Décision de la Commission des sanctions du 3 novembre 2004 à l'égard de MM. A, B et la société X

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
AMF, 3 nov. 2004, n° SAN-2004-16
Numéro : SAN-2004-16
Identifiant AMF : SAN-2004-16

Sur les parties

Texte intégral

—  2 – Commission

des sanctions

DECISION DE SANCTION A L’EGARD DE M. A, DE M. B ET DE LA SOCIETE X

La Commission des sanctions,

VU le Code monétaire et financier et notamment les articles L. 621-14 et L. 621-15 ;

VU le Code de commerce et notamment ses articles L. 225-38, L. 225-39, L. 225-40, L. 225-56, L. 233-16 et suivants ;

VU la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, et notamment ses articles 101, 102 et 117 ;

VU la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière, notamment ses articles 47 et 49-IV ;

VU le décret n° 2003-1109 du 21 novembre 2003 relatif à l’Autorité des marchés financiers (AMF) ;

VU le règlement n° 90-08 de la Commission des opérations de bourse (COB) relatif à la détention et l’utilisation d’une information privilégiée ;

VU le règlement n° 98-07 de la COB relatif à l’obligation d’information du public ;

VU le règlement n° 99-02 du Comité de la réglementation comptable ;

VU les notifications de griefs en date du 12 septembre 2003 adressées par la COB à la société X et à MM. A et B à titre personnel ;

VU les lettres du 23 décembre 2003 par lesquelles M. Alain Ferri informait la société X et MM. A et B que la procédure ouverte dans le cadre des notifications de griefs précitées se trouvait poursuivie devant la Commission des sanctions de l’AMF, conformément aux dispositions de l’article 49-IV de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière et qu’il était désigné comme Rapporteur, en remplacement de Mme Monique Bourven ;

VU les observations écrites présentées le 8 mars 2004, puis le 23 juillet 2004 (traduction de pièces) par M. A, le 12 mars puis le 10 septembre 2004 (traduction) par Mes Veil et Rosenfeld pour M. B, le 10 mars puis le 10 septembre 2004 (traduction) par Me Pisani pour la société X ;

VU le compte-rendu des auditions de M. A le 24 mai 2004, de M. B le 25 mai 2004 et de la société X, représentée par M. C, le 15 juin 2004 ;

VU la lettre du 13 juillet 2004 adressant le rapport signé du Rapporteur aux personnes mises en cause et la lettre de convocation à la séance du 28 octobre 2004, signifiée par huissier le 26 août 2004 ;

VU les observations en réponse au rapport du Rapporteur de Mes Veil et Rosenfeld au profit de M. B, de Me Hervé Pisani pour la société X et de Mes Metzner et Pasturel pour M. A, en date du 10 septembre 2004 ;

VU les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu au cours de la séance du 28 octobre 2004 :

- M. le Rapporteur en son rapport,
- M. Jean-Baptiste Massignon, Commissaire du Gouvernement, qui a indiqué ne pas avoir d’observations à formuler,
- Mme F, à la requête de M. A et M. G à celle de la société X, en application de l’article 20-II du décret n° 2003-1109 précité,
- M. C, représentant la société X dont il est le Président, puis M. D, Directeur général adjoint et directeur financier de cette société disposant d’un mandat pour le représenter après son départ,
- Mes Jean-Michel Darrois et Hervé Pisani, conseils de la société X,

—  3 –
- Mes Jean Veil et Emmanuel Rosenfeld, conseils de M. B,
- Mes Olivier Metzner et Diane Pasturel, conseils de M. A ;

- M. B,
- M. A, les personnes mises en cause ayant eu la parole en dernier.

I – FAITS ET PROCEDURE

Les investigations effectuées, d’une part, sur l’information financière délivrée à partir du 31 décembre 2000 par la société X dont, à l’époque des faits, M. A était le président directeur général et M. B le directeur financier, directeur général adjoint, d’autre part, sur le marché des titres des sociétés Y et X, ont permis de constater un certain nombre de faits, précisés dans le rapport d’enquête établi par le Service de l’inspection de la COB.

 Désignation du Rapporteur de la COB

Le 5 septembre 2003, conformément à l’article 2 de l’ordonnance du 28 septembre 1967 et à l’article 5 du décret n° 90-263 du 23 mars 1990 modifié, alors en vigueur, le président de la COB a désigné, à la demande du directeur général, Mme Monique Bourven, membre de la Commission, en qualité de Rapporteur dans la procédure concernant la société X, M. A et M. B.

 Notification des griefs

Le 12 septembre 2003, Mme Monique Bourven a notifié des griefs :

- à la société X et à MM. A et B sur le fondement des articles 1, 2, 3 et 4 du règlement n°98-07 de la COB, relatifs à l’obligation d’information du public au motif qu’ils auraient diffusé une information financière sur la base de méthodes de consolidation des sociétés S, T et U susceptibles d’être inappropriées et procédé à une communication inexacte, incomplète et donc trompeuse sur l’endettement, les résultats et la trésorerie du groupe X,
- de surcroît, à MM. A et B sur le fondement des articles 1 et 2 du règlement n° 90-08 de la COB, relatifs à la détention et à l’utilisation d’une information privilégiée, à raison de la cession de leurs actions X les 21 et 27 décembre 2001, alors qu’ils pouvaient détenir certaines informations, inconnues du public, relatives notamment :  à l’absence de « cash flow » net positif de la société X durant le second semestre 2001 ;  au risque de perdre les disponibilités importantes constituées par la trésorerie de la société S, mise à disposition de la société X aux termes d’une convention de compte- courant dont l’échéance était fixée fin décembre 2001 ;

 aux engagements de cessions d’actifs pris auprès d’une agence de notation ;

 Délais initialement fixés aux mis en cause pour répondre à la notification des griefs

Des nécessités pratiques d’organisation, eu égard au volume exceptionnel que représentaient les pièces de la procédure et aux nécessités de leur reproduction, ont conduit le Rapporteur à différer leur mise à la disposition des mis en cause à une date qui leur a été notifiée ultérieurement. Il leur a donc été indiqué dans les notifications de griefs qu’ils étaient invités à faire parvenir au Rapporteur leurs observations écrites dans un délai de trois mois à compter de la date à partir de laquelle les pièces du dossier leur seraient accessibles. Le 29 octobre 2003, le Rapporteur a fait savoir à la société X et à MM. A et B que les pièces de la procédure étaient désormais tenues à leur disposition et qu’en conséquence le délai de trois mois pour faire parvenir leurs observations commençait à courir à compter de la réception de la lettre les en informant.

 Désignation du Rapporteur de la Commission des sanctions de l’AMF

Le 28 novembre 2003, le président de la Commission des sanctions de l’AMF a désigné parmi les membres de la Commission des sanctions M. Alain Ferri, en qualité de Rapporteur, en remplacement de Mme Bourven, précédemment désignée, celle-ci ne comptant pas au nombre des membres de la Commission des sanctions. Les mis en cause ont été informés de cette désignation par lettres en date du 23 décembre 2003.

 Dépôt des observations des mis en cause

—  4 – A la suite de demandes qui lui ont été adressées, le Rapporteur a accordé aux mis en cause plusieurs délais supplémentaires expirant finalement le 8 mars 2004, pour ce qui concerne MM. A et B, et le 10 mars 2004 pour la société X.

Le 8 mars 2004, des observations ont été adressées par Mes Metzner et Pasturel dans l’intérêt de M. A et par Mes Veil et Rosenfeld dans l’intérêt de M. B.

Le 10 mars 2004, Me Pisani a adressé des observations dans l’intérêt de la société X.

 Auditions effectuées par le Rapporteur de la Commission des sanctions de l’AMF

Le 24 mai 2004, le Rapporteur a procédé à l’audition de M. A à sa demande.

Le 25 mai 2004, le Rapporteur a entendu M. B qui, par lettre du 14 mai 2004 avait précisé ne pas le demander et vouloir assister à l’audition de M. A, ce qui a été refusé, un débat entre les mis en cause pouvant intervenir ultérieurement, jusque et y compris, comme ce fut le cas, devant la Commission des sanctions.

Le 15 juin 2004, le Rapporteur a entendu la société X, représentée par son Président, M. C. Le même jour, le Rapporteur a écrit à la société X, à M. A et à M. B afin de leur préciser qu’il ne lui paraissait pas utile de procéder aux autres auditions sollicitées.

Le 5 juillet 2004, le Rapporteur a adressé une lettre à chacun des mis en cause pour leur préciser que les éléments de leur argumentation exprimés en anglais ne pourraient pas être pris en considération.

En réponse à la demande de M. A, le Rapporteur a convoqué Mme F, directeur de la presse et des relations publiques de la société X, à la date du 13 juillet 2004. Elle ne s’est pas présentée et le Rapporteur a ensuite estimé qu’elle pourrait être entendue par la Commission des sanctions en séance.

 Envoi du rapport et convocation à la séance

Le 13 juillet 2004, le rapport signé du Rapporteur a été adressé à la société X, à M. A et à M. B.

Une lettre de convocation à la séance du 28 octobre 2004, ouvrant un délai de quinze jours francs pour que les personnes mises en cause fassent connaître leurs observations sur le rapport du Rapporteur, a été remise par acte d’huissier le 26 août 2004 à la société X, à M. A et à M. B.

Par lettres en date respectivement des 20 et 14 octobre 2004, Mme F et M. G ont été invités à se présenter le 28 octobre 2004 devant la Commission des sanctions de l’AMF pour y être entendus, en application de l’article 20-II du décret 2003-1109 susvisé.

Le 10 septembre 2004, Mes Veil et Rosenfeld, pour M. B, Me Hervé Pisani pour la société X et Mes Metzner et Pasturel pour M. A ont déposé des observations en réponse au rapport du Rapporteur.

II – SUR LES MANQUEMENTS

Considérant qu’à titre liminaire, les conseils des parties soutiennent :

- pour M. B, que l’instruction du rapport n’a été conduite qu’à charge, aucune audition de tiers n’ayant été effectuée ;

- pour la société X, que le Rapporteur ne pouvait, ni reprendre à son compte les griefs sans avoir examiné les arguments des mis en cause, ni formuler de nouveaux griefs à propos de la consolidation de la société U ou de la communication sur l’endettement, ni refuser de procéder aux auditions sollicitées ;

- pour M. A, d’une part, que l’enquête et le rapport n’ont pas été conduits de manière contradictoire et impartiale, le dossier ne comportant pas toutes les pièces dont disposerait l’AMF et les auditions demandées au Rapporteur, dont celle de Mme F, n’ayant pas été effectuées, d’autre part, qu’il convient que la présente Commission décide de surseoir à statuer jusqu’à la fin de l’information judiciaire en cours afin que certaines pièces du dossier pénal puissent être produites devant elle ;

Considérant, tout d’abord, qu’il ne saurait être fait grief à l’enquête de ne pas avoir organisé une procédure contradictoire qui, à ce stade, n’est exigée par aucun texte ; que le principe du contradictoire, qui doit être mis en œuvre à partir de la désignation du Rapporteur et s’applique aux seules pièces figurant dans le dossier dont celui-ci est saisi, implique que chacune des parties ait accès à la procédure et puisse

—  5 – s’expliquer sur son contenu ; que tel a été le cas en l’espèce, puisque tous les mis en cause ont eu communication du dossier, ont été entendus par le Rapporteur et ont pu produire les documents qu’ils estimaient utiles à leur défense ;

Considérant que les appréciations portées par le Rapporteur, d’un côté sur les manquements dont il était saisi, de l’autre sur le fonctionnement de la société U ou sur les dettes de la société X, relèvent de sa liberté d’analyse, et ne peuvent en aucun cas être assimilées à une extension des griefs ;

Considérant qu’il est exact qu’en ce qui concerne les personnes susceptibles d’apporter leur témoignage, le Rapporteur n’a accédé qu’à la demande d’audition de Mme F et n’a pu y procéder le 13 juillet 2004, celle-ci, convoquée, ne s’étant pas présentée; qu’aucun reproche ne peut lui être fait, dès lors qu’il lui appartient d’apprécier les suites à réserver à de telles demandes ; qu’il s’en est d’ailleurs expliqué dans son rapport ; qu’avant la séance, la présente Commission a mis l’ensemble des parties en mesure de solliciter les auditions qu’elles souhaitaient et a répondu favorablement à toutes les demandes ; qu’ainsi, ont été entendus en séance Mme F et M. G, M. H et M. I ne s’étant, quant à eux, pas présentés ; que Mme F, M. H et M. I ont en outre déposé des documents écrits, qui ont été joints à la procédure ; que le principe du débat contradictoire a donc été pleinement respecté ;

Considérant, enfin, que le code de procédure pénale permet aux avocats des mis en examen, s’ils l’estiment utile, de demander au procureur de la République de les autoriser, avec l’accord du magistrat instructeur, à verser dans une autre procédure certaines des pièces de l’information en cours ; que les avocats de M. A ne sauraient, alors qu’ils ne paraissent pas avoir déposé la moindre requête en ce sens, obtenir de la présente Commission un sursis à statuer dont ils ne justifient aucunement l’utilité ;

PREMIERE PARTIE : SUR LES MANQUEMENTS LIES A LA COMMUNICATION FINANCIERE DE LA SOCIÉTÉ X

Considérant qu’il est reproché à la société X représentée par M. C, à M. A, président directeur général et à M. B, directeur général adjoint et directeur financier, d’avoir, de 2000 à 2002, diffusé une information financière trompeuse au sens des articles 1er à 4 du règlement n° 98-07 de la COB, d’une part en employant des méthodes inappropriées de consolidation pour les sociétés S, T et U (I), d’autre part en procédant à une communication inexacte ou incomplète sur l’endettement, les résultats et la trésorerie du groupe X (II) ;

Considérant qu’avant d’examiner chacun de ces griefs, il convient de rechercher dans quelle mesure la délivrance de l’information financière est imputable à chacun des mis en cause ;

Considérant que le règlement susvisé dispose notamment :

en son article 1er : Au sens du présent règlement :

- le terme “émetteur” désigne une personne morale ayant le statut d’émetteur faisant appel public à l’épargne ou dont les instruments financiers sont supports d’un contrat à court terme ou d’un instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé ;

- le terme “personne” désigne une personne physique ou une personne morale. Les dispositions du présent règlement sont également applicables aux dirigeants de l’émetteur ou de la personne morale concernés.

en son article 2 : L’information donnée au public doit être exacte, précise et sincère.

en son article 3 : Constitue, pour toute personne, une atteinte à la bonne information du public la communication d’une information inexacte, imprécise ou trompeuse. Constitue également une atteinte à la bonne information du public sa diffusion faite sciemment.

en son article 4 : Tout émetteur doit, le plutôt possible, porter à la connaissance du public tout fait important susceptible, s’il était connu, d’avoir une incidence significative :

- sur le cours d’un instrument financier ou sur la situation et les droits des porteurs de cet instrument financier ;

- ou sur le cours du contrat à terme ou de l’instrument financier admis aux négociations sur un marché réglementé mentionnés à l’article 1er ;

—  6 – Toutefois, il peut prendre la responsabilité de décider de différer la publication d’une information de nature à porter atteinte à ses intérêts légitimes s’il est en mesure d’en assurer la confidentialité.

Considérant que MM. A, président directeur général de la société X au cours de la période visée, et M. C, en qualité de représentant actuel de ce groupe, ne contestent pas leur responsabilité respective en matière de communication financière ; qu’après avoir décrit l’organisation de la direction de la société X et précisé les délégations de pouvoir qu’il avait signées, le premier s’est borné à regretter que n’ait pas été recherchée la responsabilité individuelle de chacun des administrateurs ; qu’à les supposer établis, ces manquements sont donc à l’évidence imputables à la société X, personne morale émettrice au sens de l’article 1er susvisé, et, indépendamment des délégations qu’il a pu consentir, à son dirigeant M. A ; qu’il convient d’examiner s’ils le sont également à M. B, celui-ci soutenant que sa responsabilité ne saurait être recherchée ni sur le fondement de l’article 4, applicable au seul émetteur, ni sur le fondement de l’article 3 dès lors qu’en sa qualité de préposé, il ne détenait aucun mandat social, n’ayant été désigné ni par le conseil d’administration, ni par l’assemblée générale des actionnaires ;

Considérant que la communication financière dont il n’était pas personnellement l’auteur ne pourrait être imputée à M. B qu’autant que celui-ci apparaîtrait comme l’un des « dirigeants de l’émetteur » au sens de l’article 1er susvisé; que, nommé en décembre 1996 directeur financier de la […] devenue la société X, il avait à ce titre « la responsabilité directe des services suivants : la comptabilité, la fiscalité, la trésorerie, l’audit» (cote 799) ; qu’il était également administrateur dans plusieurs des filiales, membre du comité exécutif dit « comex » et, depuis 1999, désigné comme directeur général adjoint par M. A » ;

Considérant que, si l’article 117 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 énonçait que les directeurs généraux disposaient, à l’égard des tiers, des mêmes pouvoirs que le président du conseil d’administration et s’il résulte des dispositions de l’article L. 225-56 du Code de commerce issu de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, d’une part, que « le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société », d’autre part que « les directeurs généraux délégués disposent, à l’égard des tiers, des mêmes pouvoirs que le directeur général », aucun de ces deux textes successifs ne précise le statut du directeur général adjoint ; que la jurisprudence a parfois retenu sa responsabilité personnelle, mais seulement dans des secteurs déterminés, où le directeur général adjoint avait été investi de pouvoirs spécifiques (C. Cassation, chambre commerciale, 30/01/1963 B.76 et 7/11/1977 B.215) ; que, contrairement à ce qu’a soutenu M. A, ni celui-ci, ni le conseil d’administration n’ont donné de délégation de pouvoirs à M. B dans les domaines de la consolidation des comptes ou de la communication financière ;

Considérant qu’à défaut d’avoir été désigné par le conseil d’administration ou investi de pouvoirs particuliers, M. B, qui n’était pas lui-même administrateur de la société X, ne saurait donc être regardé, au sens du règlement susvisé, comme responsable de la communication ; que, hors les cas où il a personnellement été l’auteur de la communication, sa responsabilité ne peut être recherchée en ce domaine, alors surtout que c’était le conseil d’administration, auquel les communiqués de la société X étaient soumis, qui les arrêtait dans leur forme définitive et décidait de leur publication ;

I – SUR LES METHODES DE CONSOLIDATION RETENUES

1. SUR LES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA REGLEMENTATION SUR LES COMPTES CONSOLIDES

Considérant que la loi n° 85-11 du 3 janvier 1985 relative aux comptes consolidés, dont les dispositions ont été insérées dans les articles L. 233-16 et suivants du Code de commerce, venait consacrer une évolution des règles de l’information comptable née avec la loi du 24 juillet 1966 et tendant à mieux appréhender l’unité économique constituée par une société mère et ses filiales ; qu’elle a été l’occasion, comme en témoignent les travaux parlementaires, « à la fois de coordonner notre modernisation du droit des sociétés avec les directives européennes et d’adapter cette modernisation à la vraie réalité française » (M. Pierre Bourguignon, Rapporteur, J.O. Assemblée Nationale, séance du 11 octobre 1984) en soumettant à une obligation de consolidation des comptes toute société qui exerce sur une autre un contrôle « exclusif » ou « conjoint », ou encore « une influence notable », la méthode à utiliser devant être, respectivement, l’intégration globale, l’intégration proportionnelle ou la mise en équivalence ; qu’il s’agissait de mettre en place un dispositif contraignant et cohérent, destiné à l’information des associés et des créanciers, qui auraient ainsi accès à une « image fidèle du patrimoine, de la situation financière, ainsi que du résultat de l’ensemble économique constitué par les entreprises comprises dans la consolidation » (Robert Badinter, exposé des motifs, J.O. Assemblée Nationale, séance du 11 octobre 1984) ; que ce souci de communiquer aux actionnaires « un simple document d’information » distinct des bilans soumis à leur approbation (ibid) a conduit le législateur à adopter des règles strictes, mais aussi simples que possible, destinées à unifier et à clarifier la présentation des comptes consolidés ; que c’est en

—  7 – considération d’un tel objectif qu’il convient d’examiner l’article L. 233-16 du Code de commerce, dont le contenu a été précisé par le règlement n° 99-02 du Comité de la réglementation comptable homologué le 22 juin 1999 ;

- Le contrôle exclusif :

Considérant que le « contrôle exclusif » d’une société impliquant une consolidation par intégration globale résulte nécessairement, en vertu du II de l’article L. 233-16 dudit code, soit de « la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote » (1°) soit de « la désignation, pendant deux exercices successifs, de la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance »

cette désignation étant présumée lorsque la société « a disposé au cours de cette période d’une fraction supérieure à 40% des droits de vote, et qu’aucun autre…..ne détenait une fraction supérieure à la sienne » (2°), soit, enfin, du « droit d’exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d’un contrat ou de clauses statutaires » (3°) ; qu’à partir de ces critères alternatifs, la loi établit une hiérarchie entre ces trois formes de contrôle, chacune excluant en principe les deux autres, comme le font ressortir les travaux parlementaires (cf. notamment les déclarations de Robert Badinter au J.O du Sénat, séance du 12 décembre 1984, pages 4463 et 4464) ;

Considérant que la détention de la majorité des droits de vote est la forme la plus achevée et la moins contestable du contrôle exclusif ; qu’elle est en principe incompatible avec le contrôle visé au 2° et subordonné à la détention, par une autre société, de droits de vote au moins équivalents ; qu’elle n’est dès lors susceptible d’être remise en cause que par une convention donnant à un associé minoritaire « l’influence dominante » visée au 3° de l’article L. 233-16-II et définie par l’article 1002 du règlement n°99-02 susvisé ;

Considérant que ce dernier texte subordonne l’exercice d’une influence dominante, non seulement au « pouvoir de diriger les politiques financière et opérationnelle d’une entreprise », exigé pour caractériser chacune des trois formes de contrôle « exclusif », mais aussi à « la possibilité d’utiliser ou d’orienter l’utilisation des actifs de la même façon que ses propres actifs »… c’est-à-dire de se comporter comme si la société « sous influence » était la sienne propre ;

Considérant, en conséquence, que le contrôle exclusif résultant de la détention de la majorité des droits de vote ne peut être remis en cause que par une convention privant l’associé majoritaire de la direction financière et opérationnelle ainsi que de l’utilisation et de l’orientation des actifs de l’entreprise au profit d’un minoritaire qui disposerait de ces pouvoirs de manière prédominante ; qu’en dehors de cette hypothèse où le minoritaire pourrait lui imposer ses décisions, l’associé disposant de la majorité des droits de vote est réputé exercer un contrôle exclusif le contraignant à une consolidation par intégration globale ;

- le contrôle conjoint :

Considérant que le « contrôle conjoint » d’une société, impliquant une consolidation par intégration proportionnelle, est défini par le III de l’article L. 233-16 susvisé comme « le partage du contrôle d’une entreprise exploitée en commun par un nombre limité d’associés, de sorte que les décisions résultent de leur accord » ; que, selon l’article 1003 du règlement n° 99-02, cette forme de contrôle suppose, d’une part, un nombre limité d’associés, aucun n’étant susceptible d’exercer un contrôle exclusif, d’autre part, un accord prévoyant l’exercice du contrôle conjoint sur l’activité économique de l’entreprise et établissant les décisions qui nécessitent le consentement de tous ; que ce système implique le plus souvent l’existence, au profit de chacun de ceux exerçant le contrôle, de droits de veto qui, allant au-delà de ceux normalement consentis aux minoritaires dans les domaines (statuts, capital, liquidation…) affectant la vie de la société, peuvent s’étendre à son fonctionnement : budget, plan d’entreprise, grands investissements, nomination des cadres supérieurs…

Considérant que le contrôle conjoint se distingue donc du contrôle exclusif en ce qu’aucun des partenaires ne peut, s’agissant de la politique financière et opérationnelle, imposer ses décisions aux autres ;

- l’influence notable :

Considérant que « l’influence notable » sur la gestion et la politique financière d’une entreprise, impliquant une consolidation par mise en équivalence, est présumée, selon le IV de l’article L. 233-16 du code de commerce, « lorsqu’une société dispose, directement ou indirectement, d’une fraction au moins égale au cinquième des droits de vote de cette entreprise » ; que c’est la forme la moins aboutie de la consolidation, qui intervient lorsque les conditions d’une intégration globale ou proportionnelle ne sont pas réunies et qui consiste à substituer, à la valeur comptable des titres, la quote-part qu’ils représentent dans les capitaux propres de l’entreprise consolidée ;

—  8 –

Considérant que doit maintenant être définie, au regard de ces principes directeurs, la situation dans laquelle se trouvait la société X en sa qualité d’actionnaire des sociétés S et T, intégrées globalement dans ses comptes, ainsi que de la société U, simplement mise en équivalence ;

Considérant que, pour la société S, où la majorité des droits de vote était détenue par la société X, il faut examiner si le pacte conclu donnait à un autre associé le pouvoir, non seulement de diriger les politiques financière et opérationnelle, mais aussi d’utiliser les actifs de la société de la même façon que les siens propres, une réponse négative à cette question impliquant le contrôle exclusif du détenteur de la majorité des droits de vote ; que, s’agissant des sociétés T et U, il convient de rechercher, au regard des conventions successives qui ont régi leur fonctionnement en 2001, si la société X avait bien une influence dominante dans la première et si, dans la seconde, elle n’exerçait pas un contrôle conjoint, voire une influence dominante ;

2. SUR L’APPLICATION DES REGLES DE CONSOLIDATION AUX TROIS SOCIETES

a) Sur la société S

Considérant qu’il est reproché à MM. A, B et à la société X d’avoir publié des informations inexactes, imprécises et trompeuses au sens des articles 1er à 4 du règlement COB n 98-07 en ayant procédé à la consolidation de la société S par intégration globale dans les comptes du groupe X au titre des exercices 2000, 2001 et 2002 ;

Considérant que, directement ou indirectement par le biais de […], la société X détenait 44% du capital de la société S et exerçait 59,1% des droits de vote ; que les autres actionnaires étaient les sociétés […], […] et […] détentrices, respectivement, la première de 26%, chacune des deux dernières de 15% du capital ; que, disposant de la majorité des droits de vote et de cinq représentants au sein du conseil d’administration qui comportait neuf membres, la société X exerçait de plein droit un contrôle exclusif sur la société S, sauf à démontrer l’existence d’une convention qui aurait transféré à un minoritaire la direction “financière et opérationnelle” ainsi que l’utilisation ou l’orientation des actifs de cette société ;

Considérant qu’a été signé le 14 mai 1997 un pacte d’actionnaires créant, pour assister le conseil d’administration de la société S, divers comités, dont le “comité exécutif”, composé d’un représentant de chacun des quatre actionnaires et du directeur général ; que ce comité avait pour rôle de parvenir à une position commune à tous les partenaires, dits “strategic partners”, pour les décisions stratégiques, commerciales, financières et technologiques de la société S et de ses filiales, qui n’étaient soumises au conseil d’administration qu’après qu’il les eut approuvées ; qu’en principe, l’unanimité était requise, avec une gradation selon la nature des décisions ; qu’en effet, chacun disposait :

- d’un droit de veto pour les éléments tenant à l’existence ou à la structure de la société, tels que le changement de l’objet social, des statuts ou du pacte d’actionnaires, les opérations sur le capital emportant une dilution de la participation d’un partenaire ou la prise de participation pour un montant supérieur à un milliard de francs, ainsi que pour toute opération entre l’un des partenaires stratégiques et la société S ou l’une de ses filiales ;

- de droits de blocage, intitulés “specific consent rights”, dans des domaines tels que l’approbation des budgets, des plans d’affaires et des comptes annuels, les propositions d’arrêtés des comptes, les investissements et les cessions d’actifs, la nomination des directeurs généraux, les changements dans la politique des dividendes…

Considérant qu’était prévue, pour éviter que cette règle de l’unanimité ne paralyse le fonctionnement de l’entreprise, la procédure de résolution des différends (dite “dispute”) ; qu’instituée pour une durée de 50 jours, elle prévoyait une nouvelle délibération du comité exécutif suivie, en cas de désaccord persistant d’un des partenaires, d’une lettre de refus (dite « dissent notice ») de ce dernier soumise aux présidents des sociétés actionnaires, qui s’efforçaient de résoudre le différend ; que, s’ils n’y parvenaient pas, la décision était prise par le conseil d’administration statuant à la majorité de ses membres, la société X étant donc en mesure de faire prévaloir son point de vue ; que dans l’hypothèse, toutefois, où la partie à laquelle la décision avait été imposée estimait que celle-ci n’avait pas été prise de bonne foi ou était contraire à l’intérêt de la société S, elle pouvait, usant de son droit de recours, dit “escalation”, saisir aux fins de se voir allouer des dommages-intérêts le tribunal arbitral siégeant à Paris, composé et fonctionnant selon les règles de la Chambre de Commerce internationale ; que cette procédure, qui ne présentait pas de risque majeur pour la société X, n’a été utilisée qu’une fois, dans l’affaire “…”, pour aboutir à un désistement d’instance du partenaire qui s’était opposé à elle ;

Considérant, en définitive, qu’au-delà des procédures organisées par le pacte pour favoriser la concertation et protéger les apports des associés, les décisions concernant la société S ne pouvaient

—  9 – jamais être imposées à la société X et relevaient, in fine, du conseil d’administration, dominé par cette dernière ; que la convention, loin d’enlever à la société X, pour les donner à un autre actionnaire, ses pouvoirs dans la direction financière ou opérationnelle et dans l’orientation des actifs de la société S, lui laissait en principe le dernier mot ; que le contrôle exclusif exercé par la société X n’ayant été conventionnellement, ni remis en cause, ni transféré à un minoritaire, cette société se devait, conformément aux dispositions de l’article L. 233-16 du Code de commerce, d’appliquer à la société S les règles de la consolidation par intégration globale ; que le manquement reproché n’est donc pas constitué ;

b) Sur la société T

Considérant qu’il est également reproché aux trois mis en cause d’avoir publié des informations inexactes, imprécises et trompeuses au sens des articles 1er à 4 du règlement COB n 98-07 en ayant procédé, dans les comptes de l’exercice 2001 et dans le document de référence de la même année, à la consolidation par intégration globale de la société T ;

Considérant qu’à la suite de l’appel d’offre lancé par le Royaume du Maroc pour l’acquisition de 35% du capital et des droits de vote de la société T, la société X a fait, le 19 décembre 2000, une offre de 2,3 milliards d’euros, qui était élevée et a dès lors été retenue d’emblée ; que, courant février 2001, a été signé un premier avenant à la cession initiale, entré en vigueur le 26 avril suivant, qui comportait un engagement de l’actionnaire majoritaire de vendre le 28 février 2002 une fraction supplémentaire de 16% du capital et des droits de vote de la société T à la société X, celle-ci s’engageant à acheter le second lot d’actions au même cours que les premières et devenant un “partenaire stratégique” ; que [le] directeur général adjoint de la société S, a indiqué à ce propos que « comme à terme le Royaume du Maroc perdait la majorité du capital et des droits de vote, ils étaient prêts à certains engagements intérimaires tout en faisant monter les prix des 16% » ; que c’est en vertu de ces deux conventions que les comptes de la société T ont été consolidés par intégration globale dans ceux de l’exercice 2001 de la société X ;

Considérant que la situation respective des associés durant cet exercice doit être examinée au regard, non seulement de la convention de cession, mais aussi de l’avenant, l’un et l’autre pactes n’étant pas dissociables ; que le second ne saurait en effet être écarté des débats aux seuls motifs qu’il a été obtenu par la société X en contrepartie des coûts d’acquisition élevés auxquels elle a consenti et dans le seul but d’asseoir le mode de consolidation qu’elle souhaitait ;

Considérant que les organes de direction étaient composés :

- le directoire, de cinq membres, dont deux représentaient le Royaume du Maroc et les autres représentaient la société X, l’un de ces derniers devant toutefois être de nationalité marocaine ;

- le conseil de surveillance, de huit membres, dont cinq représentaient le Royaume du Maroc et trois la société X ;

- l’assemblée générale, de 65% de droits de vote pour le Royaume du Maroc et de 35 % pour la société X ;

Considérant que l’avenant instituait des règles de “gouvernement d’entreprise” particulières, puisqu’il précisait, d’une part qu’au sein du conseil de surveillance, deux représentants du Royaume du Maroc voteraient « dans un sens identique à celui des représentants de la société X », d’autre part, qu’il en serait de même, en assemblée générale, « des droits de vote attachés à un nombre d’actions représentant 16% des droits de vote » ;

Considérant que l’adoption des décisions courantes, notamment en matière financière et opérationnelle, était soumise à la règle de la majorité simple ; qu’étaient subordonnés à la majorité qualifiée de six des huit membres du conseil de surveillance, et donc à l’accord des deux partenaires, notamment le changement des méthodes comptables, la création de filiales importantes, les cessions, les prises de participation, l’émission de nouveaux titres, les changements de statut, d’objet social ou d’activités et les décisions d’investissements ou de désinvestissements, de prêt ou d’emprunt dépassant de plus de 20% les montants figurant dans le budget ; que, depuis le 26 avril 2001, la désignation des membres du directoire ne devait plus être faite qu’à la majorité simple ; qu’en outre, les décisions concernant l’approbation des plans d’affaires ou du budget ne devaient plus être soumises au conseil de surveillance qu’en cas d’écart significatif avec les prévisions annexées à l’avenant ; qu’en cas de désaccord, suivant le règlement de la Chambre de Commerce internationale, c’était le tribunal arbitral de Genève qui devait trancher ;

Considérant que la société T est ainsi devenue une société à deux visages ;

Considérant que, d’un côté, l’avenant est resté secret, même à l’égard de certains membres du directoire, comme M. […], qui a déclaré n’en avoir « jamais eu connaissance » (annexe B 18 du rapport d’enquête) ; que [le directeur général adjoint de la société S], qui a été associé aux négociations avec le Royaume du

—  10 – Maroc, a indiqué que cet avenant constituait un « arrangement facial donnant l’apparence d’un contrôle exclusif », dont « les clauses n’étaient pas réellement effectives … donnaient une simple apparence comptable … mais leur faible durée de vie pouvait justifier un tel arrangement » (cotes 673 et 674) ; que le budget et le plan d’affaires pour 2002, qui ne présentaient pas d’écart important avec l’annexe de l’avenant et n’auraient donc pas dû être soumis au conseil de surveillance, l’ont cependant été ; que les délégations de vote n’ont jamais été formalisées, de sorte qu’il était impossible de connaître les membres marocains du conseil de surveillance concernés ; qu’aucun moyen de garantir le sens du vote de ces derniers n’était prévu ;

Considérant toutefois qu’à l’inverse, si l’on observe, d’une part, les perspectives actuelles et avérées d’acquisition par la société X des 16% supplémentaires du capital de la société T, d’autre part, le fonctionnement de cette société durant l’année 2001 et les premiers mois qui ont suivi, on constate que la société X était majoritaire au sein du directoire et bénéficiaire, tant au conseil de surveillance qu’en assemblée générale, de la majorité des droits ou intentions de vote, et que les décisions financières et opérationnelles de l’équipe dirigeante, concernant notamment les comptes de l’exercice, le rapport de gestion ou le budget pour 2002, ont été approuvées sans restriction ; que la société X était donc fondée à constater que l’avenant s’appliquait effectivement et qu’elle exerçait une influence dominante sur la société T ;

Considérant que le grief lié à la consolidation par intégration globale de la société T dans les comptes et dans le document de référence de la société X, ne sera donc pas retenu ;

c) Sur la société U

Considérant qu’il est reproché aux trois mis en cause d’avoir délivré une information inexacte, imprécise et trompeuse au sens des articles 1er à 4 du règlement COB n 98-07 en retenant dans les comptes du groupe de la société X, au titre de l’exercice 2001, le mode de consolidation par mise en équivalence de la société U et de la société M dans laquelle la société U détenait une participation ;

Considérant que, le 7 juin 1999, la société X et la société anonyme polonaise N ont acquis respectivement 30% et 70% du capital de la société U, dont l’objet était de recueillir les participations de la seconde dans la téléphonie, et en particulier 51 % du capital de la société M, premier opérateur polonais de téléphones mobiles ; que le 7 décembre 1999, un nouveau contrat d’investissement entre la société X et la société N a permis à la société X, notamment, d’accroître sa participation dans la société U à hauteur de 49% et d’organiser le partage des responsabilités opérationnelles ; qu’enfin, à la demande de la société X qui l’avait financée par l’intermédiaire de la société […], la société O a acquis le 3 septembre 2001, auprès de la société N, 2% du capital de la société U ;

Considérant que si, entre le 7 décembre 1999 et le 3 septembre 2001, la société N détenait 2% de capital de plus que la société X, à partir de cette dernière date, la situation s’est inversée, l’une et l’autre sociétés disposant à égalité de 49% du capital et des droits de vote de la société U, tandis que les 2% résiduels étaient détenus par la société O ; que celle-ci a été financée par la société X, représentée par deux avocats de son cabinet conseil, et se trouve dorénavant consolidée par intégration globale dans les comptes de la société X ; qu’elle est entrée dans le capital de la société U, d’une part pour éviter la cession de toutes les parts de la société N à une société allemande, d’autre part pour dispenser la société X d’avoir à obtenir l’autorisation des autorités polonaises, préalable indispensable à une prise de participation majoritaire directe ;

Considérant qu’il résultait du pacte d’actionnaires du 7 décembre 1999 que les décisions concernant la direction économique de la société étaient subordonnées à l’accord des deux partenaires, chacun étant en mesure d’empêcher l’autre d’imposer ses choix ; qu’en effet, chaque associé désignait la moitié des membres du comité de direction de la société M ; que la société X, si elle nommait trois des six membres du directoire, mais trois seulement des sept membres du conseil de surveillance de la société U, disposait d’un droit de veto équivalent à celui de l’autre associé ; qu’aucune décision importante, y compris l’approbation du plan d’entreprise ou du budget annuel, ne pouvait être prise sans l’accord d’au moins un représentant de la société X et de la société N ; qu’enfin, le recours par la société N à la procédure de résolution des différends ouvrait à la société X la faculté, dans les quinze jours de la décision contestée, de contraindre son partenaire à racheter sa participation au prix du marché ;

Considérant qu’après la signature du pacte du 3 septembre 2001, le rééquilibrage des pouvoirs en faveur de la société X a été nettement plus significatif ; qu’ainsi, la société N, comme la société X, n’a plus désigné que trois des membres du conseil de surveillance, le septième étant nommé par la société O ; que chacun des trois partenaires a disposé de deux représentants au sein du directoire ; que seules, les décisions les plus importantes ont continué à être subordonnées à l’accord d’au moins un membre de la

—  11 – société N et de la société X, l’approbation du plan d’entreprise ou du budget annuel se faisant à la majorité simple, détenue par cette dernière société grâce au concours de la société O ; qu’enfin, la procédure de règlement des différends a été maintenue et assortie, pour la société X, de la faculté de contraindre son partenaire à racheter sa participation au prix du marché majoré d’une prime de 8% ;

Considérant que la répartition du capital et des droits de vote ainsi que la gouvernance résultant du pacte du 7 décembre 1999 emportaient, comme l’a fait observer notamment M. […], membre du conseil de surveillance, (cote 644), un contrôle conjoint des deux partenaires, aucun ne pouvant imposer à l’autre une quelconque décision stratégique portant sur l’activité économique, comme l’adoption du budget ou du plan d’entreprise ; qu’à partir du 3 septembre 2001, la société X exerçait une influence dominante sous l’effet conjugué, d’une part, de l’apport des droits de vote de la société O , d’autre part, de l’extension de la règle de la majorité simple, si bien qu’à partir de 2002, elle était tenue à une consolidation par intégration globale ;

Considérant qu’au cours de l’exercice 2001, seul en cause, le pouvoir conjoint exercé par la société X, qui impliquait l’intégration proportionnelle imposée par le III de l’article L. 233-16 du code de commerce, interdisait donc le recours à la mise en équivalence ;

Considérant que la société X, tout en affirmant à plusieurs reprises son choix de ne pas consolider sa participation dans la société U “qui ne rentrait pas dans son cœur de stratégie à moyen terme”, a cependant intégré cette société dans ses comptes, notamment en 2001 ; que, dès lors qu’elle avait fait le choix de la consolidation par mise en équivalence, la société X ne pouvait plus, comme elle l’a fait a posteriori, revendiquer la faculté, offerte par les dispositions de l’article L. 233-19 du même code, de laisser cette participation hors du périmètre de la consolidation ;

Considérant que le manquement à l’obligation de délivrer une information exacte, précise et sincère résultant de la méthode de consolidation par mise en équivalence indûment choisie par la société X en 2001 pour la société U et sa filiale est donc parfaitement caractérisé à l’égard de M. A et de la société X, la responsabilité de M. B ne pouvant quant à elle être retenue (cf. II, 1ère partie) ;

II – SUR LES AUTRES MANQUEMENTS RELATIFS A LA COMMUNICATION FINANCIERE

1. SUR LES DETTES

Considérant qu’il est reproché aux mis en cause d’avoir, d’une part, entre octobre et décembre 2000, présenté à tort le groupe X comme net de dettes, d’autre part, pendant toute l’année 2001, minoré la dette et diffusé une information financière peu compréhensible du public ;

a) sur la période d’octobre à décembre 2000

Considérant que, dans son communiqué du 12 octobre 2000, intitulé « X-conférence des investisseurs- résultats financiers et synergies », il était indiqué : “la dette de la société X sera très limitée, la société Z présentant une dette pro forma de 1,2 milliard d’euros et la cession en cours de vins et spiritueux venant compenser la dette nette de P” (annexe I1 du rapport d’enquête) ;

Considérant que, dans son communiqué du 19 décembre 2000, intitulé “cession de l’activité Vins et Spiritueux de P à [… et …]” et reprenant les propos tenus par M. A dans l’article publié par le journal Les Echos du 11 décembre 2000, le groupe informait le public de la conclusion de la convention de vente des vins et spiritueux, sous réserve des autorisations réglementaires des autorités américaines, et précisait : “sur une base pro forma 1er janvier 2001, la société X sera donc net de dettes pour ses activités communication, tout en disposant pour les deux années qui viennent tant d’un cash flow libre supérieur à 2 milliards d’euros que de la capacité de réaliser certains actifs comme la participation dans R” (annexe I2 du rapport d’enquête) ; que, dans l’article des Echos, M. A était allé plus loin encore, puisqu’il avait affirmé “le groupe sera donc vraiment net de dettes au 1er janvier prochain et disposera, dans les deux ans, d’une marge de manœuvre financière complémentaire de 10 milliards d’euros, grâce à ses cash flows libres et à la vente d’actifs, dont notre participation dans R ” ;

Considérant qu’en réalité, au 31 décembre 2000, la dette de la société X, telle qu’elle a été publiée en mars 2001, s’est élevée à 16,5 milliards d’euros pro forma et à 25,5 milliards d’euros (dette financière nette établie en normes comptables françaises) ; que la dette du seul secteur communication et media, excluant celle de la société Y, était de 3,4 milliards d’euros pro forma et de 12,3 milliards d’euros (dette financière nette établie en normes comptables françaises) ; que, sur cette dernière somme, 9 milliards d’euros correspondaient à une dette obligataire du groupe P et devaient être compensés par la cession de la branche des vins et spiritueux de cette entreprise ;

—  12 –

Considérant que le communiqué de presse du 12 octobre 2000 présentant pour le secteur communication « 1,2 milliard d’euros net de dettes » pour le 1er Janvier 2001, s’il comportait une mise en garde précise, in fine en caractères gras, relative « au risque que P ne puisse pas effectuer la vente de son entreprise de spiritueux et de vins ou ne puisse pas l’effectuer à des conditions satisfaisantes », n’en demeurait pas moins inexact, cette cession ne permettant pas à elle seule d’atteindre ce niveau ; que le communiqué anticipait aussi, comme l’a indiqué M. J (cote 850), la vente d’une part importante des actions R, laquelle n’a pu être réalisée qu’à la fin de l’année 2001, pour 3,9 milliards d’euros ; qu’en raison d’une forte fluctuation du cours du titre R (passé de 1 800 à 750 pence), le prix n’a été déterminé qu’au moment de la cession effective, ce qui interdisait de l’utiliser quatorze mois plus tôt, fût-ce en partie, pour réduire artificiellement la dette pro forma du secteur communication de la société X au 1er Janvier 2001, qui s’élevait à 3,4 milliards d’euros, et non à 1,2 milliard d’euros ;

Considérant que le communiqué du 19 décembre 2000 qui annonçait, « sous réserve des autorisations réglementaires », la cession de l’activité vins et spiritueux de P à [… et …] pour un montant de 8,150 milliards de dollars, présentait un groupe qui serait, pour ses activités communications sur une base pro forma au 1er janvier 2001, « net de dettes » ; qu’il faisait en outre état des capacités futures de la société X, « dans les deux années qui viennent », à dégager « un cash flow libre supérieur à 2 milliards d’euros » et de « réaliser certains actifs, comme la participation dans R » ; que ce communiqué était particulièrement mensonger, puisque, d’une part, il intégrait, indûment et subrepticement, l’entier produit susceptible de résulter de la vente de la participation dans R pour annoncer la perspective d’une dette nulle le 1er Janvier 2001, d’autre part, il réutilisait cette même vente pour optimiser les capacités du groupe au cours des deux prochaines années ; qu’il est tout à fait inadmissible d’avoir eu recours à un procédé aussi trompeur ;

Considérant que les communiqués de presse des 12 octobre et 19 décembre 2000, destinés au grand public et pas seulement aux analystes financiers, constituent donc, en ce qui concerne les prévisions, tant sur la dette du secteur communication de la société X au 1er Janvier 2001 que sur l’évolution de sa situation financière, une atteinte au principe de la bonne information ; que ce manquement, fondé sur l’article 3 du règlement COB n° 98-07, est établi à l’égard de M. A et de la société X ;

b) sur l’année 2001

Considérant qu’au cours de l’année 2001, il est reproché au groupe d’avoir minoré sa dette et d’avoir communiqué une information qui n’était pas de nature à éclairer le public ; que les griefs visent l’annonce, le 24 avril 2001 et par communiqué de presse du 25 septembre 2001, d’une dette de 3,4 milliards d’euros au 31 décembre 2000 et de 8,6 milliards d’euros au 30 juin 2001 ; qu’il est fait grief aux intervenants de n’avoir fait état ni de la faible maturité de la dette, remboursable dans une échéance de 3 à 4 ans, ni de l’absence d’encaissement du produit de la cession des spiritueux ayant rendu nécessaire un endettement bancaire à court terme ;

Considérant que la dette financière nette du secteur communication et media, publiée et établie selon les normes comptables françaises, est passée de 12,3 milliards d’euros le 1er janvier 2001 à 17,6milliards d’euros le 30 juin 2001 et à 14,6 milliards d’euros le 31 décembre 2001 ;

Considérant que, lors de l’assemblée générale des actionnaires du 24 avril 2001, le résumé du rapport de gestion relatif aux résultats de l’exercice 2000 présenté par M. B précisait : « le bilan de votre société est très solide, avec une dette du pôle communication, après cession des spiritueux, qui est limitée à 3,4 milliards d’euros » (annexe L1 du rapport d’enquête) ; qu’il résulte du dossier que ce chiffre était exact, puisqu’il correspondait au montant de la dette de 12,3 milliards d’euros diminué de la vente, pour 8,150 milliards d’USD, des vins et spiritueux ; que, si M. B n’a pas précisé que le règlement du prix de cession était subordonné aux autorisations réglementaires américaines, dont l’échéance n’était pas connue à cette date, M. […], répondant à un actionnaire individuel, a clairement indiqué : « on respecte parfaitement notre calendrier, notre objectif était de tirer de la cession de cette activité de vins et spiritueux un montant au moins égal de ce qu’était la dette nette de P avant l’opération : nous avons obtenu plus que cela. La réalisation de cette opération dépend maintenant des autorités anti-trust » ; qu’au surplus, les chiffres des comptes annuels étaient accessibles dans les documents venant d’être publiés ;

Considérant que le communiqué de presse du 25 septembre 2001 donnant les chiffres clés au 30 juin 2001, date à laquelle la dette du secteur communication atteignait 17,6 milliards d’euros, annonçait : « endettement net : après prise en compte du produit de la cession des activités vins et spiritueux, l’endettement net du secteur medias et communications s’élèvera à 8,6 milliards d’euros » ; que si le communiqué, au demeurant exact, n’était pas accompagné d’une mise en garde sur le caractère incertain

—  13 – du règlement du prix de cette cession ou sur son échéance, ceux des 12 octobre et 19 décembre 2000 l’étaient ;

Considérant qu’à défaut de grief plus précis, il ne saurait par ailleurs être reproché aux mis en cause de ne pas avoir donné les informations nécessaires sur la courte maturité de la dette, alors que toutes ces caractéristiques apparaissaient dans les comptes qu’ils ont publiés ; qu’ils ont donc respecté leurs obligations légales en ce qui concerne les éléments liés à la dette à court et long terme ;

Considérant, en définitive, que l’information dispensée en 2001 à propos de la dette n’était pas trompeuse au sens de l’article 3 du règlement COB n° 98-07 ; que le manquement n’est donc pas constitué ;

2. SUR LES RESULTATS

Considérant qu’il est reproché aux mis en cause d’avoir communiqué au public, de façon quasi- systématique, des résultats avant impôt, amortissements et charge de la dette, présentés sous forme d’Ebitda (Earning Before Interest Tax Depreciation and Amortization : résultats opérationnels avant frais financiers, provisions, impôts et amortissements) systématiquement positifs ; qu’en effet, les communiqués des 24 avril, 23 juillet, 25 septembre, 30 octobre 2001 et la conférence de presse du 5 mars 2002 se composent d’une déclaration globale sur le groupe, très optimiste et fondée soit sur des données en Ebitda, soit sur des chiffres d’affaires consolidés, de commentaires sur la stratégie de croissance et l’évolution des cours du titre boursier, enfin, d’une longue revue métier par métier ; que cette communication ne comporte aucun chiffre net alors que leur prise en compte aurait conduit à un résultat négatif ;

Considérant que la société X fait valoir qu’elle a satisfait à ses obligations de communication périodique, lesquelles ne la contraignaient pas à fournir pour chaque trimestre le résultat net, que la COB n’a formulé aucun commentaire particulier et que le marché ne pouvait ignorer ce qu’était l’Ebitda, critère fondamental pour suivre les sociétés de ce secteur ; qu’elle ajoute, d’une part, que certains analystes avaient anticipé un résultat net négatif en 2001, d’autre part qu’elle avait annoncé son incapacité, en l’absence des outils nécessaires, d’aller au-delà du calcul de l’Ebitda dans ses publications trimestrielles ; qu’enfin, elle souligne que les griefs reposent sur des prohibitions dépourvues de fondement réglementaire, la COB n’ayant formulé de recommandations ou de mises en garde sur l’emploi d’indicateurs spécifiques qu’après la période concernée par la notification des griefs ;

Considérant que M. A fait observer, d’une part, que ses déclarations concernant « un groupe qui va mieux que bien » s’appliquaient aux seuls résultats opérationnels et non à la situation nette, d’autre part, que les outils comptables de la société X n’étaient, durant le second semestre 2002, toujours pas suffisamment opérationnels ; qu’enfin, il souligne avoir mis en garde le marché, notamment le 29 avril 2002, sur le fait que les résultats d’exploitation, présentés comme des indicateurs privilégiés du secteur communication et media, ne remplaçaient pas des données nettes ;

Considérant qu’il ne saurait être reproché aux mis en cause d’avoir communiqué les résultats du groupe à partir de l’Ebitda, dont l’exactitude n’est pas contestée ; qu’en effet, la COB, à laquelle les communiqués des 24 avril, 23 juillet, 25 septembre et 30 octobre 2001 avaient été soumis, n’avait alors délivré aucune mise en garde ;

Considérant que les griefs sur la communication financière des résultats du groupe en 2001 et 2002 ne sont donc pas caractérisés ;

3. SUR LA TRESORERIE

Considérant que les griefs portent sur l’omission d’informer le public des conditions réelles d’accès à la trésorerie de la société S (a) et sur la diffusion de chiffres inexacts (b) ;

a) sur l’omission d’information concernant les conditions d’accès à la trésorerie de la société S

Considérant qu’indépendamment de la méthode de consolidation retenue à l’égard de la société S, il est reproché aux mis en cause :

- de ne pas avoir informé le public des conditions fixées par la convention de compte-courant du 1er août 2001 mettant la trésorerie de la société S à la disposition de la société X et du risque, pour celle-ci, de se voir imposer à tout moment, au terme de cette convention et à la demande d’un seul de ses partenaires, le remboursement de la dette correspondante ;

—  14 –
- d’avoir dissimulé cette convention qui, en infraction aux prescriptions de l’article L. 225-40 du Code de commerce, n’a pas été présentée à l’assemblée générale, non plus que l’avenant du 2 janvier 2002 en prolongeant les effets, lequel n’a pas été porté à la connaissance du conseil d’administration de la société X et, en violation du pacte d’actionnaires (art. 3-4-1 A § 7 ), n’a pas été approuvé par le conseil d’administration de la société S ;

Considérant que, selon les griefs, alors que les flux de trésorerie de la société S contribuaient à hauteur de 60% environ aux cash flows opérationnels de la branche media et communication de la société X, il résulte des éléments fournis par la banque […], chargée en 2002 d’une mission d’évaluation de la trésorerie du groupe, que les membres du conseil d’administration de la société X n’ont pris conscience qu’au mois de juin 2002 que le tableau de trésorerie reflétait, non pas un accès effectif aux liquidités, mais l’image comptable des effets de l’intégration de la société S, laquelle venait d’ailleurs de demander, et allait obtenir le mois suivant, le remboursement de sa créance de près d’1 milliard d’euros ;

Considérant que, signée le 1er août 2001 pour une durée de cinq mois, la “convention d’ouverture de compte-courant de trésorerie”, avait pour objet, comme l’a précisé l’avenant du 2 janvier 2002 la prorogeant, de permettre à la société S « de placer ses excédents de trésorerie dans des conditions techniquement avantageuses tant pour lui-même que pour la société X », la rémunération correspondant à un taux normal (taux moyen mensuel du marché monétaire au jour le jour + 0,0175%) et l’accord pouvant être résilié par anticipation par l’une des parties sous réserve de respecter un préavis de 15 jours (cf. annexe E11 du rapport d’enquête) ;

- Sur la nature de la convention de compte-courant de trésorerie entre la société X et la société S

Considérant qu’il résulte des articles 101 et 102 de la loi du 24 juillet 1966 devenus, en application de la loi du 15 mai 2001, les articles L. 225-38 et L. 225-39 du Code de commerce que les conventions entre des sociétés ayant, comme la société X et la société S, des administrateurs communs, doivent être soumises à l’autorisation préalable du conseil d’administration ; que tel n’est pas le cas des conventions portant sur des opérations courantes conclues à des conditions normales, celles-ci devant toutefois, depuis l’entrée en vigueur de la loi susvisée, être communiquées au président du conseil d’administration, qui doit en transmettre la liste et l’objet aux membres et au commissaire aux comptes ;

Considérant qu’il a été jugé que relevaient de cette dernière catégorie les simples avances en compte- courant (Paris, 10 mai 1972 Bul Joly 1972, 502), de même que la convention assortie du paiement d’intérêts et instituant entre les sociétés d’un groupe un « pool » de trésorerie géré par une holding en fonction des autorisations de découvert de chacune d’entre elles (Versailles, 2 avril 2002 D.2002 Som.3266) ;

Considérant que, pour déterminer si la convention devait être autorisée par le conseil d’administration de la société X, c’est par rapport à cette société que son contenu doit être examiné ; que ses conditions d’application n’avaient rien d’anormal, la rémunération étant fixée à un taux habituel, les montants avancés correspondant à la seule trésorerie excédentaire de la société S et la résiliation pouvant intervenir dans le délai, bref mais non lésionnaire, de quinze jours ; que cette convention de trésorerie ne saurait être comparée à celle passée avec la société Y qui était, certes, soumise à autorisation, mais qui présentait un caractère manifestement anormal du fait de son montant et de sa rémunération ; que, dès lors, la convention entre la société X et la société S n’avait, contrairement à ce qui est indiqué dans les griefs, ni à être autorisée par la conseil d’administration, ni à être approuvée par l’assemblée générale de la société X, et devait seulement figurer, avec son objet et son montant, dans la liste présentée au conseil d’administration ;

Considérant qu’il demeure qu’en vertu de l’article 3-4-1 A § 7 du pacte d’actionnaires, la convention devait être approuvée par le conseil d’administration de la société S ;

Considérant que, si la première convention a bien fait l’objet, pour la société X, de la présentation et, pour la société S, de l’approbation requises, aucune de ces deux obligations n’a été respectée lorsque l’avenant du 2 janvier 2002 a été signé ;

Considérant, par ailleurs, que la convention, son contenu et ses modalités, restés secrets, étaient inconnus du marché ;

- Sur l’incidence de l’ignorance par le marché des conditions d’accès de la société X à la trésorerie de la société S

—  15 – Considérant qu’il importe, comme le soulignent les mis en cause, de ne pas confondre, d’un côté, les conséquences comptables, pour la société X, de la consolidation par intégration globale de la société S, de l’autre, les conditions d’accès de la première à la trésorerie de la seconde ; que la société X n’a pu disposer de la trésorerie de la société S que durant les périodes du 1er août au 31 décembre 2001 puis du 2 janvier au 5 juillet 2002, uniquement sous forme d’avances rémunérées, remboursables et exigibles dans un délai de 15 jours ; Considérant que M. K, expert comptable et commissaire aux comptes désigné par la COB, a souligné que : « cette absence de transparence juridique [de la convention de compte-courant] renforce le risque d’erreur auquel est confronté le lecteur quant à la compréhension de la signification du cash flow du groupe X, filiale de la société S incluse, alors que la trésorerie de cette dernière n’est pas captive » (annexe O2 du rapport d’enquête) ;

Considérant en effet que les cash flows de la société X provenaient, pour la branche communication et média, de la société S à hauteur de 60%, tout en étant intégrés à 100% en raison des règles de consolidation ; qu’à partir du 1er août 2001, ils devaient être analysés au regard de la convention de compte-courant avec la société S, puisque l’accroissement des cash flows de cette dernière se traduisait par un surplus de trésorerie excédentaire, laquelle était, en application de la convention, prêtée à la société X ; qu’ainsi, par un effet mécanique, l’accroissement des cash flows au sein de la société S, venant gonfler ceux de la société X, augmentait symétriquement la dette à court terme de cette dernière ; que le caractère incomplet et parcellaire de l’information financière qui a été délivrée à cet égard, qu’il s’agisse des propos tenus devant certains analystes, des réponses aux actionnaires lors des assemblées générales ou des divers communiqués et conférences de presse, ne permettait pas au marché de comprendre qu’à compter du 1er août 2001, l’accroissement des cash flows de la société S, intégrés à 100% dans les comptes du groupe à raison de la consolidation par intégration globale opérée, exprimait en réalité, non pas une amélioration, mais une détérioration de la santé financière de la société X procédant d’un alourdissement de sa dette à très court terme, le remboursement pouvant être exigé dans un délai de quinze jours ; qu’il est, au demeurant, significatif de constater que le directeur financier, M. B, rapprochait la notion de cash flow de celle de dette, en mentionnant, dans deux mails adressés à M. A les 1er mars et 18 juin 2002, d’une part l’existence de « cash flows inaccessibles dans le périmètre minoritaire »(annexe B8 du rapport d’enquête), d’autre part le fait que le public pourrait se demander : « pourquoi nous ont-ils raconté qu’ils avaient la capacité de manager le cash flow si, en droit, ils doivent le rendre à la première sommation, (ce qui a l’air d’être le cas) ? » (annexe J9 du rapport d’enquête) ;

Considérant qu’il est inopérant de soutenir, en excipant d’un article de presse du mois de janvier 2000, que le public avait alors conscience que la société X ne disposait pas de la trésorerie de la société S, dès lors que la convention de compte-courant à l’origine de la méprise ci-dessus évoquée a été conclue postérieurement ; que cet article, comme les conférences téléphoniques auprès des analystes de […], ne faisaient qu’évoquer, et à juste titre à l’époque, les conséquences comptables normales de la consolidation intégrale de la société S sur les cash flows et sur la distribution, sous forme de dividendes, de ses bénéfices au profit de la société X ; que ce qui est en cause, c’est la perception erronée qu’avait le marché, du fait de la dissimulation de la convention, des conditions et des conséquences de l’accès à la trésorerie de la société S ; qu’ainsi, comme l’a indiqué M. K, « si l’information financière afférente au cash flow du groupe n’est pas accompagnée d’un avertissement quant à la spécificité de la société S, elle est régulière, c’est-à-dire conforme aux règles de consolidation, mais elle n’est pas complète et risque d’induire le lecteur en erreur » (annexe O2 du rapport d’enquête) ;

Considérant que, si M. […] a déclaré que le défaut d’accès de la société X aux cash flows de la société S avait été identifié très tôt par l’agence Standard & Poors, il a ajouté : « le 6 mai 2002, S&P’s a modifié la perspective et a baissé la note à court terme. Par la suite, le groupe a connu une véritable crise de liquidités liée à des remboursements importants (billets de trésorerie, dividende, résiliation de certaines lignes bancaires) et au remboursement inattendu du prêt de la société S. A cet égard, nous avons pris seulement conscience à ce moment là de l’importance de la dette de la société X vis à vis de la société S. Pour conclure, je dirais que les éléments suivants ont manqué, à des moments clés, à notre pleine compréhension de la situation de la société X : la vente des puts, le rachat d’actions, le prêt inter- compagnie (la société S), le risque fiscal sur V.U.E. » ; que l’on voit mal comment, là où les agences de notation ont été abusées, le public aurait pu ne pas l’être ;

Considérant que ce manquement aux articles 3 et 4 du règlement COB n 98-07 est établi à l’encontre de M. A et de la société X ;

b) Sur la communication de chiffres inexacts ou incomplets

relatifs au cash flow net dans le communiqué du 25 septembre 2001 et lors des déclarations à la conférence de presse du 5 mars 2002 ainsi qu’à l’assemblée générale du 24 avril 2002

—  16 –

- Sur le communiqué du 25 septembre 2001

Considérant qu’il est reproché au communiqué de presse du 25 septembre 2001 d’avoir indiqué : « le cash flow disponible [dégagé par les activités média et communication] au cours du 1er trimestre 2001 a été de plus de 500 millions d’euros (environnement exclu)… pour la première fois le cash flow est positif, même après prise en compte de frais financiers, impôts et frais de restructuration », alors qu’il ressort des éléments du dossier que le free cash flow net de cette branche au 30 juin 2001 était négatif de 23,1 millions d’euros et qu’il atteignait – 64 millions d’euros en prenant en compte la société Y ;

Considérant d’une part, que M. B, lors de son audition du 25 mai 2004, a déclaré qu’il rédigeait les projets de communiqués de presse en anglais et que, s’agissant des cash flows négatifs, qui étaient passés d’un milliard en 2000 à 20 millions au 1er semestre 2001, il était alors approprié d’utiliser la notion de « break even » qui signifie « rentrer dans ses frais » ou « à l’équilibre » et que, s’il avait omis de lire la version française, les tableaux joints mentionnaient un cash flow net négatif de 0,02 milliard d’euros ;

Considérant que le contenu du communiqué rédigé en français n’en était pas moins faux, les éléments fournis dans les « transparents » présentés lors de cette conférence de presse n’étant pas, à eux seuls, de nature à corriger auprès de l’ensemble du public l’information initiale ; qu’aucun communiqué rectificatif n’a été diffusé, alors que cette indication inexacte était susceptible de provoquer une appréciation erronée de la situation financière du groupe, compte tenu du lien direct institué depuis la convention du 1er août 2001 entre la production de cash flows positifs au sein de la société S et l’accroissement des dettes à court terme de la société X ; qu’à défaut d’avoir révélé les conditions précises d’exécution de cette convention, la société X aurait dû, à tout le moins, s’abstenir de communiquer de fausses informations sur son cash flow net ;

Considérant que le manquement est donc établi à l’égard de la société X et de M. A, qui ne saurait s’exonérer de sa responsabilité de dirigeant en invoquant les erreurs de ses services ;

- Sur la conférence de presse du 5 mars 2002

Considérant qu’il est reproché au président de la société X, lors de la conférence de presse du 5 mars 2002, d’avoir annoncé, au 31 décembre 2001, « un free cash flow opérationnel de 2,026 milliards d’euros, supérieur aux objectifs (1,2 à 1,5 milliard d’euros) et en hausse de 2 milliards d’euros par rapport à 2000 » (annexe I8 du rapport d’enquête), alors, d’une part, qu’avait été présenté au comité des comptes du conseil d’administration et au comité exécutif des 25 et 26 février 2002 un « operating cash flow net of capex » négatif de 134,2 millions d’euros, d’autre part, cette communication était en totale contradiction avec la perception par la société de sa propre situation, telle que révélée par les rapports qu’elle entretenait alors avec les agences de notation ;

Considérant qu’au cours de la conférence de presse, M. A a en effet déclaré : « cette année notre cash flow opérationnel a légèrement dépassé 2 milliards d’euros, ce qui est largement plus que ce que nous avions indiqué au marché. Nous avions indiqué au marché 1,2 à 1,5 milliard d’euros de free cash flows

opérationnels et le marché après le 11 septembre s’était plutôt calé sur la fourchette basse, c’est-à-dire 1,2 milliard, non c’est plus de 2 milliards, cela veut dire une amélioration du cash flow opérationnel de plus de 2 milliards en un an ce qui est considérable » (annexe M2 du rapport d’enquête) ;

Considérant que le cash flow opérationnel s’entend de l’excédent brut d’exploitation, auquel s’ajoute la variation, positive ou négative, du besoin de fonds de roulement et dont il convient de déduire les investissements, eux-mêmes diminués des cessions ; que le cash flow net correspond au cash flow opérationnel amputé des intérêts de la dette, des impôts et des charges ; que, selon M. K les dirigeants du groupe recouraient, pour définir le cash flow opérationnel, indifféremment aux notions de « cash flow opérationnel » et de « free cash flow opérationnel », ce qui ne facilitait pas la compréhension ; qu’en toute hypothèse, le montant du cash flow opérationnel était effectivement de 2,028 milliards d’euros dans les comptes de l’exercice 2001 de la société X ;

Considérant que si, comme il le soutient, M. A a délivré, le 5 mars 2002, une information qui correspondait au cash flow opérationnel et n’était donc pas intrinsèquement fausse, celle-ci était toutefois très difficile à appréhender en raison des vocables choisis ; que son absence de communication sur le cash flow net négatif de 134 millions d’euros (annexe O2 du rapport d’enquête), pourtant parfaitement déterminé et connu de M. A à cette date, a ajouté à la confusion ; qu’enfin et surtout, la manière abusivement optimiste (« largement pluscela veut dire une améliorationqui est considérable ») de présenter ces données, aussi mal définies que parcellaires, a contribué à en fausser et à en inverser la compréhension, le public

—  17 – ayant reçu une image positive de la situation financière de la société X, qui était aux antipodes de la réalité ; que le manquement est donc établi à l’égard de M. A et de la société X ;

- Sur l’assemblée générale du 24 avril 2002

Considérant que, lors de cette assemblée générale, après que M. B eut annoncé que « le free cash flow

opérationnel, c’est-à-dire l’excédent brut d’exploitation moins les investissements moins les besoins en fonds de roulement (l’argent qui sort et l’argent qui rentre de nos différents métiers) est très au-dessus de nos objectifs. L’objectif était de 1,2 à 1,5 milliard d’euros ; l’accroissement du free cash flow opérationnel est de 2 milliards d’euros… », le président a précisé, concernant les résultats du 1er trimestre 2002, que le cash flow pourrait « demain » servir « non seulement au dividende mais au paiement de la dette » ;

Considérant qu’en mentionnant, pour l’exercice en cours, la perspective d’un cash flow qui allait permettre de servir le dividende et de payer la dette, M. A évoquait, clairement cette fois, le cash flow net, qui était en réalité négatif de 134,2 millions d’euros le 1er Janvier 2002 et n’avait, contrairement à ce qu’il prétend, aucune chance de s’améliorer au cours du 1er semestre, compte tenu des tensions de trésorerie sur lesquelles M. B avait à de multiples reprises appelé son attention ; qu’ainsi, le 1er mars 2002 (annexe B8 du rapport d’enquête) celui-ci, soulignant la nécessité de prendre en compte, non pas le cash flow opérationnel, mais le cash flow net pour apprécier la situation financière du groupe, avait indiqué à M. A : « la dette, c’est quand même fait pour être remboursé ; on fait comment quand on dégage des cash flows

négatifs dans le périmètre central à peine compensés par des cash flows inaccessibles dans le périmètre minoritaire et qu’on n’arrête pas d’acheter... » ; que les déclarations de ce dernier étaient donc, comme l’avenir l’a d’ailleurs amplement démontré, de nature à tromper le public sur les perspectives financières de la société ;

Considérant que le manquement est caractérisé à l’égard, non seulement de M. A, mais aussi de la société X, qui a la responsabilité de toute communication financière faite en son nom et ne saurait s’en exonérer en l’attribuant exclusivement au dirigeant ;

DEUXIEME PARTIE : SUR LES MANQUEMENTS D’INITIE LIES A L’EXPLOITATION D’INFORMATIONS PRIVILEGIEES

Considérant qu’il est reproché à MM. A et B d’avoir, le 21 décembre 2001, le premier vendu 152 000 titres X, au prix unitaire de 58,5 euros, le second, cédé à terme 149 335 actions X à 59,24 euros chacune ; qu’est en outre retenue à l’encontre de M. A la vente, six jours plus tard, de 106 669 autres titres au prix de 59,86 euros par action ;

Considérant qu’ils auraient alors, selon la notification des griefs, été en possession, sur les conditions subordonnant l’accès à la trésorerie de la société S, sur l’état des négociations avec les agences de notation et sur l’absence de cash flow net positif, d’informations leur interdisant d’intervenir ;

Considérant que le règlement COB n° 90-08 interdit en effet toute intervention sur le marché aux détenteurs d’une information « non publique, précise, concernant un ou plusieurs émetteurs… qui, si elle était rendue publique, pourrait avoir une incidence sur le cours de la valeur » ; qu’ainsi, pour être « privilégiée » au sens de l’article 1er de ce règlement, l’information détenue doit être non publique, ce qui suppose que l’on ne puisse y accéder par aucun des moyens mis à la disposition du marché (presse spécialisée, documents de référence et comptes publiés, analyses financières…), précise, comme peut l’être par exemple un chiffre ou un événement déterminé, enfin avoir une incidence sur le cours si elle devait être révélée ; qu’il convient donc d’examiner, au regard de ces critères, qui sont cumulatifs, si les informations visées sont ou non « privilégiées » ;

a) Sur les conditions subordonnant l’accès à la trésorerie de la société S

Considérant que, comme on l’a vu plus haut (1ère partie, II – 3), le 1er août 2001, a été conclue une convention par laquelle, moyennant le versement d’un intérêt, « la société S, qui dispose actuellement et ponctuellement d’excédents de trésorerie, souhaite placer ces excédents jusqu’à la fin de l’année au plus tard », et les met à la disposition de la société X ; que cette convention de compte-courant à un taux normal, valant jusqu’au 31 décembre 2001, a été présentée au conseil d’administration de la société X et approuvée par les membres du conseil d’administration de la société S; qu’en raison de la persistance d’une situation favorable de sa trésorerie, cette dernière a reconduit la convention le 2 janvier 2002 par un avenant qui n’a, cette fois, pas été soumis aux administrateurs ; qu’ont ainsi été mises à la disposition de la société X des sommes ayant évolué entre 522 millions d’euros le 8 août 2001 et 962 millions d’euros le 31 mars 2002 ; que ce n’est qu’en juin 2002 que la société S a demandé la restitution de son avance, qui lui a été remboursée par la société X le 5 juillet 2002 ;

—  18 –

Considérant que si cette convention avait, à l’évidence, été dissimulée au public (1ère partie, II – 3) depuis sa signature, le 8 août 2001, jusqu’à sa résiliation, le 5 juillet 2002, l’on ne saurait, pour autant, assimiler à une information privilégiée, qui aurait eu pour effet d’interdire durant toute cette période une quelconque intervention sur le marché, l’existence des avances et les variations affectant leur montant pendant les onze mois de vie du compte-courant ; qu’en effet, ces éléments sont par nature imprécis et fluctuants ; que le grief paraît plutôt retenir, à ce titre, la connaissance du terme du contrat, prévu pour le 31 décembre 2001 ; qu’il convient dès lors de rechercher si une demande de remboursement était effectivement envisagée et si l’anticipation d’un tel événement était susceptible de caractériser une information privilégiée ;

Considérant qu’il était prévu par la convention que les avances prendraient fin au 31 décembre 2001 parce que la société S devait s’acquitter en septembre et décembre de la même année des redevances de sa licence « UMTS » ; que ces dernières, ayant été considérablement réduites, ont pu être payées à l’automne sur les fonds propres de la société S, si bien que cette société n’avait alors aucun besoin de récupérer sa trésorerie, placée dans des conditions satisfaisantes ; qu’aucune demande de remboursement n’a d’ailleurs été formulée et que la société X savait qu’elle pourrait continuer à disposer des fonds, ce qui fut encore le cas pendant plus de six mois ;

Considérant qu’en conséquence, durant la période considérée, les mis en cause ne détenaient, sur le contenu et les perspectives de cette convention de compte-courant, aucun élément nouveau, précis ou déterminant qui soit susceptible de caractériser une information privilégiée pouvant amener les mis en cause à procéder sur le marché aux cessions litigieuses ;

b) Sur les engagements pris auprès des agences de notation

Considérant qu’à partir de novembre 2001, les agences de notation Moody’s et Standard & Poor’s avaient manifesté leur inquiétude sur la situation financière du groupe, si bien que, pour éviter une dégradation de la notation de la société X, B s’était engagé le 13 décembre 2001 auprès de la seconde à ce que la société cède des actifs ; qu’il avait fait part de ses préoccupations à ce propos à A à diverses reprises, et notamment à la fin du mois de novembre 2001 ;

Considérant, toutefois, que le risque d’un abaissement de l’évaluation de la société par ces agences, à supposer qu’il puisse s’analyser comme une information « précise », n’était pas inconnu du public, dès lors qu’avaient été publiés, d’une part, les 17 et 20 décembre 2001, des communiqués en langue anglaise de Standard & Poors selon lesquels les notes ne seraient pas dégradées à la condition que la société X réduise sa dette de façon substantielle et rapidement, d’autre part, le 17 décembre 2001, une dépêche de l’Agence Reuters, tout à fait accessible au public, indiquant que « Standard & Poors a annoncé lundi placer sous surveillance avec implication négative la note à long terme… et la note à court terme… de la société X » ; qu’il ne s’agit donc pas d’une « information privilégiée » au sens de l’ordonnance susvisée ;

c) Sur l’absence de cash-flow net positif à la fin de l’année 2001

Considérant que, si la dissimulation par la société X de son incapacité à générer de la trésorerie a été retenue au titre d’un manquement à l’information du public (1ère partie, II – 3), l’on ne saurait pour autant considérer que l’absence de cash flow net positif du groupe deviendrait, du seul fait de cette dissimulation, une « information privilégiée » au sens du règlement COB n° 90-08 ; qu’en effet, une telle analyse méconnaîtrait la différence, dans leur degré comme dans leur nature, des critères d’appréciation retenus selon que l’on recherche, à propos d’une information déterminée, si elle a fait l’objet d’une communication inexacte et incomplète, ou si elle était en elle-même inaccessible au public ; que les deux questions n’appellent pas nécessairement la même réponse, les approches étant conceptuellement différentes ;

Considérant qu’il convient donc de rechercher si l’insuffisance du cash flow net de la société X au cours et à la fin de l’année 2001 était, lors de la période visée au grief, une information précise et inaccessible au public ;

Considérant, tout d’abord, qu’il ne s’agissait pas, à la fin du mois de décembre 2001, d’une donnée précise, personne, au sein de la société X, n’étant alors à même de déterminer exactement, aussi bien pour l’exercice 2000 que pour le suivant, le montant de ce défaut de cash flow net ; qu’en effet, il n’avait pas été mesuré avec précision jusqu’alors ; qu’il a fallu attendre février 2002 pour que son évaluation, faite seulement pour le 1er semestre et pour la fin de l’exercice 2001, ait été fixée respectivement à – 64 millions (dont – 23,1 pour la branche media et communication) et à – 134 millions d’euros ; qu’ainsi, pour l’exercice 2000, M. A avait évoqué le 25 septembre 2001 un « cash flow net négatif » , tandis que M. J avait indiqué, lors du comité d’audit du 25 février 2002, qu’il était « voisin de zéro » et que M. B l’estimait quant à lui

—  19 – « négatif d’un milliard d’euros » (audition du 25 mai 2004) ; qu’il paraît donc bien difficile de déterminer le niveau auquel chacun des deux mis en cause a pu évaluer, à la fin du mois de décembre 2001, l’insuffisance du cash flow net, M. A ayant alors considéré que les prévisions résultant de la note du 17 novembre 2001 de M. B étaient trop pessimistes ; qu’effectivement, la présentation faite le 25 février 2002 a fait apparaître des chiffres moins négatifs que ce qui avait été anticipé ; qu’ainsi, même s’ils avaient l’un et l’autre pleinement conscience de l’incapacité où se trouvait alors la société X de générer des excédents de trésorerie, MM. A et B n’étaient pas en mesure de déterminer le montant exact de l’insuffisance de cash flow, si bien qu’ils ne détenaient pas, à ce propos, une information « précise » au sens de l’article 1er du règlement susvisé ;

Considérant, par ailleurs, que l’absence, anticipée ou effective, de trésorerie générée par la société X a été portée à la connaissance du marché ; qu’en effet, ont été versées au dossier sept études d’analystes provenant de […], datées d’avril, juin et août 2001 et faisant état, pour l’exercice 2001, de prévisions d’un « free cash flow net » négatif dont le montant était estimé, selon leurs auteurs, entre 255 et 1 246 millions d’euros ; qu’en outre, à la suite de la conférence du 25 septembre 2001, ont été présentées aux analystes et à la presse, puis mises en ligne, les annexes des « transparents » élaborés par la société X, qui faisaient apparaître, pour le secteur media et communication au 1er semestre 2001, un cash flow net négatif de 20 millions d’euros ; que ces indications, aussi hétérogènes soient-elles, avaient en commun d’être accessibles au public, en sorte que l’absence de cash flow net positif ne pouvait pas constituer une information privilégiée ;

Considérant, en définitive, qu’à défaut de constituer une indication précise et inaccessible pour le public, la situation financière de la société X à la fin de l’année 2001 ne pouvait pas être regardée comme une « information privilégiée » ;

Considérant que, n’ayant détenu les 21 et 27 décembre 2001 aucune « information privilégiée » au sens de l’article 1er du règlement susvisé, M. B et M. A, qui a au surplus indiqué avoir, aux mêmes dates, racheté davantage de titres qu’il n’en avait vendu, seront mis hors de cause pour les opérations qu’ils ont réalisées ;

III – SUR LA SANCTION

Considérant que, si les manquements d’initiés ne sont pas caractérisés, il demeure que, durant la période d’octobre 2000 à avril 2002 où les difficultés financières du groupe augmentaient au rythme de ses acquisitions et se traduisaient par une incapacité croissante à générer la trésorerie indispensable à sa compétitivité, M. A, président directeur général de la société X, a délibérément diffusé au nom de cette société, à propos de la consolidation de la société U, ainsi que des dettes, des cash flow et des perspectives d’avenir du groupe, des informations inexactes et abusivement optimistes ; qu’il a trompé le public, surpris la confiance du marché et porté préjudice aux actionnaires ; que seront prononcées, à son égard et à celui de la société X qu’il représentait, des sanctions proportionnées à la gravité des manquements visés aux articles 2 à 4 du règlement COB n° 98-07 et L. 621-14-I du code monétaire et financier qui ont été commis ;

PAR CES MOTIFS, et après en avoir délibéré, sous la présidence de M. Jacques Ribs, par Mme Claude Nocquet, présidente de la 2ème section de la Commission des sanctions, MM. Yves Brissy, Thierry Coste, Jean-Pierre Hellebuyck, Pierre Lasserre, Jean-Pierre Morin, Jean-Jacques Surzur et Joseph Thouvenel, membres de la Commission des sanctions, en présence de la secrétaire de séance,

DECIDE DE :

— mettre hors de cause M. B ;

- prononcer une sanction pécuniaire d’un million d’euros à l’encontre de M. A ;

- prononcer une sanction pécuniaire d’un million d’euros à l’encontre de la société X ;

- publier la présente décision au « Bulletin des Annonces Légales Obligatoires », ainsi que sur le site internet et dans la revue de l’Autorité des Marchés Financiers.

Fait à Paris, le 3 novembre 2004

La Secrétaire,

Le Président, Brigitte Letellier

Jacques Ribs

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Décision de la Commission des sanctions du 3 novembre 2004 à l'égard de MM. A, B et la société X