste tarifaire de pointe. La méthode proposée au Conseil par la FG3E, pour estimer les coûts marginaux relatifs aux postes horo- saisonniers du tarif, consiste : ■ à affecter à chaque période horo-saisonnière (ou poste) du tarif, un moyen de production supposé être marginal durant toute la période ( le moyen à mobiliser pour produire de l’électricité en période de pointe est supposé être la turbine à combustion [TAC] ; la centrale à charbon est supposée mobilisée en permanence pour chacun des postes heures pleines d’hiver, heures pleines de demi-saison, heures creuses d’hiver et la centrale nucléaire être utilisée à chaque instant pour les postes heures creuses de demi-saison, heures pleines d’été, heures creuses d’été et juillet-août) ; ■ à considérer que pour chaque poste, pointe mise à part, le coût marginal est donné par le coût proportionnel du moyen déclaré marginal pour le poste ; ■ à dire que, pour le poste pointe, le coût marginal est équivalent au coût proportionnel du moyen déclaré marginal (la TAC) additionné à la totalité du coût fixe annuel de ce moyen. Il ressort de ce qui précède que la différence d’appréciation entre EDF et la FG3E ne tient ni à une différence quant aux principes méthodologiques applicables en matière de tarification de la pointe, ni à une différence d’appréciation des coûts marginaux de long terme d’une turbine à combustion, ni même au fait qu’une telle turbine constitue l’équipement marginal en période de pointe effective, mais à la détermination des plages horaires auxquelles doit ou peut s’appliquer la tarification de pointe. D’une part, la FG3E procède comme si les périodes horaires de pointe pouvaient être identifiées précisément, ce qui ne peut se faire que ex- post ; d’autre part, EDF, qui a pour objet d’envoyer aux clients des signaux de prix reflétant les coûts déterminés ex-ante, établit ses tarifs en tenant compte du fait qu’il existe un aléa significatif sur la

distribution des heures de pointe et qu’il n’est ainsi pas possible d’identifier a priori, avec une complète précision, le moment où chaque heure de pointe surviendra. Dans ces conditions, EDF, en tenant compte des aléas, mais afin de rendre lisible ses signaux tarifaires, a défini une période de pointe fixe dans son option tarifaire dite de base (de 249 heures) qui ne correspond pas nécessairement avec la période de pointe constatée ex-post, mais à l’intérieur de laquelle devraient se trouver, avec une probabilité suffisante, ces heures de pointe. Parallèlement, EDF a établi, dans une option EJP (effacement jour de pointe) une période de pointe de 396 heures définies la veille pour le lendemain, à l’intérieur d’un ensemble de mois prédéterminés, supposée mieux capturer les heures de pointe, étant entendu que toutes ces heures ne seront pas nécessairement ex-post des heures de pointe effectives. Dès lors que seulement certaines heures des périodes de pointe définies dans les tarifs seront effectivement des heures de pointe, EDF indique notamment que la partie variable du coût marginal de développement relatif à la période ( tarifaire) de pointe ne peut être assimilée au coût d’une installation particulière. En effet, d’autres moyens que les turbines à combustion constituent l’équipement marginal pour les heures de cette période qui ne seront pas des heures de pointe effective. Le fait que des moyens autres que des turbines à combustion seront à certaines heures les moyens marginaux pendant la période définie comme étant la période de pointe dans le tarif d’EDF implique que la tarification d’EDF pour la pointe sera inférieure à ce qu’elle serait si toutes les heures de cette période étaient des heures de pointe effectives, dans la mesure où le coût marginal de développement des moyens autres que les turbines à combustion, moyens qui seront utilisés pour les heures de la période qui ne seront pas de pointe, est inférieur au coût marginal de développement des turbines à gaz. A l’inverse, le fait que des heures de pointe effectives se situeront avec une certaine probabilité en dehors de la période de pointe déterminée à priori par EDF dans son tarif implique que les turbines à combustion peuvent être mobilisées en dehors de cette période et que, comme l’indique EDF, les parties fixes du coût marginal de développement d’une turbine à combustion ne sont pas affectées au seul poste tarifaire de pointe. Par voie de conséquence, le tarif de l’électricité pour les postes d’heures creuses d’été sera supérieur aux coûts proportionnels du nucléaire (équipement marginal en base). Il est reconnu dans le secteur électrique que la distribution temporelle des heures de pointe est affectée d’un aléa significatif et que, dès lors, il n’est pas possible de cibler dans un tarif établi ex-ante une plage tarifaire de pointe qui corresponde exactement et uniquement aux heures de pointe effectives. De ce point de vue, l’application de la méthode proposée par la FG3E au Conseil est difficilement compatible avec la nécessité d’établir un tarif ex-ante qui reste lisible pour les utilisateurs d’électricité. D’un autre côté, la détermination de la plage horaire de pointe et l’utilisation de coûts ex-ante dans le tarif de vente d’EDF, dès lors que la période de pointe ne correspond pas exactement aux heures effectives de pointe et que le coût marginal affecté à cette période est automatiquement en dessous du coût marginal de développement d’une turbine à combustion, peut susciter des interrogations chez les producteurs utilisant des moyens de pointe et vendant à EDF, si ce tarif est utilisé comme tarif d’achat de leur production. C’est la raison pour laquelle le Conseil suggère plus loin (au b du 2, page 26) que les tarifs d’achat soient désolidarisés des tarifs de vente et remplacés par des contrats « dispatchables » du type de ceux définis depuis 1995.

Par ailleurs, il est clair que l’application de la méthode au coût marginal de développement donne des résultats différents selon le découpage horaire auquel il a été procédé dans le tarif. Seules une expertise du modèle aléatoire utilisé par EDF pour déterminer les périodes de pointe tarifaire et une simulation prenant en compte différentes alternatives de découpage du tarif horaire permettraient de porter une appréciation sur le caractère raisonnable ou artificiel du découpage effectivement utilisé par EDF. Dans le cadre de cette demande d’avis, le Conseil n’est pas en mesure d’entreprendre de telles expertises. Il observe cependant, d’une part, que, d’après les informations recueillies auprès d’EDF, les postes horo- saisonniers utilisés dans le tarif n’ont pas été modifiés depuis le début des années 1980 et, d’autre part, que lors de la séance il a été fait mention par les saisissants du fait que certains producteurs d’électricité étrangers ont dans leurs tarifs des périodes de pointe d’une ampleur comparable à celle d’EDF. Ces indications suggèrent, en premier lieu, qu’aucune manipulation du modèle aléatoire ne serait intervenue récemment pour modifier les bases de calcul des périodes de pointe, EDF ayant suivi dans son dernier mouvement tarifaire une pratique constante pour ce qui est de son découpage horaire, et d’autre part que la pratique d’EDF ne serait pas, à première vue, manifestement différente de celle suivie par d’autres producteurs d’électricité. On a vu aussi que chaque mouvement tarifaire annuel d’EDF s’inscrivait dans une trajectoire initiée par un mouvement des coûts avalisé par la DIGEC. Ces mouvements ne peuvent donc être jugés isolément et sans référence à la situation de départ. Face à des interrogations de l’administration sur la pertinence de la référence au coût de développement alors qu’il y avait suréquipement durable, EDF a plaidé pour son maintien lors de la négociation tarifaire de 1996. Une volonté de prédation par baisse des prix d’hiver et hausse des prix d’été aurait été mieux servie par le passage à une tarification aux coûts marginaux de court terme en marge du parc réel. Du fait de la surcapacité et de la part élevée du nucléaire dans ce parc, les moyens nucléaires sont principalement sollicités et les moyens de pointe peu appelés ; en conséquence, les coûts marginaux de court terme sont très peu contrastés, ce qui signifie, une fois les péages nécessaires à l’équilibre budgétaire pris en compte, des prix d’hiver peu différents des prix d’été. b – La logique du mouvement Le Conseil constate tout d’abord que le mouvement est conforme en niveau et en structure aux annonces du contrat d’entreprise Etat-EDF. Dans son annexe, citée par les saisissants, le contrat indique par exemple, que, pour l’option EJP du tarif vert TLU (très longues utilisations), la baisse du tarif en pointe mobile devrait être de 15 % environ et le rapport des prix pointe mobile/juillet-août être réduit d’environ 33 % en 1997. Dans les faits, la baisse globale est de 13,7 % pour le vert A, de 14,7 % pour le vert B et de 15,1 % pour le vert C ; celle du rapport pointe mobile/juillet-août est de 32,7 % pour le vert A, de 33,9 % pour le vert B et de 33,8 % pour le vert C. La même conformité aux annexes est observée pour 1998. On a vu précédemment que l’évolution des coûts de référence de la DIGEC entre 1993 et 1997, confirmée dans le rapport TARGEN, justifiait une adaptation de la structure horo-saisonnière des tarifs. Selon la DIGEC, il fallait, en effet, prendre en compte la continuation des progrès constatés sur les moyens de production de pointe (turbines à combustion) et l’accélération de ceux concernant les moyens de base et semi- base (cycles combinés à gaz), cette mise à jour conduisant à une baisse relative des prix d’hiver et de pointe

par rapport aux prix d’été et d’heures creuses : baisse des postes horo-saisonniers de pointe, du fait de la baisse du coût des moyens intrinsèques de pointe et de l’arrivée en proportion importante, dans le parc idéal de production qui sert de base aux calculs des coûts de développement, de cycles combinés dont le coût proportionnel est beaucoup moins élevé à cette période ; hausse du poste de juillet-août, car ces mêmes cycles combinés, dont le coût proportionnel est supérieur à celui du nucléaire, sont aussi parfois mobilisés durant cette période dès lors qu’ils existent. Les écarts horo-saisonniers visés à l’issue du mouvement apparaissent, par ailleurs, nettement supérieurs à ce qu’ils sont sur le marché libre anglais. Le prix moyen d’une fourniture d’un kilowattheure sur l’année (8760 heures), tel qu’il résulte de la « cible tarifaire » 1997 d’EDF (c’est-à-dire les tarifs à atteindre en 2000 à la fin des quatre années du contrat d’entreprise), s’établit à 21,1cF/ kWh, ce qui est très proche du prix de 21,3 cF/kWh constaté sur le pool anglais (en faisant la moyenne des prix observés pendant les cinq dernières années sur ce pool). Le rapport entre le prix de l’électricité durant la période de pointe (les 396 heures les plus chargées) et le prix d’une fourniture plate permanente est fixé dans la cible tarifaire d’EDF à 3,7, tandis qu’il s’élève sur le pool anglais à 2,4. L’ampleur de l’adaptation structurelle paraît, ensuite, pouvoir être reliée au retard pris, depuis 1989, par les tarifs par rapport aux cibles successives : la cible tarifaire envisagée en 1993 n’a ainsi été atteinte qu’en 1998 pour la semi-base et elle ne l’est pas encore pour la pointe. Si le mouvement de restructuration des tarifs engagé en 1997 apparaît donc avoir un lien avec l’évolution des coûts de référence de la DIGEC pour 1997, il comprend aussi une part de rattrapage du retard des années antérieures. Le Conseil observe, enfin, que les deux premiers mouvements tarifaires prévus par le contrat d’entreprise pour 1997 et 1998 ont été entérinés par arrêtés ministériels en niveau et en structure. On a vu plus haut, en effet, que si le ministre chargé de l’économie approuve par arrêté les évolutions de tarifs en niveau par grandes catégories, le ministre chargé de l’électricité " garantit (par ailleurs, sur la base des barèmes qui lui sont communiqués) l’adéquation de la nouvelle structure tarifaire aux coûts de production et de mise à disposition de l’électricité ". En conclusion, aucun élément ne permet de dire que le mouvement tarifaire n’est pas conforme à la doctrine d’EDF de tarification au coût marginal de développement. Au contraire, les analyses effectuées par le Conseil et qui sont exposées ci-dessus conduisent à considérer qu’EDF ne s’est pas écartée des principes et de la méthode qui fondent la tarification de l’électricité. Toutefois, pour porter un jugement plus circonstancié, il serait nécessaire de mener des investigations sur les modèles de prévision et de simulation utilisés par EDF pour calculer ses tarifs. 2 -Effet du mouvement sur le marché actuel de l’électricité a – La situation des producteurs autonomes La réforme tarifaire est sans effet sur la situation des producteurs autonomes exerçant sur le marché de l’électricité, car ceux-ci bénéficient de contrats à long terme qui leur garantissent des conditions d’achat « déconnectées » des tarifs de vente et la rentabilité de leurs capitaux. Les contrats « dispatchables » signés par les diésélistes leur garantissent en effet un prix d’achat de 165 c/kWh. Les cogénérateurs bénéficient

quant à eux de contrats de douze ans leur garantissant une rémunération de l’ordre de 27 cF/kWh pour les installations fonctionnant en base, alors qu’elle serait en moyenne de 21 cF/kWh sur le marché anglais par exemple. b – L’usage du contrat pour l’obligation d’achat constitue un progrès Le passage, pour rémunérer les exploitants de centrales de pointe sous le régime de l’obligation d’achat, du tarif d’achat au contrat dispatchable constitue un progrès qui mérite d’être pérennisé. Dans la mesure, en effet, où ils sont calqués sur les tarifs de vente, les tarifs d’achat proposent, pour les heures effectives de pointe, une rémunération variable inférieure au coût proportionnel du moyen de pointe le plus performant (parce qu’ils résultent d’une moyenne avec les coûts proportionnels, moins élevés, relatifs à d’autres heures). S’ils sont exactement calculés sur les coûts de développement de ce moyen, les tarifs d’achat ne permettent donc pas à un producteur exploitant ce moyen pendant les seules heures de pointe de le rentabiliser. Ils ne l’ont permis dans le passé que parce qu’ils étaient calés sur des coûts historiques « trop » élevés. Au contraire, un contrat du type de ceux proposés aux producteurs autonomes depuis 1995, qui rémunère les coûts fixes (de capacité) à travers une prime fixe et rembourse les coûts variables (de combustible) dès lors qu’il y a appel effectif de la centrale de production, garantit la rentabilisation du moyen de pointe concerné. Celui-ci n’étant appelé que si son utilisation est justifiée, le coût de satisfaction globale de la demande s’en trouve réduit. Cependant, pour qu’un tel mode de rémunération conduise à des investissements efficients, il convient que les producteurs autonomes soient choisis à l’issue d’appels d’offres réalisant une mise en concurrence. c – Les effets sur les secteurs consommateurs d’électricité Selon les saisissants, la nouvelle politique de tarification d’EDF affecterait aussi les secteurs consommateurs d’électricité, tels le secteur de la climatisation. EDF abuserait de sa position dominante en imposant aux clients de ce secteur des prix anormalement élevés en juillet-août. Le Conseil observe qu’il n’a pas été constaté de concentration de la consommation d’électricité pendant cette période horo-saisonnière telle qu’elle puisse avoir un impact sur les comptes des entreprises ou des ménages. EDF démontre au contraire avoir pratiqué un écrêtement des factures industrielles les plus élevées, limitant en toute hypothèse leur évolution d’une année sur l’autre à 2 %. B – RÉGLEMENTATION FUTURE DES PRIX DANS LA CONCURRENCE Appréhender les conditions d’ouverture du marché (1), le caractère crucial des règles d’accès aux réseaux (2) et les incertitudes quant à la nature des marchés futurs (3) est un préalable nécessaire à l’examen des hypothèses de régulation future des prix de vente de l’électricité pour prévenir les subventions croisées (4) et les actions de prédation (5). 1 -Une ouverture partielle sur un champ géographique large Selon l’article 19 de la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité, qui doit être

transposée en droit interne le 19 février 1999 au plus tard, certains consommateurs d’électricité, dits « clients éligibles », pourront acheter leur électricité aux fournisseurs de leur choix, en faisant jouer la concurrence entre ces derniers. Seront obligatoirement éligibles les consommateurs finals consommant au moins 100 gigawatts-heures par an. Les critères d’éligibilité des autres clients qui auront aussi vocation à accéder à ce marché concurrentiel sont définis par les Etats dans le respect d’une ouverture du marché au moins égale au pourcentage défini au niveau communautaire, à savoir de 22 % du marché de l’électricité en 1999 et 33 % en 2003. Selon l’estimation de la Commission européenne, 60 % de la demande d’électricité communautaire sera libéralisée d’ici la fin 1999. La France s’oriente vers une ouverture partielle du marché : un marché concurrentiel de l’électricité coexistera avec un marché captif où les consommateurs finals (essentiellement les clients domestiques et les PME-PMI) n’auront pas le choix de leur fournisseur d’électricité. L’implantation des consommateurs éligibles et leurs politiques d’achat auront tendance à donner à ce marché concurrentiel un champ européen, les échanges étant cependant limités par le coût du transport et la capacité des interconnexions. 2 -Une ouverture conditionnée par les modalités d’accès aux réseaux d’EDF Les saisissants s’inquiètent de ce qu’étant intégrée verticalement, EDF soit en mesure de pratiquer une discrimination indue entre utilisateurs en ce qui concerne le transit sur les réseaux. Le Conseil de la concurrence a été consulté lors de la phase préparatoire à l’élaboration du projet de loi de transposition de la directive précitée. Dans un avis n° 98-A-05 du 28 avril 1998, publié au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes du 16 juillet 1998, le Conseil a défini un certain nombre d’orientations souhaitables dans la perspective de l’ouverture du marché. La première est que les entrants sur le marché concurrentiel de l’électricité puissent accéder dans des conditions non dissuasives et non discriminatoires aux réseaux d’EDF. A cet effet, et selon l’article 14.3 de la directive 96/92/CE du 19 décembre 1996, les coûts des activités liées au transport sur le réseau doivent être séparés des autres coûts dans les comptes d’EDF. Le Conseil a, par ailleurs, recommandé de constituer le gestionnaire du réseau de transport (GRT) en établissement public autonome et demandé que des garanties crédibles d’indépendance soient données le concernant, s’il restait une division de l’opérateur dominant. Il a suggéré une tarification lisible « en timbre poste » (indépendant de la distance), fondée sur les seuls coûts de transport, afin de promouvoir un accès efficace. Le réseau français étant connecté aux réseaux des pays voisins, l’efficacité de ces mesures dépendra cependant des règles adoptées dans ces pays. Ainsi une tarification en fonction de la distance sur les réseaux intérieurs constituerait un obstacle au développement de la concurrence. 3 -Des incertitudes sur l’organisation des marchés et les formes de concurrence Les saisissants ont demandé au Conseil de se prononcer sur la nature des marchés pertinents, s’agissant de la répression des abus de position dominante. Selon eux, il y aurait un marché pertinent par tension de

raccordement et par tranche horo-saisonnière et, notamment, il y aurait un marché de la pointe. Etant donné que pour répondre à cette question il est nécessaire d’anticiper sur l’organisation future des marchés, le Conseil n’est en mesure que de formuler des conjectures et des suggestions. a – La demande et l’offre sur le marché final Les gros clients industriels qui seront bientôt éligibles ont une consommation d’électricité régulière (c’est la consommation des ménages, et donc des clients captifs, qui présente le plus de modulations selon les périodes horo-saisonnières et qui contribue le plus à la demande d’électricité durant les heures de pointe). Leur demande est modélisée par des courbes de charge annuelles assez plates, décomposables en fournitures permanentes (base) et semi-annuelles (semi-base). Les technologies performantes pour entrer sur un tel marché s’appuient sur les turbines à gaz (cycles combinés, cogénération si le besoin d’électricité est associé à celui de vapeur). Ces technologies sont moins sensibles aux économies d’échelle que les technologies traditionnelles, charbon et nucléaire. Elles autorisent l’apparition de producteurs de taille moyenne opérant en des points plus bas du réseau. Ces entrants bénéficieront de l’élimination des barrières institutionnelles due à l’entrée en vigueur de la directive européenne : ils pourront s’installer sur la base d’autorisations et pénétrer les marchés nationaux en s’installant aux frontières. Les coûts de développement des nouveaux équipements ayant tendance à décroître durablement, ils détiendront un avantage-coût naturel par rapport aux entreprises en place dotées de moyens anciens (représentant pour ces derniers des coûts échoués). Si les capacités d’exportation d’EDF en Europe sont aujourd’hui saturées, celles des concurrents de l’opérateur public situés de l’autre côté des frontières sont loin de l’être. Les opérateurs électriciens européens en place seront donc en mesure de concurrencer EDF sur le marché français. Compte tenu des surcapacités de production en Europe et de la stagnation de la demande, il est enfin possible qu’après une période d’observation, une vive concurrence par les prix s’instaure, qui laisserait peu de place pour les nouveaux entrants. b – Les marchés pertinents Il est probable que, comme en Californie, en Scandinavie ou en Angleterre, les producteurs et les grossistes d’Europe continentale confronteront à partir de mars 1999 leur offre et leur demande d’électricité sur un marché de gros. La structure du marché final est difficile à prévoir. Les exemples étrangers donnent à penser que les segmentations seront multiples et pourront notamment comporter une dimension temporelle. Le découpage de l’année en périodes horo-saisonnières utilisé dans le tarif d’EDF ne sera pas pertinent sur ce marché, d’une part parce que les transactions se feront sur la base de prix et non pas de tarifs, d’autre part

parce que la demande des acheteurs potentiels, (qui émanera de gros clients industriels ayant une courbe de charge assez plate) différera peu d’une période à l’autre. Les producteurs, petits ou grands, qui exploitent des moyens de pointe pourront se porter sur le marché de gros pour écouler leurs kilowattheures aux heures les plus chargées de l’année. 4 -Les subventions croisées Citant l’article 14.3 de la directive 96/92/CE , les saisissants s’inquiètent encore de la pratique possible par EDF de " subventions croisées entre les activités qu’elle exerce en situation de monopole et les secteurs ouverts à la concurrence « . Le Conseil a rappelé, dans son avis précité du 28 avril 1998, que » la coexistence au sein d’EDF d’activités sous monopole (approvisionnement de la clientèle captive, transport, distribution) et d’activités concurrencées (marché des éligibles) peut générer des pratiques de subventions croisées entre activités de nature à faciliter des pratiques de prix prédateurs à destination des clients éligibles, compensés par des surcoûts pesant sur les clients captifs, et à interdire l’accès au marché de compétiteurs potentiels « . Le Conseil a aussi souligné que » lorsqu’une entreprise détenant une position dominante sur un marché exerce à la fois des activités d’intérêt général et des activités ouvertes à la concurrence, le contrôle du respect des règles de la concurrence nécessite que soit opérée une séparation claire entre ces deux types d’activité, de manière à empêcher que les activités en concurrence ne puissent bénéficier pour leur développement des conditions propres à l’exercice des missions d’intérêt général, au détriment des entreprises opérant sur les mêmes marchés. Les autorités de concurrence considèrent généralement que la séparation des comptes constitue une condition nécessaire à l’exercice du contrôle du respect des règles de la concurrence. Au cas d’espèce, il est essentiel qu’EDF dispose d’une comptabilité appropriée permettant de vérifier l’absence de subventions croisées et de prix de prédation pour la vente d’électricité aux clients éligibles ". La vérification nécessaire de l’absence de subventions croisées entre marché captif et marché concurrentiel doit tenir compte des caractéristiques du secteur et de son histoire en France. EDF utilise depuis longtemps une tarification aux coûts marginaux de développement. Cette tarification crée une pression à l’efficience, car elle est fondée sur les coûts des équipements les plus performants et est actualisée périodiquement à la lumière de ceux-ci. Elle est construite avec l’outil qui sert à la gestion prévisionnelle du parc. Elle conduit à des résultats assez proches de ceux d’une tarification qui s’appuierait sur des moyennes de coûts marginaux réels prévisionnels sur les dix ou quinze années à venir. Elle fournit enfin un moyen pertinent d’affecter les charges fixes des centrales aux différentes heures, puis aux différents clients. Conserver les tarifs au coût de développement en ce qui concerne leur composante « production » pour les clients captifs paraît donc raisonnable. Pour prévenir les subventions croisées, le régulateur pourrait considérer ces tarifs comme un plafond pour les clients captifs, sous réserve que des procédures précises et détaillées soient mises en œuvre sous le contrôle d’un audit externe pour définir les points de vérification de ce processus et vérifier que lesdits tarifs correspondent à une allocation raisonnable des coûts comptables. 5 -Les prix prédateurs

Les parties saisissantes demandent ,enfin, au Conseil de définir le seuil de prédation à considérer au regard des spécificités du secteur électrique et les règles d’élaboration des prix à suivre pour éviter la prédation. Elles demandent si " en particulier, dans le domaine de la pointe,(on ne peut pas) considérer le seuil de prédation comme la somme du coût complet de la dernière installation appelée et du coût de développement des réseaux, majoré de la réserve nécessaire pour faire face aux fluctuations aléatoires de la pointe ". Elles avancent qu’EDF pratiquerait une politique de tarifs de l’électricité prédateurs sur le marché final de la période de pointe. a – La jurisprudence sur les prix prédateurs L’entrée sur un marché peut être difficile parce qu’il existe des barrières naturelles à l’entrée ou parce que les opérateurs en place tentent de s’y opposer, en pratiquant, notamment, des prix prédateurs. Le Conseil de la concurrence a défini les prix de prédation, c’est-à-dire destructeurs de concurrence sur le marché dans lequel ils sont pratiqués, dans une décision n°94-D-30 du 24 mai 1994 relative à une saisine de la SARL Sobéa concernant la situation de la concurrence sur le marché du béton prêt à l’emploi ; il a retenu : " que le fait pour un producteur qui dispose d’une position dominante et est confronté à la concurrence d’un nouvel entrant pratiquant des prix compétitifs de chercher à l’éliminer en vendant son produit à un prix inférieur à son coût moyen variable constitue un abus anticoncurrentiel de sa position dominante ; (…) ; que, par ailleurs, le fait pour un producteur dominant confronté à l’apparition d’un nouvel entrant de réagir en pratiquant des prix inférieurs à ses coûts moyens totaux mais supérieurs à ses coûts moyens variables peut être regardé comme un abus anticoncurrentiel de position dominante s’il est établi que cette stratégie avait pour objet ou pouvait avoir pour effet d’interdire au nouveau concurrent de se maintenir sur le marché ". Cette analyse a été confirmée par la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 3 novembre 1994, qui a fait l’objet d’un pourvoi rejeté par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 février 1997 (n° 274 D). Il résulte de ces décisions que le seuil de prédation peut être apprécié par rapport aux coûts variables moyens et qu’ainsi il est légitime, pour déterminer l’existence de prix prédateurs, de comparer le prix de vente unitaire et les coûts variables moyens de production de l’entreprise, ceux-ci étant calculés à partir de la comptabilité analytique de l’entreprise concernée. Dans la droite ligne de la jurisprudence Akzo (CJCE 3 juillet 1991) et Tetra Pak International SA (CJCE 14 novembre 1996) et dans un avis n° 97-A-18 du 8 juillet 1997 relatif à une demande d’avis du ministre délégué aux finances et au commerce extérieur concernant l’application de l’article 10-1 de l’ordonnance au secteur du disque, le Conseil de la concurrence a rappelé sa jurisprudence relative aux prix de prédation en la précisant : " Lorsqu’une entreprise en position dominante fixe son prix de vente en dessous de ses coûts variables, la présomption de sa volonté d’éviction de son ou de ses concurrents est établie ; lorsque son prix de vente est inférieur à ses coûts totaux, la volonté d’élimination de son ou de ses concurrents doit être démontrée à partir de l’analyse des pratiques et du comportement de leur auteur ". Les prix pratiqués doivent revêtir un caractère de prédation, " c’est-à-dire avoir pour objet ou pouvoir avoir pour effet d’éliminer d’un marché ou d’empêcher d’accéder à un marché une entreprise ou l’un de ses produits ". Il a, d’autre part, retenu que les « prix abusivement bas » prévus par l’article 10-1 de l’ordonnance de 1986

s’inscrivent dans la droite ligne de la jurisprudence communautaire et nationale sur les prix de prédation, la pratique de prix abusivement bas pouvant être sanctionnée en l’absence de position dominante ou d’entente, contrairement aux prix de prédation qui ne peuvent être sanctionnés que s’ils résultent d’une entente ou d’un abus de position dominante. b – Les prix prédateurs dans le secteur électrique Dans un avis du 10 mai 1994 sur la diversification des activités d’EDF-GDF (n° 94-A-15), le Conseil de la concurrence a souligné le fait que " compte tenu de leur puissance financière, EDF et G.D.F. sont en état de supporter des pertes élevées dans leurs activités de diversification pendant un temps suffisamment long, et par conséquent de proposer des prestations à des prix anormalement bas ne permettant pas à la concurrence de s’aligner durablement ". Cette puissance financière peut aussi s’exercer sur le marché libre de l’électricité, vis à vis de petits producteurs. Le Conseil a, par ailleurs, considéré dans son avis précité du 28 avril 1998 que les autorités de régulation du secteur devraient " contrôler l’action de l’opérateur historique sur ce marché libre du kilowattheure et sur les marchés de services ". Les prix proposés par l’opérateur aux consommateurs éligibles ne seront pas réglementés par l’administration et ne seront pas publiés, mais ils devront être fixés dans le respect des « règles de droit commun » du droit de la concurrence rappelées ci-dessus (les tarifs applicables aux consommateurs captifs et à l’accès aux réseaux restant régulés), dans des conditions telles que les autorités de concurrence puissent en assurer l’application, et notamment de la doctrine traditionnelle des prix de prédation. Sur tout marché déclaré pertinent dans le secteur électrique, il ne semble pas qu’il puisse y avoir de difficultés particulières pour déterminer les coûts variables associés aux produits (c’est-à-dire aux fournitures) concernés en agrégeant les coûts marginaux horaires réels de l’opérateur, dès lors que celui-ci est obligé d’effectuer leur calcul pour la gestion de son parc. Il devrait donc être possible, dans le secteur de l’électricité, de se fonder sur des coûts plus précis et plus détaillés que les coûts variables moyens observés pendant une période donnée, qui sont souvent les seuls coûts disponibles dans de nombreux secteurs. En agrégeant les coûts marginaux horaires de développement que l’opérateur utilise pour calculer les tarifs aux clients captifs (sous la réserve exposée plus haut relative au découpage horaire), il sera aussi possible de déterminer un coût pour les fournitures qui, ayant le caractère d’un coût complet, représentera le coût total au- dessus duquel l’accusation de prédation sur le marché concurrentiel ne peut être retenue. Pour pouvoir appliquer la réglementation concernant les prix prédateurs, les autorités de régulation devront donc pouvoir et pourront, puisqu’ils existent, disposer de l’état des coûts marginaux de court terme d’EDF et de l’état des coûts de développement fondant ses tarifs aux clients captifs. La fiabilité de ces états passe par une garantie sur le mode d’utilisation de l’outil de gestion du parc de production qui sert à leur établissement (assurance déjà requise pour le contrôle des subventions croisées). Délibéré, sur le rapport de Mme Irène Luc et M. Raymond Leban, par Mme Hagelsteen, présidente, Mme Pasturel, vice-présidente, MM. Cortesse et Jenny, vice-présidents, M. Bon, Mme Boutard-Labarde, MM. Callu, Lasserre, Marleix, Pichon, Robin, Rocca, Sloan et Thiolon, membres.

Le rapporteur général suppléant La présidente Marie-Hélène Mathonnière Marie-Dominique Hagelsteen © Conseil de la concurrence

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    • Avis n° 98-A-22 du 8 décembre 1998

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ADLC, Avis du 8 décembre 1998 relatif à deux demandes d'avis sur les principes devant guider et encadrer la politique tarifaire d'EDF, 98-A-22