Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre b, 17 mai 2018, n° 16/15539

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  • Héritier·
  • Épouse·
  • Concessionnaire·
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  • Préjudice·
  • Demande·
  • Transfert

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 17 MAI 2018

N° 2018/ 139

Rôle N° N° RG 16/15539 – N° Portalis DBVB-V-B7A-7EZS

C A

C/

E Z

Grosse délivrée

le :

à :

Me André BEZZINA

Me Alice CATALA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal d’Instance de NICE en date du 08 Août 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11-15-1577.

APPELANTE

Madame C A,

[…]

représentée par Me André BEZZINA, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

Madame E Z

née le […] à […]

représentée par Me Alice CATALA, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Février 2018, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente

Mme Brigitte PELTIER, Conseiller

Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme G H.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 avril 2018 et prorogé au 17 Mai 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Mai 2018

Signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente et Mme G H, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Le 15 janvier 2013 M. I X décédait sans laisser de descendants directs.

Mme C A, en qualité de nièce de feu Mme J X et de M. I X son époux, avait été désignée par ce dernier comme sa légataire universelle par testament notarié en date du 28 novembre 2003.

Le 27 octobre 2011 M. X avait fait l’objet d’une mesure de protection décidée par le Tribunal d’instance de Nice, pour une durée de 60 mois qui avait désigné en qualité de tutrice Mme E K filleule de l’épouse du défunt.

M. Y, qui en avait exprimé le souhait, était inhumé à la demande de Mme Z, dans le caveau familial où reposait son épouse après réduction du corps de cette dernière.

Par acte du 19 juin 2015, Mme A arguant de la découverte de ces faits, assignait la tutrice devant le premier, sur le fondement de l’article 1382 du code civil.

Par jugement en date du 8 août 2016 le Tribunal d’instance de Nice':

• déboutait Mme C A de l’ensemble de ses demandes

• la condamnait à payer à Mme E Z la somme de 5.000€ à titre de dommages et intérêts , celle de 1.500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens

• déboutait les parties du surplus de leurs demandes

Le premier juge relevait que les conjoints des cohéritiers du fondateur peuvent être inhumés dans le caveau familial au même titre que les cohéritiers eux mêmes.

Mme A qui s’est désintéressée de son oncle les quatre dernières années de sa vie ne peut reprocher à la tutrice de ne pas l’avoir consultée avant l’inhumation, la réduction du corps de l’épouse était nécessaire pour répondre au souhait du défunt. La mise en cause de la tutrice qui n’a fait qu’exaucer les v’ux du défunt revêt un caractère traumatisant justifiant l’octroi de 5.000€ de dommages et intérêts

**

C A a relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 24 août 2016

Les dernières écritures de l’appelant ont été déposées le 24 novembre 2016 et celles de Mme A intimée le 23 janvier 2017.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 5 février 2018.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme C A, dans le dispositif de ses dernières écritures auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, de réformer la décision entreprise

• juger que Mme Z E a commis une atteinte à ses droits de titulaire de la concession funéraire n° 216

• juger ce comportement fautif en ce que Mme E Z a permis l’inhumation du corps de M. X et la réduction du corps de Mme J X sans recueillir son autorisation et celle de sa fille L B, seules titulaires des droits de cette concession

• condamner Mme Z à lui payer la somme

de 1519 € au titre des frais d’inhumation et de ré-inhumation de M. I X

de 3000 € en réparation de son préjudice moral

de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

• de la décharger des condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et accessoires ensuite du jugement entrepris

• condamner Mme E Z en tous les dépens

• rejeter toutes demande, fin ou conclusion contraire.

Elle fait valoir qu’elle est la seule héritière en indivision avec sa fille de la concession acquise par feu son grand-père maternel et seule en capacité d’autoriser l’inhumation dans la concession.

Mme A s’est faussement déclarée filleule du défunt qu’elle a qualifié de petit fils du concessionnaire alors qu’il en était le gendre , ce afin de se dispenser de recueillir son accord , ce comportement est fautif.

La réduction d’un corps qui s’analyse qui comme une exhumation doit être demandée par le plus proche parent du défunt en l’espèce elle même, étant la nièce de feu J M épouse X , Mme A a donc commis une faute en y faisant procéder sans son accord.

Préjudice': la privation de ses droits à la concession et les déclarations mensongères de Mme A l’ont affectées , elle a dû exhumer et ré-inhumé M. X pour un coût de 1.519€ dont elle demande le remboursement outre la somme de 3.000€ pour la dépossession du caveau familial dont elle a été victime.

Mme E Z, dans le dispositif de ses dernières écritures auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa de l’article 1240 du code civil, et 559 du code de procédure civile

• de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté Mme A de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée à lui verser la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts

• y ajoutant de constater le caractère abusif de l’appel

• condamner Mme A à verser la somme

de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

de 3.000 € à titre au titre des frais irrépétibles,

• de la condamner aux entiers dépens.

Elle fait valoir qu’elle s’est occupée du défunt en qualité de filleule de l’épouse de ce dernier avant d’être désignée tutrice et a respecté le souhait de ce dernier d’être inhumé près de sa femme. Elle a été profondément choquée de l’exhumation de ce dernier et de son inhumation en la fosse commune, dont elle avait refusé d’assumer le coût.

Elle soutient que seul le fondateur d’une sépulture en a un droit d’exclusivité, les successeurs ne peuvent s’opposer à l’inhumation d’une personne qui dispose de jure de ce droit, M. X étant l’époux de la fille du fondateur du caveau familial, sa dépouille pouvait parfaitement y être inhumée comme il en avait exprimé le souhait .

Elle était tenue de respecter son v’u sous peine des sanctions de l’article 433-21-1 du code pénal , elle était la plus proche du défunt dont Mme A s’était désintéressée depuis au moins 4 années

SUR QUOI LA COUR

1- ) sur l’inhumation dans le caveau familial

Aux termes de la loi du 15'novembre 1887, qui donne le libre choix du lieu et du mode de sépulture, à défaut d’intentions’formelles’du défunt, il convient de rechercher celui ou ceux de ses proches les plus habilités, en fonction de leurs relations personnelles avec le défunt, pour exprimer les volontés présumées de celui-ci concernant le lieu de sépulture.

Mme Z , filleule de l’épouse du défunt et sa tutrice est la personne qui est à même de dire ce qu’aurait voulu le défunt, compte tenu du lien qui les unissait, eu égard au désintérêt de Mme A qui ne le conteste pas.

Il est constant et par ailleurs non contesté par Mme A que M. X souhaitait être inhumé auprès de son épouse.

Le caractère familial de la concession n’est pas contesté par les parties .

De jurisprudence constante la concession de famille a vocation à recevoir, outre le corps du concessionnaire, ceux de son conjoint, de ses successeurs, de ses ascendants, de ses alliés et de ses enfants adoptifs, voire même ceux des personnes unies au concessionnaire par des liens particuliers d’affection. Les conjoints des héritiers du fondateur de la sépulture sont considérés également comme ayant droit à y être inhumés. Seul le concessionnaire, en sa qualité de fondateur de la sépulture est en droit d’exclure un de ses héritiers de la sépulture.

À défaut de manifestation de sa part d’une telle volonté, ont droit d’être inhumés, sans l’accord des autres héritiers, les héritiers du fondateur et les conjoints de ces héritiers. Les places libres seront

occupées dans l’ordre des décès selon la règle’prior tempore potior jure.

Il s’en déduit que M. X était en droit d’être inhumé dans le caveau familial de son épouse sans l’accord express des autres héritiers, à savoir Mme A divorcée B et sa fille L B.

2- ) réduction du corps de feu Mme J X

* sur l’accord nécessaire de Mme A

La réduction de corps, qualifiée en droit d’exhumation, est soumise aux dispositions de l’article R2213-40 du code générale des collectivités qui imposent d’obtenir l’accord de tous les ayants cause, auquel s’ajoutera celui du plus proche parent du défunt.

Il s’en déduit que l’accord de Mme A et de sa fille était nécessaire pour procéder à la réduction du corps de Mme X.

* sur le caractère fautif du défaut d’accord

Mme A fait valoir qu’à défaut d’avoir recueilli son accord Mme Z a commis une faute.

Or l’objectivité impose de constater que Mme A désignée légataire universelle de M. X s’en est totalement désintéressée, au moins les quatre dernières années de sa vie, à cet égard l’attestation de la directrice du l’association Azur Service est particulièrement éloquente lorsqu’elle indique que 'suite à une aggravation importante de la perte d’autonomie de M. X et de soupçons de spoliation à son encontre ( ouverture d’une ligne téléphonique portable, explosions des factures Orange et retraits sur son compte en banque) nous cherchons avec l’assistante sociale et toute l’équipe soignante, mais en vain, à joindre Mme B . Dans ces circonstances une mesure de protection a été initiée en février 2011..'

L’absence d’interlocuteur familial à compter de 2009 est confirmée par le médecin traitant de M. Y.

L’indication par Mme Z , dans la seule demande d’inhumation, que M. X était le petit fils et non le gendre de l’acquéreur du caveau, est sans conséquence eu égard au droit de ce dernier d’être inhumé dans la caveau familial de son épouse sans recueil préalable de l’accord des héritiers.

Mme A fait valoir une privation de ses droits à concession et ' la volonté de ses ascendants' sans s’en expliquer, ni les démontrer.

Il n’est pas contesté que M. X souhaitait être inhumé auprès de son épouse. Mme Z était tenue de respecter ces volontés'; en conséquence de quoi eu égard aux faits de l’espèce son comportement ne peut être jugé fautif.

De plus faute de justifier de l’existence d’un lien affectif réel et pérenne avec sa tante décédée en 2003 Mme A ne démontre pas en quoi la réduction du corps de cette dernière, qu’elle a découvert suite à l’intervention du notaire, lui causerait un préjudice.

Le préjudice ne peut résulter du coût de l’exhumation de M. X et son transfert à la fosse commune, puisque ce dernier était en droit d’être enterré dans le caveau familial.

En conséquence de quoi, le jugement qui a rejeté les demandes formées au titre du préjudice matériel et moral sera confirmé.

3- Sur la demande reconventionnelle de Me Z

Mme Z fait valoir qu’elle a respecté les dernières volontés de son oncle et a été choquée de son transfert à la fosse commune et d’être assignée en justice.

Elle en justifie par la production d’un certificat médical duquel il ressort qu’elle a été bouleversée par déplacement de la dépouille de M'. X en fosse commune, qu’il lui a été prescrit des anxiolytiques, outre qu’un soutien psychothérapeutique lui est nécessaire eu égard à la poursuite de la procédure judiciaire.

Il est établi que M. X a été exhumé pour être transféré en fosse commune; ce mode de sépulture est de toujours associé à un dénuement affectif et financier , or tel n’était pas le cas du défunt qui a légué des biens mobiliers et immobiliers à Mme A.

Eu égard au lien affectif réel qui existait entre le défunt et Mme Z, confirmé par les attestations des intervenants médicaux et sociaux, c’est par une juste appréciation des faits et de la cause et à bon droit que le magistrat de première instance a jugé que l’inhumation en fosse commune, contraire aux dernières volontés du défunt, et la demande abrupte de prise en charge des frais financiers en résultant, adressée à Mme Z, caractérisent une faute à l’origine du préjudice moral de cette dernière, il convient néanmoins d’amodier la réparation et de la limiter à la somme de 3.000€

sur la procédure abusive

Le droit d’agir ou de résister en justice est ouvert à tout plaideur qui s’estime léser dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu’autant que les moyens qui ont été invoqués à l’appui de la demande sont d’une évidence telle qu’un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu’il n’a exercé son action qu’à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui.

Mme A, seule légataire universelle du défunt comme en atteste l’acte de notoriété, qui a accepté la succession, a initiée l’instance plus de cinq ans après l’inhumation par suite du refus par Mme Z de prendre en charge les frais d’exhumation pour transfert en fosse commune.

Déboutée par le premier juge qui a parfaitement rappelé que M. X était en droit d’être inhumé aux cotés de son épouse, en cause d’appel Mme A reprend les mêmes moyens sans contester les dernières volontés du défunt, son désintérêt à son égard , l’implication de Mme Z, ni justifier du préjudice résultant de la réduction du corps de sa tante.

En conséquence de quoi, il sera fait droit à la demande formée par Mme Z au titre de l’exercice abusif d’une voie de recours et il lui sera alloué à ce titre et en réparation la somme de 1.000€

sur les frais et dépens

Mme A qui succombe sera condamnée aux entiers dépens d’appel, outre que l’équité commande de la condamner à payer à Mme Z la somme de 1.500€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à la dispositions des parties conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a

• condamné Mme C A à réparer le préjudice subi par Mme Z

• a déboutée Mme A de ses demande au titre du préjudice matériel et moral

• l’a condamnée à payer à Mme E Z la somme de 1.500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens

L’INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau

• condamne Mme C A à payer à Mme Z la somme de 3.000€ en réparation du préjudice moral résultant de l’exhumation de M. X pour transfert en fosse commune

Y AJOUTANT

• Condamne Mme C A à payer à Mme E Z la somme

de 1.000€ pour exercice abusive d’une voie de recours

de 1.500€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, pour les frais exposées en cause d’appel et non compris dans les dépens

• La condamne aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT



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