Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre b, 24 février 2011, n° 09/17291

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 11e ch. b, 24 févr. 2011, n° 09/17291
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 09/17291
Décision précédente : Tribunal d'instance d'Antibes, 29 juin 2009, N° 11-08-80

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

11e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 24 FEVRIER 2011

N° 2011/152

Rôle N° 09/17291

SA SACEMA

C/

Y Z

Grosse délivrée

le :

à : MAYNARD

X

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d’Instance d’ANTIBES en date du 30 Juin 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 11-08-80.

APPELANTE

SACEMA, SOCIETE ANOMYME DE CONSTRUCTION D’ECONOMIE MIXTE D’ANTIBES JUAN LES PINS, représentée par son Président,

dont le siège social est sis XXX

et dont les bureaux sont situés XXX

représentée par la SCP MAYNARD – SIMONI, avoués à la Cour,

ayant la SCP ROQUES – PERDREAU – BOURGOGNE, avocats au barreau de GRASSE

INTIMEE

Mademoiselle Y Z

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 10-4277 du 07/04/2010 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE)

née le XXX à XXX

XXX

représentée par la SCP X – WATTECAMPS, avoués à la Cour,

ayant Me Marianne PERRONE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 11 Janvier 2011 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Mme BRENGARD, conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Marie Chantal COUX, Président

Monsieur Michel JUNILLON, Conseiller

Madame Marie-Florence BRENGARD, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 24 Février 2011,

Signé par Madame Marie Chantal COUX, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Depuis le XXX, Y Z a pris en location un appartement type 3 (surface habitable 66,93 m2) appartenant à la SACEMA (SOCIETE ANONYME D’ECONOMIE MIXTE D’ANTIBES JUAN LES PINS) gestionnaire de logements sociaux, mais à la suite de dommages causés à l’immeuble dans le cadre de travaux effectués par la Commune, un arrêté municipal de péril non imminent a été pris le 10 octobre 2006 à l’égard d’une partie du logement occupé par Y Z.

Y Z a, par acte d’huissier du 28 janvier 2008, fait assigner la SACEMA aux fins d’obtenir son relogement en appartement de type 4 et le paiement de dommages-intérêts mais ayant finalement été relogée en cours de procédure par une autre société, dénommée ICF, elle s’est désistée de ses demandes de relogement et réduction de loyer mais a maintenu pour le surplus.

La SACEMA répliquant qu’elle avait effectué toutes les diligences pour reloger sa locataire qui a de plus, bénéficié de la gratuité des loyers de novembre 2006 à mars 2007 puis d’une réduction du loyer à compter d’avril 2007, s’est opposée aux prétentions formulées à son encontre au motif essentiel qu’elle n’était pas responsable des désordres causés par les travaux réalisés par la mairie.

Vu le jugement rendu le 30 juin 2009 par le Tribunal d’Instance d’ANTIBES ayant :

— donné acte à Y Z de ce qu’elle se désistait de ses demandes de relogement et réduction de loyer en l’état d’un nouveau bail conclu le 7 juillet 2008,

— condamné la SACEMA à lui payer les sommes de 3000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance ; 1226,42 € au titre du préjudice matériel et celle de 2000 € pour le préjudice moral, et ce avec exécution provisoire,

— rejeté les autres prétentions.

Vu l’appel interjeté par la SOCIETE ANONYME D’ECONOMIE MIXTE D’ANTIBES JUAN LES PINS le 25 septembre 2009 ;

Vu les conclusions ampliatives déposées par la SACEMA le 3 février 2010 ;

Vu les conclusions d’Y Z du 26 mars 2010 ;

MOTIFS DE LA DECISION

L’appel sera déclaré recevable, les parties ne discutant pas de sa régularité et aucun élément du dossier ne commandant de relever d’office la fin de non-recevoir tirée de l’inobservation du délai de recours.

Il est constant que la SACEMA a été liée en qualité de bailleur à Y Z du XXX au 7 juillet 2008, date à laquelle celle-ci a passé un nouveau bail avec la société ICF portant sur un appartement type 4.

D’après l’article 1719 du code civil, le bailleur est notamment tenu, par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de faire jouir paisiblement le preneur des lieux loués durant toute la durée du contrat les liant et il n’existe aucune exception tenant à la qualité du bailleur même si comme en l’espèce, il a en charge des logements sociaux.

Seul le cas de force majeure peut l’exonérer de la responsabilité encourue en cas de non-respect de ladite obligation mais le dommage causé à l’appartement par la réalisation de travaux communaux ne peut y être assimilé puisqu’il apparait que la SACEMA en a eu connaissance en temps utile et a pu proposer à Y Z son relogement dès le 28 septembre 2006 alors que l’arrêté de péril n’a été pris que le 10 octobre suivant et, en tout état de cause, l’existence d’un chantier public prévoyant notamment la démolition d’un mur contigu à l’appartement occupé par Y Z n’étant pas par nature clandestine, ne peut donc être considérée comme un évènement imprévisible et irrésistible pour quiconque, et encore moins pour une société qui, comme la SACEMA travaille en relation étroite avec les instances municipales.

Dès lors, La SACEMA étant la seule partie tenue à l’égard d’Y Z des obligations incombant au bailleur, elle ne peut valablement plaider qu’un tiers, en l’occurrence la municipalité, pouvait être responsable vis-à-vis de sa locataire, d’autant que rien ne l’empêchait d’exercer un recours indemnitaire contre l’autorité publique, maître d''uvre des travaux en cause.

C’est également de manière inopérante que la SACEMA invoque l’article 1725 du code civil en ce qu’il dispose que le bailleur n’est pas tenu de garantir le preneur du trouble de jouissance causé par les voies de fait d’un tiers car en l’espèce, le dommage a été causé à la matérialité de la chose louée et seulement de manière indirecte, à la jouissance de la locataire. De surcroit, les services de la SACEMA sont manifestement liés à la communauté d’agglomération d’ANTIBES JUAN LES PINS pour le compte de laquelle elle gère un parc de logement sociaux locatifs si bien qu’elle ne peut être considérée comme un tiers par rapport à cette institution de droit public, au sens de l’article précité.

Il convient d’ailleurs d’observer à cet égard, que dans les faits, la SACEMA n’a pas éludé sa responsabilité de bailleur social propriétaire de l’immeuble endommagé par les travaux publics, et a immédiatement offert une solution de relogement à sa locataire victime de la détérioration de son logement.

Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner les propositions de relogement soumises à Y Z afin de vérifier si le bailleur a tout mis en 'uvre pour éviter à celle-ci de subir un trouble de jouissance.

Ainsi,

— le 28 septembre 2006, le jour même où a été constatée la détérioration de l’appartement loué à Y Z, la SACEMA lui a proposé de la reloger (gratuitement), de façon provisoire dans l’attente qu’un appartement équivalent au sien se libère, dans un T2 de la résidence « La Provençale » à ANTIBES (XXX, mais l’offre n’a pas eu de suites,

— du 29 septembre au 29 novembre 2006, la SACEMA a réservé pour Y Z et sa fille, une chambre dans un hôtel situé au centre d’ANTIBES (XXX,

— le 20 octobre 2006, la SACEMA a proposé à Y Z , un appartement de type T3 situé dans la résidence « Notre Dame d’Entrevignes » à ANTIBES (06600) qui ne devait être disponible qu’après travaux de rénovation, à partir du 20 novembre 2006 mais l’intéressée a préféré demeurer dans son logement jusqu’à ce que des locaux présentant des conditions équivalentes lui soient proposés (courrier du 7 novembre 206).

— au mois de novembre 2007, la SACEMA lui a soumis la proposition d’un appartement type T3 d’une superficie de 72 m2 situé au centre-ville à proximité immédiate de son appartement initial, savoir XXX mais Y Z qui, entre temps, avait accouché d’un second enfant né au mois d’août précédent, l’a déclinée.

C’est au mois de juin 2008 que par l’intermédiaire de la communauté d’agglomération, Y Z a obtenu l’attribution d’un appartement type 4 géré par le bailleur ICF SUD EST MEDITERRANEE.

Comme l’a indiqué de manière pertinente le tribunal, la SACEMA ne peut sérieusement contester que sa locataire n’a pu jouir de son appartement dans des conditions normales à compter du dommage provoqué par les travaux municipaux.

Il est tout aussi patent que la SACEMA n’a pas été en mesure de proposer à Y Z, un nouveau logement correspondant à ses besoins familiaux même si par son action, elle a limité le trouble de jouissance subi par sa locataire, en acceptant la réduction de loyer à compter du mois d’avril 2007 après la période légale de gratuité des loyers imposée par l’article L.521-2 du code de la construction et de l’habitation.

Le bailleur a également tenté de trouver une solution de relogement mais force est de constater que les propositions faites (et rappelées ci-dessus) étaient insatisfaisantes en ce sens qu’elles étaient soit provisoires (l’hôtel) soit non conformes aux caractéristiques de l’appartement initialement loué (T2 ou logement en travaux) et que pour la dernière, il ne peut être reproché à Y Z ayant donné naissance à un second enfant, d’avoir refusé de déménager pour un appartement non adapté à ses nouvelles charges de famille.

Mais il ne peut être sérieusement considéré que Y Z a tiré bénéfice de la situation en se maintenant avec sa fille, dans un appartement à moitié démoli plutôt que d’accepter l’une des offres de la SACEMA qui ne peut, de surcroit, établir que l’une au moins des quatre propositions de relogement était satisfactoire.

Il apparait dès lors qu’en allouant la somme de 3000 € à Y Z, le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice de jouissance restant à indemniser.

De même en accordant la somme de 1226,42 € sur la base des éléments justificatifs produits, le premier juge a correctement indemnisé le préjudice matériel de Y Z.

Compte tenu de la nature contractuelle du grief subi et de l’atteinte totalement matérielle qu’il a occasionnée, l’existence d’un préjudice moral n’est pas suffisamment caractérisé et le jugement ayant alloué des dommages-intérêts à ce titre, devra donc réformé de ce chef.

Dans les motifs de ses conclusions (mais non dans son dispositif) Y Z réitère sa demande de remboursement du dépôt de garantie de 397,72 € versé lors de la signature du bail ainsi que de la somme de 383,64 € que la SACEMA aurait indûment reçue de la CAF pour le mois de juillet 2008.

La SACEMA s’oppose à ces prétentions en répliquant que c’est Y Z qui demeure en réalité débitrice d’une somme de 487,95 € après déduction du dépôt de garantie.

Il convient sur ce point, de relever que le décompte d’un montant de 487,95 € daté du 17 octobre 2008 figurant au dossier de la SACEMA mentionne un « reste dû sur décompte définitif ex appartement de 2 pièces : + 392,97 € » alors qu’aucun bail n’a été signé pour un T2 et qu’en conséquence, en l’absence de preuve d’une convention écrite, aucune somme ne peut être réclamée à ce titre.

Pour le surplus dudit compte soit la somme de 94,98 € représentant un « reste dû sur décompte définitif ex appartement de 3 pièces » il s’agit de la différence positive en faveur de la SACEMA de 397,72 € (dépôt de garantie) et de 223,45 € (remboursement charges 2006). Mais seul le détail des sommes mises à la charge d’Y Z est produit à l’exclusion des documents généraux justifiant de la répartition des charges pour l’ensemble immobilier.

Ainsi non seulement les sommes figurant au décompte provisoire du 17 octobre 2008 ne sont pas justifiées mais de plus, la SACEMA indique dans son décompte définitif du 14 janvier 2010, avoir reçu un trop-perçu de 194,82 € au titre des charges de 2008.

La SACEMA devra dès lors être condamnée à restituer à Y Z le dépôt de garantie qu’elle n’avait aucun motif légitime de retenir.

Y Z sollicite également (dans le corps de ses écritures) la restitution de la somme de 383,64 € au titre de l’APL que la SACEMA aurait indûment perçue pour le mois de juillet 2008. Sa demande sera rejetée faute de preuve de paiement.

Il convient dès lors de rejeter la demande à ce titre.

En conséquence le jugement déféré sera partiellement réformé en ce qu’il a alloué une indemnisation à Y Z pour préjudice moral mais aussi en ce qu’il a rejeté sa demande en restitution du dépôt de garantie de 397,72 € que la SACEMA sera au surplus condamnée à payer à l’intimée.

La SACEMA succombant en appel sur la majeure partie de ses conclusions et fins, devra également payer à Y Z une indemnité de procédure de 1000 € au titre des frais irrépétibles d’appel et en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

L’appelante supportera la charge des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant par mise à disposition au greffe, publiquement et contradictoirement

Reçoit l’appel,

Réforme le jugement déféré mais seulement en ce qu’il a d’une part, alloué une indemnisation à Y Z pour préjudice moral et d’autre part, rejeté sa demande en restitution du dépôt de garantie,

Statuant à nouveau des chefs réformés,

Rejette la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral,

Condamne la SACEMA à payer à Y Z la somme de 397,72 € au titre de la restitution du dépôt de garantie,

Confirme pour le surplus,

Rejette les autres demandes,

Condamne en outre la SACEMA à payer à Y Z la somme de 1000 € en indemnisation des frais non compris dans les dépens d’appel,

Condamne la SACEMA aux dépens d’appel, lesquels seront recouvrés suivant les règles de l’aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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