Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1ère chambre a, 2 octobre 2018, n° 17/03404

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 1re ch. a, 2 oct. 2018, n° 17/03404
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 17/03404
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Tarascon, 11 janvier 2017, N° 15/01452
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

1re Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 02 OCTOBRE 2018

L.V

N° 2018/

Rôle N° RG 17/03404 – N° Portalis DBVB-V-B7B-BACBY

A X

C/

B Y

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me

G-H

Me

MEFFRE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 12 Janvier 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/01452.

APPELANT

Monsieur A X

né le […] à […]

de nationalité Française, demeurant […]

représenté par Me Pauline G-H, avocat au barreau de TARASCON substitué par Me Olivier CAMPESTRE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame B Y

née le […] à […]

représentée par Me Olivier MEFFRE, avocat au barreau de TARASCON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 26 Juin 2018 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, Madame VIGNON, Conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller,faisant fonction de Président,

Madame Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame C D.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2018.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Octobre 2018,

Signé par Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller, faisant fonction de Président, et Madame C D, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Selon acte de cession en date du 1er mai 2015, M. A X et Mme B Y, qui se sont fréquentés durant une quinzaine de jours, ont procédé à l’échange de leurs véhicule:

— M. X a reçu le véhicule E A1 SPORTBACK acquis par Mme Y le 21 février 2015,

— en échange, cette dernière est devenue propriétaire d’une voiture BMW SERIE 1, mise en circulation le 16 décembre 2009 et affichant 196.000 kms au compteur.

Par acte d’huissier en date du 29 juillet 2015, Mme Y a fait assigner M. X devant le tribunal de grande instance de Tarascon afin d’obtenir à titre principal la nullité de la cession intervenue le 1er mai 2015 et la restitution de son véhicule E A1.

Par jugement contradictoire en date du 12 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Tarascon a:

— déclaré nuls et nul effet les actes de cessions de véhicules signés le 1er mai 2015 par M. A X et Mme B Y,

— ordonné la restitution du véhicule E A1 SPORTBACK immatriculé DN-463-AG par M. A X à Mme B Y et du véhicule […] par Mme B Y à M. A X ,

— ordonné que M. A X remette sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du présent jugement, les papiers nécessaires à la mutation des deux cartes grises,

— condamné par M. A X à payer à Mme B Y les sommes de:

* 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier,

* 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration en date du 21 février 2017, M. A X a interjeté appel de cette décision.

Dans ses conclusions notifiées le 21 février et 23 juin 2017, M. A X demande à la cour de:

Principalement:

— recevoir M. X en toutes ses demandes, fins et conclusions,

— réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

— dire et juger que le contrat d’échange est valable en l’absence de dol ou autre vice du consentement ayant présidé à sa conclusion,

— débouter Mme Y de l’ensemble de ses demandes formulées en première instance,

Subsidiairement:

— réformer le jugement en ce qu’il a consacré l’existence d’un préjudice moral causé à Mme Y,

— débouter Mme Y de sa demande formée au titre du préjudice moral,

A titre infiniment subsidiaire:

— réformer le jugement en ce qu’il a accordé la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts à Mme Y,

Statuant à nouveau:

— ramener la somme allouée à de plus justes proportions,

En tout état de cause:

— réformer le jugement en ce qu’il a accordé la somme de 2.500 € à Mme Y au titre des frais irrépétibles,

— ramener la somme allouée à de plus justes proportions,

— condamner Mme Y à régler à M. X la somme de 1.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Il précise que Mme Y lui reproche d’avoir abusé de sa faiblesse, prétendant être particulièrement vulnérable, afin d’obtenir son agrément à un échange qui lui était particulièrement favorable alors que:

— ils se sont rencontrés sur internet, ne se connaissaient pas auparavant et résidaient dans des communes différentes, de sorte qu’avant leur rencontre, il n’a pas pu avoir vent d’une éventuelle vulnérabilité de l’intimée,

— Mme Y est une jeune femme à la présentation tout à fait classique et rien ne lui permettait de soupçonner qu’elle souffrait d’un problème psychologique lié à un traumatisme de l’enfance,

— il n’a donc pas pu se rendre coupable de manoeuvres dolosives puisqu’il lui était impossible de deviner son passé douloureux, celle-ci ne lui ayant par ailleurs fait aucune confidence à ce sujet, contrairement à ses allégations,

— Mme Y ne démontre pas davantage le caractère déterminant des prétendues manoeuvres dont elle se dit victime, d’autant que c’est elle qui a proposé l’échange en premier lieu, avant de revenir sur sa position, une fois leur relation terminée,

— le regret d’avoir contracté, a posteriori, n’est pas une cause de nullité du contrat et Mme Y est une personne parfaitement capable, tant au sens juridique que courant du terme, de sorte qu’elle peut tout à fait acquérir un véhicule mais aussi disposer de son patrimoine.

Il conteste en tout état de cause, l’existence d’un quelconque préjudice moral subi par l’intimée qui n’est nullement caractérisé en l’espèce.

Mme B Y, dans ses conclusions signifiées le 13 juillet 2017, demande à la cour de:

A titre principal:

— constater et en tant que de besoin dire et juger que l’acte de cession d’un véhicule signé en date du 1er mai 2015 par Mme Y au profit de M. X est nul et de nul effet,

— constater et en tant que de besoin dire et juger que l’acte de cession d’un véhicule signé en date du 1er mai 2015 par M. X au profit de Mme Y est nul et de nul effet,

— en conséquence, ordonner la restitution du véhicule E A1 SPORTBACK immatriculé DN-463-AG par M. A X à Mme B Y,

— constater que Mme Y s’engage à restituer à M. X le véhicule […]

— enjoindre à M. X de produire les papiers nécessaires à la mutation de deux cartes grises,

— condamner M. A X à payer à Mme B Y la somme de

2.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice financier,

A titre subsidiaire:

— surseoir à statuer sur la demande de nullité de l’échange des deux véhicules,

— ordonner une mesure d’expertise psychiatrique concernant Mme Y afin notamment de dire si elle suit un traitement psychotrope, d’en décrire les effets, de dire si elle est une personne particulièrement suggestible et si oui, de déterminer si son consentement a pu être vicié au moment de l’échange des véhicules avec M. X,

— condamner M. X à prendre en charge le coût de l’expertise judiciaire,

En tout état de cause:

— débouter M. X de l’ensemble de ses prétentions,

— condamner M. A X à payer à Mme B Y la somme de

10.000 € à titre de dommages et intérêts, outre 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre liminaire, elle rappelle qu’elle a été victime d’un grave traumatisme à l’âge de 10 ans, ce qui a eu pour effet de développer un certain nombre de pathologies psychiatriques, la conduisant à suivre un traitement à base de psychotropes, qu’elle s’est retrouvée durant l’adolescence dans un centre de soins psychiatriques, de sorte qu’elle est une proie facile pour les manipulateurs comme M. X, qui conscient de son caractère suggestible, s’est montré particulièrement gentil avec elle.

Elle précise qu’à l’époque des faits, elle était âgée de 28 ans, vivait seule et a été particulièrement réceptive lorsque M. X, jeune sportif et coach sportif, s’est intéressé à elle, qu’elle s’est confiée à lui sur son enfance et son séjour en hôpital psychiatrique, ce dernier ayant parfaitement compris qu’elle était très vulnérable.

Elle rappelle que le véhicule qu’elle a donné à l’appelant est un véhicule acquis quelques semaines auparavant pour un prix de 19.200,50 € et qu’elle a reçu en échange une voiture d’une valeur de 7.000 €.

Elle en tire pour conséquence qu’elle a été victime de manoeuvres dolosives de la part de M. X ou qu’à tout le moins son consentement n’a été donnée que par erreur.

Elle affirme que l’appelant avait connaissance de ses problèmes psychologiques, que sa pathologie nécessite la prise quotidienne de psychotropes, ce que M. X ne pouvait ignorer, étant précisé que ce dernier, après avoir été prévenant afin d’instaurer un climat de confiance, avant de la menacer, comme l’atteste l’échange de SMS entre eux.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 12 juin 2018.

MOTIFS

Selon déclaration de cession en date du 1er mai 2015, Mme B Y et M. A X ont procédé à l’échange de leurs véhicules respectifs:

— M. X a reçu l’E F, véhicule acquis par Mme Y le 21 février 2015,

— Mme Y, pour sa part, a reçu une BMW SERIE 1, immatriculée depuis le 16 décembre

2009 et affichant 196.000 kms au compteur.

Mme Y poursuit la nullité des actes de cession litigieux soutenant, à titre principal avoir été victime de manoeuvres dolosives de la part de M. X, avec qui elle a entretenu une relation éphémère et qui aurait profité de sa grande vulnérabilité ainsi que de sa faiblesse psychologique pour procéder à cet échange.

Il appartient en conséquence à Mme Y de démontrer l’existence de manoeuvres présentant une gravité suffisante comme ayant été la cause déterminante du contrat de cession.

Il sera observé en premier lieu que la nature affective des relations qu’ont pu entretenir les intéressés ainsi que leur brièveté sont inopérantes pour caractériser un dol.

Mme Y invoque sa fragilité psychologique et indique que M. X, à qui elle s’était confiée, a profité de sa détresse et de sa grande suggestibilité pour l’inciter à procéder à cet échange de véhicules.

Or, si les éléments produits par Mme Y attestent incontestablement que celle-ci a pu développer certains troubles psychologiques, il n’est nullement établi que:

— M. X en ait eu connaissance, puisqu’il n’est pas contesté que les parties, qui résidaient dans deux communes relativement éloignées, se sont rencontrées par l’intermédiaire d’une annonce internet et ne se connaissaient pas auparavant, le rapport d’examen psychiatrique du Docteur Z concernant Mme Y relève qu’il s’agit d’une jeune fille ' mince, correctement habillée, exprimant clairement et présentant un niveau intellectuel qu’on peut qualifier de supérieur, vu ses bons résultats scolaires' , de sorte que compte tenu du caractère éphémère de leur relation, l’intimé ne pouvait guère soupçonner son passé douloureux,

— il ne ressort d’aucune des pièces produites et notamment du diagnostic du Docteur Z que Mme Y présente une quelconque altération et encore moins une abolition de ses facultés mentales, sa fragilité psychologique n’étant pas de nature à exercer une influence sur son discernement.

Les allégations de Mme Y sur les charmes et promesses dont aurait preuve M. X à son égard pour l’amener à contracter alors qu’elle était pleine d’espoir dans cette relation naissante ne reposent sur aucune pièce et ne sont en tout état de cause absolument pas de nature à justifier de l’existence de manoeuvres sans lesquelles elle n’aurait jamais contracté.

La lecture des échanges de SMS n’apporte rien et ne permet nullement de caractériser de quelconques pressions et si Mme Y, dans ses conclusions, souligne effectivement la différence de valeur entre les deux véhicules, elle n’en tire aucune conséquence en matière d’annulation de la cession pour vil prix.

A titre subsidiaire, Mme Y considère qu’en toute hypothèse, son consentement n’a été donné que par erreur.

Celle-ci ne peut utilement invoquer l’erreur comme ayant vicié son consentement au sens de l’article 1110 du code civil, dans la mesure où l’erreur doit porter sur les qualités substantielles de l’objet du contrat.

Or, à aucun moment Mme Y ne prétend avoir été trompée sur l’échange des véhicules et plus particulièrement sur le fait qu’elle recevait une BMW SERIE 1 d’occasion contre la cession de son E A1 acquise deux mois auparavant.

En effet, elle met en évidence une erreur sur la personne de son cocontractant et plus exactement sur les qualités humaines de M. X, comme ayant été persuadée que leur relation pouvait s’inscrire dans la durée.

Une telle situation, qui est certes vécue comme une déception pour Mme Y, n’est pas de nature à caractériser un vice du consentement justifiant la nullité des actes de cession en cause.

Le jugement entrepris doit donc être infirmé en toutes ses dispositions.

Mme Y sera en conséquence déboutée de sa demande de nullité des actes de cession et restitution de son véhicule E A1.

Sa demande de dommages et intérêts pour préjudice financier et préjudice moral ne pourra être accueillie.

De même, au regard des développements qui précèdent, aucun élément du dossier ne justifie l’organisation d’une mesure d’expertise psychiatrique de Mme Y.

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Vu l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Tarascon en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau:

Déboute Mme B Y de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de M. A X,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme B Y aux dépens de première instance et de la procédure d’appel, qui pourront être recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT



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