Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 9 février 2017, n° 15/16314

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 10e ch., 9 févr. 2017, n° 15/16314
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 15/16314
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Marseille, 19 avril 2015, N° 14/06582
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE 10e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 09 FEVRIER 2017

N° 2017/ 064 Rôle N° 15/16314

F G épouse A

C/

D B épouse Z

H I

CPAM DES BOUCHES DU RHÔNE

Grosse délivrée

le :

à:

Me Jean VOISIN

Me Laurence LEVAIQUE

Me Marina LAURE

Me Vincent PINATEL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 20 Avril 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/06582.

APPELANTE

Madame F G épouse A

née le XXX à Saint-Claude, de nationalité Française,

demeurant 2 allée J-S Bach – 13880 Velaux

représentée par Me Jean VOISIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Madame D B épouse Z née le XXX à XXX,

XXX, XXX

représentée par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Philippe CHOULET, avocat au barreau de LYON

Madame H I és-qualités de liquidatrice amiable de la SNC PHARMACIE I

XXX

représenté par Me Marina LAURE, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES DU RHONE,

dont le siège social est : XXX – XXX

représentée par Me Vincent PINATEL, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 13 Décembre 2016 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Olivier GOURSAUD, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Février 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Février 2017,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. ***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

En mars 2007, Mme F G épouse A souffrant de douleurs articulaires importantes a consulté le docteur D B à l’hôpital Ambroise Paré à Marseille qui a fait une recherche de connectivite.

Ce médecin lui a prescrit du methotrexate 2,5 mg suivant une posologie variable allant jusqu’à 4 comprimés par jour pendant six mois.

Mme A s’est fait délivrer ce médicament par la pharmacie I à Salon de Provence, conformément à l’ordonnance du docteur B.

Le 2 juin 2007, Mme A a été admise aux urgences de l’hôpital d’Aix en Provence en raison d’une forte fièvre et de difficultés respiratoires, puis elle a été transférée en unité de réanimation où elle a subi une trachéotomie avant d’être placée sous ventilation mécanique.

Il est apparu que Mme A avait présenté une pneumocytose sévère dans un contexte d’erreur de prescription médicamenteuse en ce qu’il avait été prescrit une posologie de methotrexate de 4 comprimés par jour alors qu’elle aurait du être de quatre comprimés par semaine.

Mme A a sollicité en référé l’organisation d’une expertise et suivant ordonnance en date du 22 octobre 2010, le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille a désigné un expert.

Un rapport d’expertise a été déposé le 20 août 2013 par le professeur Seriat-Gautier après avoir pris l’avis d’un sapiteur psychiatrique en la personne du docteur X.

Par exploits d’huissier en date des 28 avril, 2 et 5 mai 2014, Mme F G épouse A a fait assigner le docteur D B, la snc pharmacie I et la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône devant le tribunal de grande instance de Marseille en indemnisation de son préjudice.

Le Docteur B qui n’a pas contesté sa responsabilité en l’état d’une erreur thérapeutique de surdosage a demandé que la pharmacie I soit condamnée à la garantir à hauteur de 60 % des condamnations prononcées à son encontre.

La pharmacie I a sollicité sa mise hors de cause et subsidiairement a demandé qu’il soit jugé que sa part de responsabilité n’excède pas 25 %.

Par jugement en date du 20 avril 2015 auquel il est expressément référé pour un exposé plus complet des faits et des prétentions des parties, le tribunal de grande instance de Marseille a :

— dit que le docteur D B et la pharmacie I sont responsables de l’accident thérapeutique dont Mme A a été victime en raison d’un surdosage de methotrexate,

— dit que s’agissant de la contribution à la dette, le docteur D B est responsable pour 50 % et la pharmacie I pour 50 % du dommage subi par Mme A,

— fixé le préjudice subi par Mme A aux sommes suivantes :

— préjudice patrimoniaux

* dépenses de santé : – prise en charge par l’organisme social : 55.606,91 €

— restées à charge : 327,27 €

— frais d’assistance à expertise : 800,00 €

— préjudice extra patrimoniaux :

* déficit fonctionnel temporaire : 6.075,00 €

* déficit fonctionnel permanent : 6.500,00 €

* souffrances endurées : 21.300,00 €

* préjudice esthétique : 1.000,00 €

— condamné en conséquence in solidum le docteur D B et la pharmacie I à payer à Mme A la somme de 36.002,27 € au titre de la réparation de son préjudice corporel,

— condamné in solidum le docteur D B et la pharmacie I à verser à la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 55.605,91 € au titre de ses débours,

— condamné in solidum le docteur D B et la pharmacie I à payer à Mme A la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné in solidum le docteur D B et la pharmacie I à payer à la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 1.037 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue par l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale,

— ordonné l’exécution provisoire de la décision,

— rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,

— mis les dépens à la charge du docteur D B et de la pharmacie I, en ce compris les frais d’expertise.

Par déclaration en date du 10 septembre 2015, Mme F G épouse A a interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses conclusions en date du 10 décembre 2015, Mme F G épouse A demande à la cour de :

— confirmer la décision en ce qu’elle a déclaré le docteur D B et la pharmacie I responsables chacune à hauteur de 50 % de son dommage,

— réformer partiellement ou totalement l’indemnisation des postes de préjudice ainsi qu’il suit:

XXX) :

1°) frais divers et dépenses de santé actuelles (800 € + 970.97 €) 1.770,97 €

2°) tierce personne temporaire : 3.936,00 € 3°) perte de gains professionnels actuels : 13.200,00 €

4°) perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle : 164.000,00 €

XXX

A°) préjudice extra patrimoniaux temporaires :

1°) déficit fonctionnel temporaire : 9 000,00 €

2°) souffrance endurées 5/7 : 30 000,00 €

3°) préjudice esthétique temporaire : 8 000,00 €

B°) préjudice extra patrimoniaux permanents :

1°) déficit fonctionnel permanent : 5 % 12 000,00 €

2°) préjudice esthétique permanent : 0,5/7 2 000,00 €

3°) préjudice d’agrément : 15 000,00 €

total : 258.906,97 €

— dire qu’il devra être tenu compte de l’entière créance de la caisse primaire d’assurance maladie qui devra être incluse dans l’évaluation postes par postes, puis déduite,

— déclarer commun et exécutoire à la caisse primaire d’assurance maladie l’arrêt à intervenir,

— confirmer la décision dont appel s’agissant de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens et, y ajoutant, condamner solidairement le docteur D B et la pharmacie I au paiement :

— d’une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

— des entiers dépens d’appel avec distraction au profit de Maître Jean Voisin, avocat en la cause, qui y a pourvu.

Mme A qui sollicite la confirmation du jugement sur la responsabilité, fait valoir l’existence d’une faute du praticien dans le non respect des posologies mais également du pharmacien qui a commis une erreur en exécutant fidèlement l’ordonnance dont la prescription était erronée.

Elle déclare notamment s’agissant de l’étendue de son préjudice que :

— la prescription par le docteur B d’une aide ménagère ne saurait présenter la moindre ambiguïté même si elle est l’auteur du dommage et ce médecin a bien prescrit une aide ménagère en considération de son état physique,

— à l’issue de son hospitalisation, elle était dans l’incapacité physique de pourvoir à ses besoins et n’a pu effectuer seule les gestes quotidiens des tâches ménagères ce qui justifie l’attribution d’une indemnité pour assistance par tierce personne à raison de deux heures par jour pendant une période de deux mois où elle se trouvait chez sa mère puis le remboursement du coût de l’aide ménagère à laquelle elle a eu recours quant elle est revenue à son domicile, – elle a été placée en longue maladie à compter de juin 2007 et à l’issue d’une période de longue maladie, elle a été placée d’office à la retraite pour invalidité (infirmière psychiatrique),

— la spondylarthrite ankylosante dont elle souffre depuis de nombreuses années ne l’a jamais empêchée de travailler et il en a été différemment à compter du surdosage sans lequel elle n’aurait pas été placée à la retraite au mois de mai 2010,

— elle est donc fondée à réclamer l’indemnisation de ses pertes de salaire non compensées par le maintien de son traitement ou de complément versé par le comité des oeuvres sociales ou la mutuelle et de ses primes ainsi qu’une incidence sur sa retraite.

Dans le dernier état de ses conclusions en date du 29 décembre 2015, Mme D Z née B demande à la cour de :

— dire et juger recevable son appel incident à l’encontre du jugement rendu le 20 avril 2015 par le tribunal de grande instance de Marseille et y faire droit,

— confirmer le jugement en ce qu’il a consacré la responsabilité de la pharmacie I

sauf à élever à hauteur de 60 % la prise en charge du préjudice par la pharmacie I

compte tenu de l’intensité et de la réitération de la faute commise et, par conséquent, infirmer le jugement sur ce point,

— confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les postes de préjudice de tierce personne temporaire, de perte de gains professionnels actuels, d’incidence professionnelle, de préjudice esthétique et de préjudice d’agrément et fait une juste appréciation des préjudices de dépenses de santé actuelles et de frais divers et le réformer pour le surplus au regard des explications données dans les présentes écritures,

— condamner in solidum tout contestant à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de la scp Ermeneux Levaique Arnaud & associés, avocats postulants, sur leur affirmation de droit.

Le docteur B fait valoir sur la responsabilité que :

— elle s’en rapporte à l’appréciation de la cour sur sa responsabilité et ne conteste pas les conclusions du professeur Seriat-Gautier sur l’erreur thérapeutique de surdosage,

— il existe aussi une faute imputable à la pharmacie I qui à deux reprises à l’occasion de la délivrance, puis du renouvellement du médicament n’a pas procédé à l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance médicale et n’a pas su identifier une erreur de prescription,

— une réformation du jugement s’impose quant au partage de responsabilité dés lors que la faute du pharmacien explique plus directement les séquelles de Mme A et que l’inattention fautive a été réalisée à deux reprises.

S’agissant de l’évaluation du préjudice de Mme A, elle déclare que :

— celle-ci ne rapporte pas la preuve que ces arrêts maladie jusqu’en 2010 et au delà et sa mise à la retraite soient imputables au dosage médicamenteux et les deux experts démontrent que ce surdosage n’a pas eu d’incidence sur son activité professionnelle,

— Mme A ne rapporte pas non plus la preuve d’un besoin en aide ménagère qui n’a pas été retenu par l’expert judiciaire,

— les experts n’ont pas retenu l’existence d’un préjudice esthétique temporaire ou d’un préjudice d’agrément.

Elle offre de régler au titre des autres postes de préjudice :

— frais divers : s’en rapporte

— déficit fonctionnel temporaire : 4.990 €

— souffrance endurées : 15.000 €

— préjudice esthétique : 1.000 €

— déficit fonctionnel permanent : 2.800 €

Dans le dernier état de ses écritures en date du 12 janvier 2016, la snc pharmacie I demande à la cour de :

— dire et juger qu’elle n’a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité,

par conséquent,

— réformer le jugement du 20 avril 2015, en ce qu’il a retenu le principe de sa responsabilité dans l’accident thérapeutique dont Mme A a été victime,

— prononcer sa mise hors de cause pure et simple,

— débouter Mme A de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

à titre subsidiaire,

— dire et juger que la part de responsabilité pouvant lui être imputable ne saurait être supérieure à 25%,

par conséquent,

— réformer le jugement du 20 avril 2015, en ce qu’il a retenu sa responsabilité à hauteur de 50% dans l’accident thérapeutique dont Mme A a été victime,

— limiter sa part de responsabilité à hauteur de 25% des préjudices subis par Mme A,

— confirmer le jugement du 20 avril 2015, en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires de Mme A concernant les postes suivants :

— tierce personne temporaire

— perte de gains professionnels actuels

— incidence professionnelle

— préjudice esthétique temporaire – préjudice d’agrément

— confirmer le jugement du 20 avril 2015, concernant les indemnités accordées au titre du déficit fonctionnel permanent à hauteur de 6.500 € et du préjudice esthétique définitif à hauteur de 1.000 €,

pour le surplus,

— réformer le jugement du 20 avril 2015, en ramenant le montant des indemnités accordées à de plus justes proportions,

— dire et juger que Mme A ne saurait solliciter une somme supérieure à 4.878 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,

— dire et juger que Mme A ne saurait solliciter une somme supérieure à 15.000 € au titre des souffrances endurées,

— dire et juger que Mme A ne saurait solliciter une somme supérieure à 19,50 € au titre des frais divers,

— condamner tout succombant, ou celui contre qui l’action compétera le mieux, à lui payer la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner tout succombant, ou celui contre qui l’action compétera le mieux aux entiers dépens de la procédure, de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître M. Laure, par application de l’article 699 du code de procédure civile, sur son affirmation de droit.

La pharmacie I fait valoir sur la responsabilité qu’elle n’a pas commis de faute dans la délivrance du médicament dés lors que n’ayant pas connaissance de la pathologie de la cliente, elle ne pouvait juger si la prescription du docteur B qui relevait de sa spécialité était ou non adaptée, qu’il n’y avait aucune anomalie flagrante qu’elle aurait du détecter et que le surdosage provient exclusivement d’une erreur de prescription du médecin.

A titre subsidiaire, elle soutient que sa responsabilité est moindre que celle du docteur B et qu’elle ne peut être supérieure à 25 %.

Aux termes de ses conclusions en date du 14 décembre 2015, la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône demande à la cour de :

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 20 avril 2015 par le tribunal de grande instance de Marseille en ce qu’il a condamné Mme B et la snc pharmacie I à lui payer la somme de 55.606,91 € et celle de 1.037 €,

— condamner les appelants en tous les dépens distraits au profit de Maître Pinatel aux offres de droit.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 28 novembre 2016 et l’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 13 décembre 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

— Sur l’analyse des responsabilités :

Selon l’article L 1142-1-I du code de la santé publique, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d’acte de prévention, de diagnostic et de soins qu’en cas de faute. Il est établi et non discuté par les parties que Mme A a présenté une symptomatologie grave, notamment au plan respiratoire, ayant justifié son hospitalisation en urgence et en réanimation et que la cause de cet accident médical est directement imputable à un surdosage de methotrexate 2,5 mg puisqu’il lui a été prescrit par le docteur B une posologie de 4 comprimés par jour au lieu de 5 comprimés par semaine.

Cette erreur de posologie par le docteur B est constitutive d’une faute en lien direct avec le préjudice subi par Mme A et engage sa responsabilité, ce qu’elle ne conteste d’ailleurs pas et le jugement est confirmé de ce chef.

S’agissant de la snc pharmacie I qui a délivré le methotrexate 2,5 mg, il convient de rappeler qu’en application de l’article R 4235-48 du code de la santé publique, le pharmacien doit assurer dans son intégralité l’acte de dispensation du médicament en associant à sa délivrance l’analyse pharmaceutique de l’ordonnance médicale.

Dans ce cadre, il a du fait de sa compétence technique lui permettant de constater une anomalie, l’obligation de déceler l’éventuelle erreur de prescription commise par le médecin et il commet lui même une faute en exécutant l’ordonnance telle quelle.

En l’espèce, le docteur B a prescrit une posologie de 4 comprimés par jour au lieu de 5 par semaine soit près de six fois la dose admise ce qui aurait du attirer l’attention de la snc pharmacie I.

Le premier juge a justement retenu que celle-ci ne saurait se retrancher derrière l’ignorance de la pathologie de Mme A dés lors qu’il s’agissait d’un surdosage manifeste et non pas d’une posologie inadaptée à l’affection dont souffrait la patiente.

Ce surdosage aurait du conduire le pharmacien à contacter le médecin prescripteur afin de vérifier la posologie.

En ne le faisant pas et en délivrant, au surplus à deux reprises, un médicament dont la posologie était totalement inadaptée et dangereuse pour le malade, la snc pharmacie I a également commis une faute qui est directement à l’origine du préjudice subi.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a retenu la responsabilité de ces deux professionnels de santé et condamné ceux-ci in solidum à réparer le préjudice de Mme A, leurs fautes conjuguées ayant concouru à la survenance de l’entier dommage.

La cour estime par ailleurs que les fautes de l’un et l’autre des professionnels, celle du médecin qui commet l’erreur de prescription et celle du pharmacien qui ne contrôle pas la posologie et délivre le médicament, ont concouru dans la même proportion à la réalisation du dommage et le jugement est également confirmé en ce qu’il a réparti la contribution à la dette entre le docteur B et la snc pharmacie I à hauteur de 50 % chacun.

— sur la liquidation du préjudice subi par Mme A :

Dans son rapport, le professeur Seriat-Gautier relève que Mme A a été hospitalisée en urgence le 2 juin 2007 à l’hôpital d’Aix en Provence en réanimation pour détresse respiratoire ayant nécessité le recours à une ventilation artificielle.

L’évolution initiale a été marquée par une hypoxémie réfractaire nécessitant l’adjonction de NO inhalé à haut niveau.

Elle a été décanulée le 22 juin puis transférée à l’hôpital Ambroise Paré où elle a été prise en charge jusqu’au 27 juin 2007.

A sa sortie de l’hôpital, elle est rentrée à son domicile le 9 juillet 2007 et a bénéficié d’une rééducation respiratoire et musculaire à domicile, quotidienne pendant deux mois.

Elle a bénéficié d’un traitement antibiotique jusqu’en octobre 2007;

Elle a présenté par la suite une symptomatologie douloureuse importante ayant nécessité différentes explorations.

Elle a présenté également un syndrome dépressif et à partir de juin 2008, a bénéficié d’une prise en charge psychiatrique avec prescription d’un antidépresseur.

L’expert retient une AIPP incluant les conséquences psychiatriques et la gène due au diverticule endotrachéal responsable d’une dysphagie et d’une dysphonie mais relève qu’il ne subsiste pas de séquelles respiratoires.

Les conséquences médico-légales de cet accident médical pour Mme A s’établissent comme suit :

— déficit fonctionnel temporaire total du 2 juin au 9 juillet 2007,

— déficit fonctionnel temporaire partiel :

. à 50 % du 10 juillet 2007 au 9 octobre 2007,

. à 20 % du 10 octobre 2007 au 31 janvier 2010,

— date de consolidation médico-légale 31 janvier 2010,

— déficit fonctionnel permanent de 5 %,

— souffrances endurées à hauteur de 5/7,

— préjudice esthétique en relation avec la cicatrice cervicale 0,5/7.

— pas d’incidence professionnelle,

— pas de séquelles respiratoires.

Ces conclusions médico-légales qui ne font l’objet d’aucune critique particulière méritent de servir de base à l’évaluation du préjudice de Mme A qui s’évalue comme suit :

I PRÉJUDICE PATRIMONIAL :

— dépenses de santé actuelles pris en charge par la caisse : 55.606,91 €

Au vu du décompte produit par la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône, le montant des dépenses de santé pris en charge par cet organisme s’élève à 55.606,91 €.

— frais divers restés à charge : 1.138,97 €

Ils sont représentés d’abord par les honoraires d’assistance à expertise par les docteurs Daoud et Desencols, médecins conseils de Mme A, soit 800 € au vu des factures produites, s’agissant de dépenses nées directement et exclusivement de l’accident et qui sont par la même indemnisables.

Au vu des justificatifs produits, il peut par ailleurs être alloué à Mme A :

—  98,63 € pour les frais d’hospitalisation restés à charge soit 191,63 € – 93 € (remboursement mutuelle), le surplus étant rejeté, Mme A ne justifiant pas du remboursement de la mutuelle pour les frais d’hospitalisation de 91 € du 27 juin 2007,

—  138,64 € au titre des frais de transport en ambulance restés à charge, soit 279,13 € – 140,49 €,

—  82,20 € au titre des frais de location d’un téléviseur,

—  19,50 € au titre des frais de copie du dossier médical.

Il n’est versé aucun justificatif au titre des frais exposés pour la chambre réclamés à hauteur de 447 €.

Le total du poste frais restés à charge s’élève donc à la somme de 1.138,97 €.

— assistance par tierce personne : rejet

Ce poste de préjudice tend à indemniser les dépenses liées à l’assistance permanente d’une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. Elles visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d’une tierce personne à ses côtés pour l’assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie.

La nécessité de la présence auprès de Mme A d’une tierce personne n’a pas été retenue par l’expert principal, ni par le docteur X, expert psychiatre.

Elle ne saurait à l’évidence résulter d’un simple avis du docteur B en raison de son implication dans le dossier.

D’ailleurs, il ne se déduit pas de cet avis selon lequel Mme A aurait préféré se reposer chez sa mère afin d’éviter d’avoir à effectuer un certain nombre de tâches ménagère que l’état médical de Mme A ait nécessité un besoin d’assistance permanente d’une tierce personne pour l’aider à effectuer les démarches et les actes de la vie quotidienne.

Comme l’a relevé le premier juge, Mme A était assistée d’un médecin conseil lors des opérations d’expertise et il n’apparaît pas que des observations aient été formulées en ce sens.

Mme A n’établit donc pas un besoin en tierce personne consécutif à l’accident médical dont elle a fait l’objet et le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande.

— perte de gains professionnels et incidence professionnelle : rejet

Là encore, l’expert principal et son sapiteur psychiatrique relèvent l’absence de préjudice à caractère professionnel en relation avec le surdosage dont elle a été victime et Mme A ne verse aux débats aucun élément médical de nature à remettre en cause les observations des experts sur ce point.

Le fait qu’elle ait été placée en longue maladie à compter du 31 mai 2007 ne suffit pas à établir un lien entre les deux événements et comme l’a relevé le premier juge, il se déduit du rapport d’examen médical du docteur Y établi en 2010 à la demande du comité médical départemental de la DDASS des Bouches-du-Rhône que l’état médical de Mme A justifiant la prolongation de son congé longue maladie puis sa mise à la retraite pour invalidité à compter du 31 mai 2010 est imputable à la spondylarthrite ankylosante dont elle souffre depuis plusieurs années ainsi qu’à une hypothyroïdie, affections sans rapport aucun avec les séquelles physiques et les troubles psychiatriques consécutifs au surdosage de methotrexate.

Mme A n’établit donc aucun préjudice professionnel, pertes de gains ou incidence professionnelle, en relation directe et certaine avec l’accident médical dont elle a fait l’objet et le jugement est confirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande.

II PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAL :

* préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

— déficit fonctionnel temporaire partiel et total : 6.645,00 €

Ce poste de préjudice sera justement indemnisé sur la base de 800 € par mois et il convient de le fixer à la somme de 6.645 € se décomposant comme suit :

— déficit fonctionnel temporaire total soit un mois et 8 jours : 1.013,00 €

— déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % soit 3 mois : 1.200,00 €

— déficit fonctionnel temporaire partiel à 20 % soit 27 mois et 21 jours : 4.432,00 €

6.645,00 €

— souffrances endurées : 25.000,00 €

Le rapport retient un taux de 5/7 et ce poste de préjudice sera plus justement évalué par l’allocation d’une somme de 25.000 € prenant en compte l’intensité de la souffrance morale endurée par Mme A.

— préjudice esthétique temporaire : rejet

Comme l’a relevé le premier juge, Mme A ne justifie pas d’un préjudice esthétique temporaire distinct de la perte de qualité de vie indemnisée au titre du déficit fonctionnel temporaire liée au soins pratiqués et ce poste de préjudice n’a pas été retenu par l’expert.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande.

* préjudices extra-patrimoniaux permanents :

— déficit fonctionnel permanent : 6.500,00 €

Le rapport d’expertise a fixé à 5 % le taux de ce déficit incluant les conséquences psychiatriques et la gène due au diverticule endotrachéal responsable d’une dysphagie et d’une dysphonie.

Ce poste de préjudice, compte tenu de l’âge de la victime, soit 53 ans à la date de la consolidation, a été justement évalué par le premier juge à 6.500 €.

— préjudice esthétique : 1.000,00 €

Le rapport retient un taux de 0,5/7 et ce poste de préjudice a été justement évalué par le premier juge à 1.000 €. – Préjudice d’agrément : rejet

Ce poste de dommage vise exclusivement l’impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisir.

Mme A soutient qu’elle est dans l’impossibilité absolue de pouvoir reprendre l’activité de gymnastique qu’elle pratiquait de façon hebdomadaire avant l’accident.

Toutefois, le premier juge a justement retenu que l’absence de séquelles respiratoires ne permettait pas de relier l’arrêt de cette activité de gymnastique à l’accident médical dont elle a été victime et l’expert ne retient d’ailleurs pas l’existence d’un préjudice d’agrément.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande.

Le préjudice corporel global subi par Mme A s’établit ainsi à la somme totale de 95.890,88 € et après imputation des débours de la caisse primaire d’assurance maladie, il lui revient une somme de 40.283,97 €.

Il convient par voie de conséquence de condamner in solidum le docteur B et la snc pharmacie I à payer à Mme A la somme de 40.283,97 €, cette somme étant allouée en deniers ou quittances pour tenir compte des sommes qui auraient été versées au titre de l’exécution provisoire, et, conformément à l’article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2015, date du jugement à hauteur de 36.002,27 € et du prononcé du présent arrêt à hauteur de 4.281,70 €.

— sur les demandes de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône

Le jugement n’est pas remis en cause en ce qu’il a fixé à 55.606,91 € le montant des prestations versées par la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône au titre de cet accident thérapeutique.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné in solidum le docteur B et la pharmacie I à lui verser la somme de 55.605,91 € et celle de 1.037 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion prévue par l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale,

— sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Le jugement est confirmé en ce qu’il a alloué à Mme A la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné le docteur B et la snc pharmacie I aux dépens de première instance, comprenant les frais d’expertise.

La cour estime que l’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Mme A en cause d’appel et il convient de lui allouer à ce titre une somme complémentaire de 1.000 €.

Les dépens de l’instance d’appel sont mis à la charge du docteur B et de la snc pharmacie I.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf sur le montant de l’indemnisation de Mme A et des sommes lui revenant, Statuant de nouveau sur les point infirmés et y ajoutant :

Fixe le préjudice corporel global de Mme F G épouse A à la somme de 95.890,88 €.

Dit qu’après imputation des débours de la caisse primaire d’assurance maladie, il revient à Mme A la somme de 40.283,97 €.

En conséquence, condamne le docteur D B et la snc pharmacie I in solidum à payer en deniers ou quittances à Mme F G épouse A la somme de QUARANTE MILLE DEUX CENT QUATRE VINGT TROIS EUROS QUATRE VINGT DIX SEPT (40.283,97 €) outre intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2015 à hauteur de 36.002,27 € et du prononcé du présent arrêt à hauteur de 4.281,70 €.

Condamne le docteur B et la snc pharmacie I in solidum à payer en cause d’appel à Mme F G épouse A la somme de MILLE EUROS (1.000 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne le docteur D B et la snc pharmacie I in solidum aux dépens de l’instance d’appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 9 février 2017, n° 15/16314