Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 6 septembre 2011, n° 09/04327
Chronologie de l’affaire
Sur la décision
Référence : | CA Aix-en-Provence, 9e ch. c, 6 sept. 2011, n° 09/04327 |
Juridiction : | Cour d'appel d'Aix-en-Provence |
Numéro(s) : | 09/04327 |
Sur renvoi de : | Cour de cassation, 27 octobre 2008, N° E07-45-365 |
Sur les personnes
- Avocat(s) :
- Parties : Association A.D.S.N
Texte intégral
COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE
9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
(Renvoi après cassation)
DU 06 SEPTEMBRE 2011
N° 2011/ 553
Rôle N° 09/04327
A B
C/
Association A.D.S.N
Grosse délivrée le :
à :
— Me Dominique CHABAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
— Me Virginie HURSON-DEVALLET, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 28 Octobre 2008, enregistré au répertoire général sous le n° E07-45-365.
APPELANTE
Mademoiselle A B, demeurant XXX
représentée par Me Dominique CHABAS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Association A.D.S.N, demeurant R.N. 96 – Les Logissons – 13770 VENELLES
représentée par Me Virginie HURSON-DEVALLET, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 31 Mai 2011 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Christian BAUJAULT, Président
Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2011.
ARRÊT
CONTRADICTOIRE
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2011.
Signé par Monsieur Christian BAUJAULT, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Melle A B a été embauchée dans le cadre d’une mission d’interim par L’ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DU SERVICE NOTARIAL (ADSN) selon contrat du 12 décembre 1989. Devenue secrétaire comptable au titre d’un contrat de travail à durée déterminée en date du 10 février 1990, elle a été par la suivre recrutée dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée en qualité de comptable.
Cet emploi est soumis à la convention collective nationale du notariat.
Le 12 avril 2001, elle a été licenciée pour avoir refusé de signer des avenants contractuels consécutifs à un accord professionnel du 3 juillet 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail.
Le 17 juillet 2001, Melle A B a saisi le Conseil de Prud’hommes d’Aix en Provence pour contester cette mesure et demander à l’encontre de son employeur le règlement des sommes dues.
Par jugement en date du 11 février 2003, le Conseil de Prud’hommes d’Aix en Provence a:
— dit que le licenciement de Melle A B reposait sur une cause réelle et sérieuse,
— condamné l’ADSN à lui payer la somme:
— indemnité complémentaire de licenciement : 8.338,95 euros,
— frais irrépétibles: 1.000 euros,
— débouté les parties de leurs autres demandes principales et reconventionnelles.
Par arrêt en date du 13 septembre 2004, la cour d’appel d’Aix en Provence a confirmé ce jugement sauf ce qui concerne les somme allouées et a condamné l’employeur au paiement des sommes suivantes:
— congés payés, RTT, et compte épargne temps: 2.941,90 euros,
— solde 13e mois: 1.810,98 euros,
— indemnité complémentaire de licenciement: 4.563,21 euros.
Par arrêt en date du 13 décembre 2006, la cour de cassation a cassé cette décision et a renvoyé l’examen de l’affaire devant la même cour autrement composée.
Par un second arrêt en date du 8 octobre 2007, la cour d’appel d’Aix en Provence a:
— dit que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse ,
— condamné l’ADSN à payer à Melle A B les sommes suivantes:
— indemnité de licenciement injustifié: 70.000 euros,
— indemnité conventionnelle de licenciement: 8.092 euros,
— solde de congés payés, RTT et CPT: 2.941,90 euros,
— solde de 13e mois: 1.810,98 euros.
En outre, la délivrance des documents légaux a été ordonnée.
Par arrêt en date du 28 octobre 2008, la cour de cassation a cassé partiellement cette décision en ce qui concerne les heures supplémentaires et congés payés afférents pour lesquels la salariée avait été déboutée, et a renvoyé à nouveau l’affaire devant la même cour autrement composée.
L’affaire revient en l’état de cette décision, à la demande de Melle A B qui a saisi la cour par lettre reçue au greffe le 3 mars 2009.
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, Melle A B demande l’infirmation du jugement en ce qui concerne les heures supplémentaires et les congés payés afférents et réclame les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal, et application de l’article 1154 du code civil :
— heures supplémentaires: 8.955,03 euros,
— congés payés afférents: 895,50 euros,
— frais irrépétibles: 4.000 euros.
A l’appui de ses demandes, elle soutient que les éléments produits sont de nature à étayer la réalité des heures supplémentaires effectuées, en l’absence de démonstration probante contraire de la part de l’employeur.
Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, l’ADSN s’oppose à la demande et subsidiairement, conclut à une réduction de la somme qui serait due à 2.479,16 euros seulement pour ne tenir compte que des temps de travail réels et non de ceux résultant des fiches de pointage. Elle réclame par ailleurs la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir que la salariée devenue cadre à compter du mois d’avril 1997 n’avait plus l’obligation de 'pointer’ ses horaires de travail, alors que celle-ci avait en charge le fonctionnement de l’appareil, et avance le fait que l’appelante s’octroyait une certaine liberté dans l’organisation de son temps de travail. Elle en déduit que les fiches de pointage ne peuvent servir de fondement valable sur l’existence d’heures supplémentaires.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les heures supplémentaires et congés payés afférents
L’article L 212-1 devenu L 3121-10 du code du travail prescrit que la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile.
De plus, L 212-1-1 devenu L 3171-4 du même code prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Toutefois, il appartient au préalable au salarié qui demande le paiement d’heures supplémentaires de fournir au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
Il doit être rappelé que l’appréciation de l’existence d’heures supplémentaires s’effectue non pas sur le mois de travail, mais sur la période hebdomadaire.
En l’espèce, il est constant que Melle A B était contractuellement engagée sur un horaire hebdomadaire de 39 heures, et qu’un système de pointage avec utilisation d’un badge avait été mis en place pour le personnel compte tenu notamment des horaires individualisés dont celui-ci bénéficiait au sein de la structure que l’appelante, en ce qui la concerne, a continué à utiliser postérieurement à son passage au statut de cadre à partir du mois d’avril 1997 même si elle n’y était plus contractuellement astreinte.
S’il résulte par ailleurs d’un accord passé entre l’employeur et les délégués du personnel en date du 29 septembre 2000 que les heures supplémentaires ne pouvaient être réalisées que sur demande préalable de la hiérarchie, il ne saurait se déduire de la seule absence d’autorisation écrite formelle de l’employeur que Melle A B ne peut prétendre à la prise en compte des heures supplémentaires réellement effectuées pour lesquelles l’ADSN n’aurait manifesté aucune opposition sur toute la période considérée, alors que celle-ci admet dans ses observations subsidiaires le principe d’heures supplémentaires effectuées par la salariée.
Pour étayer sa demande, Melle A B fait principalement valoir le contenu des fiches de pointage produites par l’employeur sur les années 1996 à 2001, en évoquant un système d''écrêtage’ selon lequel l’appareil écartait automatiquement les heures effectuées au-delà d’un certaine durée journalière ou mensuelle (10 heures dans la journée et 157,48 heures dans le mois), principe non contesté par l’employeur dans ses explications.
Le seul fait que Melle A B ait eu en charge le suivi de l’appareil dans le cadre de ses foncions au service comptabilité, alors que l’employeur ne s’était pas formellement opposé à son utilisation pour elle-même comme l’atteste le témoignage de Y Z épouse X produit par l’employeur, ne permet pas de présumer un emploi abusif à son profit, ni par conséquent de retenir l’argumentation de l’intimée sur le non respect des règles d’utilisation de l’appareil, et a fortiori sur l’existence de procédés pouvant être assimilés des falsifications, aucun élément probant n’en caractérisant la réalité
Par ailleurs, si l’examen des fiches de pointage fait ressortir des heures supplémentaires pour des jours où la salariée était absente des locaux de l’association, il ressort des explications non contredites sérieusement par l’employeur qu’en fait, elle était en déplacement soit pour effectuer un stage à la chambre de commerce de Marseille (14, 19 et 26 avril 2000), soit pour un autre motif à Paris à la demande de l’employeur, et donc toujours à la disposition de l’employeur, de telle sorte que l’argument de l’ADSN n’est pas probant pour remettre en cause la réalité des heures supplémentaires sur la période hebdomadaire correspondante.
C’est pourquoi, en l’état des éléments produits par la salariée sur la période en cause, dont l’évaluation n’est pas sérieusement contredite par l’intimée, le calcul effectué par l’ADSN étant insuffisant pour pouvoir être retenu au regard des dispositions de la convention collective susvisée, aucun motif ne s’oppose à la demande de Melle A B pour la somme réclamée, de telle sorte que le jugement initial doit être infirmé sur ce point, y compris sur les congés payés afférents.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile
L’équité justifie au regard des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile de faire droit à la demande de Melle A B à hauteur de la somme de 2.000 euros.
Par contre, au visa du même principe d’équité, la demande de l’ADSN n’est pas fondée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud’homale,
Vu les arrêts de la cour de cassation des 13 décembre 2006, et 28 octobre 2008.
Infirme le jugement du 11 février 2003 du Conseil de Prud’hommes d’Aix en Provence sur les heures supplémentaires et les congés payés afférents.
Statuant à nouveau sur les points infirmés
Condamne L’ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DU SERVICE NOTARIAL (ADSN) à payer à Melle A B les sommes suivantes:
— heures supplémentaires: 8.955,03 euros,
— congés payés afférents: 895,50 euros.
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la demande initiale, avec application des règles en matière de capitalisation des intérêts pour ceux dus sur une années entière.
Y ajoutant
Condamne L’ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DU SERVICE NOTARIAL (ADSN) à payer à Melle A B la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 euros) en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’ADSN en cause d’appel.
Condamne L’ASSOCIATION POUR LE DEVELOPPEMENT DU SERVICE NOTARIAL (ADSN) aux dépens de l’instance.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT