Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre a, 4 décembre 2018, n° 17/10400

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

1ère Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 04 DECEMBRE 2018

D.D

N° 2018/

Rôle N° RG 17/10400 – N° Portalis DBVB-V-B7B-BAUBJ

Denis Paul H… X…

Chantal Y… marie Z… épouse X…

Société IMMOBILIERE ET FINANCIERE DE L’ARMEMENT – SIFA -

C/

Lucien I… C…

Copie exécutoire délivrée

le :

à :Me Guedj

Me A…

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de Toulon en date du 26 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 17/00841.

APPELANTS

Monsieur Denis Paul H… X…

de nationalité Française, demeurant […]

représenté par Me Maud J… de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Thierry B…, avocat au barreau de TOULON, plaidant

Madame Chantal Y… Marie Z… épouse X…, demeurant […]

représentée par Me Maud J… de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Thierry B…, avocat au barreau de TOULON, plaidant

SOCIETE IMMOBILIERE ET FINANCIERE DE L’ARMEMENT – SIFA poursuites et diligences de son représentant légal en exerci ce y domicilié, […]

représentée par Me Maud J… de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée par Me Thierry B…, avocat au barreau de TOULON, plaidant

INTIME

Monsieur Lucien Léon C…

né le […] à ISLE AUMONT (10800), demeurant […]

représenté par Me Isabelle A… de la SELARL LIBERAS A… & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Hubert D…, avocat au barreau de LILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 22 Octobre 2018 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, Madame DEMONT, Conseiller a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de:

Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller

Madame Danielle DEMONT, Conseiller

Madame Laetitia VIGNON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Décembre 2018.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Décembre 2018,

Signé par Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige

Par acte authentique en date du 15 décembre 2014 dressé par Me E…, notaire à La Garde (06), M. Lucien C… a acquis auprès de M. Denis X… un bien immobilier sis à St Cyr-les-Lecques, quartier impasse Saint-Louis au prix de 6 millions d’euros se décomposant comme suit :

' 4,1 millions d’euros pour 'l’immeuble article 1", d’une contenance totale de 2,15 ha comprenant une villa principale en bord de mer, une maison de gardien, une maison d’habitation trois anciens bunkers aménagés, une piscine et un jardin d’agrément.

' 1,9 million d’euros pour 'l’immeuble article 2", soit un terrain attenant sur lequel se trouve un court de tennis.

L’acte prévoit d’une part une faculté 'de rachat de l’immeuble article 1" au profit du vendeur moyennant le versement d’une somme de 4'387'000€ dans un délai de 2 ans, délai expirant le 14 décembre 2016 à 18 heures, d’autre part le prêt à usage de l’immeuble à titre gratuit.

Par exploit du 17 février 2017 l’acquéreur faisant valoir que la faculté de rachat n’avait pas été exercée et que le vendeur se maintenait dans les lieux, l’a fait assigner à jour fixe ainsi que son épouse, et la société immobilière et financière de l’armement (Sifa) devant le tribunal de grande instance de Toulon aux fins d’obtenir leur expulsion sous astreinte et le versement de dommages intérêts.

Par jugement en date du 26 mai 2017 le tribunal de grande instance de Toulon a :

' rejeté l’exception d’incompétence soulevée ;

' dit que M. Denis X… et Mme née Chantal Z… et la société Sifa sont occupants sans droit ni titre du bien immobilier sis […] les Lecques appartenant à M. Lucien C… ;

' ordonné leur expulsion, le cas échéant avec le concours de la force publique, dans un délai de 2 mois à compter de la signification du jugement puis sous astreinte de 250 € par jour de retard ;

' condamné in solidum M. Denis X… et Mme née Chantal Z… et la société SIFA à payer une indemnité d’occupation d’un montant mensuel de 7000 € à compter du 15 décembre 2016 jusqu’à complète libération des lieux avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

' rejeté la demande de dommages intérêts présentée par M. Lucien C… ;

' déclaré recevable la demande de transfert du siège social de la société formée contre M. Denis X… personnellement ;

' et condamné in solidum M. Denis X… et Mme née Chantal Z… et la société SIFA à payer à M. Lucien C… la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Le tribunal retient que la faculté de rachat est un pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue moyennant la restitution du prix principal et le remboursement des frais de la vente ; que M. Lucien C… demeure donc propriétaire du bien ; que l’occupation des lieux à titre gratuit a pris fin le 4 décembre 2016 à 18 heures ; et qu’étant occupant sans droit ni titre depuis lors, les époux X… et les occupants de leur chef devront libérer les lieux.

Le 31 mai 2017 M. Denis X… et Mme née Chantal Z… et la société Sifa ont relevé appel de cette décision.

Par ordonnance d’incident en date du 19 décembre 2017, le conseiller de la mise en état a assorti le jugement déféré de l’exécution provisoire.

Par une seconde ordonnance d’incident du 17 avril 2018 les appelants ont été déboutés de leur demande d’expertise judiciaire de la valeur du bien immobilier litigieux.

Par conclusions du 9 octobre 2018 les appelants demandent à la cour :

' d’infirmer l’ordonnance entreprise ;

statuant à nouveau

' de constater que M. Denis X… se trouvait dans un état de contrainte économique ;

' de débouter M. Lucien C… de ses demandes ;

à titre subsidiaire

' de constater que M. X… est en droit de demander la rescision de la vente pour lésion ;

' d’ordonner la nullité de l’acte de vente du 15 décembre 2014 pour vice du consentement ou lésion ;

à titre très subsidiaire

' de condamner M. C… à payer la somme de 105'618, 35 € au titre des travaux d’amélioration sur le bien immobilier ;

' et en tout état de cause de condamner l’intimé à leur payer la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

Par conclusions du 16 octobre 2018 M. Lucien C… demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué, d’écarter des débats les pièces communiquées par les appelants le 11 octobre 2018 numérotées 6 à 12, de débouter les époux X… de toutes leurs demandes, et de les condamner à lui payer la somme de 10'000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction.

L’ordonnance de clôture du 9 octobre 2018 a été révoquée à la demande des parties et une nouvelle clôture a été prononcée par une ordonnance séparée du 22 octobre 2018.

La cour renvoie aux écritures précitées pour l’exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties.

Motifs

Attendu que les pièces numérotées 6 à 12 communiquées par les appelants le 11 octobre 2018 ont été communiquées à la parties adverse qui a pu en discuter le contenu ; qu’elles doivent être admises ;

Attendu que les appelants soutiennent que la vente à réméré est un prêt usuraire déguisé que M. Lucien C… a consenti à M. X… compte tenu de ses difficultés financières ; que l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique peut vicier de violence un consentement ; qu’il existe un nouveau vice du consentement, l’abus de dépendance, prévu par l’article 1143 du code civil ; que M. X… devait régler dans l’acte de partage une soulte à la succession d’un montant de 2'300'000 € et que par ailleurs une hypothèque judiciaire provisoire avait été prise sur le bien par le trésor public pour un montant de 1'594'963 € ; que M. X… ne disposait pas des fonds et compte tenu de son état de santé dégradé, ne pouvait pas obtenir un crédit ; que le propriétaire de la parcelle voisine, M. Lucien C…, souhaitait agrandir sa propriété et l’a relancé à plusieurs reprises ; que la vente à réméré n’était qu’une garantie du prêt que son soi-disant ami lui accordait d’un montant de 4'100'000 € ; qu’à la fin de l’année 2016 M. X… lui a fait part de ses difficultés concernant le remboursement de sa dette, et que M. C… lui a assuré qu’un nouveau commodat serait établi par son notaire ; que la société Sifa dont M. X… est le président avait conclu un contrat de concession et de délégation de service public avec la commune de la Seyne-sur-Mer concernant la gestion du nouveau port de plaisance et que contre toute attente, par une délibération illégale en date du 28 juillet 2015, la commune a résilié ce contrat de façon unilatérale, ce qui a mis en échec tous ses projets ; qu’un avis de valeur réalisé par M. F…, expert foncier, estime le bien entre 12 millions et 13 millions d’euros et qu’un rapport d’expertise réalisé par Mme G… estime le bien à 9 millions d’euros alors que la propriété a été vendue 4'100'000 € ; qu’il y a lieu de rescinder la vente pour lésion et de désigner un collège d’experts ;

Qu’ à titre subsidiaire les appelants ajoutent que celui qui bénéficie d’un enrichissement non justifié doit une indemnité égale à l’enrichissement procuré ; que la totalité des factures de travaux produites par M. Denis X… sur la période du 15 décembre 2014 au 14 décembre 2016 s’élève à 105'618 €, et qu’il doit être indemnisé ;

Mais attendu qu’à supposer les appelants fondés à invoquer les dispositions de l’article 1143 du code civil, alors que cet article issu de l’ordonnance du 10 février 2016 reconnaissant la notion de violence économique n’est pas applicable à des contrats conclus antérieurement, comme ici en 2014, il convient de relever qu’il n’existait aucun lien de dépendance économique entre les parties à l’acte au sens de ce texte qui aurait pu déterminer M. Denis X… à contracter, les difficultés financières qu’il rencontrait étant insuffisantes à créer un lien de dépendance envers M. C…, son voisin acquéreur de son bien ;

Que s’ils demandent la nullité du contrat de vente, ils n’offrent pas de restituer les 6 millions d’euros reçus ;

Attendu que la violence comme découlant d’une telle situation de contrainte économique, dans ces conditions, n’est pas davantage établie ;

Attendu qu’en ce qui concerne la rescision pour lésion, les intimés font valoir que le terrain est inconstructible, la commune ayant déjà refusé d’accorder deux permis de construire à M. X… en invoquant les dispositions de la loi Littoral ;

Attendu qu’ensuite et surtout il n’est pas contesté que le prix de 6 millions d’euros a été fixé à la suite d’un accord intervenu entre tous les héritiers, dont l’appelant, sur ce prix de vente, étant observé qu’il a été déterminé après expertises et que c’est la valeur qui été prise en compte pour la détermination des droits successoraux qui est celle qui a été déclarée aux services fiscaux ;

Attendu que la valeur de l’ensemble immobilier vendu à retenir est donc bien celle déclarée de 6 millions d’euros ;

Que les estimations immobilières produites qui ne sont en rien basées sur des éléments de comparaison pertinents sont insuffisantes à la contradiction ;

Que la première estimation datée du 15 novembre 2011 de M. F… est un laconique « avis complémentaire au rapport du 30 juillet 2010 », lequel n’est pas versé aux débats ; qu’en ce qui concerne la seconde « expertise immobilière » de Mme G…, celle-ci a été réalisée « sur dossier » le 14 septembre 2014 et, comme il y est dit, « elle ne comporte pas la vérification de l’authenticité ni la justesse des éléments fournis » ;

Attendu qu’aucune rescision pour lésion de la vente n’est à retenir ;

Attendu, s’agissant du prétendu enrichissement sans cause à raison de travaux d’amélioration du bien été effectués par l’occupant dans les lieux objet du commodat, que la preuve de la réalité des travaux d’amélioration allégués n’est pas suffisamment rapportée par des factures éparses qui comportent pour la plupart seulement la mention du bien immobilier litigieux comme adresse de facturation ;

Qu’en toute hypothèse, aucun accord de M. C…, propriétaire des lieux, n’a été sollicité et a fortiori obtenu, alors que le contrat de prêt à usage prévoyait à ce sujet :

« À l’expiration du contrat l’emprunteur rendra les biens au prêteur sans que celui-ci ait à lui payer d’indemnité pour quelque cause que ce soit, notamment pour amélioration, sauf accord spécialement intervenu entre les parties sur ce point au cours du contrat » ; que les parties sont donc convenues qu’une éventuelle amélioration du bien ne donnerait lieu au versement d’aucune indemnité ; qu’un enrichissement potentiel du propriétaire ayant été envisagé par le contrat, il n’est dès lors pas dépourvu de cause ;

Attendu en définitive que le jugement qui a rejeté toutes les demandes des appelants doit donc être approuvé ;

Attendu qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,

Admet les pièces communiquées par les appelants le 11 octobre 2018 numérotées 6 à 12,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne in solidum M. Denis X… et Mme née Chantal Z… et la société SIFA

à payer à M. Lucien C… la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, y compris ceux afférents à la question prioritaire de constitutionnalité, et que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
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