Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 9 mars 2017, n° 14/19126

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 17e ch., 9 mars 2017, n° 14/19126
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 14/19126
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Grasse, 16 septembre 2014, N° 12/01163
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE 17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 09 MARS 2017

N°2017/

NT/FP-D

Rôle N° 14/19126

X Y

C/

SA WURTH FRANCE

Grosse délivrée le :

à:

Me Marine REVOL, avocat au barreau de GRASSE

Me Dany KRETZ, avocat au barreau de STRASBOURG Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE – section – en date du 17 Septembre 2014, enregistré au répertoire général sous le n° 12/01163.

APPELANT

Monsieur X Y

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/012028 du 08/12/2014 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant XXX 1945 – XXX

représenté par Me Marine REVOL, avocat au barreau de GRASSE

INTIMEE

SA WURTH FRANCE, XXX

représentée par Me Dany KRETZ, avocat au barreau de STRASBOURG (CS 40032 67085 STRASBOURG CEDEX) substitué par Me Perrine LEKIEFFRE, avocat au barreau de STRASBOURG

*-*-*-*-* COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 09 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2017

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mars 2017

Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. X Y, recruté suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 janvier 2010 en qualité de VRP exclusif par la société Wurth France, spécialisée dans la vente de matériels aux professionnels, a été licencié pour insuffisance professionnelle et insuffisance de résultats par lettre datée du 1er juin 2012.

Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. X Y a saisi le conseil de prud’hommes de Grasse, qui par jugement du 17 septembre 2014 a dit le licenciement régulier et justifié mais condamné la société Wurth France au paiement de 52,85 € au titre de frais de déplacement.

Par déclaration reçue au greffe le 2 octobre 2014, M. X Y a relevé appel de cette décision.

Il soutient devant la cour que les conditions d’exercice de ses fonctions (secteur commercial sinistré car délaissé par ses prédécesseurs et redécoupé par amputation d’une moitié de sa superficie, absence d’accompagnement et attitude harcelante de son supérieur hiérarchique, M. A B, ouverture d’un site internet et de magasins « Proxi shop » lui faisant concurrence) ne lui permettaient pas d’atteindre ses objectifs qui étaient irréalisables.

Il sollicite, en conséquence, l’infirmation de la décision déférée, à l’exception de la condamnation prononcée en sa faveur au titre des frais de déplacement, et la condamnation de la société Wurth France à lui payer 35 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 3 588 € en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

La société Wurth France objecte que M. X Y, qui a bénéficié, afin de le soutenir, de contrats de progrès datés du 8 novembre 2010 et 14 février 2011, puis d’un plan d’action le 13 mai 2011, est seul responsable, du fait notamment de son incapacité à fidéliser la clientèle, de la non-atteinte des résultats et objectifs qui étaient réalistes, dénie toute pression exercée sur le salarié et conteste avoir voulu le pousser à démissionner.

Elle conclut au rejet de toutes les demandes de M. X Y et à sa condamnation au paiement de 3 588 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues oralement par les conseils des parties à l’audience d’appel tenue le 9 janvier 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

1) Sur le licenciement

Attendu que M. X Y, recruté suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 janvier 2010 en qualité de VRP exclusif par la société Wurth France, a été licencié par lettre datée du 1er juin 2012 ainsi motivée :

« (') nous vous notifions par la présente une mesure de licenciement fondée sur les motifs suivants :

— d’insuffisance de résultats caractérisée par la non-réalisation constante et manifeste de vos objectifs de CA. caractérisée par une réalisation cumulée à fin 2011 de 61 % de l’objectifs de chiffre d’affaires. Sur les six derniers mois (décembre 2011 à mai 2012), la réalisation du quota au cumul est de 65 % et ce malgré une commande exceptionnelle de 8 700 € en mars 2012. En l’absence de cette commande, la réalisation était de 50 % pour la même période.

Cette insuffisance se caractérise également par une productivité très faible d’une moyenne de CA mensuel inférieur à 7 000 € de janvier à avril 2012 et incluant la commande précitée de 8 700 €.

Ce grief s’inscrit de surcroît dans le contexte de nombreuses tentatives des mises en garde tendant à redresser cette situation (cf. notamment les nombreux courriers, entretien avec votre hiérarchie ainsi que la mise en place de contrats de progrès et un plan d’action). Ces tentatives se sont soldées par des échecs, lesquels vous sont imputables ;

— d’insuffisance professionnelle caractérisée par l’absence de fidélisation attachée à votre statut de VRP. Conformément aux consignes aux objectifs de notre entreprise, tout commercial doit, pour pérenniser son secteur et donc son activité, développer son portefeuille de clients. L’examen de votre plateforme clients laisse ainsi apparaître une baisse de près de 40 % de vos clients acheteurs 3 mois et de près de 12 % de vos clients acheteurs 12 mois entre novembre 2011 et avril 2012.

Cette baisse est directement liée à votre incapacité à conserver vos clients (plus de 25 % de fuite de clientèle entre novembre 2011 et mars 2012). Ces éléments sont nettement insuffisants à satisfaire l’obligation d’une activité constante et soutenue auprès de la clientèle confiée (') » ;

Attendu que les griefs d’insuffisance de résultats et d’insuffisance professionnelle visés par la lettre de licenciement ne sauraient caractériser une cause légitime de licenciement que dans la mesure où il peut être vérifié que les objectifs fixés par l’employeur étaient réalistes et réalisables compte tenu des conditions dans lesquelles le salarié était amené à exercer ses missions et que l’insuffisance professionnelle reprochée repose sur des éléments concrets et vérifiables ;

Attendu qu’il est constant que M. X Y s’est vu contractuellement confié le secteur 7.4031 correspondant à une partie du département des Alpes-Maritimes, soit les communes de La Colle-sur-Loup, Saint-C-de-Vence, Villeneuve-Loubet et Cagnes-sur-Mer dont il soutient que, restructuré par amputation d’une moitié de sa superficie et délaissé par ses prédécesseurs, il ne lui permettait pas, du fait de sa difficulté, de réaliser ses objectifs, argumentation que conteste l’employeur ;

Attendu que sur ce point, il doit être constaté :

— que les pièces et documents produits ne permettent pas de déterminer avec la moindre précision selon quels critères les objectifs commerciaux assignés à M. X Y (chiffre d’affaires mensuel, NC ou réactivés, clients acheteurs selon la terminologie des messages et correspondances de M. A D, chef des ventes) étaient fixés,

— que selon les tableaux de résultats produits par l’employeur (documents Wurth reporting), la plupart des commerciaux n’atteignaient pas 100 % des objectifs fixés, ce qui tend à démontrer une pratique, dans l’entreprise, de fixation d’objectifs élevés dont le caractère incitatif primait le réalisme, ce que confirme l’attestation crédible d’un ancien salarié, M. E F, indiquant « qu’à (son), époque chez la société Wurth les chiffres étaient difficilement atteignables car beaucoup de changement dans les secteurs et avec les clients sans que le quota soit changé(…) »

— qu’en l’absence de toute précision sur le secteur des autres VRP et commerciaux de la région en termes de superficie, d’activité économique et de clientèle implantée, il ne peut être tiré aucune conclusion quant à une quelconque insuffisance professionnelle de M. X Y, de l’examen comparatif des tableaux de résultats produits (documents Wurth reporting), la disparité des chiffres d’affaires atteints par les commerciaux étant de nature à confirmer l’hétérogénéité de leurs zones d’activité ;

— qu’aucune pièce n’est produite par l’employeur quant à l’évolution spécifique du secteur attribué à M. X Y et au redécoupage dont il a fait l’objet ;

— que ne figure, dans les documents versés aux débats, aucune information précise et exploitable sur les résultats commerciaux des prédécesseurs de M. X G, susceptibles de donner un aperçu concret et réel des potentialités commerciales de son secteur ;

— qu’il est versé aux débats l’attestation crédible d’un ancien client, M. H I, confirmant que le secteur commercial de M. X G était difficile du fait «(…) que c’est le énième commercial sur le secteur et que de plus son prédécesseur avait abandonné le secteur durant 6 mois, ce qui a permis à la concurrence de s’établir durablement avec des tarifs moins chers et des dirigeants plus investis et plus responsables » ;

Attendu qu’en l’état de ces constatations, il doit être considéré que l’insuffisance de résultats et l’insuffisance professionnelle reprochées ne caractérisent pas suffisamment, quand bien-même M. X Y aurait-il bénéficié de plans de soutien en vue d’améliorer ses performances commerciales, une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que celui-ci sera, par conséquent, déclaré non fondé ;

Attendu que compte tenu de l’ancienneté de M. X Y, soit approximativement 2 ans et demi au service d’une entreprise employant plus de 11 salariés et de son salaire brut des 6 derniers mois (13 126,39 € selon les bulletins de salaire produits), et des pièces produites relatives à sa situation professionnelle (emploi retrouvé à une date et à des conditions non vérifiables), il lui sera alloué, en application de l’article L 1235-3 du code du travail, une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse fixée à 13 200 € ;

2) Sur les frais de déplacement

Attendu que M. X Y demande confirmation de la décision prud’homale lui ayant alloué 52,85 € correspondant au remboursement de frais de péage pour restituer son véhicule de fonction au siège de la société Wurth France situé à Ernstein en Alsace ; que l’employeur s’oppose à la demande au motif que le salarié a utilisé une carte de carburant de l’entreprise ne pouvant être utilisée pour régler des péages autoroutiers selon l’article V du contrat de travail ;

Attendu que la société Wurth France a demandé à M. X Y, alors domicilié dans le département des Alpes Maritimes, de venir restituer son véhicule de fonction au siège social de l’entreprise situé en Alsace par lettres des 24 septembre et 1er octobre 2012 ; que les frais de péage relatifs à cette restitution doivent être considérés comme des frais professionnels dont l’employeur doit remboursement ; que si la société Wurth France a cru devoir retenir sur le salaire de M. X Y ces frais de péage à hauteur de 52,85 € du fait qu’ils ont été indûment payés avec la carte de carburant de l’entreprise non prévue pour cet usage, elle n’en demeure pas moins débitrice de leur remboursement ; que la décision déférée l’ayant condamnée à s’en acquitter sera dès lors confirmée ;

3) Sur les autres demandes

Attendu que l’équité exige d’allouer au conseil de M. X Y, bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, d’une somme de 3 000 € en application de l’article 700-2° du code de procédure

civile ;

Attendu que les entiers dépens seront laissés à la charge de la société Wurth France qui succombe à l’instance ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile :

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Grasse du 17 septembre 2014 en ce qu’il a condamné la société Wurth France à payer à M. X G 52,85 € à titre de remboursement de frais de déplacement ;

Infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

Dit le licenciement de M. X G dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société Wurth France à payer à M. X G 13 200 € à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Wurth France à payer au conseil de M. X G 3 000 € en application de l’article 700-2 ° du code de procédure civile ;

Condamne la société Wurth France aux dépens de première instance d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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