Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 24 mai 2007, n° 05/22801

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 24 mai 2007, n° 05/22801
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 05/22801
Sur renvoi de : Cour de cassation de Paris, 24 octobre 2005, N° B02-45.158.

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN E

9° Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 24 MAI 2007

N° 2007/337

Rôle N° 05/22801

Z X

C/

CAISSE D E F-G

Grosse délivrée

le :

Me Alain VIDAL NAQUET, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Philippe VAQUIER, avocat au barreau de MARSEILLE

à :

réf

Décision déférée à la Cour :

arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 25 Octobre 2005, enregistré au répertoire général sous le n° B02-45.158.

APPELANT

Monsieur Z X, demeurant XXX

comparant en personne, assisté de Me Edouard BALDO, avocat au barreau d’AIX EN E substitué par Me Isabelle GUITARD, avocat au barreau d’AIX EN E.

INTIMEE

CAISSE D E F-G, demeurant XXX

représentée par Me Alain VIDAL NAQUET, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 12 Avril 2007 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques LABIGNETTE, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Madame Laure ROCHE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame B C.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2007..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2007.

Signé par Monsieur Jacques LABIGNETTE, Président et Madame B C, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE

Par arrêt du 25 octobre 2005, la Cour de cassation a cassé partiellement un arrêt de la cour d’appel de Nîmes, rendu le 6 juin 2002, en ce qu’il a débouté M. X de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La présente cour – juridiction de renvoi – est saisie par la déclaration que M. X a adressée le 10 novembre 2005 à son secrétariat-greffe.

M. X poursuit la condamnation de la Caisse d’D E-F-G à lui payer la somme de 3.588.775,24 euros, ainsi décomposée :

— pertes de salaire : 626.317,62 euros, outre 267.832,67 euros au titre des intérêts légaux courus depuis le 24 mars 1992,

— préjudice consécutif à une diminution de sa pension de retraite : 820.199,29 euros,

— préjudice consécutif à la vente prématurée d’un immeuble d’habitation : 120.000 euros,

— préjudice consécutif au remboursement d’un emprunt immobilier : 21.952,66 euros,

— perte de chance : 1.602.473 euros,

— préjudice moral : 100.000 euros,

— article 700 du nouveau Code de procédure civile : 30.000 euros.

La Caisse d’D E-F-G conclut au débouté et, subsidiairement, à une diminution très sensible de la somme réclamée.

MOTIFS DE L’ARRÊT

L’arrêt de la Cour de Cassation dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. X ; cette circonstance fait que ce salarié a nécessairement subi un préjudice.

L’employeur n’est donc pas fondé à conclure au débouté de sa demande en dommages-intérêts.

*

* *

Un préjudice purement éventuel ne saurait donné lieu à réparation.

Relève d’un préjudice purement éventuel le fait de calculer jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans – comme le fait le salarié – l’incidence de la perte de revenus consécutive à son licenciement sur sa pension de retraite car l’espérance de vie est par nature hypothétique.

Sa demande en paiement de la somme de 820.199,29 euros sera rejetée.

*

* *

Le préjudice peut consister dans la perte d’une chance si l’espérance du gain était sérieuse.

Le salarié fait valoir le fait que, si sa carrière avait été conduite à son terme, il aurait progressé dans la hiérarchie ; il réclame une somme représentant la différence entre le salaire qu’il percevait et celui qu’il pouvait espérer au moment de son départ à la retraite.

La progression de carrière au sein de la Caisse d’D se fait toujours au choix – sans automaticité liée à l’ancienneté – et le seul fait que M. X était apprécié par le président du directoire de l’organe central, chef de réseau des caisses d’D, M. Y, n’établit pas qu’il devait bénéficier d’une promotion rapide et certaine

La cour en déduit que la chance pour ce salarié d’être ou non promu résultait de multiples facteurs, lesquels, pour être inconnus, la rendait hypothétique.

Sa demande en paiement de la somme de 1.602.473 euros sera rejetée.

*

* *

L’article 1150 du Code civil dispose que le débiteur n’est tenu que des dommages-intérêts qu’on a pu prévoir lors du contrat.

N’étaient pas prévisibles lors de la conclusion du contrat de travail, le 2 mai 1965, le fait que le salarié vendrait son immeuble d’habitation en 1995, à la suite de difficultés de trésorerie liées à son licenciement, prononcé dès 1991, ni le fait qu’il a contracté dans le même temps un nouvel emprunt pour solder son prêt immobilier.

Les demandes en paiement des sommes de 120.000 euros et 21.952,66 euros seront rejetées.

*

* *

Le préjudice pécuniaire consécutif à un licenciement est apprécié en fonction de l’ancienneté du salarié, du montant du salaire perdu et de l’avenir professionnel de l’intéressé, avéré ou prévisible.

M. X, directeur général unique de la Caisse d’D et de prévoyance d’Apt, a été nommé à compter du premier octobre 1991 directeur de région F de Haute E à la suite de la fusion des Caisses d’D ayant entraîné la suppression de son mandat ; il a été mis à pied le 15 octobre1991 et licencié, pour une cause réelle et sérieuse, par lettre du 12 novembre 1991.

Le salarié a perdu un salaire brut mensuel de 4.731,55 euros, treizième mois inclus, comme il résulte à l’examen de ses bulletins de paie édités en 1991..

Ce salaire n’a pas à être augmenté des majorations conventionnelles que l’intéressé aurait perçues si son contrat de travail n’avait pas été rompu puisque la base de calcul, comme il a été dit, s’entend du salaire effectivement perdu.

Âgé de 47 ans au moment de la rupture, après 27 années de carrière, M. X justifie avoir été demandeur d’emploi de 1992 à 1994, puis avoir été, de 1995 à 1996, en stage de formation, puis allocataire du revenu minimum d’insertion.

Il justifie de très nombreuses demandes d’emploi qu’il a envoyées sans succès.

La cour dispose des éléments suffisants d’appréciation pour arrêter à la somme de 200.000 euros la réparation de son entier préjudice sur le fondement de l’article L.122-14-4 du Code du travail.

Cette indemnité étant allouée à titre de dommages-intérêts, elle n’a pas à être diminuée des indemnités de rupture acquittées par l’employeur

L’intérêt au taux légal sur cette indemnité aura pour point de départ le présent arrêt qui est constitutif du droit de créance.

*

* *

Sur le préjudice moral, la cour juge brutal le licenciement de M. X.

Cette brutalité résulte de sa mise à pied conservatoire, lors même que le licenciement n’a pas été prononcé sur le terrain disciplinaire.

Cette privation immédiate de ses fonctions directoriales ne s’imposait pas au regard des faits mentionnés dans la lettre de licenciement – à savoir des divergences de vues sur la politique managériale – et elle est intervenue sans aucune considération pour sa position sociale et sa longue carrière.

…/…

La cour note que M. X ne verse aux débats aucune pièce médicale de nature à établir que son licenciement a eu un retentissement psychique sur sa personne.

En l’état de ces éléments d’appréciation, la cour estime à la somme de 15.000 euros l’exacte réparation du préjudice moral éprouvé.

*

* *

Au motif que ses différentes actions en justice ont perduré 14 ans, M. X réclame une indemnité de 30.000 euros pour ses frais irrépétibles.

La cour n’a pas à prendre en compte les frais d’avocats exposés par M. X au plan pénal, s’agissant d’une procédure distincte, dont, au surplus, il a été débouté, pas plus qu’elle ne prendra en compte les frais d’avocats par lui exposés dans le cadre de l’instance en référé dont il fut également débouté.

Pour l’instance sociale qui nous occupe, M. X a été représenté par trois conseils, dont un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation, dont les prestations ont été facturées – les notes d’honoraires sont au dossier – pour un audience du conseil de prud’hommes d’Avignon, quatre audiences devant la cour d’appel de Nîmes, un pourvoi en cassation et la présente audience de renvoi devant la cour d’appel d’Aix-en-E.

Au vu, notamment, des notes d’honoraires payées à ces trois conseils, la cour arrête l’indemnité à la somme, exceptionnellement élevée, de 15.000 euros.

Les entiers dépens seront à la charge de l’employeur.

*

* *

…/…

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après renvoi de cassation, par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe,

Infirme l’arrêt rendu le 6 juin 2002 par la cour d’appel de Nîmes, mais seulement en ce qu’il déboute M. X de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Statuant de nouveau, condamne la Caisse d’D E-F-G à lui verser une indemnité de deux cent mille euros (200.000 €) sur le fondement de l’article L.122-14-4 du Code du travail, ainsi que quinze mille euros (15.000 €) sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, le tout avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Rejette le surplus des demandes du salarié.

Condamne l’employeur à rembourser à l’Assédic les indemnités de chômage versées à M. X, dans la limite de six mois, par application faite d’office des dispositions impératives de l’article L. 122-14-4 précité.

Condamne la Caisse d’D E-F-G aux entiers dépens et la condamne à verser à son contradicteur une indemnité de quinze mille euros (15.000 €) par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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