Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 4 mai 2017, n° 16/15751

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 10e ch., 4 mai 2017, n° 16/15751
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 16/15751
Dispositif : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE 10e Chambre

ARRÊT

DU 04 MAI 2017

N° 2017/ 195 Rôle N° 16/15751

16/16280

SA AXA FRANCE IARD

C/

D Y

RSI

Grosse délivrée

le :

à:

SELARL BOULAN

Me Isabelle FICI

Décisions déférées à la Cour :

Arrêts de la Cour d’Appel d’AIX-EN-PROVENCE en date du 18 Décembre 2014 et du 23 juin 2016 enregistrés au répertoire général sous le n° 13/18528 sur appel d’un jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 29 Août 2013, enregistré sous le n°12-06327.

DEMANDERESSE AU RECOURS EN REVISON

SA AXA FRANCE IARD,

dont le siège social est : 313 Terrasses de l’XXX

XXX

assistée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

XXX

Monsieur D Y

né le XXX à XXX XXX

assisté par Me Thierry CABELLO avocat au barreau de TOULON

représenté par Me Isabelle FICI, avocat au barreau d’AIX en PROVENCE

RSI

dont le siège social est : XXX

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 07 Mars 2017 en audience publique. Conformément à l’article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Olivier GOURSAUD, Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Olivier GOURSAUD, Président

Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller

Madame Anne VELLA, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Brigitte NADDEO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2017.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

XXX

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Mai 2017,

Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Le 4 mai 2008, M. D Y a percuté un arbre après s’être endormi au volant de son véhicule. Il a sollicité l’application de la garantie individuelle conducteur auprès de son assureur, la société Axa France.

Le docteur X, désigné comme expert par un compromis d’arbitrage a déposé un rapport définitif le 24 octobre 2011.

Par exploits d’huissier en date du 3 août 2012, M. D Y a fait assigner la société Axa France et le Régime social des indépendants (RSI) devant le tribunal de grande instance de Draguignan et a sollicité la désignation d’un expert afin de déterminer les conséquences de la pathologie psychotique apparue dans les suites de l’accident et aux fins de provision.

Par jugement en date du 29 août 2013, le tribunal de grande instance de Draguignan a :

— constaté que M. Y avait droit à indemnisation suite à l’accident du 4 mai 2008,

— débouté M. Y de sa demande d’expertise,

— évalué le montant total de son préjudice corporel à la somme de 36.935 € et condamné la société Axa France à lui payer la somme de 30.335 € après déduction des provisions déjà versées de 6.600 €.

Le tribunal a considéré qu’il n’existait pas de retentissement psychiatrique consécutif à l’accident.

Par déclaration en date du 19 septembre 2013, M. Y a interjeté appel de cette décision.

Par un arrêt en date du 18 décembre 2014, la cour d’appel de ce siège a :

— infirmé le jugement déféré,

— dit que M. Y avait droit à l’évaluation de son entier dommage corporel, en ce inclus les troubles et séquelles psychiatriques,

— avant dire droit sur l’évaluation du dommage corporel, ordonné une expertise complémentaire confiée au docteur X,

— condamné la société Axa France à payer à M. Y la somme de 15.000 € à titre de provision complémentaire sur l’indemnisation de son préjudice corporel,

— sursis à statuer sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans son arrêt du 18 décembre 2014, la cour a considéré que les éléments produits aux débats, notamment l’expertise du docteur Z, médecin psychiatre, et l’avis de Mme A, psychologue, démontraient qu’il n’existait pas d’antécédents psychiatriques connus, que M. Y travaillait à temps plein sans difficulté, qu’il avait une vie personnelle et sociale normale et que le trouble psychotique était apparu dans les semaines ayant suivi l’accident alors qu’une telle symptomatologie ne s’était jamais manifestée auparavant.

Par ordonnance en date du 9 juillet 2015, le conseiller de la mise en état a complété la mission de l’expert en l’étendant à l’examen d’un besoin de tierce personne et d’un préjudice sexuel.

Le docteur X a déposé son rapport le 16 novembre 2015.

Par ordonnance en date du 12 janvier 2016, le conseiller de la mise en état a condamné la société Axa France à verser à M. Y la somme de 200.000 € à valoir sur la réparation de son préjudice. L’affaire est revenue devant la cour.

Par un second arrêt en date du 23 juin 2016, la cour de ce siège a :

— dit qu’en vertu de l’autorité de chose jugée attachée à l’arrêt du 18 décembre 2004, la société Axa France est irrecevable en sa demande de désignation d’un expert psychiatre afin de déterminer la part de pathologie psychiatrique imputable à l’accident,

— fixé le préjudice corporel global de M. Y à la somme de 1.129.357,50 €,

— dit que l’indemnité revenant à cette victime s’établit à 1.125.708,20 €,

— condamné la société Axa France à payer à M. Y les sommes de

—  450.000 € (montant du plafond d’indemnisation de la garantie) sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 2012,

—  3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en appel,

— débouté M. Y de sa demande au titre des droits d’encaissements et de recouvrement prévus à l’article 10 du décret du 12 décembre 1996 dans sa rédaction du 8 mars 2001,

— débouté la société Axa France de sa demande au titre de ses propres frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,

— condamné la société Axa France aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans son arrêt, la cour a considéré qu’en disant que M. Y avait droit à l’évaluation de son entier dommage corporel, en ce inclus les troubles et séquelles psychiatriques, la cour dans son premier arrêt avait tranché de manière définitive le moyen tiré de l’imputabilité des séquelles psychiatriques à l’accident initial et que cet arrêt bénéficiait de l’autorité de chose jugée.

Par exploits d’huissier délivrés le 22 août 2016, dénoncés au Procureur Général, la société Axa France a fait assigner M. D Y et le RSI afin, sur le fondement de l’article 593 du code de procédure civile, d’être reçue en son recours en révision et d’obtenir la rétractation de l’arrêt du 18 décembre 2014.

Par ailleurs, suivant exploits d’huissier délivrés le même jour, également dénoncés au Procureur Général, la société Axa France a fait assigner M. D Y et le RSI afin, sur le même fondement, d’obtenir la rétractation de l’arrêt du 23 juin 2016.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 20 février 2017 (doss 16/15751), la société Axa France demande à la cour de :

— la recevoir en son recours en révision,

— rétracter l’arrêt du 18 décembre 2014 en ce qu’il :

— infirme le jugement déféré,

statuant à nouveau et y ajoutant,

— dit que M. Y a droit à la réparation intégrale de son préjudice, en ce inclus les troubles et séquelles psychiatriques ;

— dire que le surplus de l’arrêt sera également révisé dès lors qu’il découle des chefs révisés en application de l’article 602 du code de procédure civile.

— débouter M. Y de l’ensemble de ses demandes,

— le condamner à payer la somme de 2.000 euros en application des articles 1382 du code de procédure civile et 32-1 du code de procédure civile,

— le condamner en outre à payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du

code de procédure civile.

— le condamner enfin aux entiers dépens distraits au profit de la selarl lexavoue Aix en Provence.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 20 février 2017 (doss 16/16280), la société Axa France demande à la cour de :

— surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure en révision à l’encontre de l’arrêt du 18 décembre 2014,

— la recevoir en son recours en révision à l’encontre de l’arrêt du 23 juin 2016,

— rétracter l’arrêt du 23 juin 2016 en ce qu’il a pris en compte le préjudice psychologique de M. Y et a retenu la nécessité de l’assistance par tierce-personne,

— dire que le surplus de l’arrêt sera également révisé dès lors qu’il découle des chefs révisés en application de l’article 602 du code de procédure civile,

— débouter M. Y de l’ensemble de ses demandes,

— le condamner à payer la somme de 2.000 euros en application des articles 1382 du code de procédure civile et 32-1 du code de procédure civile.

— le condamner en outre à payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du

code de procédure civile.

— le condamner enfin aux entiers dépens distraits au profit de la selarl lexavoue Aix en Provence.

La société Axa France qui soutient que c’est par fraude que M. Y a obtenu la décision dont s’agit, expose que soupçonnant que son assuré se serait livré à de fausses déclarations devant les différents médecins l’ayant examiné, elle a mandaté un enquêteur afin de lever toute incertitude sur son état de santé.

Elle se prévaut ainsi d’un rapport établi par M. F B, agent privé de recherche, mais également des pages de comptes facebook de membres de la famille de M. Y; démontrant l’existence d’un comportement social en contradiction complète avec sa présentation devant les médecins et elle estime que grâce à d’habiles manoeuvres qui ont pu tromper les différents praticiens l’ayant examiné, M. Y a pu obtenir de la cour qu’elle rende une décision consacrant son droit à indemnisation du chef de préjudices psychotiques.

Sur la recevabilité de sa demande, elle déclare que : – l’arrêt du 18 décembre 2014, injustement qualifié d’avant dire droit est en réalité un jugement mixte qui a tranché une partie du principal en disant que M. Y avait droit à la réparation intégrale de son préjudice en ce inclus les troubles et séquelles psychiatriques et qu’il est donc susceptible de révision,

— c’est uniquement à la lumière des constatations opérées par l’agent privé de recherches qu’elle a pu découvrir la fraude, soit au 20 juin 2016, date de remise de son rapport et son action en révision a donc été engagée dans le délai de deux mois édicté par l’article 596 du code de procédure civile.

Elle fait valoir par ailleurs que :

— dés le mois de juillet 2008, M. Y s’est présenté aux divers professionnels de santé dans un état de grande détresse psychique, dépourvu de repères spatio-temporels, incapable de réaliser les actes simples de la vie courante et inhibé et refusant le contact ou le lien social, au point que la cour a estimé qu’il était atteint de troubles psychotiques provoqués par l’accident, alors que quelques semaines avant l’arrêt de la cour, il a été vu à une fête de famille, souriant et consommant de l’alcool,

— il est démontré que M. Y a simulé les troubles psychiques lors des différents entretiens médicaux et s’est livré à un ensemble de manoeuvres déloyales destinées à tromper les experts et la juridiction,

— dans le cadre de l’expertise ordonnée par la cour, M. Y s’est de nouveau présenté comme très perturbé au plan psychique et a insisté sur son incapacité à mener une vie autonome alors que l’enquête démontre le contraire,

— ces mensonges de M. Y sur son état de santé mental réel, ainsi que les déclarations de son épouse sur sa perte d’autonomie, ont été déterminantes dans la décision du juge puisqu’elles l’ont conduit à évaluer un préjudice qui n’existait pas,

— il ne peut lui être reproché quant à elle une faute dans le fait de ne pas avoir décelé la fraude alors que M. Y a réussi à tromper de nombreux professionnels de santé,

— elle est donc recevable et fondée à demander la rétraction de l’arrêt du 18 décembre 2014 et, dés lors que M. Y ne rapporte pas la preuve d’un quelconque préjudice psychologique imputable à l’accident, qu’il soit débouté de ses demandes au titre de ce poste de préjudice.

Aux termes de ses conclusions en date du 21 février 2017 (doss N° 16/1571), M. D Y demande à la cour de :

— dire et juger que le recours en révision à l’encontre de l’arrêt avant dire droit du 18 décembre 2014 est dépendant du recours en révision contre l’arrêt du 23 juin 2016 dont il est l’accessoire,

— constater que les motifs allégués au présent recours en révision sont tous postérieurs à l’arrêt du 18 décembre 2014 de sorte que la cour d’appel n’a pu être trompée lorsqu’elle a rendu cette décision,

— constater que le rapport d’enquête privée produit par la société Axa France est en date du 20 juin 2016 alors que l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix en Provence, dont il est demandé la rétractation a été rendu le 23 juin 2016,

en conséquence, au visa de l’article 595 du code de procédure civile selon lequel le recours n’est recevable que si son auteur n’a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu’il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée,

— déclarer irrecevable le recours en révision de la société Axa France, – rejeter et écarter des débats le rapport d’enquête privée de M. B du 20 juin 2016 en ce qu’il viole les dispositions des articles 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

— dire et juger que la société Axa France ne rapporte pas la preuve qu’il aurait intentionnellement usé de man’uvres frauduleuses dans l’optique d’induire le juge en erreur,

— dire et juger en conséquence que les conditions de recevabilité du recours en révision ne sont pas remplies,

— débouter purement et simplement la société Axa France de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la société Axa France au paiement de la somme de 20.000 € pour son attitude abusive à titre de dommages et intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1240 du code civil,

— condamner la société Axa France au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Axa France aux entiers dépens de l’instance, distraits au bénéfice du cabinet Liberas & Fici, avocat, sur sa due affirmation de droit.

Aux termes de ses conclusions en date du 17 novembre 2017 (doss N°16280), M. D Y demande à la cour de :

— constater que le rapport d’enquête privée produit par la société Axa France est en date du 20 juin 2016 alors que l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix en Provence, dont il est demandé la rétractation a été rendu le 23 juin 2016,

en conséquence, au visa de l’article 595 du Code de procédure civile selon lequel le recours n’est recevable que si son auteur n’a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu’il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée,

— déclarer irrecevable le recours en révision de la société Axa France,

— rejeter et écarter des débats le rapport d’enquête privée de M. B du 20 juin 2016 en ce qu’il viole les dispositions des articles 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

— dire et juger que la société Axa France ne rapporte pas la preuve qu’il aurait intentionnellement usé de man’uvre frauduleuse dans l’optique d’induire le juge en erreur,

— dire et juger en conséquence que les conditions de recevabilité du recours en révision ne sont pas remplies,

— débouter purement et simplement la société Axa France de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la société Axa France au paiement de la somme de 20.000 € pour son attitude abusive à titre de dommages et intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1240 du code civil,

— condamner la société Axa France au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, – condamner la société Axa France aux entiers dépens de l’instance, distraits au bénéfice du cabinet Liberas & Fici, avocat, sur sa due affirmation de droit.

M. Y qui soutient que la société Axa France ne rapporte pas la preuve d’un comportement frauduleux au seul dessein de tromper les juges, fait valoir que :

— les deux recours formés contre les deux arrêts sont interdépendants l’un de l’autre puisque le premier arrêt est l’accessoire de celui rendu le 23 juin 2016,

— ce 2e recours est irrecevable en application de l’article 595 du code de procédure civile de sorte que le présent recours ne saurait davantage prospérer,

— en effet, l’article 595 du code de procédure civile implique que la cause de la révision invoquée ne soit pas révélée à l’auteur du recours en révision avant que la décision attaquée n’ait été rendue et si le demandeur a eu connaissance de la fraude de l’autre partie avant que la décision ne soit rendue, il lui appartient d’en informer le juge avant qu’il ne statue,

— en l’espèce, la société Axa France avait connaissance de la prétendue fraude avant le prononcé de l’arrêt puisque le rapport dont elle se prévaut lui a été remis avant le prononcé de l’arrêt et qu’elle aurait du saisir la cour éventuellement dans le cadre d’une note en délibéré,

— en outre, la cour n’a pu être trompée lors de son arrêt du 18 décembre 2014 dés lors que le rapport du docteur X critiqué par le recours en révision est intervenu postérieurement à cet arrêt,

— d’autre part, les conditions exigées par ce texte qui sont cumulatives font défaut en l’espèce,

— il était incapable psychologiquement d’exécuter une quelconque manoeuvre de manière intentionnelle dans l’optique d’induire les juges en erreur et cela résulte notamment de l’avis d’un neurologue qui l’a examiné récemment,

— les éléments produits par la société Axa France ne sont pas de nature à démontrer une quelconque fraude de sa part ni l’inexistence des symptomes et de sa maladie psychiatrique,

— s’agissant des photographies sur Face book sur lesquelles il est impossible de l’identifier clairement, elles ont été publiées avant l’arrêt du 23 juin 2016 et sont donc irrecevables à justifier un recours en révision et en outre son état psychiatrique ne lui interdit pas d’avoir une vie de famille et le fait de le voir poser avec sa famille pour une fête n’en fait pas pour autant un simulateur sur son état psychique,

— en outre, son état psychiatrique est évolutif,

— le rapport d’enquête qui est constitutif d’une atteinte à sa vie privée et d’une violation des dispositions des articles 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ne démontre pas l’existence d’une fraude et révèle au contraire des éléments en lien avec son état psychotique.

Le ministère public conclut au rejet du recours dans le dossier N° 16/15751 en faisant valoir que le recours en révision n’est pas ouvert à l’encontre d’un arrêt avant dire droit et au rejet du recours dans le dossier N° 16/16280 au motif que le recours en révision ne peut être exercé qu’à l’encontre d’un jugement passé en force de chose jugée et ayant un caractère définitif ce qui n’est pas le cas en l’espèce, le délai de pourvoi n’étant pas expiré.

Le RSI n’a pas constitué avocat. Les assignations lui ont été délivrées à personne habilitée et il convient de statuer par arrêt réputé contradictoire.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 7 mars 2017 et les parties ont déclaré ne pas s’opposer à une jonction des deux dossiers.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient en vue d’une bonne administration de la justice d’ordonner la jonction des affaires enrôlées sous les N° 16/15751 et 16/16280.

Selon l’article 595 du code de procédure civile, le recours en révision n’est ouvert que pour l’une des causes qu’il prévoit expressément et notamment lorsqu’il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue.

L’article 596 du même code dispose que le recours en révision est de deux mois et qu’il court à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu’elle invoque.

En l’espèce, la société Axa France invoque la fraude de M. Y qui aurait trompé les différents experts l’ayant indemnisé sur la réalité de son état psychiatrique.

S’agissant d’une fraude alléguée, le point de départ de l’action est fixé au jour où le demandeur à la révision est en mesure d’appréhender par des éléments tangibles la fraude qu’il entend invoquer, de simples soupçons ne pouvant suffire à justifier une action en révision pour fraude et par suite à constituer le point de départ du délai d’action.

La société Axa France se prévaut tout à la fois du rapport d’un enquêteur qu’elle a mandaté à l’effet de déterminer les activités quotidiennes de M. Y et de photographies figurant sur les pages du compte Facebook de membres de sa famille.

Ce rapport d’enquête est daté du 20 juin 2016 qui peut être considéré comme la date à laquelle la société Axa France a eu connaissance de la cause de révision qu’elle invoque.

En effet, si la parution des photographies sur Facebook date du 10 août 2014, il ne peut pour autant en être déduit que la société Axa France en a eu connaissance dès cette date.

Le délai de deux mois expirait donc le 20 août 2016 qui était un samedi de sorte que par application de l’article 642 du code de procédure civile, ce délai a été prorogé jusqu’au lundi 22 août 2016, date à laquelle les citations ont été délivrées.

La cour relève par ailleurs que nonobstant sa qualification d’arrêt avant dire droit, l’arrêt du 18 décembre 2014 était en réalité un arrêt mixte puisqu’il a statué sur le fond du droit de M. Y en jugeant que celui-ci avait droit à la réparation intégrale de son préjudice, en ce inclus les troubles et séquelles psychiatriques.

Par ailleurs, le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée, ce qui est le cas d’un arrêt d’appel, et le recours peut être exercé pendant le délai du pourvoi en cassation.

Les moyens soulevés à ce titre sont donc inopérants pour remettre en cause la recevabilité de ce recours en révision.

Enfin, M. Y allègue la faute de la société Axa France en soutenant que celle-ci aurait du faire valoir la cause qu’elle invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée. En l’espèce, la société Axa France a eu connaissance du rapport d’enquête privée qu’elle invoque au plus tôt le 20 juin 2016, date du rapport, et sans doute plus tard en raison du délai écoulé pour l’envoi de ce document et à l’évidence, elle n’était pas matériellement, en mesure d’en informer le juge avant le 23 juin 2016, date fixée pour le prononcé de la décision.

Ce moyen pas davantage que les précédents n’est de nature à entraîner l’irrecevabilité du recours en révision engagé par la société Axa France.

La société Axa France invoque la fraude de M. Y qui aurait trompé les différents experts l’ayant examiné sur la réalité de son état psychiatrique.

Elle se fonde sur les dispositions de l’article 595.1 du code de procédure civile qui admet comme cause possible d’ouverture d’un recours en révision le fait qu’il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle été rendue.

Il est allégué une dissimulation de M. Y, notamment au cours de la première expertise du docteur X et celle de son sapiteur psychiatre, le docteur Z, mesures d’instruction diligentées avant que n’intervienne l’arrêt du 18 décembre 2014 et c’est donc vainement que M. Y prétend que les motifs supports de la demande en révision sont postérieurs au prononcé de cet arrêt.

Dans son arrêt du 18 décembre 2014 par lequel il a été jugé que M. Y avait droit à la réparation intégrale de son préjudice, en ce inclus les troubles et séquelles psychiatriques, la cour se fonde notamment sur :

— le fait qu’il présente des troubles cognitifs et comportementaux et qu’il fait l’objet de prescriptions anti-dépressives et neuroleptiques et qu’il est suivi au plan psychiatrique à raison de deux consultations mensuelles,

— l’avis du professeur Z, sapiteur de l’expert judiciaire et médecin psychiatre, estimant après exclusion d’un syndrome de stress post-traumatique, que M. Y a développé dans les suites de l’accident, un trouble psychotique d’aggravation progressive, évocateur d’une psychose atypique,

— l’absence d’antécédents psychiatriques apparents et la proximité temporelle du trouble psychotique observé et de l’accident,

— l’avis de Mme A, psychologue clinicienne, ayant observé une sidération du fonctionnement cérébral dont le temps de latence et la lenteur idéative sont significatifs ainsi qu’une inadéquation de la réponse aux question posées.

Dans son arrêt du 23 juin 2016, la cour après avoir relevé que le moyen tiré de l’imputabilité des séquelles psychiatriques à l’accident bénéficiait de l’autorité de chose jugée, a retenu dans l’évaluation du préjudice l’existence de séquelles psychiatriques se manifestant par un état confusionnel, une obnubilation, une désorientation temporo-spatiale et une altération des facultés mnésiques compatibles avec une pathologie psychotique, tous éléments évoqués par le docteur X dans son 2e rapport d’expertise.

Elle mentionne également les observations de l’expert dans sa dernière expertise qui indique que 'l’interrogatoire de M. Y est peu contributif en raison d’un état d’obnubilation quasi mutique, qu’il doit être intensément sollicité pour obtenir des réponses à ses questions, et qu’au total, M. Y présente un état confusionnel, une obnubilation, une désorientation temporo-spatiale, une altération des facultés mnésiques, sans composante délirante évidente compatible avec une pathologie psychotique'.

Selon la société Axa France, M. Y aurait réussi à tromper différents praticiens, à savoir une psychologue, deux médecins psychiatres dont un expert judiciaire, un médecin neurologue et un expert spécialisé en réparation du préjudice corporel, par une attitude consistant à se présenter comme étant dans un état de grande détresse psychique.

Un tel comportement face à des spécialistes habitués à déceler les simulateurs nécessiterait de la part de son auteur de remarquables qualités de comédien et paraît peu vraisemblable.

La société Axa France verse aux débats des photographies tirées de pages d’un compte Facebook montrant M. Y en train de danser en compagnie de membres de sa famille au cours d’une fête manifestement bien arrosée, attitude qui n’est pas incompatible avec l’existence des troubles comportementaux décrits par les experts et d’une pathologie psychotique alors que l’état de M. Y qualifié d’évolutif par les experts peut induire des périodes plus actives notamment lorsqu’il se trouve sous l’action de ses médicaments.

La société Axa France produit également un rapport d’enquête réalisée par M. F B, agent privé de recherches qu’elle a mandaté.

Cette enquête se limitant à constater, en juin 2016, les déplacements M. Y à différentes périodes de la journée sur la voie publique, sans aucune provocation particulière, n’apparaît pas disproportionnée au regard de la nécessaire et légitime préservation des droits et intérêts de l’assureur dans la recherche d’éléments de preuve et ne constitue pas une atteinte à la vie privée de l’intéressé contrevenant aux dispositions de l’article 9 du code civil ou de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Elle constitue donc un élément de preuve recevable.

Selon le rapport de M. B, M. Y a été aperçu à plusieurs reprises circulant à bord d’un véhicule, s’arrêtant pour décharger des fauteuils d’une camionnette, se rendant dans un établissement de restauration rapide pour déjeuner ou accompagnant sa femme au supermarché, tout cela apparemment sans difficultés particulières.

Aucun des experts ayant examiné M. Y ne relève que celui-ci est dans l’incapacité physique de conduire un véhicule même si à l’évidence son état psychiatrique rend très dangereux une telle activité.

Il ne ressort pas non plus des différents avis médicaux ayant conduit la cour à indemniser M. Y en considération d’un état psychiatrique avéré que celui-ci soit en permanence dans un état de prostration complète lui interdisant toute activité humaine, étant relevé, comme rappelé plus haut, que son état psychiatrique évolutif, n’interdit pas des périodes d’activité grâce à l’action des médicaments qui lui sont prescrits.

Il est constaté dans le rapport d’enquête que M. Y est très attentif à son environnement lorsqu’il conduit, qu’il regarde très souvent les véhicules situés derrière lui et effectue plusieurs arrêts sur le bas côté, sans raison apparente ce qui est pour le moins révélateur d’un comportement anormal et rappelle les troubles d’anxiété évoqués par le professeur Z.

En définitive, les éléments produits par la société Axa France sont insuffisants à démontrer que M. Y a menti et simulé un état pathologique psychiatrique imaginaire au point de tromper les experts sur la réalité de son état.

D’ailleurs dans un certificat établi le 14 novembre 2016, le docteur C relève que l’état de M. Y se dégrade, qu’il est toujours suivi au plan psychiatrique et note à l’examen une désorientation temporo-spatiale surtout temporelle, et des troubles mnésiques ainsi qu’une altération massive du comportement cognitif. Faute de démontrer l’existence d’une fraude, la société Axa France est irrecevable à solliciter la rétractation de l’arrêt rendu le 18 décembre 2014 et par suite celle de l’arrêt rendu le 23 juin 2016.

Il n’est pas démontré que la société Axa France ait agi avec mauvaise foi et dans une intention de nuire et par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelé plus haut, la mise en oeuvre d’une enquête de surveillance afin de rassembler des éléments de preuve nécessaires au bien fondé de son action ne caractérise pas une atteinte fautive à l’intimité de la vie privée.

M. Y est donc débouté de sa demande en dommages et intérêts.

L’équité commande par contre de faire application de l’article 700 du code de procédure civile à son profit et il convient de lui allouer à ce titre la somme de 2.000 €.

Les dépens de la présente instance sont mis à la charge de la société Axa France qui succombe en ses prétentions.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la jonction des affaires enrôlées sous les N° 16/15751 et 16/16280.

Déclare la société Axa France irrecevable en sa demande tendant à obtenir la rétractation des arrêts rendus par la cour d’appel d’Aix en Provence les 18 décembre 2014 et 23 juin 2016 dans l’instance l’opposant à M. D Y, faute de démontrer l’existence d’une fraude.

Rejette en conséquence l’intégralité de ses demandes.

Déboute M. D Y de sa demande en paiement de dommages et intérêts.

Condamne la société Axa France à payer à M. D Y la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Axa France aux dépens de l’instance et accorde à la Selarl Lexavoué Aix en Provence le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT



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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 10e chambre, 4 mai 2017, n° 16/15751