Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5 novembre 2015, n° 14/14362

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 5 nov. 2015, n° 14/14362
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 14/14362
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Tarascon, 12 juin 2014, N° 12/01560

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

11e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 05 NOVEMBRE 2015

N° 2015/561

Rôle N° 14/14362

M N épouse D

C/

AU J E épouse AF

AX J E

BC J E épouse F

XXX

Q F

AO F

AG F

AS F

Grosse délivrée

le :

à :

W AA

W VOLFIN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 13 Juin 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 12/01560.

APPELANTE

Madame M N épouse D

née le XXX à XXX – XXX

représentée par W Ludovic AA de la SCP AA & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

et assisté par W Jean JODEAU, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

INTIMES

Madame AU J E épouse AF

née le XXX à XXX

représentée par W Jean pierre VOLFIN, avocat au barreau de TARASCON substitué par W Marianne DESBIENS, avocat au barreau de TARASCON, plaidant

Monsieur AX J E

né le XXX à XXX

représentée par W Jean pierre VOLFIN, avocat au barreau de TARASCON substitué par W Marianne DESBIENS, avocat au barreau de TARASCON, plaidant

Madame BC J E épouse F

née le XXX à XXX – XXX

représentée par W Jean pierre VOLFIN, avocat au barreau de TARASCON substitué par W Marianne DESBIENS, avocat au barreau de TARASCON, plaidant

PARTIES INTERVENANTES

Monsieur Q F Venant aux droits de Madame B BB DE SERIEGE, suivant acte en date des 14 et 20 juin 2013

né le XXX à XXX

représentée par W Jean pierre VOLFIN, avocat au barreau de TARASCON substitué par W Marianne DESBIENS, avocat au barreau de TARASCON, plaidant

Monsieur AO F Venant aux droits de Madame B BB DE SERIEGE, suivant acte en date des 14 et 20 juin 2013

né le XXX à XXX

représentée par W Jean pierre VOLFIN, avocat au barreau de TARASCON substitué par W Marianne DESBIENS, avocat au barreau de TARASCON, plaidant

Monsieur AG F Venant aux droits de Madame B BB DE SERIEGE, suivant acte en date des 14 et 20 juin 2013

né le XXX à XXX – XXX

représentée par W Jean pierre VOLFIN, avocat au barreau de TARASCON substitué par W Marianne DESBIENS, avocat au barreau de TARASCON, plaidant

Monsieur AS F Venant aux droits de Madame B BB DE SERIEGE, suivant acte en date des 14 et 20 juin 2013

né le XXX à XXX

représentée par W Jean pierre VOLFIN, avocat au barreau de TARASCON substitué par W Marianne DESBIENS, avocat au barreau de TARASCON, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 06 Octobre 2015 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Françoise FILLIOUX, conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre

Mme Brigitte PELTIER, Conseiller

Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme O P.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2015

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Novembre 2015,

Signé par Mme Catherine COLENO, Présidente de Chambre et Mme O P, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :

Suivant acte du 1er octobre 1979, les consorts J E ont donné à bail commercial à Monsieur AM AN aux droits duquel est venu Monsieur AI D pour une durée de 9 ans à compter du 1er février 1979, un local situé XXX pour l’exploitation d’un commerce de laverie-pressing.

Le bail a été renouvelé le 1er février 1988, puis par acte notarié du 15 juillet 1998 à compter du 1er février 1998, moyennant un prix annuel de 28 600 francs.

Le 9 avril 2010, le locataire a sollicité le renouvellement du bail

Le 1er juin 2010, les consorts J E ont fait signifier à Monsieur D un congé avec refus de renouvellement et offre d’une indemnité d’éviction.

Le 19 décembre 2010, Monsieur AI D est décédé laissant pour lui succéder son épouse, Madame M D et son fils Monsieur U D.

Le 5 septembre 2012, les consorts J E ont fait citer devant le Tribunal de grande instance de Tarascon, Madame M D afin de voir fixer l’indemnité d’éviction à la somme de 49 866,57€ , l’indemnité de remploi à la somme de 4 986,65€ et l’indemnité d’occupation à la somme de 7 383,03€ , à compter du 1er avril 2011.

Par acte du 5 septembre 2012, Madame M AE a fait citer les consorts J E devant la même juridiction afin de voir fixer l’indemnité d’éviction à la somme de 214 941,48€ et à titre subsidiaire à la désignation d’un expert afin de fournir à la juridiction les éléments permettant de la déterminer , en tout état de cause à lui régler la somme de 7 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 13 juin 2014, le Tribunal de grande instance de Tarascon a condamné les consorts J E à payer à Madame M D :

-53 891,90€ le montant de l’indemnité principale,

—  8 000€ les frais de déménagement,

—  5 389,20€ les frais de remploi,

—  3 762€ l’indemnité due au titre du trouble commercial,

—  6 000€ l’indemnité due au titre des frais divers,

—  3 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

a condamné Madame M D à payer aux bailleresses la somme annuelle de 7 383,03€ au titre de l’indemnité d’occupation à compter du 1er avril 2011 et ce jusqu’à son départ des lieux loués, et a condamné les bailleresses aux entiers dépens.

Le 21 juillet 2014, Madame M D a interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 28 septembre 2015, elle demande à la cour de :

* confirmer le jugement en ce qu’il a constaté l’accord des parties sur la date d’expiration du bail au 31 mars 2011,

* infirmer pour le surplus,

*condamner les bailleuresses à lui régler :

—  300 000€ au titre de l’indemnité d’éviction

—  6 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

et à prendre en charge les dépens.

*fixer à 4 062,20€ l’indemnité d’occupation annuelle,

à titre subsidiaire : ordonner une expertise afin de fournir à la juridiction les éléments permettant de déterminer l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation.

Elle soutient :

— qu’un accord est intervenu entre les parties sur la date de fin de bail fixée au 31 mars 2011,

— que l’expert judiciaire ,désigné par ordonnance de référé du 28 août 2011, a rédigé son rapport sans être en possession des bilans pour l’année 2011 de sorte qu’il a évalué l’indemnité d’éviction sur la base des bilans 2008/2010, alors qu’il convient de retenir la date la plus proche de l’éviction,

— que le rapport d’expertise judiciaire doit être écarté en raison de la violation du principe du contradictoire, l’expert n’ayant pas pris en compte les derniers éléments communiqués et ayant refusé de répondre à ses derniers dires,

— que de surcroît, l’indemnité d’éviction devant être calculée au jour le plus proche de l’éviction, le rapport déposé le 8 juin 2012 n’est plus d’actualité,

— que le commerce, situé dans l’artère la plus commerçante de la ville et bénéficiant de places de parking situées à proximité immédiate, constitue un emplacement présentant une excellente rentabilité ,

— qu’entre 2011 et 2014, le chiffre d’affaires a connu une progression constante avec une nette amélioration de la rentabilité durant les 4 dernières années en raison d’investissements importants,

— que la perte du droit au bail entraînait une perte du fonds de commerce en l’absence de local de remplacement à proximité,

— que l’expert a retenu un pourcentage de 100% du chiffre d’affaire des 3 dernières années, que toutefois, d’une part, il convient de retenir les chiffres d’affaires des années les plus rapprochées de l’éviction, en tenant compte le cas échéant des exercices postérieurs à l’échéance du bail, qu’en l’espèce, les années 2012 à 2014 démontrent une nette progression de l’activité, ralentie les précédentes années en raison de la maladie de son époux, que la moyenne du chiffre d’affaires entre 2012 et 2014 est de 91 983€,

— que d’autre part, le pourcentage à retenir doit être fixé à 120% en raison de l’emplacement du pressing, de l’absence de concurrent, de l’ancienneté du fonds exploité depuis 1979 et de la présence de places de stationnement,

— que de surcroît, l’expert exclut la TVA du chiffre d’affaires retenu alors qu’il est d’usage dans la profession de blanchisserie pressing de retenir un chiffre TTC ,

— qu’il convient de rechercher la valeur du droit au bail, le fonds de commerce ne pouvant avoir une valeur inférieure à la valeur du droit au bail,

— que la méthode du différentiel de loyer basée sur la différence entre le loyer réellement payé par la locataire et la valeur locative est invalidée en l’espèce par le fait que le bail ayant excédé 12 ans, le loyer peut être déplafonné et fixé à la valeur locative,

— qu’il convient de retenir une méthode de comparaison avec les cessions intervenues sur la commune, qui font apparaître un prix moyen de 120 092,77€,

— que les frais de déménagement et de réinstallation sont justifiés par des devis produits au débat,

— que l’indemnité d’occupation doit être égale au montant du loyer en cours .

Les consorts F, venant aux droits de Madame B D’Antoque de Seriege suite à la cession par cette dernière de ses droits indivis sur l’immeuble litigieux le 4 et 20 juin 2013, interviennent volontairement à la procédure.

Aux termes de ses écritures déposées et notifiées le 25 septembre 2015, les intimés concluent:

* à la confirmation du jugement sauf sur le montant de l’indemnité principale, le trouble commercial et l’indemnité de remploi qu’il convient d’actualiser, sur la condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

*à la fixation à :

—  70 452€ l’indemnité principale et 7 045€ l’indemnité de frais de remploi,

—  7 204€ l’indemnité due au titre du trouble commercial,

*à la condamnation de Madame D à leur payer la somme de :

—  6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

les dépens devant être partagés par moitié entre les parties.

Ils soutiennent :

— que l’expert a justement évalué la valeur du fonds de commerce puis la valeur du droit au bail, afin de retenir la plus élevée des deux ,

— que faute d’obtenir les bilans des années 2009/2011, il s’est basé sur ceux des années 2008 à 2011 contenus dans l’acte de licitation du 14 juin 2011par lequel Madame L a acquis le fonds lors de la succession de son époux,

— que Madame D produisait alors une attestation de son cabinet d’expert comptable évalué le chiffre d’affaires moyen à 49 866,57€, chiffre que l’expert retenait,

— que l’expert a exclu la TVA conformément aux usages dans la profession et la jurisprudence en matière de baux commerciaux ,

— que l’expert, qui a noté que l’acte de licitation retenait un pourcentage de 97,36% du chiffre d’affaire, a appliqué un pourcentage de 100%,

— qu’il convient d’homologuer un tel rapport, la méthode d’évaluation sur le chiffre d’affaires des trois dernières années étant celle le plus souvent retenue par les juridictions et les auteurs ;

— que Madame D dans un dire avait elle-même proposé un pourcentage de 91,66%,

— que l’exposition commerciale n’est pas excellente, les locaux vétustes ne disposant pas de vitrines mais de simples fenêtres, qu’ainsi que Madame D l’indiquait, le commerce subit une concurrence accrue en raison de l’installation d’une activité similaire dans le secteur de la gare,

— que la sincérité des propositions d’achats datées de juillet et septembre 2011 et avril 2012 pour un montant de 250 à 260 000€ produites par la locataire doit être mise en doute en raison de la similitude des termes employés et de la surprenante hausse par rapport à la valeur d’acquisition du fonds le 14 juin 2011 par la locataire soit la somme de 55 000€, que les propositions correspondant à 500% du chiffre d’affaires alors réalisé ce qui paraît peu crédible,

— que l’expert souligne que les juridictions locales retiennent un chiffre d’affaires HT pour calculer l’indemnité d’éviction,

— qu’il convient d’actualiser l’indemnité d’éviction en fonction des derniers bilans produits,

— que la méthode du différentiel de loyer est la plus couramment utiliséee pour déterminer la valeur du droit au bail, qu’elle consiste à retenir la différence entre le loyer payé et le loyer que le locataire devra payer s’il se réinstalle,

— que l’expert prenant en compte le déplafonnement à venir du loyer en raison de la durée du bail, a retenu pour calculer le droit au bail, une référence locative dans le même secteur,

— que Madame D conteste cette référence mais n’en apporte pas d’autre plus pertinente,

— que les frais de déménagement ne saurait dépasser 8 000€ compte tenu de la valeur vénale des éléments corporels fixée à 5 000€ dans la déclaration de succession,

— que Madame D fait état d’un loyer de 4 513€ qu’il s’agit toutefois d’un loyer plafonné alors que l’indemnité d’occupation doit être fixée à la valeur locative minorée d’un coefficient de précarité de 10%.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 octobre 2015.

SUR CE

Attendu que les parties sont en l’état d’un bail commercial pour un local situé XXX pour l’exploitation d’un commerce de laverie-pressing pour lequel les bailleurs ont donné congé pour le 1er avril 2011, avec refus de renouvellement et offre d’une indemnité d’éviction ;

Attendu que conformément aux dispositions de l’article L 145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail mais doit alors payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement;

Attendu que l’indemnité d’éviction, qui a vocation à réparer l’intégralité du préjudice subi doit correspondre à la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée des frais de déménagement et de réinstallation ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ;

Attendu que Monsieur Z, expert désigné par ordonnance de référé du 25 août 2011 lui confiant la mission de fournir les éléments nécessaires au calcul de l’indemnité d’éviction, a déposé son rapport le 8 juin 2012 ;

Attendu que la locataire critique le rapport d’expertise aux motifs que Monsieur Z n’aurait pas répondu à ses dires du 20 janvier et du 28 mai 2012, que toutefois, il résulte de la lecture du rapport que l’expert judiciaire qui a parfaitement tenu compte des dires et pièces produites par Madame D , a examiné les éléments communiqués puisqu’il a évalué l’indemnité d’éviction en tenant compte du bilan pour l’année 2011 produit par la locataire et qu’il a corrigé le pourcentage retenu pour l’augmenter à 100% au lieu des 80% initialement déterminé au vu des critiques formulées par cette dernière;

Attendu que Madame D évoque également l’absence de réponse à ses critiques formulées sur la méthode employée pour déterminer la valeur du droit au bail et l’examen des chiffres d’affaires HT et non TTC ;

Attendu que toutefois, que l’expert s’est expliqué sur la pertinence de la méthode retenue par ses soins qui correspond à celle habituellement appliquée devant les juridictions pour évaluer l’indemnité d’éviction et qu’il appartient au juge , qui n’est pas lié par les conclusions de l’expert, d’apprécier souverainement leur objectivité , leur valeur et leur portée ; que la locataire ne démontre pas en quoi la prétendue irrégularité a pu lui causer un grief , sachant que l’expert n’est pas tenu de suivre les parties dans leur argumentation;

Attendu que faute de locaux disponibles correspondant aux besoins de la locataire et permettant sa réinstallation sans perte significative de clientèle dans un secteur proche, l’indemnité d’éviction doit être égale à la valeur du fonds de commerce perdu, outre les indemnités accessoires ;

Attendu que Monsieur Z a déterminé la valeur du fonds de commerce en appliquant la méthode du chiffre d’affaires, qui consiste à retenir un pourcentage du chiffre d’affaires annuel moyen des trois derniers exercices ; que cette méthode, qui n’est pas utilement critiquée par les parties, doit être entérinée, sauf à apprécier la valeur du fonds de commerce au jour le plus proche de l’éviction et de retenir les chiffres d’affaires pour les années 2012 à 2014 ;

Attendu qu’en tenant compte du pourcentage habituellement applicable au chiffre d’affaires pour la profession de teinturiers -pressing compris entre 70 à 120%, l’expert a retenu un coefficient de 100% ;

Attendu que Monsieur X, expert immobilier intervenu à la demande de la locataire, limitait lui-même le coefficient à retenir à 91,66% dans son dire du 28 mai 2012;

Attendu que dans sa critique du coefficent retenu , la locataire fait état de travaux de réfection de façade et de rénovation des locaux dont il n’est nullement justifié par les pièces du dossier, que les locaux bénéficient d’une porte d’entrée vitrée accessible par un escalier de 3 marches et de deux fenêtres vitrées donnant sur la façade principale, d’une hauteur certes importante, mais qui ne constituent pas une vitrine au sens habituel du terme ;

Attendu qu’elle argue d’une absence de concurrent , que toutefois la mise en vente du fonds de commerce du pressing de la gare ne signifiant nullement sa liquidation et la fin d’exploitation pour ce concurrent, mais uniquement un éventuel changement du propriétaire du fonds ;

Attendu qu’eu égard à la notoriété du fonds en raison de son ancienneté, à la possibilité de stationner aisément à proximité, à l’emplacement situé sur un boulevard passant offrant une parfaite visibilité dans un quartier commerçant et à la progression constante du chiffre d’affaires démontrant une amélioration de la rentabilité, mais également en tenant compte de l’absence de vitrine remplacée par trois fenêtres, du caractère vétuste des installations et de la présence d’un concurrent installé dans la ZAC de la gare, il est justifié d’appliquer un coefficent de 120 % du chiffre d’affaires hors taxes ;

Attendu qu’il convient en effet de retenir un chiffre d’affaires hors taxes qui correspond aux modalités d’évaluation des fonds de commerce en vue d’une transaction en usage dans la profession ;

Attendu que Madame D produit les bilans pour les années 2012 à 2014 qui font apparaître un chiffre d’affaire HT de 76 832,66€ selon les chiffres déterminés par son expert comptable Monsieur A dans son attestation du 6 août 2015 ; que l’indemnité principale doit être évaluée à la somme de 92 199,19€ ;

Attendu qu’il convient de comparer le montant ainsi obtenu avec la valeur du droit au bail, afin de retenir la valeur la plus importante, la valeur d’un fonds de commerce étant au moins égale à la valeur du droit au bail ; que la méthode du différentiel permet de déterminer le prix du bail en comparant le loyer qu’aurait payé le locataire si le bail avait été renouvelé et le loyer qu’il faudra payer pour un local équivalent sur le marché, puis de capitaliser cette différence sur la durée du bail en appliquant qui tient compte de la situation de l’immeuble ;

Attendu que cette méthode apparait peu adaptée en l’espèce, le loyer du bail renouvelé pouvant être déplafonné en raison de la durée du bail supérieure à 12 ans et fixé à la valeur locative, sauf à comparer la valeur du marché avec la valeur locative du local dont le locataire est évincé;

Attendu que l’expert a retenu cette solution en déterminant, au vu d’une référence produite pour un commerce situé à proximité, le prix du marché à 241,72€ le m² et la valeur locative du local litigieux après déplafonnement fixée à 181,29e en raison de l’absence de vitrine et de la vétusté du matériel ; que l’expert a ensuite appliqué à la différence ainsi obtenue un coefficient de situation de 12, qui correspond à un excellent rendement, qu’il a ainsi déterminé une valeur du droit au bail de 32 813,52e soit une valeur inférieure à la valeur du fonds de commerce qu’il conviendra donc de privilégier;

Attendu que la locataire critique le calcul ainsi obtenu en arguant que la méthode de la comparaison des cessions intervenues sur le marché pour déterminer la valeur du droit au bail est plus pertinante ; que cependant cette méthode, qui n’est habituellement pas retenue par les juridictions des loyers , ne peut être utilement examinée, faute de références pour des cessions pour des commerces comparables, réalisées dans la même zone géographique dont la locataire justifierait, de sorte que ses critiques ne sont pas de nature à affaiblir la méthode retenue par l’expert;

Attendu que Monsieur C, expert comptable, dont la locataire se prévaut, évalue le droit au bail à la somme de 86 400€, après application de la méthode de différentiel de loyer, soit une somme inférieure à celle retenue au titre de l’indemnité principale d’éviction ; qu’ainsi, il n’y a pas lieu à faire prévaloir la valeur du droit au bail sur la valeur du fonds de commerce ;

Attendu que les propositions d’achats produites par la locataire pour des montants de 250 000e à 265 000€ établies le 20 juillet , le 8 septembre 2011 et le 25 avril 2012 , soit ,pour les premières, moins d’un mois après que Madame D ait elle-même acquis le fonds pour la somme de 55 000€, représentant plus de 500% du chiffre d’affaires alors que la durée du bail permet un déplafonnement du loyer, ne peuvent être retenues par la juridiction, pas plus que celle de Monsieur G, agent commercial qui indique le 7 mars 2012 que ' les budgets alloués pour acquérir ce type d’emplacement peuvent être compris entre 230 000et 350 000€ en fonction des surfaces, du linéaire de vitrines et de la concurrence… votre pressing correspond à cette démarche ', que l’imprécision de ces affirmations et leur caractère général leur ôtent toute pertinence ; qu’il est de même du courrier de l’agence Mega Trade France, qui fait état de sa recherche de tous commerces d’une superficie de 50 à 250m² pour un droit au bail de 250 000€ à 600 000€ dans la ville de Saint Rémy de Provence ; que de telles affirmations, sans engagement de leur auteur, en contradiction avec les recherches précises , détaillées et argumentées de l’expert judiciaire , ne peuvent emporter la conviction de la juridiction ;

Attendu que l’attestation de Monsieur C, expert comptable basé à Harlange au Luxembourg adressé à Madame Y domiciliée en Belgique, sur le projet de rachat du pressing pour une valeur de 320 000e afin de transférer le fonds à Tarascon, localité située à 15km, opération de nature à entraîner la perte totale de la clientèle, n’apparaît pas de nature à contredire utilement le rapport d’expertise, Monsieur C appliquant de surcroît, un coefficient de 150% du chiffre d’affaires, en contradiction avec les coefficients d’usage dans la profession limités à 130% ;

Attendu que l’indemnité principale doit être évaluée à la somme de 92 199,19€

Sur les indemnités accessoires

Attendu que le juge de première instance avait évalué les frais de déménagement à 8 000€ au regard de la valeur des biens immobiliers fixée à 5 000€ dans l’acte de licitation; que l’expert judiciaire faisait état dans son rapport de la production de deux devis l’un pour un montant de 41 000e et un second de 49 036e pour le déménagement et la réinstallation selon devis établi en 2011 ;

Attendu que les frais de déménagement de la locataire évincée doivent être supporter le bailleur , sauf pour lui à démontrer l’absence de réinstallation envisagée ; qu’il n’apporte en l’espèce aucun élément en ce sens ;

Attendu que la locataire produit un devis de déménagement établi le 29 juillet 2015 par l’entreprise K pour le déménagement et la réinstallation du matériel du pressing de son fonds de commerce dans un rayon de 15km facturant la prestation à 66 000€ TTC, qu’il n’existe aucun élément permettant de mette en doute la sincérité de ce document qui fait expressément référence au commerce litigueux et inclut outre le transport , le réaménagement dans un nouveaux local ;

Attendu qu’en revanche, le demande de prise en charge par le bailleur de frais de gardiennage, de frais de démontage d’une grille et de déménagement de 57m² de matériels de bureaux ne peut être accueillie , faute d’élément probant la justifiant ;

Attendu que les frais de remploi doivent été fixés à 10% de l’indemnité principale coefficient proposé par les deux parties, que cette indemnité doit être évaluée à 9 219,91€;

Attendu que l’indemnité pour trouble commercial, correspondant au préjudice subi pendant la période de déménagement et de réinstallation, doit être équivelante à 3 mois de résultat d’exploitation, que le bailleur accepte de régler à ce titre la somme de 3 780,12€ sollicitée par Madame D;

Attendu que les frais divers ont été fixés à 6 000€ par le juge de première instance, que les sommes sollicités par Madame D correspondent pour une large partie à des frais de matériel d’emballage sans lien avec le déménagement du fonds de commerce et des frais de publicité qu’elle aurait en tout état de cause engagés, qu’il convient de confirmer la décision des premiers juges;

Sur l’indemnité d’occupation :

Attendu qu’il convient de confirmer la décision des premiers juges qui ont fixé l’indemnité d’occupation à la valeur locative à laquelle doit être appliquée une minoration de 10% au titre de la précarité subie par la locataire dans l’exploitation de son commerce ;

Attendu qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile à l’une quelconque des parties ni pour la procédure de première instance ni pour celle d’appel;

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Par arrêt contradictoire

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a fixé l’indemnité due au titre des frais divers à la somme de 6 000€,

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points réformés :

Condamne in solidum les consorts J -E et F à payer à Madame N M épouse D

—  92 199,19€ titre d’indemnité principale d’éviction,

—  66 000 € au titre des frais de déménagement et de réinstallation,

—  9 219,91€ au titre des frais de remploi,

—  3 780,12€ au titre du trouble commercial,

Déboute Madame M N épouse D du surplus de ses demandes,

Condamne Madame M N épouse D à payer aux consorts J -E et F la somme mensuelle de 7 383,03€ au titre de l’indemnité d’occupation à compter du 1er avril 2011 et ce jusqu’à la libération effective des lieux,

Condamne les consorts J -E et F aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT



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