Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1er février 2007, n° 96/04737
TGI Marseille 7 janvier 2003
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TGI Marseille 4 septembre 2003
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CA Aix-en-Provence
Infirmation 1 février 2007

Arguments

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  • Accepté
    Omission de réponse aux conclusions récapitulatives

    La cour a estimé que le tribunal de première instance avait effectivement omis de répondre à des éléments essentiels des conclusions, justifiant ainsi la réformation de la décision.

  • Accepté
    Défaut de surveillance de la clinique

    La cour a retenu que la clinique avait effectivement manqué à son obligation de surveillance, ce qui a contribué à l'accident.

  • Accepté
    Lien de causalité entre le défaut de surveillance et le préjudice

    La cour a confirmé qu'il y avait un lien de causalité direct entre le défaut de surveillance et les conséquences de l'accident.

  • Accepté
    Responsabilité de la clinique et de son assureur

    La cour a jugé que la clinique et son assureur devaient indemniser les préjudices subis par la victime en raison de leur responsabilité engagée.

  • Accepté
    Droit aux frais irrépétibles

    La cour a jugé que les appelants avaient droit à des frais irrépétibles en raison de la résistance abusive des intimés.

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 1er févr. 2007, n° 96/04737
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 96/04737
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 3 septembre 2003, N° 96/04737

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

10° Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 01 FEVRIER 2007

N° 2007/

A.M. P.C.

Rôle N° 03/18056

O P

GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES

C/

S.A MEDICA AN

COMPAGNIE ASSURANCES GENERALES DE AN

Caisse RSI PROVENCE ALPES

Q G

S T épouse X

R E

Grosse délivrée

le :

à :la SCP de ST AL

la SCP LATIL

la SCP COHEN

XXX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 04 Septembre 2003 enregistré au répertoire AJ sous le n° 96/04737.

APPELANTS

Monsieur O P

né le XXX à XXX

GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES, GMF SAUVEGARDE, inscrite au RCS de PARIS sous le n° 612 007 674, Code APE 660 E, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège,, demeurant XXX

représentés par la SCP DE AK AL – TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par Me AO CAMPOCASSO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Madame S T épouse X, ès qualités d’héritière de Madame Q G née Y. Z à personne en reprise d’instance

née le XXX à LYON (69125), demeurant Traverse de la O – Bâtiment B9 – 13011 MARSEILLE

défaillante

Madame R E ès qualités d’héritière de madame Q G née Y. Z en Mairie en reprise d’instance

née le XXX à XXX

défaillante

S. A MEDICA AN, gérant l’Etablissement LE COLOMBIER, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité audit siège social sis XXX

représentée par la SCP LATIL – PENNAROYA-LATIL – ALLIGIER, avoués à la Cour, plaidant par Me AV-Marc SOCRATE, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPAGNIE ASSURANCES GENERALES DE AN,société anonyme, venant aux droits de la Société ALLIANZ ASSURANCE, entreprise régie par le Code des Assurances, immatriculée au RCS de PARIS sous le n°B 542 110 291, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège sis XXX

représentée par la SCP LATIL – PENARROYA-LATIL – ALLIGIER, avoués à la Cour

CAISSE RSI DE PROVENCE venant aux droits de la CAISSE MUTUELLE REGIONALE DE PROVENCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège sis XXX XXX

représentée par la SCP COHEN – GUEDJ, avoués à la Cour, ayant pour avocat Me Thomas D’JOURNO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 21 Décembre 2006 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Madame Anne Marie POIRIER – CHAUX, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne-Marie POIRIER-CHAUX, Président

Madame O KLOTZ, Conseiller

Madame Cécile THIBAULT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur U V.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Février 2007.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Février 2007,

Signé par Madame Anne-Marie POIRIER-CHAUX, Président et Monsieur U V, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

A la suite d’un accident de la circulation survenu le 10 décembre 1992, dans lequel était impliqué le véhicule de O P, assuré auprès de la Garantie Mutuelle des Fonctionnaires (GMF), ces derniers ont été condamnés à indemniser le préjudice subi par Q G, piéton blessé à cette occasion, qui s’est retrouvée dans le coma après avoir fait une chute le 15 mai 1993, alors qu’elle séjournait au centre de gérontologie et de convalescence 'LE COLOMBIER'.

Par acte en date du 17 avril 1996, O P et son assureur la GMF, subrogés dans les droits de la victime indemnisée ont assigné en responsabilité la clinique et son assureur la compagnie ALLIANZ, estimant que l’établissement hébergeant la malade avait commis une faute en raison de l’insuffisance de surveillance d’une patiente présentant un syndrome confusionnel post-traumatique, la chute étant survenue alors que la pensionnaire tentait de quitter son lieu d’hébergement et qu’elle avait effectué d’autres fugues les jours précédents, et en s’abstenant de l’informer des conséquences du traitement anticoagulant important dans l’hypothèse d’une chute, cette médication ayant aggravé les troubles présentés.

Par jugement du 4 septembre 2003 le Tribunal de grande instance de MARSEILLE a

— débouté O P et la GMF de l’ensemble de leurs demandes

— débouté la CAISSE MUTUELLE REGIONALE DE PROVENCE (CMRP) de l’ensemble de ses demandes dirigées contre la SA MEDICA AN et les AGF

— condamné O P et la GMF à payer à la SA MEDICA AN et les AGF la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par déclaration déposée le 22 septembre 2003 et enrôlée le 28 octobre 2003 O P et la GMF SAUVEGARDE ont interjeté appel de cette décision.

Les appelants ont assigné en reprise d’instance, à la suite du décès de Q G, ses héritières : R E et S T épouse X.

Le magistrat a prononcé une ordonnance de jonction le 13 mars 2006.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2006.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

1°) Les appelants demandent à la cour dans leurs conclusions déposées le 23 janvier 2004

— vu les articles suivants :

' articles 1382, 1383, 1384 du Code civil

' articles L 121-12 du Code des assurances concernant la subrogation de la GMF sur les sommes versées pour le compte de son sociétaire O P à un tiers

' articles 1251 du Code civil, 1249 du Code civil, 1250 du Code civil, 1254, 1256 dudit code

' la loi du 5 juillet 1985 dans ses articles 1 et suivants et 28 à 34 de ladite loi

' article 10 du nouveau code de procédure civile concernant l’obligation de concourir à la manifestation de la vérité,

' articles 143, 144, 145, 147, 148, 170, 171, 172, 173 du nouveau code de procédure civile

' articles 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 194, 195, 196, 197 du nouveau code de procédure civile

' articles 263, 264, 265, 266, 267, 268, 269, 270, 271, 272 du nouveau code de procédure civile concernant la demande d’expertise

' articles 184 et suivants du nouveau code de procédure civile

— de réformer dans sa totalité la décision déférée

— de dire que la juridiction de première instance a omis de répondre aux conclusions récapitulatives n°3 visées par le greffe de la 1re chambre le 4 novembre 2002, faisant état des différents arguments développés dans ses écritures et notamment du pré-rapport et du rapport de l’expert judiciaire le Dr A, qui est un élément essentiel dans cette affaire, puisqu’il dégage la charge finale des responsabilités incombant à chacune des parties tant dans son pré-rapport que dans son rapport définitif

— de dire qu’il y aura lieu de faire droit à la demande de comparution personnelle des parties citées dans les motifs, et d’ordonner l’audition de celles-ci par votre juridiction de jugement, et ce, en vertu des articles 184 et suivants du nouveau code de procédure civile, au vu des dénégations et contradictions contenues tant dans les documents produits que dans les dernières écritures de la compagnie AGF venant aux droits de la société ALLIANZ, prise en la personne de son représentant légal et de la SA MEDICA AN gérant l’établissement le COLOMBIER, à savoir

* Monsieur AU AV-AW, Directeur d’établissement à l’époque

* Madame W AA épouse B, Directrice du centre médical de convalescence et rééducation fonctionnelle

* Madame AB AC, infirmières

* Monsieur AD AE, garde municipal

* Le Dr H AF, 14 , XXX

— de dire que la clinique 'LE COLOMBIER’ représentée par la SA MEDICA AN, prise en la personne de son représentant légal, est entièrement responsable des conséquences dommageables de la chute dont a été victime Q G représentée par son curateur AG AH, le 15 mai 1993 aux XXX

— de dire qu’au vu des articles précités, des moyens exposés et des faits de la cause, la clinique LE COLOMBIER représentée par SA MEDICA AN, prise en la personne de son représentant légal, devra être condamnée solidairement et in solidum avec la compagnie d’assurance AGF venant aux droits de la société ALLIANZ, prise en la personne de son représentant légal, à rembourser à la GMF la somme de 772.734,34 € (5.068.805 Frs) selon détails ci-dessous :

  • Jugement du Tribunal de grande instance du 28 mai 1996, 2e chambre n°439

— liquidation préjudice corporel Madame C 292.566,58 € (1.918.920 Frs)

  • La Cour d’appel a alloué à Q G, les sommes complémentaires sur les postes suivants :

— Prétium doloris 18.293,88 € (120.000 Frs)

(120.000 Frs de plus qu’en première instance

— IPP 45.734,71 € (300.000 Frs)

(300.000 Frs de plus qu’en première instance

AI 356.566,05 € (2.338.920 Frs)

(TGI 1.918.920 Frs + complément cour d’appel 420.000 Frs)

— Frais médicaux aux D

du 1 janvier 1994 au 31 janvier 1997 103.831,04 € (681.087 Frs)

— Frais futurs d’hébergement aux D

soit la somme de 277.832,84 € (1.822.464 Frs)

— intérêts réglés en 1re instance 4.014,59 € (26.334 Frs)

—  2 articles 700 Cour d’appel 2.286,74 € (30.000 Frs)

AI : 746.818,00 € (4.898.805 Frs)

  • Sommes dues au titre du jugement du Tribunal de grande instance du 23 juin 1997 n° 483 2e Chambre X E c/ GMF, de :

— au titre de préjudices moraux

' 9.146,94 € (60.000 Frs) pour X

' 9.146,94 € (60.000 Frs) pour E

— au titre de préjudices matériels

' 3.811,23 € (25.000 Frs) pour X

' 3.811,23 € (25.000 Frs) pour E

soit au AI la somme de : 2.591,63 € (170.000 Frs)

AI AJ de : 772.734,34 € (5.068.805 Frs)

— de réserver les droits de la GMF sur les sommes réglées ou à régler en quittance ou deniers, concernant notamment :

' dépens 1re instance à justifier

' dépens d’appel à justifier

' intérêts d’appel à justifier

' autres à justifier

  • Affaire pendante devant la cour d’appel GMF c/E et toutes autres sommes versées par la GMF au titre de cette affaire.

— de dire que la clinique LE COLOMBIER représentée par SA MEDICA AN, prise en la personne de son représentant légal et la compagnie d’assurance AGF venant aux droits de la société ALLIANZ, prise en la personne de son représentant légal, devront être condamnées à régler à la GMF les sommes indiquées ci-dessus en deniers ou quittances, avec intérêts de droit courant à partir du 1er règlement effectué par la GMF, subrogée dans les droits et actions de son sociétaire O P, du fait des sommes versées à un tiers en vertu des articles susvisés tant les motifs que dans le dispositif de ces écritures et conclusions récapitulatives

— de réserver le surplus des sommes versées à la GMF en quittance ou deniers, en fonction des sommes qui seraient versées postérieurement et notamment sur l’affaire qui est pendante devant la cour d’appel concernant la procédure qu’a intentée Madame E, pour un nouveau préjudice personnel avec sa soeur.

— de dire qu’il y aura lieu de condamner la Clinique LE COLOMBIER représentée par SA MEDICA AN, prise en la personne de son représentant légal et la compagnie d’assurance AGF venant aux droits de la société ALLIANZ, prise en la personne de son représentant légal à somme de :

' 15.244,90 € au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens distrait au profit de la SCP TOUBOUL de AK AL qui a pourvu sur son affirmation de droit, y compris les frais d’expertise judiciaire

'15.244,90 € à titre de dommages et intérêts, pour résistance abusive et mauvaise foi.

2°) Les parties intimées

a) La Compagnie AGF et la SA MEDICA AN demandent à la cour dans leur écritures déposées le 24 septembre 2005

— de confirmer purement et simplement le jugement entrepris

— de dire que O P et la GMF n’apportent pas la preuve d’un défaut de surveillance à l’encontre du centre LE COLOMBIER, ni la preuve d’un lien de causalité entre un éventuel défaut de surveillance, ayant entraîné la chute de 1993, et l’état actuel de Q G

— de les débouter en conséquence de toutes leurs prétentions

— de les condamner à leur payer la somme de 1.600 € en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

b) La Caisse RSI PROVENCE ALPES demande à la cour dans ses conclusions déposées le 1er décembre 2006

— de lui donner acte de ce qu’elle a perçu de la compagnie GMF la somme de 174.926,34 Frs soit 26.667,35 € dans le cadre du protocole entre compagnie d’assurances et organisme de sécurité sociale

— de condamner in solidum la SA MEDICA AN et la compagnie AGF IART venant aux droits de F VIE ASSURANCES à lui payer la somme de 173.872,67 € en principal outre intérêts au taux légal

— de les condamner à lui régler la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles.

c) S T épouse X et R E, en leur qualité d’héritières de Q G, ont été assignées respectivement par acte du 16 janvier 2006 à personne et par acte du 18 janvier 2006 à mairie. Elles n’ont pas constitué avoué.

Le présent arrêt sera prononcé par défaut.

MOTIFS

1°) Sur la présence aux débats du pré-rapport et du rapport de l’expert A

Ces documents figuraient en première instance. Si le premier juge ne s’y est pas référé, la cour, en tout état de cause, statuera au vu de l’ensemble des pièces produites et régulièrement communiquées.

2°) Sur la demande de plusieurs comparutions personnelles

Il apparaît, en l’état de très nombreuses pièces versées aux débats par les parties et notamment par O P et la GMF SAUVEGARDE, que la cour est en mesure de statuer sans la mise en oeuvre de nouvelles mesures d’instruction.

3°) Sur le rapport d’expertise du professeur GROULIER et de son sapiteur le professeur PERAGUT

L’avis du sapiteur est le suivant :

'… Le traumatisme crânien du 15 mai 1993 qui se serait produit alors que la patiente avait quitté contre avis médical le centre LE COLOMBIER, paraît incontestablement lié aux troubles neuro-psychologiques présentés et dans sa gravité (hématome sous-dural aigu très important), le rôle des anti-coagulants ne peut être nié.

Il apparaît donc qu’il existe une relation directe et certaine entre l’accident du 15 mai 1993 qui a entraîné un hématome sous-dural avec des conséquences cérébrales gravissimes et l’accident de la circulation du 10 décembre 1992…'

Cet avis a été repris par le professeur GROULIER dans son rapport d’expertise médicale du 22 décembre 1993 :

'… Le Professeur PERAGUT nous a fait parvenir le 21 décembre 1993 son rapport du sapiteur, que nous joignons au nôtre, et dans lequel il conclut qu’il existe une 'relation directe et certaine entre l’accident du 15 mai 1993 qui a entraîné un hématome sous-dural avec des conséquences cérébrales gravissimes et l’accident de circulation du 10 décembre 1992",

4°) Sur le rapport d’expertise du docteur A

Le juge des référés, par ordonnance du 30 septembre 1994, a ordonné une expertise à la requête de la GMF. Cette ordonnance a été infirmée par la cour de ce siège par arrêt du 19 mars 1997. Sur pourvoi de la GMF cet arrêt a été cassé par la cour suprême de sorte que l’expert A a repris ses opérations. La cour de renvoi (NIMES) n’apparaît pas avoir été saisie.

Dans son rapport du 12 février 2001, l’expert écrit en conclusion : 'il apparaît que l’état végétatif actuel de Madame G qui motive son hospitalisation aux D depuis le 2 juin 1994 est imputable :

— à 70% à l’accident du 10 décembre 1992, qui a provoqué les conditions de la chute du 15 mai 1993

— à 20% au centre de convalescence du COLOMBIER du fait d’une mauvaise surveillance d’une personne désorientée et grandement susceptible de fuguer.

— à 10% enfin au centre hospitalier d’N où la prise en charge de Madame G n’a pas été adaptée sur le plan médical'.

Selon lui 'Cette chute du 15 mai 1993 qui s’est compliquée d’un hématome sous-dural hémisphérique gauche ayant motivé une intervention chirurgicale d’évacuation, est due :

— au syndrome confusionnel post-traumatique compliqué de désorientation qui apparaît constant lors des différentes hospitalisations de Madame G et qui a provoqué sa fugue du COLOMBIER

— à l’instabilité du genou gauche, elle aussi séquellaire de l’accident du 10 décembre 1992.

Les conséquences de cette chute ont été aggravées par le traitement anti-coagulant prescrit à Madame G, traitement anti-coagulant lui aussi imputable à l’accident du 10 décembre 1992 par l’intermédiaire de l’immobilisation post-traumatique qui s’est compliquée d’une phlébite bilatérale.

Par contre cette chute a été possible chez une femme qui était hospitalisée en centre de convalescence pour syndrome confusionnel post-traumatique avec désorientation qui imposait une surveillance particulière et ceci d’autant plus que ce syndrome confusionnel était connu de tous (médecins et infirmières) et qu’il semble bien établi que cette patiente avait déjà fugué à deux ou trois reprises avant cette fugue fatale'.

Il a exposé notamment les faits suivants :

— Le 9 janvier 1993, elle est transférée au centre de rééducation fonctionnelle ROSEMOND où elle séjourne plus de deux mois; lors de cette hospitalisation la blessée, qui était désorientée, qui souffrait de troubles de la mémoire, reprenait progressivement la marche avec aide et état confusionnel persistant.

— Le 18 mars 1993, elle est transférée à la maison de retraite AM AN où elle est prise en charge par le docteur AS-AT :

* elle y séjourne un mois

* lors de ce séjour, le 13 avril 1993, elle fait une fugue avec chute.

* Dans sa lettre de sortie du 16 avril 1993, le docteur AS-AT précise 'hospitalisation chez nous pour acutisation d’un syndrome confusionnel et insuffisance circulatoire cérébrale. Perte de mots. Troubles mnésiques importants … pendant son séjour, insuffisance circulatoire cérébrale régressive et apparition d’un syndrome dépressif que nous traitons… actuellement, bon état AJ et hémodynamique. La patiente reste assez 'ralentie’ mais le scanner cérébral est normal…

— Le 16 avril 1993, Madame G est transférée au centre gérontologique de convalescence et de rééducation fonctionnelle LE COLOMBIER dans le service de convalescence où le suivi médical est assuré chaque matin par le docteur H de 9h à 12h et chaque après-midi par le docteur I présent de 14h à 16h; le docteur J, psychiatre attaché à l’établissement est présent une fois par semaine.

' à l’entrée :

* Sur la fiche d’observation médicale sont notés :

— marche peu

— troubles mnésiques +++

— vertiges +

— diminution des activités physiques et psychiques +++

— Pollakiurie avec incontinence

— marche seule

— anxiété +

— signes d’involution d’athérosclérose cérébrale

— conclusions : date de 59 ans, confuse depuis un AVP de décembre 1992

— le traitement poursuivi comprend ETIOVEN, VASOBRAL, K, L et M

* Sur la feuille d’autonomie de la personne âgée du 17 avril 1993 sont notés :

— dépendance sensorielle : vision affaiblie gênant la lecture, audition bonne, parole lente ou gênée

— dépendance psychique : trouble de l’orientation dans l’espace (des points de repère dans la semaine), troubles de la compréhension (lenteur à saisir les explications ou demandes), troubles du comportement (déprimée et angoissée).

— dépendance physique : locomotion (besoin d’appuis), hygiène corporelle et habillement (doit être aidée), alimentation (doit être installée), incontinence sphinctérienne.

* Sur le dossier infirmier, sont notés :

— le 16.04 : entrée de Madame G

— le 17.04 : Madame G a erré toute la journée dans le bâtiment, la valise à la main pour partir… à surveiller.

— nuit du 19 au 20.04 : souillée … perturbée

— nuit du 24 au 24.04 : perturbée … souillée

— nuit du 25 au 26.04 : perturbée

— samedi 15 mai : a fait une chute ce matin, hospitalisée à l’hôpital d’N.

* Sur le dossier médical sont précisés :

— le 20.04 : insomnies : stylnox, axes profonds libres au doppler veineux T.P.:28%

— le 23.04 : confusion post-traumatique sans signes de focalisation, assez bien orientée dans l’espace, un peu moins dans le temps. Traitement idem.

— le 27.04 : T.P : 33%.'.

5°) Sur l’enquête de la compagnie de gendarmerie d’N

Cette enquête, réalisée courant 1997, a été classée sans suite. Cependant certaines déclarations méritent d’être soulignées.

R E, fille de Q G, a déclaré que sa mère avait fait deux fugues à AM AN, que lorsque celle-ci est allée au COLOMBIER elle avait immédiatement prévenu le médecin et les infirmières que sa mère faisait des fugues, que dans cet établissement une première fugue a eu lieu 48 heures après son arrivée et une seconde le 8 mai, qu’elle en a été avertie, que chez sa mère le désir de rentrer chez elle devenait une idée fixe.

AV-AW AU, directeur du COLOMBIER depuis septembre 1996, a constaté, en consultant le cahier de transmission de consignes des infirmières du 16 avril 1993 au 15 mai 1993, qu’aucune fugue de Q G n’est mentionnée, qu’à la date du 17 avril 1993 il est noté que celle-ci a erré dans l’établissement et était à surveiller (curieusement dans la copie du livre infirmier de liaison, n’apparaît que 'à surveiller'). Il a déclaré qu’en AJ la fugue d’un pensionnaire est mentionnée, que c’est le médecin, avec éventuellement l’avis du psychiatre, qui décide de garder ou non une personne.

Quant à la déclaration du médecin AF H, elle est des plus confuses. Selon lui les certificats médicaux qu’il a établis et qui font état de 'récidives de fugues', de 'tableau de confusion mentale’ l’ont été à la demande d’un avocat, qu’il n’a pas bien analysé la portée de ses témoignages et qu’en réalité, avant la chute litigieuse, il n’a jamais eu connaissance des fugues.

AO AP, qui a effectué une enquête, a déclaré qu’une secrétaire du COLOMBIER lui avait dit qu’en cas de fugues il était demandé à la famille de reprendre 'le fugueur'.

AA W, Directrice du centre de gérontologie, est d’un avis contraire.

Selon AC AB, infirmière, ne sont gardées dans le centre que des personnes qui sont seulement désorientées mais qui ne nécessitent aucune surveillance particulière en dehors du suivi médical pur.

6°) Sur le défaut de surveillance

Il ressort de l’ensemble des éléments qui précèdent que la clinique LE COLOMBIER a fait preuve à l’égard de Q G d’un défaut de surveillance. Et si cette clinique n’était pas en mesure d’assurer cette surveillance particulière, il suffisait au médecin responsable des entrées, éventuellement au psychiatre, de refuser son admission. Il suffit pour s’en convaincre de se référer tant aux graves antécédents de Q G qu’à la lettre de sortie de AM AN, établie par le docteur AS-AT , à la fiche d’observation dressée le 16 avril 1993 à l’entrée à la clinique LE COLOMBIER ou à la feuille d’autonomie en date du 17 avril 1993.

Ces manquements ont été parfaitement décrits par l’expert A. C’est en revanche avec pertinence que le premier juge, par des motifs qui méritent adoption, n’a pas retenu le défaut d’information relatif aux effets de la prise d’anti-coagulant.

7°) Sur la compatibilité du défaut de surveillance avec l’arrêt du 31 mars 1999 statuant sur le préjudice de Q G

Il a été jugé de façon définitive (cf supra le rapport d’expertise du professeur GROULIER contenant l’avis du sapiteur, le professeur PERAGUT) qu’il existe une relation directe et certaine entre l’accident (la chute litigieuse lors de la fugue) du 15 mai 1993 et l’accident de la circulation du 10 décembre 1992 lors duquel Q G, piéton, a été renversée par le véhicule de O P, assuré auprès de la GMF. Ces derniers ont été condamnés à réparer l’ensemble des préjudices.

Ces condamnations ne sont pas de nature à exclure toute action récursoire à l’encontre d’un co-auteur fautif, si tant est que soit établi un lien de causalité entre la faute et le dommage.

La compagnie AGF et la SA MEDICA AN, à l’appui de leur thèse, invoquent un arrêt de la 2e chambre civile du 27 janvier 2000 (page 8 de leurs écritures). Est-ce à dire que le médecin qui, au cours de l’intervention chirurgicale aurait commis une faute, n’engagerait pas sa responsabilité '

8°) Sur le lien de causalité

Existe t-il une relation de cause à effet entre, d’une part, la chute de Q G qui est intervenue lors de sa fugue à l’extérieur de la clinique LE COLOMBIER et, d’autre part, le défaut de surveillance retenu à l’encontre de la clinique LE COLOMBIER '

A l’évidence, oui. La question n’est pas de savoir si Q G, compte tenu de son état antérieur aurait pu tomber dans l’enceinte de l’établissement, voire même dans sa chambre. Force est de constater qu’en l’espèce, Q G, à la suite d’un défaut de surveillance, a fugué et que c’est à l’occasion de cette fugue qu’elle est tombée, de surcroît sur une route en pente, glissante, en mauvais état et recouverte d’aiguilles de pins si l’on en croit AQ AR entendue lors de l’enquête de gendarmerie qui ajoute que c’est l’itinéraire des personnes du COLOMBIER.

9°) Sur la répartition de la charge de réparation

Au vu de l’ensemble des éléments du dossier il apparaît que l’état végétatif de Q G, aujourd’hui décédée, qui a motivé son hospitalisation aux D à compter du 2 juin 1994, est imputable à hauteur de 10 % au centre de convalescence du COLOMBIER. La compagnie AGF et la SA MEDICA AN devront relever et garantir les parties appelantes à concurrence de 10% du montant des condamnations.

10°) Sur les demandes de la caisse RSI PROVENCE ALPES

La caisse a exposé des frais entre le 10 décembre 1992 (accident de la circulation) et le 15 mai 1993 (chute). La GMF lui a réglé la somme de 26.667,35 €. La répartition précédente et la garantie de la compagnie d’AGF et de la SA MEDICA AN à hauteur de 10% s’applique à ce versement.

La caisse a exposé des frais entre le 15 mai 1993 (chute) et le 15 juin 2003 (décès de Q G) qui ne relèvent pas du protocole d’accord et qui s’élèvent à la somme de 173.872,67 € La compagnie AGF et la SA MEDICA AN seront condamnées in solidum à payer à la caisse la somme de 17.387,26 €.

11°) Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive présentée par les appelants

Cette demande, non justifiée, sera écartée.

12°) Sur l’article 700 du nouveau code de procédure civile

L’équité commande de faire application de ces dispositions au profit des appelants à hauteur de 2.000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par défaut en matière civile et en dernier ressort :

Infirme le jugement du 4 septembre 2003

Dit que la clinique LE COLOMBIER représentée par la SA MEDICA AN a fait preuve d’un défaut de surveillance

Dit que la compagnie AGF et la SA MEDICA AN, in solidum, devront relever et garantir à concurrence de 10% la GMF SAUVEGARDE et O P de toutes les condamnations prononcées à leur encontre

Les condamne in solidum à payer à la caisse RSI PROVENCE ALPES la somme de 17.387,26 €

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

Dit n’y avoir lieu à dommages et intérêts pour résistance abusive

Condamne la compagnie AGF et la SA MEDICA AN à payer à la GMF SAUVEGARDE et O P la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Partage les entiers dépens de l’instance entre les appelants d’une part, AGF et la SA MEDICA AN d’autre part, dans la proportion de la répartition de la charge de réparation.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1er février 2007, n° 96/04737