Cour d'appel d'Agen, 11 juin 2014, n° 12/01023

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Agen, 11 juin 2014, n° 12/01023
Juridiction : Cour d'appel d'Agen
Numéro(s) : 12/01023
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Agen, 13 mars 2012

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DU

11 Juin 2014

RM / NC**


RG N° : 12/01023


SARL Z

C/

SAS Y


Timbre 'procédure’ de 35 €

2 Timbres 'représentation obligatoire’ de 150 €

ARRÊT n° 413-14

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Commerciale

Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le onze juin deux mille quatorze, par Raymond MULLER, président de chambre, assisté de Nathalie CAILHETON, greffier,

LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1re chambre dans l’affaire,

ENTRE :

SARL Z, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

représentée par Me Erwan VIMONT, membre de la SCP LURY-VIMONT-COULANGES, avocat postulant inscrit au barreau d’AGEN,

et Me Olivier MONROUX, de la SCP LAPORTE-MONROUX-SZEWCZYK-SUSSAT, avocat plaidant inscrit au barreau de LIBOURNE

APPELANTE d’un jugement rendu par le tribunal de commerce d’AGEN en date du 14 mars 2012

D’une part,

ET :

SAS SOCIÉTÉ Y, venant aux droits de la société X, prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège

XXX

XXX

représentée par Me Ludovic VALAY, SCP VALAY-BELACEL-DELBREL, avocat inscrit au barreau d’AGEN

INTIMÉE

D’autre part,

a rendu l’arrêt contradictoire suivant. La cause a été débattue et plaidée en audience publique, le 04 février 2013 sans opposition des parties, devant Raymond MULLER, président de chambre, et Aurore BLUM, conseiller, rapporteurs, assistés de Nathalie CAILHETON, greffier. Le président de chambre et le conseiller, rapporteurs, en ont, dans leur délibéré, rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Chantal AUBER, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du code de procédure civile, et qu’il en ait été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées par le président, à l’issue des débats, que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu’il indique.

' '

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EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement en date du 14 mars 2012, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties et des motifs énoncés par les premiers juges, le Tribunal de commerce d’Agen a :

— débouté la société Z de l’ensemble de ses prétentions ;

— débouté la société Y de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ;

— condamné la Sarl Z aux dépens et à payer à la société Y une indemnité de procédure de 4 000 euros.

Selon déclaration d’appel enregistrée au greffe le 7 juin 2012, la Sarl Z a interjeté appel de ce jugement.

Selon dernières écritures enregistrées au greffe le 21 novembre 2012, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la Sarl Z conclut à l’infirmation du jugement et demande à la Cour :

1°) de condamner la société Y à lui payer la somme de 100 000 euros, HT, en faisant valoir :

— qu’il appartient à Y de prouver qu’elle s’est libérée de son obligation de payer les marchandises au prix convenu, que le tribunal a inversé la charge de la preuve en se fondant sur les pesages, mesurages et comptages unilatéraux de l’acheteur et en présumant l’acceptation par la Sarl Z des 'oukases’ de Y, maquillés en prétendus usages, et en déduisant de la succession des ventes entre les parties l’instauration d’un usage commercial, alors que l’incertitude et le doute doivent être retenus au détriment de celui qui se prétend libéré ;

— qu’en réalité, alors que le prix de la récolte est convenu ente le producteur et un représentant local de Y, cette dernière procède après s’être appropriée la récolte, à une réfaction du prix suite à des opérations de mesurage et comptage non convenues et non contradictoires, effectuées sans aucune possibilité de contrôle ;

— que Y a d’ailleurs reconnu lors des opérations d’expertise que les opérations de pesée se faisaient hors la présence du récoltant sur des sites éloignés, et donc sa carence ;

— que la Sarl Z a contesté les décotes opérées unilatéralement par Y au moment des opérations non contradictoires de pesage et comptage et que c’est à l’acquéreur d’apporter la preuve que son payement est libératoire, faute de quoi le vendeur est en droit de demander payement du solde du prix en s’appuyant sur un décompte précis établi par ses soins et correspondant à la récolte enlevée par l’acquéreur,

2°) subsidiairement, si la Cour estimait fiables les comptes fournis par Y, 'de dire nulles et abusives toutes les clauses organisant les conditions pour être abusives’ et de condamner Y à l’indemniser sous forme d’une indemnité de 100 000 euros, sauf à parfaire par expertise et de condamner dans ce cas Y à fournir l’ensemble des documents exigés par l’expert et utiles à l’accomplissement de la mission de celui-ci, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du jugement (sic) ;

3°) de condamner Y aux dépens et au payement d’une indemnité de procédure de 5 000 euros ;

4°) de dire Y responsable des dommages consécutifs à la livraison d’un lot de semences défectueux pour la récolte de maïs 2002 et de la condamner à 40 000 euros de dommages et intérêts, majorés des intérêts légaux à compter de la date de réception des récoltes.

Selon dernières écritures enregistrées au greffe le 28 septembre 2012, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions, la société Y conclut au rejet de l’appel et demande à la Cour de confirmer les dispositions du jugement rejetant les demandes de la Sarl Z, mais de le réformer sur sa demande reconventionnelle pour condamner la Sarl Z à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, tant au titre du préjudice moral que de la procédure abusive engagée. Elle sollicite en outre la condamnation de l’appelante aux dépens et au payement d’une indemnité de procédure de 8 000 euros.

L’intimée fait valoir pour l’essentiel que le litige doit être apprécié au regard des usages de la profession, dont aucune violation n’est démontrée par l’appelante, qu’il n’y a aucun abus de position dominante, qu’en renouvelant pendant des années ses ventes auprès de la société X, la Sarl Z était parfaitement informée et consciente des conditions d’engagement des relations contractuelles, dont elle pouvait se libérer à tout moment si elle les avaient estimées déséquilibrées, qu’aucun préjudice n’a été justifié ni au stade du référé, ni dans le cadre de l’expertise et encore moins dans la procédure au fond.

La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 19 décembre 2012.

MOTIFS DE L’ARRÊT

I . Sur la demande en dommages et intérêts au titre de la livraison de semences défectueuses

Pour confirmer les dispositions du jugement rejetant la demande en dommages et intérêts formulée par la Sarl Z au titre de la prétendue livraison de semences de maïs défectueuses pour la récolté 2002, et des 'difficultés rencontrées', il suffira de relever :

— que les premiers juges ont justement observé que l’article 8 de la loi du 8 juillet 1907 dispose que toute livraison d’engrais ou de semences doit être engagée dans un délai de 40 jours à compter de la livraison ;

— que les courriers des 18 août 2003 et 27 septembre 2004 adressés par la Sarl Z à X (aux droits de laquelle se trouve Y) évoquent certes 'des problèmes de semence’ pour le premier, la livraison de 'doses de maïs périmées’ et 'l’incident non résolu encore aujourd’hui sur un numéro de lot de semence… pour les semis 2002, provoquant une perte de 20 tonnes de maïs’ mais qu’ils émanent de la partie qui s’en prévaut, qu’ils sont largement postérieurs au délai de 40 jours précité et qu’il n’est pas justifié d’une réclamation dans ce délai, qu’ils ne sont corroborés par aucun constat d’huissier, aucune expertise et qu’il serait particulièrement étonnant que la Sarl Z ait laissé sans suite pendant plus de 2 ans un incident entraînant la perte de 20 tonnes de maïs et un préjudice de 40 000 euros, s’il avait été réellement imputable à X ;

— qu’en tout cas en l’absence de justification d’une réclamation dans le délai de 40 jours fixé par l’article 8 de la loi du 8 juillet 1907, la demande était irrecevable, sans même qu’il soit besoin d’examiner davantage son bien fondé, étant observé surabondamment que la preuve de la défectuosité alléguée des semences n’est absolument pas rapportée ;

— qu’il en est très exactement de même en ce qui concerne les 'difficultés logistiques’ alléguées, qui ne sont corroborées par aucun élément objectif, par aucun constat, aucun témoignage, aucune expertise.

II . Sur la demande en payement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts

A titre liminaire, il convient de relever, d’une part, que ce n’est pas tant les relations contractuelles qui apparaissent opaques, que l’argumentation de l’appelante qui vise au soutien de ses prétentions de nombreux textes, sans expliquer clairement le fondement de son action, que les notions de diktat et d’oukases évoquées dans les conclusions de son conseil paraissent totalement inappropriées dès lors que X n’avait aucun monopole, ni même aucune position dominante sur le marché des céréales et n’était que l’un des nombreux négociants privés oeuvrant dans le secteur, en concurrence notamment avec de grands groupes coopératifs, et qu’en l’absence de tout engagement la liant à moyen ou à long terme avec X, la Sarl Z pouvait à tout moment décider de livrer ses récoltes à d’autres négociants si elle n’avait plus été d’accord avec les prix pratiqués par X dans le cadre de relations commerciales suivies.

Par ailleurs, s’il appartient à celui qui se prétend libéré d’une obligation de justifier du payement, il appartient d’abord à celui qui se prétend créancier d’une obligation de rapporter la preuve de l’existence et de l’étendue de celle-ci.

En l’espèce, l’argumentation de la Sarl Z consiste à soutenir que les payements effectués par X aux droits de laquelle se trouve Y ne sont pas satisfactoires parce que celle-ci aurait payé des quantités moindres que celles qui lui auraient été délivrées et aurait effectué des retenues injustifiées en appliquant des barèmes non négociés et en déduisant des frais injustifiés.

Force est de constater tout d’abord que ni l’expertise, ni aucun document quelconque ne démontrent que les quantités livrées par la Sarl Z étaient supérieures à celles payées par X. La Sarl Z, sur qui pèse la charge de la preuve des quantités livrées, affirme que les opérations de mesurage et pesage n’étaient pas contradictoires, mais ne justifie pas qu’elle ait été empêchée de quelque manière que ce soit d’y assister par X, qu’elle pouvait parfaitement livrer elle-même sa production, ce qui lui aurait permis d’assister à la pesée et à la mesure du taux d’humidité, ou à tout le moins, en cas de suspicion, déléguer l’un de ses salariés pour y assister.

Par ailleurs, il est d’usage, dans le secteur du négoce des céréales, lorsque l’enlèvement se fait hors la présence du producteur (mais évidemment avec son accord) et que celui-ci n’assiste pas aux opérations, que la pesée et la mesure soit effectuée par le négociant et qu’un bordereau de livraison, puis un récapitulatif mensuel, soit adressé au producteur pour lui permettre toute contrôle et contestation utiles. Les pièces produites confirment que tel a bien été le cas en l’espèce et que la Sarl Z n’a jamais élevé de contestation dans les jours suivants la réception des bons de livraison.

Par suite, la Cour ne peut que retenir que la Sarl Z ne rapporte pas la preuve qu’elle a livré des quantités supérieures à celles qui lui ont été payées.

En second lieu, il sera observé que si la Sarl Z affirme que des frais injustifiés lui ont été imputés et ont été déduits sur les règlements effectués par X, elle ne précise pas devant la Cour, pas plus qu’elle ne l’avait fait en première instance ou devant l’expert, le détail de ceux-ci, alors que c’est à elle de le faire, sur la base des décomptes qui sont en sa possession, et ce pour permettre à son adversaire de répliquer et de fournir des explications sur chacune des déductions qui seraient contestées.

La généralité de la contestation opérée enlève, en raison de l’impossibilité où elle met son adversaire de la discuter précisément et la Cour d’opérer une quelconque vérification, toute valeur à celle-ci.

En outre, en l’absence de contrat écrit, la Cour ne perçoit pas de quelles 'clauses organisant les conditions pour être abusives’ elle pourrait prononcer la nullité !

Enfin, il sera encore relevé que la Sarl Z réclame une somme de 100 000 euros HT, sur une base totalement arbitraire, voire fantaisiste, sans même fournir aucune explication sur les quantités supplémentaires qui auraient dues être payées, sans indiquer comment elle est arrivée à cette somme.

L’ensemble de ces motifs et ceux non contraires des premiers juges ne peuvent conduire qu’à la confirmation des dispositions du jugement rejetant cette demande de la Sarl Z.

III . Sur les frais non répétibles et les dépens

L’appelante, qui succombe, ne peut bénéficier des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et sera condamnée aux dépens.

Du fait de l’appel interjeté, l’intimée a été contrainte de se faire représenter en justice pour assurer la défense de ses droits. Il serait inéquitable que l’intégralité des frais ainsi exposés demeure à sa charge.

Par application de l’article 700 du Code de procédure civile, l’appelante sera condamnée à lui verser une indemnité de procédure de 3 000 euros à hauteur d’appel, s’ajoutant à celle allouée à l’intimée en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

CONDAMNE la Sarl Z à payer à la SAS Y Agriculture une indemnité de procédure de 2 500 euros ;

CONDAMNE la Sarl Z aux entiers dépens d’appel et autorise le recouvrement de ceux-ci conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Raymond MULLER, président de chambre, et par Nathalie CAILHETON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

Nathalie CAILHETON Raymond MULLER

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Textes cités dans la décision

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Cour d'appel d'Agen, 11 juin 2014, n° 12/01023