Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 30 juin 2016, n° 13/21455

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2016

N° 2016/ 434

Rôle N° 13/21455

D N

XXX

C/

E N

C N

W N épouse B DE Y

K F

SARL CHATEAU D’ALPHERAN

Grosse délivrée

le :

à :

— Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL

— Me Jean-rémy DRUJON D’ASTROS de la SCP DRUJON D’ASTROS BALDO & ASSOCIES

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d’AIX-EN-PROVENCE en date du 21 Octobre 2013 enregistré au répertoire général sous le n° 2013010057.

APPELANTS

Monsieur D N

né le XXX à XXX

XXX

représenté par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Orly REZLAN, avocat au barreau de PARIS

XXX

dont le siège social est XXX

représentée par Me Jérôme LATIL de la SCP LATIL PENARROYA-LATIL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Orly REZLAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Madame E N

XXX

représentée par Me Jean-rémy DRUJON D’ASTROS de la SCP DRUJON D’ASTROS BALDO & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Monsieur C N

XXX

représenté par Me Jean-rémy DRUJON D’ASTROS de la SCP DRUJON D’ASTROS BALDO & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Madame W N épouse B DE Y

XXX

représentée par Me Jean-rémy DRUJON D’ASTROS de la SCP DRUJON D’ASTROS BALDO & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Maître K F

mandataire judiciaire de la SARL CHATEAU D’ALPHERAN

né le XXX à

XXX

représenté par Me Jean-rémy DRUJON D’ASTROS de la SCP DRUJON D’ASTROS BALDO & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

SARL CHATEAU D’ALPHERAN

XXX

représentée par Me Jean-rémy DRUJON D’ASTROS de la SCP DRUJON D’ASTROS BALDO & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 11 Mai 2016 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Catherine DURAND, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL, Président

Madame Catherine DURAND, Conseiller

Madame Anne DUBOIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2016.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2016,

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame Lydie BERENGUIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La SARL Chateau d’Alpheran a été constituée le 22 octobre 2004 entre les membres de la famille de A afin de valoriser, de gérer et exploiter sous forme de chambres d’hôtes le Chateau et domaine d’Alpheran existant dans la famille.

Monsieur D de A détenait XXX parts en pleine propriété, soit 47,89 % du capital. La société Financière Montpeyroux qu’il contrôle en détenait 8,25 % en nue propriété.

Les deux soeurs de Monsieur D de A, Mesdames B de Y et Madame E de A et son père C de A en sont les autres associés.

Le 8 novembre 2010 un ancien salarié de la SARL Chateau d’Alpheran a introduit une instance devant le Conseil des prud’hommes d’Aix-en-Provence lui demandant le paiement notamment d’indemnités de 30.000 euros pour non respect de la procédure de licenciement, de 80.000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 42.000 euros de salaires de juin à décembre 2010.

Lors de l’assemblée générale ordinaire du 8 avril 2011 Mesdames B de Y et Madame E de A ont été désignées en qualité de cogérantes de la société.

Monsieur D de A a été révoqué lors de l’assemblée générale du 20 juin 2011 de son mandat de gérant, le rapport de la gérance faisant état de dysfonctionnements constatés dans la gestion de la société et notamment de litiges prud’homaux mettant en jeu la pérennité de la société, de la menace du gérant en place de ne pas assurer la saison 2011 et de s’opposer à la poursuite du projet de la société.

Cette décision a été attaquée judiciairement.

Sur la demande de Monsieur de A de remboursement de son compte courant d’un montant de 124.696,51 euros, contesté par la société, une expertise judiciaire a été confiée par ordonnance de référé du 20 février 2012 à Monsieur X qui, aux termes de ses conclusions, a retenu un montant de 52.028,74 euros.

Par lettre RAR du 3 avril 2013 la société Chateau d’Alpheran a procédé à une consultation écrite des associés à laquelle était joint un exemplaire du rapport de la gérance faisant état de la proposition de procéder à une augmentation du capital social de 91.500 euros, exposant que la société devait faire face au règlement de condamnations financières découlant de la procédure prud’homale intentée par Monsieur Z, ancien salarié, ayant abouti à une condamnation totale de 71.080 euros hors charges sociales.

Y étaient également joints le bulletin de vote contenant le texte des quatre résolutions soumises au vote des associés et le vote lui-même pour chacune des résolutions, ainsi que les statuts de la société.

Cette augmentation de capital a été adoptée à l’unanimité des associés et le procès-verbal de gérance du 22 avril 2013 constatant ces votes mentionne que l’augmentation de capital par voie d’emission au pair serait à libérer intégralement en numéraire à la souscription par versement en espèces et que les associés bénéficiaient d’un délai allant du 2 mai au 10 mai inclus pour exercer leur droit préférentiel, que les souscriptions seraient reçues au siège social et que les fonds versés

seraient déposés à la Société Générale agence de Puyricard.

Par courrier RAR du 26 avril 2013, reçu le 27 avril tant par Monsieur D de A que par la société Financière Montpeyroux, la société Chateau d’Alpheran a avisé les associés de ce qu’il était procédé à l’augmentation de capital social selon les modalités et délais rappelés dans ce courrier, et notamment que les parts souscrites tant à titre réductible qu’irréductible devaient être libérées intégralement à la souscription par versements en espèces.

Par courrier RAR du 14 mai 2013 la SARL Chateau d’Alpheran a accusé réception des bulletins de souscriptions de Monsieur D de A et de la société Financière de Montpeyroux, postés le 10 mai et reçus le 11 mai, mais dit ne pouvoir retenir ces souscriptions en l’absence de paiement joint aux bulletins.

Elle a ensuite refusé le virement du montant des souscriptions effectué le 15 mai 2013 par Monsieur D de A sur le compte de la société Chateau d’Alpheran avec une date de valeur au 10 mai.

Les deux autres associées Mesdames B de Y et Madame E de A ont souscrit à l’augmentation de capital et acquis l’intégralité des nouvelles parts sociales à titre irréductible et réductible, leur père demandant le maintien de son usufruit sur les parts émises.

Le compte bancaire, sur lequel les fonds reçus au titre de l’augmentation de capital devaient être déposés, a été ouvert par les cogérantes de la société Chateau d’Alpheran à l’agence Société générale le 14 mai 2013 et les fonds recueillis déposés le même jour.

L’assemblée générale du 10 juin 2013, à laquelle Monsieur de D de A et la société Financière Montpeyroux n’ont pas assisté, a constaté la libération des 6.000 nouvelles parts sociales en totalité par versement en numéraire par Mesdames B de Y et Madame E de A, le recueil des fonds reçus par la gérance et leur dépôt conformément à la loi sur un compte ouvert à la Société générale, attesté par un certificat délivré le 21 mai 2013 par l’établissement de crédit dépositaire, et a voté en conséquence la modification des articles 6 et 7 des statuts.

Par exploits des 2 et 3 septembre 2013, Monsieur D de A et la société Financière de Montpeyroux, ont assigné la société Chateau d’Alpheran, Mesdames B de Y et Madame E de A et Monsieur C de A, devant le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence, pour voir dire leurs souscriptions adressées le 10 mai 2013 régulières, que Monsieur D de A s’est intégralement libéré des fonds correspondant au 2.874 parts souscrites par compensation avec son compte courant, de dire que les souscriptions à titre réductible dont ont profité Mesdames B de Y et Madame E de A n’ont pu valablement intervenir pour la totalité des parts souscrites parce qu’elles étaient déjà souscrites par les demandeurs et que l’encaissement du règlement du montant des souscriptions n’a pu intervenir en espèces le 10 mai 2013, dire ces souscriptions nulles et non avenues dans la limite de 3.368 parts et que les parties doivent être remises dans la situation où elles auraient dû être si l’augmentation de capital avait été loyalement réalisée.

Monsieur D de A demandait de dire qu’il avait valablement souscrit au pair le 10 mai 2013 2.874 parts de 15,25 euros pour un montant de 43.828,50 euros libéré par compensation légale, sinon subsidiairement à libérer en numéraire.

La société Financière de Montpeyroux demandait que Madame B de Y soit condamnée à lui céder en pleine propriété 297 parts au pair et Madame E de A 197 parts au pair.

Par jugement du 21 octobre 2013 le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a débouté Monsieur de A et la société Financière de Montpeyroux de leurs demandes et les a condamnés au paiement d’une somme de 500 euros à chacun des défendeurs à titre de frais irrépétibles et aux dépens.

Par acte du 4 novembre 2013 Monsieur D de A et la société Financière de Montpeyroux ont interjeté appel de cette décision.

La SARL Chateau d’Alpheran a été placée en redressement judiciaire le 6 août 2015 et Me K de Carrière désigné en qualité de mandataire judiciaire.

Par conclusions déposées et notifiées le 4 mai 2016, tenues pour intégralement reprises, les appelants demandent à la cour de :

Révoquer l’ordonnance de clôture du 27 avril 2016,

Vu l’article L 223-32 du code de commerce,

Infirmer le jugement attaqué,

Dire que leurs souscriptions à titre irréductible signées le 6 mai 2013 et adressées en RAR le 10 mai 2013 étaient régulières,

Dire que la libération des fonds correspondant aux parts souscrites est intervenue par virement comportant comme date de valeur le 10 mai,

Dire qu’en tout état de cause le paiement par compensation n’ayant pas été expressément exclu, la libération des fonds est intervenue par compensation avec la créance liquide, certaine et exigible de compte courant de Monsieur D de A dont la société n’a remboursé à ce jour le moindre euro,

Ordonner en conséquence la remise en état des parties à la date de souscription,

Ordonner le rachat au pair en pleine propriété et aux frais des cédantes des parts souscrites à titre réductible par Mesdames B de Y et Madame E de A, puis la revente en pleine propriété de ces parts aux appelants dans les 15 jours de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard,

A titre subsidiaire,

Vu l’article 1382 du code civil,

Dire que Mesdames B de Y et Madame E de A en qualité de gérantes ont manqué à leur devoir de loyauté et d’information envers leurs associés et que ce manquement s’est traduit par une réticence dolosive à donner l’information demandée,

En conséquence,

Les condamner au paiement de la somme de 5.000 euros à la société Financière de Montpeyroux et celle de 75.000 euros à Monsieur D de A, ainsi que celle de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 9 mai 2016, tenues pour intégralement reprises, la SARL Chateau d’Alpheran, Mesdames B de Y et Madame E de A, Monsieur C de A, et Me K F, intervenant volontairement en qualité de mandataire judiciaire de la société Chateau d’Alpheran, demandent à la cour de :

Vu le redressement judiciaire de la société Chateau d’Alpheran en date du 6 aôut 2015,

Donner acte à Me K F de son intervention volontaire ès qualités,

Confirmer le jugement attaqué,

Débouter intégralement les appelants de leurs demandes,

En conséquence,

Dire que Monsieur D de A ne peut prétendre à aucune compensation avec son compte courant d’associé,

Dire que Monsieur D de A et la société Financière de Montpeyroux n’ont pas respecté les règles convenues avec les autres associés concernant l’augmentation de capital décidée à l’unanimité des associés,

Dire que les gérantes n’ont pas manqué à leur obligation de loyauté et d’information,

En tout état de cause,

Dire qu’ils n’ont subi aucun préjudice pécuniaire et/ou moral,

Dès lors,

Les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Les condamner solidairement au paiement de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L’affaire a été clôturée en dernier lieu le 11 mai 2016 après révocation d’accord des parties de l’ordonnance du 27 avril 2016.

Les parties ont été autorisées par la cour à produire en cours de délibéré une note relative aux modalités de remise en état des parties dans la situation dans laquelle elles auraient du se trouver dans l’hypothèse où l’augmentation de capital serait jugée comme valablement souscrite par les appelants au regard de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

Par note du 23 mai 2016 les appelants demandent à la cour, dans l’hypothèse précitée de :

Prononcer la nullité des souscriptions à titre réductible par Mesdames B de Y et Madame E de A, intervenues au mépris des souscriptions à titre irréductible de Monsieur D de A et de la société Financière Montpeyroux,

Ordonner en conséquence la remise en état des parties à la date de souscription,

Ordonner aux frais des cédantes la cession aux appelants des parts souscrites à titre réductible par Mesdames B de Y et Madame E de A, en pleine propriété.

Par note du 27 mai 2016 les intimés ont précisé, qu’à titre infiniment subsidiaire si la cour entrait en voie de réformation, Mesdames B de Y et Madame E de A, d’une part, et Me F ès qualités d’autre part, ne s’opposaient pas à ce que la régularisation de la situation se fasse par une cession entre Mesdames B de Y et Madame E de A, de leur part réductible au profit de Monsieur D de A et de la société Financière Montpeyroux.

MOTIFS

Attendu que les associés, dont Monsieur Q de A et la société Financière Montpeyroux, ont décidé à l’unanimité du principe de cette augmentation de capital selon les modalités précisées dans les résolutions adoptées, la deuxième résolution donnant tous pouvoirs à la gérance à l’effet de procéder à la réalisation de l’augmentation de capital décidée, recueillir les souscriptions et les versements, effectuer le dépôt des fonds, chargeant la gérance d’en rendre compte à une prochaine assemblée générale appelée à se prononcer sur la réalisation définitive de cette opération ;

Attendu que la lettre de consultation, les délibérations adoptées précisaient les modalités de la souscription et notamment que :

— les parts souscrites, tant à titre réductible qu’à titre irréductible, devraient être libérées intégralement à la souscription par versements en espèces,

— pour exercer leur droit de souscription les associés disposeraient d’un délai allant du 2 mai au 10 mai 2013 inclus,

— les souscriptions aux nouvelles parts émises au titre de l’augmentation de capital seraient reçues au siège social,

— les fonds versés seraient déposés dans les délais légaux à la banque Société générale agence de Puyricard ;

Attendu qu’il était précisé par ailleurs que les associés pouvaient souscrire à titre réductible aux parts qui n’auraient pas été souscrites à titre irréductible et ce proportionnellement au nombre de leurs droits de souscription et dans la limite de leur demande ;

Attendu que Monsieur D de A et la société Financière Montpeyroux n’ont pas joint à leurs bulletins de souscription datés du 6 mai, postés le 10 mai, le montant de leurs souscriptions ;

Attendu que le conseil de Monsieur de A et de la société Financière Montpeyroux par télécopie adressée au conseil de Mesdames B de Y et Madame E de A le 10 mai a indiqué que son client s’était rendu le matin même à l’agence Société générale de Puyricard afin de déposer les fonds sur le compte ouvert pour l’augmentation de capital, qu’il n’était pas encore ouvert, l’interrogeant sur la date de son ouverture, disant que son client adressait le même jour les bulletins de souscriptions ;

Sur l’abus de droit :

Attendu que les appelants font valoir avoir régulièrement souscrit à l’augmentation de capital et que le refus d’accueillir leur souscription est un abus de droit ; qu’ils soutiennent que les modalités de souscription n’étaient pas 'd’une clarté limpide’et indiquent que le conseil de Monsieur de A n’a pas été lui-même en mesure de discerner ce qui était prescrit ; qu’ils ajoutent que les gérantes avaient un intérêt personnel dans l’opération et à faire obstacle à une éventuelle souscription de leurs associés ;

Attendu que Monsieur de A précise qu’il était le seul à n’avoir aucun contact verbal avec les organisatrices de l’augmentation de capital en raison de deux procédures l’opposant à la société et que l’absence de réponse à la télécopie de son conseil le 10 mai était déloyale ;

Attendu toutefois que chacun des associés ayant la faculté de participer à l’augmentation de capital ouverte à tous, faite dans l’intérêt exclusif de la société Chateau d’Alpheran devant faire face au paiement de condamnations assorties de l’exécution provisoire, la circonstance que Mesdames B de Y et Madame E de A participent en leur qualité d’associé à l’augmentation de capital est insuffisante à établir leur intérêt personnel direct à cette opération ;

Attendu par ailleurs que les modalités rappelées ci-dessus ont été acceptées à l’unanimité des associés et Monsieur de A par l’intermédiaire de son conseil n’a pas demandé de précision aux cogérantes, ou à leur conseil, avant de remplir les bulletins de vote sur l’une quelconque de ces modalités qui étaient clairement définies ;

Attendu que l’obligation de souscrire et de libérer intégralement la totalité des parts souscrites par versement en espèces à partir du 2 mai jusqu’au 10 mai inclus était connue de tous les associés, qui n’ont fait aucune observation avant de voter sur cette modalité et l’adopter ;

Attendu que la mention dans le procès-verbal de gérance du 22 avril 2013 constatant ces votes que l’augmentation de capital par voie d’emission au pair serait à libérer intégralement 'en numéraire’ à la souscription par versement 'en espèces', démontrait que la libération ne pouvait se faire en nature mais seulement par versements de fonds ;

Attendu qu’en arrêtant le principe de la libération intégrale des souscriptions avant le 10 mai, les associés ont expressément dérogé aux dispositions de l’article L 223-32 du code de commerce comme ils en avaient la faculté ;

Attendu qu’approuvé sans réserve par Monsieur de A et la société Financière Montpeyroux, il était donc connu d’eux, comme en atteste la télécopie de leur conseil du 10 mai 2103 adressé au conseil des gérantes ;

Attendu qu’ils allèguent s’être mépris sur les modalités d’une libération 'en espèces', avoir pensé que le virement des fonds ne pouvait intervenir que sur le compte bancaire dédié qui n’était pas encore ouvert au 10 mai, et non par chèque, et reprochent aux cogérantes un manquement à leur obligation de loyauté et d’information à leur égard pour ne pas avoir corrigé cette méprise ;

Attendu cependant qu’il était clairement indiqué dans les délibérations et dans la lettre du 16 avril 2013 que les souscriptions seraient reçues au siège social à Puyricard et les fonds versés déposés dans les délais légaux à la banque Société générale et la deuxième résolution donnait mandat à la gérance de 'recueillir les souscriptions et les versements, effectuer le dépôt des fonds', ce qui démontre la distinction opérée entre, d’une part, la réception des fonds versés par les associés au titre de l’augmentation de capital et, d’autre part, leur dépôt par la gérance sur le compte dédié ouvert à cette fin, et ce, afin de satisfaire à l’obligation légale selon laquelle, dans les 8 jours de leur réception, les fonds provenant de la libération des parts sociales sont déposés dans un établissement de crédit (article R 223-3 code de commerce) ;

Attendu que les appelants étaient avisés depuis le 27 avril 2013 du lancement de l’augmentation de capital, dont ils connaissaient l’imminence pour en avoir voté son principe le 16 avril 2013 ; que Monsieur de A a d’ailleurs demandé le déblocage de fonds d’un montant de 50.000 euros, virés sur son compte personnel dès le 30 avril 2013 ;

Attendu qu’ils étaient donc à même de procéder aux opérations de souscriptions (envoi des bulletins de souscriptions et libération) ouvertes à compter du 2 mai avant même le 10 mai ;

Attendu que Monsieur de A précise ne pas avoir procédé à un virement sur le compte de la société Chateau d’Alpheran en raison du contexte conflictuel l’opposant à ses soeurs, faisant valoir qu’elles auraient pu considérer ce virement comme ne se rapportant pas à l’augmentation de capital ;

Attendu que cette allégation non pertinente, alors qu’un ordre de virement peut préciser clairement son objet, comme celui du 6 mai 2013 de Madame B de Y qui est noté effectué pour 'augmentation de capital', démontre qu’il savait pouvoir libérer les fonds par virement bancaire sur le compte de la société Chateau d’Alpheran, ce qu’il a d’ailleurs fait tardivement le 15 mai 2013, de sorte que la méprise invoquée sur le mode de paiement n’est pas sérieuse ;

Attendu qu’en tout état de cause Monsieur de A pouvait également les déposer le 10 mai au siège social de la SARL, lieu de son domicile, où Madame E de A indique, sans être contredite, être demeurée toute la journée du 10 ;

Attendu que ne peut être reprochée aux cogérantes l’absence de réponse apportée le 10 mai par leur conseil à la télécopie que lui a adressée le même jour Me Audan conseil des appelants, l’interrogeant uniquement sur la date à laquelle ses clientes comptaient ouvrir le compte de dépôt des fonds ;

Attendu que Monsieur de A disposait des mêmes informations que les autres associés et la méprise dont il se prévaut n’est pas imputable à un manquement des gérantes à leur devoir d’information, d’ailleurs jamais contactées directement ;

Attendu enfin que Mesdames B de Y et Madame E de A ont régulièrement émis leurs bulletins de souscription le 2 mai et libéré les fonds par virement des 6 et 8 mai sur le compte de la société Chateau d’Alphéran, soit avant la date butoir du 10 mai ;

Attendu que par conséquent le refus d’accueillir les souscriptions de Monsieur D de A et de la société Financière Montpeyroux non assorties de paiement au 10 mai ne résulte pas d’un abus de droit mais de l’application des règles arrêtées par les associés ;

Sur la sanction du défaut de libération des souscriptions :

Attendu que les appelants font valoir que l’envoi des bulletins de souscription le 10 mai 2013 valait souscription et que la sanction du défaut de libération ne peut être l’irrégularité de leurs souscriptions ;

Attendu toutefois que les associés à l’unanimité ont décidé de souscrire et de libérer intégralement la totalité des parts souscrites à partir du 2 mai jusqu’au 10 mai inclus ;

Attendu que les appelants soutiennent que l’absence de libération au 10 mai était seulement sanctionnée par des intérêts courant à compter du jour où les fonds devaient être payés en application de l’article 1843 alinéa 5 du code civil et non par le rejet de leurs souscriptions ;

Attendu toutefois que l’obligation de libérer dans le délai précité la totalité des parts souscrites imposait aux associés de verser avant la date butoir du 10 mai la totalité des fonds correspondant à leurs souscriptions ; qu’elle était une condition de participation à l’augmentation de capital réalisée pour faire face aux condamnations prononcées contre la société ;

Attendu que l’absence de libération ne permettait pas de prendre en considération les bulletins de souscription postés le 10 mai et reçus le 11 mai ;

Attendu que les souscriptions des appelants ont été rejetées à bon droit le 14 mai 2013 comme ne satisfaisant pas aux conditions arrêtées par les associés ;

Attendu que le virement effectué le 15 mai, porté par la banque à la demande expresse de Monsieur de A à la date de valeur du 10 mai sur le compte de la société Chateau d’Alpheran, n’a pu rétroactivement régulariser ces souscriptions ;

Attendu que les appelants ne peuvent donc valablement soutenir que l’envoi du bulletin de souscription en l’absence de libération intégrale des souscriptions valait souscription régulière ;

Sur l’obligation de loyauté des gérantes à l’égard des associés :

Attendu que les appelants font encore valoir que les gérantes, personnellement intéressées à l’opération d’augmentation de capital, étaient tenues à une obligation d’information et de loyauté imposée aux dirigeants de société, qu’elles ont failli à ces obligations et que l’ignorance dans laquelle elles ont maintenu les autres associés leur a donné des droits supplémentaires ;

Attendu toutefois que tous les associés ont reçu la même information et pouvaient tous souscrire à l’augmentation de capital ;

Attendu que la circonstance que Mesdames B de Y et Madame E de A ont souscrit à titre réductible aux parts qui n’auraient pas été souscrites à titre irréductible proportionnellement au nombre de leurs droits de souscription ne peut constituer un manquement à leur obligation de loyauté, cette faculté étant ouverte à tous les associés ;

Attendu par ailleurs qu’il n’est pas établi qu’elles ont refusé de fournir à Monsieur D de A et à la société Financière Montpeyroux une explication sur le mode de libération des parts, leur conseil ayant été interrogé le 10 mai, soit le dernier jour de l’opération d’augmentation de capital, par celui des appelants uniquement sur la date à laquelle les gérantes comptaient ouvrir le compte de dépôt des fonds et non sur le mode de versement des fonds ;

Attendu qu’aucune réticence dolosive n’est en l’état caractérisée à leur encontre ;

Sur la libération par compensation :

Attendu que les appelants font valoir que la compensation n’ayant pas été exclue expressément par les associés, la SARL Chateau d’Alpheran ne pouvait déclarer irrégulières les souscriptions des appelants en raison de l’absence de libération des fonds, alors que les souscripteurs détenaient à son encontre une créance certaine, liquide et exigible de compte courant ;

Attendu cependant que le rapport de gérance justifiait l’augmentation de capital par la nécessité de faire face à des condamnations revêtues de l’exécution provisoire intervenue à l’encontre de la société au bénéfice d’un ancien salarié et le conseil des appelants rappelait lui-même dans un courrier du 25 avril 2013 la nécessité d’un apport en trésorerie et l’urgence de réaliser cette augmentation de capital ;

Attendu que la décision arrêtée par les associés de libérer intégralement en espèces les souscriptions excluait une libération par compensation avec une créance de compte courant détenue par un associé sur la société, non génératrice de trésorerie ;

Attendu que Monsieur de A ne peut donc invoquer une libération des parts souscrites par compensation avec son compte courant, étant au surplus rappelé que le montant de celui-ci a été contesté et que l’expertise ordonnée à ce sujet était en cours au 10 mai 2013 ;

Attendu qu’il ne disposait donc pas à cette date de créance certaine dans son montant à l’encontre de la société ;

Attendu qu’il sera enfin rappelé que les appelants n’ont pas assisté ni ne se sont fait représenter à l’assemblée générale du 10 juin 2013 lors de laquelle a été constatée la réalisation définitive de l’augmentation de capital d’un montant de 91.500 euros décidée sur consultation écrite des associés, le rapport de gérance précisant qu’à l’issue de la période de souscription seuls deux associés avaient souscrit les parts nouvelles et libéré leurs souscriptions dans le délai imparti ;

Attendu qu’ils ne soutiennent pas avoir formé de recours à l’encontre des délibérations de cette assemblée générale ;

Attendu que les appelants sont par conséquent déboutés de l’intégralité de leurs demandes et le jugement querellé confirmé en toutes ses dispositions, excepté celles portant sur les frais irrépétibles ;

Attendu que Monsieur D de A et la société Financière Montpeyroux sont condamnés in solidum à payer aux intimés ayant le même conseil une indemnité de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Attendu que les appelants sont condamnés in solidum aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et publiquement,

Vu le redressement judiciaire de la société Chateau d’Alpheran en date du 6 août 2015,

Donne acte à Me K F de son intervention volontaire ès qualités,

Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions excepté celles portant sur les frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

Déboute Monsieur D de A et la société Financière Montpeyroux de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

Condamne Monsieur D de A et la société Financière Montpeyroux in solidum à payer aux intimés une indemnité de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel,

Condamne Monsieur D de A et la société Financière Montpeyroux in solidum aux entiers dépens, ceux d’appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 30 juin 2016, n° 13/21455