Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre a, 21 avril 2015, n° 11/06632

  • International·
  • Indemnité d'éviction·
  • Sociétés·
  • Droit au bail·
  • Valeur·
  • Locataire·
  • Loyer·
  • Magasin·
  • Commerce·
  • Renouvellement

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 11e ch. a, 21 avr. 2015, n° 11/06632
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 11/06632
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Grasse, 4 avril 2011, N° 09/1658
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

11e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 21 AVRIL 2015

N° 2015/ 240

Rôle N° 11/06632

SARL HERMES INTERNATIONAL

C/

SA EK BOUTIQUES

Grosse délivrée

le :

à :

SARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE

Me Philippe-Laurent SIDER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 05 Avril 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 09/1658.

APPELANTE

SARL HERMES INTERNATIONAL, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de Me Philippe BLANC de la SCP BLANC CHERFILS, ancien avoué, assistée par Me Jehan Denis BARBIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

SA EK BOUTIQUES prise en la personne de son Président Directeur Général domicilié en cette qualité au siège social, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE constituée aux lieu et place de Me Sébastien SIDER de la SCP SIDER, ancien avoué,

assistée par Me Philippe-Hubert BRAULT, avocat au barreau de PARIS,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 11 Février 2015 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Véronique BEBON, Présidente, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Véronique BEBON, Présidente

Madame Frédérique BRUEL, Conseillère

Madame Sylvie PEREZ, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Avril 2015.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 Avril 2015,

Signé par Mme Véronique BEBON, Présidente et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 8 mars 1999, la société Hermès International a donné à bail à compter du 1er septembre 1999, pour une durée de 9 ans se terminant le 31 août 2008, à la société EK Boutiques des locaux situés à [Localité 1] (Alpes-Maritimes) [Adresse 5] dans l’ensemble immobilier '[Adresse 7]', à destination exclusive de la vente de produits de prêt-à-porter et d’accessoires de la marque Jean-Louis Scherrer.

Le 29 février 2008, le bailleur a donné congé à son locataire pour le 31 août 2008 et au plus tard le 29 septembre 2008, sans offre de renouvellement et contre une indemnité d’éviction.

Le 30 septembre 2008, la société EK Boutiques a quitté les lieux et rendu les clefs.

Le 20 janvier 2009, la société Hermès International a fait délivrer à la société EK Boutiques un commandement de payer la somme de 194 826,08 euros sous peine de l’application de la clause résolutoire et dans le délai d’un mois cette dernière société a réglé celle de 130 616,43 euros.

Le 3 mars 2009, la société EK Boutiques a fait assigner la société Hermès International en paiement de la somme de 5 000 000 euros à titre d’indemnité d’éviction.

Par jugement du 5 avril 2011, le tribunal de grande instance de GRASSE a notamment:

— reconnu à la société EK Boutiques le droit à une indemnité d’éviction,

— déclaré mal fondé le commandement de payer pour le supplément du dépôt de garantie,

— débouté la société Hermès International de sa demande concernant le jeu de la clause résolutoire,

— condamné la société Hermès International à rembourser à la société EK Boutiques la somme de 134 491,82 euros, montant du trop perçu des loyers et charges du 1er janvier 2005 au 30 septembre 2008,

— condamné la société Hermès International à restituer à la société EK Boutiques la somme de 59 753,67€ au titre du dépôt de garantie avec intérêts à compter du 1er octobre 2008,

— ordonné une expertise pour recueillir les éléments permettant la fixation de l’indemnité d’éviction,

— condamné la société Hermès International à payer à la société EK Boutiques une provision de 1 000 000 euros sur l’indemnité d’éviction,

— condamné la société Hermès International à payer à la société EK Boutiques la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société Hermès International a interjeté appel de cette décision le 11 avril 2011,

Par arrêt mixte rendu le 15 mars 2013, la présente Cour a :

— débouté la société Hermès International de sa demande relative au constat du jeu de la clause résolutoire ;

— reconnu à la société EK Boutiques le droit à une indemnité d’éviction ;

— déclaré non écrite la clause d’indexation du loyer ;

— condamné la société Hermès International à rembourser à la société EK Boutiques la somme de 101 964,89 euros, trop perçu de loyer avec intérêts au taux légal depuis le 29 décembre 2010 ;

— rejeté la demande de restitution du dépôt de garantie ;

— avant dire droit sur le montant de l’indemnité d’éviction, désigné comme expert :

Madame [X] [R],

avec mission :

— de visiter les lieux et les décrire,

— de fournir tous éléments permettant la fixation de l’indemnité d’éviction due par la société Hermès International à la société EK Boutiques notamment en évaluant le fonds de commerce et le droit au bail ;

— condamné la société Hermès International à payer à la société EK Boutiques une provision de 500.000 euros sur l’indemnité d’éviction ;

— condamné la société Hermès International à payer à la société EK Boutiques la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

— réservé les dépens.

Madame [X] [R], expert, a déposé son rapport le 31 décembre 2014.

Dans ses dernières conclusions en date du 9 février 2015 auxquelles il est fait expressément référence, la S.C.A HERMES INTERNATIONAL demande à la cour de:

— infirmer le jugement du 5 avril 2011 dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

— constater que la société EK Boutiques a vendu le fonds de commerce Jean-Louis Scherrer au Groupe JSB International en 2011 et a transféré son siège social au Luxembourg en 2014,

— dire et juger qu’en raison de son activité déficitaire, de sa décision de fermer toutes les boutiques à l’enseigne Jean-Louis Scherrer, et en l’absence de toute réinstallation, la société EK Boutiques n’a pas subi un préjudice significatif,

— dire et juger que la valeur du droit au bail est affectée par l’absence du droit, pour la

société locataire, de céder librement son bail,

— fixer l’indemnité d’éviction à 558.384 € et dire et juger que, compte tenu du règlement de la provision de 500.000 €, la société Hermès International reste devoir la somme de 58.384 €,

— condamner la société EK Boutiques à rembourser à la société Hermès International la somme de 5.530,01 € au titre de l’impôt foncier, prorata temporis, de l’année 2008,

— débouter la société EK Boutiques de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— la condamner au paiement d’une somme de 30.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel et autoriser la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE à les recouvrer directement conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions en date du 10 février 2015 auxquelles il est fait expressément référence, la SA EK BOUTIQUES demande à la cour de :

— déclarer la Société HERMES INTERNATIONAL irrecevable et infondée en sa demande d"infirmation du jugement rendu le 5 avril 2011 par le Tribunal de Grasse, 1'en débouter , dès lors que les débats doivent être circonscrits à l’appréciation de l’indemnité d’éviction après expertise,

— la déclarer de même infondée en sa demande tendant à la condamnation de la concluante au paiement d’une contribution à l’impôt foncier prétendument due au titre de l’année 2008, dès lors que celle-ci se trouve prescrite, l’en débouter,

à titre principal :

— fixer l’indemnité d’éviction globale due à la société EK BOUTIQUES ensuite du refus de renouvellement qui lui a été opposé, à la somme de 5.279.914,61 euros, indemnités de licenciement incluses, et ce en l’absence de motif de déplafonnement valable dans le cadre de l’appréciation de la valeur de droit au bail ;

— condamner la société HERMES INTERNATIONAL à lui régler ladite somme, après

imputation de la provision de 500.000 euros d’ores et déjà acquittée en vertu de l’arrêt

mixte du 15 mars 2013, soit la somme finale de 4.779.914,61 euros ;

— déclarer, en tout état de cause, la Société HERMES INTERNATIONAL irrecevable et infondée en son argumentation, l’en débouter ;

à titre subsidiaire,

— dans l’hypothèse où par extraordinaire, la présente juridiction estimerait que le loyer du bail renouvelé aurait dû être déplafonné en cas de renouvellement,

— fixer l’indemnité d’éviction globale due à la société EK BOUTIQUES ensuite du refus de renouvellement qui lui a été opposé à la somme de 3.993.997,61 euros ;

— condamner la société HERMES INTERNATIONAL à lui régler ladite somme, après

imputation de la provision de 500.000 euros d’ores et déjà acquittée en vertu de l’arrêt

mixte du 15 mars 2013, soit la somme finale de 3.493.997,61 euros;

en tout état de cause,

— débouter la société bailleresse de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions et en particulier de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile;

— condamner la Société HERMÈS INTERNATIONAL au paiement d’une somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en raison des frais irrépétibles importants auxquels la société évincée a dû faire face à la suite du refus de renouvellement opposé par la bailleresse en particulier devant le Cour et du fait des opérations d’expertise,

— la condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel qui procèdent du refus de renouvellement dont elle crut pouvoir prendre l’initiative en ce y compris les frais d’expertise.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 février 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

— Sur l’indemnité d’éviction

Le principe de l’indemnité d’éviction est définitivement acquis au profit de la société EK BOUTIQUES par l’arrêt mixte du 15 mars 2013 qui a jugé que le départ de la locataire était consécutif au congé délivré le 31 août 2008 et qu’il ne pouvait être tiré aucune conséquence de la restitution anticipée des lieux le 30 septembre 2008, sans la subordonner au paiement effectif de l’indemnité auquel elle pouvait prétendre en application de l’article L 145-1 du code de commerce et en dépit de la fermeture progressive des magasins de la marque.

L’indemnité d’éviction est en application de l’article L 145-14 du code de commerce égale à la valeur du fonds de commerce qui ne peut être inférieure à la valeur du droit au bail.

La société locataire commercialisait du prêt à porter et accessoires pour femmes, sous la marque Jean-Louis SCHERRER dans des locaux intégrés au sein d’un ensemble immobilier dénommé '[Adresse 6], situé sur [Adresse 5] à [Localité 1] (ALPES MARITIMES).

Le quartier du Gray d’Albion est qualifié de secteur commercial d’excellence regroupant des commerces de renom et de luxe, enregistrant un flux de chalands incessant soutenu et réguliers au sein d’un cadre de quadrilatère de prestige délimité par [Adresse 5], la [Adresse 9], à moins de 200 m du palais des festivals et des congrès.

En 2008, les locaux situés dans secteur sud avec vitrine sur le [Adresse 5] regroupaient les enseignes BOUCHERON, GUCCI, ZEGNA, SCHERRER et HERMES.

Le local, objet de l’éviction est ainsi implanté dans un secteur totalement dédié au luxe où la situation est commercialement très favorable.

Dans le bâtiment proprement dit qui compte huit étages et dont le rez-de-chaussée est entièrement dédié à l’usage commercial, les locaux donnés à bail comprennent deux lots [Cadastre 1] et 1390 situés en rez de chaussée d’une superficie d’eviron 98m² avec un emplacement à usage de vitrine d’environ 1,50m² ainsi qu’un lot n° 1343 au 1er sous- sol d’une superficie d’environ 104 m², ce sous-sol incluant des cabines d’essayage réservées à la clientèle.

Au regard du caractère exceptionnel de l’emplacement, la valeur du droit au bail calculé par l’expert s’avère en toute hypothèse supérieure à la valeur du fonds de commerce dans la mesure où celui-ci dans les dernières années était déficitaire depuis trois ans (résultat net comptable – 607 574€ au 31 mars 2008) et où la société a progressivement cessé toute exploitation de la marque selon le rapport du commissaire aux comptes de la société EK du 31 mars 2009 avant l’éventuelle revente à un groupe français JSB international en 2011.

Avant de retenir cette seconde hypothèse, l’expert a néanmoins détaillé la valeur du fonds de commerce au regard des barèmes applicables à l’activité du locataire corrigé à la hausse par les données locales soit 100% du chiffre d’affaires annuels pour le prêt à porter de luxe soit 1 048 722€.

La société réclame l’élévation du pourcentage à 120% du chiffre d’affaire annuel qui resterait en toute hypothèse inférieure à la valeur du droit au bail retenue par l’expert.

Pour conforter son estimation de la valeur du droit au bail, l’expert judiciaire a recoupé la méthode différentielle de loyer avec la méthode de comparaison par rapport aux magasins de luxe environnants et aboutit dans les deux cas à une valeur comparable.

En ce qui concerne la méthode différentielle de loyer qui prend en compte l’emplacement du local, les caractéristiques du local, les conditions juridiques et financières du bail et la valeur locative du local considéré, l’expert a retenu un déplafonnement du loyer à l’échéance du bail pour fixer à la valeur locative avec application d’un coefficient de commercialité en raison du secteur très prisé, doublée d’une pénurie d’emplacements libres et vides à cet endroit.

La société EK Boutiques conteste ce déplafonnement qui la pénalise, dans la mesure où le différentiel entre le loyer qu’elle payait et la valeur locative réelle est nécessairement plus important dans le cas où le loyer reste plafonné, mais l’expert, à juste titre, a retenu une modification notable des facteurs locaux de commercialité intervenus au cours du bail expiré, soit sur la période 1999-2008 comme ayant une incidence favorable sur le commerce de prêt à porter exploité dans les lieux loués, à savoir :

— l’augmentation du nombre de participants aux congrès organisés au sein du palais des festival, et cela à la suite des travaux d’extension dont le bâtiment a fait l’objet en 1999 et en fin 2006 ( augmentation de 151'702 à 295'000 congressistes entre 1999 et 2008),

— la construction de l’espace Miramar sur une galerie commerçante au numéro [Adresse 5] inaugurée en mars 2008 accueillant huit commerces de luxe,

— l’accroissement touristique concrétisé notamment par l’augmentation du nombre de croisièristes accueillis sur [Localité 1] + 218, 78% sur la période considérée, (61 248 croisièristes en 1999 et 195'256 en 2008).

Ces différents événements ont contribué à développer la référence du quartier en matière de luxe conjugué à l’afflux d’une clientèle de passage internationale et potentiellement intéressée par le commerce de prêt-à-porter de luxe.

La valeur locative de marché a été fixée au regard de sept références de loyers pour des commerces comparables tous situés sur [Adresse 5] et il n’est pas justifié comme le sollicite la société locataire de retenir préférentiellement les deux références les plus élevées qui certes sont les plus proches mais ne concernent pas la même activité

( joaillerie et téléphonie).

La valeur de droit au bail représente selon cette méthode un différentiel de loyer entre la valeur locative de marché et le montant du loyer de renouvellement déplafonné de 157'953 € € auquel a été affecté un coefficient d’emplacement de 12 parfaitement justifié au regard de l’emplacement exceptionnel des locaux loués et qui permet de fixer une valeur de droit au bail de 157 953 X 12 = 1'895'436 €.

La valeur du droit au bail fondé sur la seconde méthode au regard de la moyenne des éléments de comparaison confirme la valeur ainsi calculée puisque les cessions de droit au bail sur le [Adresse 5] représentent une moyenne de 17'000 € le mètre carré pondéré, la locataire ne justifiant pas de retenir la référence la plus haute d’ailleurs postérieure de dix mois à la date du congé , soit pour 107 m² de surface pondérée non discutée par les parties au terme de leurs dernières conclusions une valeur de droit au bail de 17 000€ X 107 = 1'819'000 €.

La société Hermès international invoque la clause d’enseigne limitative de nature à minorer la valeur du droit au bail en ce que le successeur serait tenu d’exploiter une marque aujourd’hui en déshérence ; mais il sera rappelé qu’une demande de déspécialisation est toujours possible et que le bailleur a même intérêt à l’autoriser, tout en exigeant le respect d’une marque de luxe dans le cadre d’une négociation à la hausse du montant du loyer avec le successeur intéressé par la reprise du local.

Dans ces conditions la valeur du droit au bail sera retenue à la moyenne des deux méthodes, soit 1'860'000 € .

— Sur les indemnités accessoires

Indemnité de remploi

Cette indemnité complémentaire est attribuée pour permettre la réinstallation du locataire.

En l’espèce, force est de constater que le locataire exploitant uniquement la marque Jean-Louis Scherrer ne s’est pas réinstallé plus de six ans après avoir libéré le local considéré ni entrepris la moindre démarche pour se réinstaller sur la commune de [Localité 1] et n’en a en réalité jamais eu l’intention.

Il est en effet établi par le rapport du commissaire aux comptes de la SA EK Boutiques en date du 31 mars 2009 la société mère a cessé toute production de distribution de collection depuis cette date et que tous ses magasins sur le territoire français ont été fermés, dont sa maison phare sise [Adresse 10], à savoir :

— cession du magasin sis [Adresse 4] (16 juin 2008)

— fermeture du magasin sis [Adresse 3] (congé au 31 décembre 2008)

— fermeture du magasin de [Localité 1] (congé au 31 août 2008)

— cession du magasin sis [Adresse 8] (30 juin 2009)

Il résulte en outre du procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 18 mars 2014, que la société EK BOUTIQUES n’a plus d’activité en France et a transféré son siège social au Luxembourg.

Il est ainsi établi que le locataire ne se réinstallera pas à [Localité 1] dans un avenir prévisible, ce qui exclut l’indemnisation au titre des frais de remploi.

Le trouble commercial

Cette indemnité recouvre le préjudice causé par la perturbation de l’exploitation du fonds née de la procédure d’éviction.

L’absence de rentabilité de l’exploitation n’empêche pas l’existence d’un trouble commercial lié à la nécessité de vider les lieux de tout stock et de tout mobilier et de licencier le personnel, alors qu’il est établi que le commerce est encore actif et a été exploité jusqu’au terme du congé.

L’expert en a justement évalué l’indemnisation à 15 jours de chiffre d’affaires perdus sur une année moyenne soit 36'536€.

Frais de réinstallation

La société n’a justifié d’aucune réinstallation ni de frais de déménagement.

Pour ces motifs et ceux précités, aucune indemnité ne sera accordée.

Perte sur stock

Le préjudice sur perte de stock n’est pas établi dans la mesure où en septembre 2008 la société EK boutiques avait encore la possibilité d’écouler ses marchandises dans un autre point de vente et que le préjudice pour le transfert de stock relève de l’indemnité pour trouble commercial d’ores et déjà indemnisé.

Si l’expert technique de la société EK BOUTIQUES a retenu à ce titre une évaluation forfaitaire de 50'000 € au regard du prix d’achat du stock à l’actif du bilan, aucun élément n’a été communiqué sur la réalité du préjudice subi à la date de la fermeture.

Ce poste de préjudice ne sera pas retenu.

Sur les frais de licenciement

La société employait trois salariés dans son magasin de [Localité 1], à savoir Monsieur [O] [K] directeur adjoint, Madame [I] [M], et [J] [Y] vendeuse.

Les trois attestations adressées à L’ASSEDIC et établies le 5 décembre 2008 prouvent la réalité de leur licenciement

De ce fait la somme de 13'601,61 euros correspondant aux indemnités légales de licenciement pour les trois salariés sera retenue.

La société locataire ne réclame pas d’indemnités complémentaires de ce chef au terme de ses dernières écritures.

Les indemnités secondaires sont donc retenues pour une somme globale de 50'137,61€.

L’indemnité d’éviction totale représente en conséquence une somme globale de 1'910'137,61 euros à laquelle la société Hermès internationale sera condamnée en deniers et quittances au regard de la provision d’ores et déjà versée.

— Sur les comptes entre les parties

Au regard de l’arrêt mixte rendu le 15 mars 2013, la saisine de la présente cour est exclusivement circonscrite à la fixation de l’indemnité d’éviction et de ses accessoires.

Toute demande complémentaire relative aux comptes des loyers et charges est radicalement irrecevable, comme ayant été examinée dans le cadre du précédent arrêt ayant abouti à la condamnation de la société Hermès international d’un solde créditeur au profit de la société locataire.

Au demeurant, la réclamation dans des conclusions de février 2015 d’un arriéré d’impôts fonciers au titre de l’année 2008 serait également irrecevable comme prescrite.

— Sur les frais de procédure et les dépens

Les dépens seront mis à la charge de la société Hermès international, en ce inclus les frais d’expertise.

Les frais irrépétibles de procédure d’appel généreront, outre ceux d’ores et déjà attribués à ce titre par l’arrêt du 15 mars 2013, une somme supplémentaire de 9000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par décision contradictoire, après en avoir délibéré,

Vu l’arrêt du 15 mars 2013,

Statuant dans les limites de sa saisine,

Fixe l’indemnité d’éviction globale due à la société EK Boutiques par la société Hermès international à la somme de 1'910'137,61 euros ;

Condamne la société Hermès international à payer cette somme en deniers et quittances au regard de la provision d’ores et déjà versée ;

Déclare irrecevable la demande de la société Hermès international au titre de l’impôt foncier de l’année 2008 ;

Condamner la société Hermès international à payer à la société EK Boutiques la somme supplémentaire de 9000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux entiers dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,



Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de commerce
  2. Code de procédure civile
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre a, 21 avril 2015, n° 11/06632