Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11e chambre b, 6 décembre 2018, n° 18/01949

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, 11e ch. b, 6 déc. 2018, n° 18/01949
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/01949
Sur renvoi de : Cour de cassation, 6 décembre 2017, N° 1247F@-@D
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

11e Chambre B

ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

DU 06 DÉCEMBRE 2018

N° 2018/ 398

Rôle N° RG 18/01949 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BB4P5

Z X

B Y

C/

SA ERILIA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Nathalie LAURICELLA

Me Olivier GIRAUD

Décision déférée à la Cour :

Arrêt de la Cour de Cassation du 7 décembre 2017 n° 1247 F-D qui a cassé l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence du 27 octobre 2015

DEMANDEURS A LA SAISINE

Monsieur Z X

né le […] à […]

de nationalité […]

représenté par Me Nathalie LAURICELLA, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame B Y

née le […] à […]

de nationalité […]

représentée par Me Nathalie LAURICELLA, avocat au barreau de MARSEILLE

DÉFENDERESSE A LA SAISINE

SA ERILIA, prise en la personne de son représentant légal

[…]

représentée par Me Olivier GIRAUD de la SELARL GIRAUD-GAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 16 Octobre 2018 en audience publique. Conformément à l’article 785 du code de procédure civile, Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente

Mme Brigitte PELTIER, Conseiller

Mme Françoise FILLIOUX, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme D E.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2018,

Signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente et Mme D E, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Le 30 mars 2011, la société d’HLM Erilia donnait à bail un appartement à M. X et Mme F G.

Il s’avérait que Mme Y était l’identité usurpée de Mme F G laquelle se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français.

L’ayant appris par les locataires eux mêmes qui demandaient que le bail soit établi au mon de Mme F G, par acte du 22 janvier 2013 la SA Erilia assignait Mme F G et M. X en annulation du bail pour dol et expulsion.

Par jugement du 11 février 2014, le tribunal d’instance de Marseille accueillait cette demande mais, par arrêt du 27 octobre 2015, notre cour infirmait ce jugement et déboutait la société Erilia au motif qu’elle ne démontrait pas que l’usurpation d’identité de Mme Y avait déterminé la bailleresse à consentir le bail litigieux.

La société Erilia formait un pourvoi le 8 février 2016.

Par arrêt en date du 27 octobre 2015 la cour de cassation cassait l’arrêt déféré en toutes ses dispositions et renvoyait la cause et les parties devant notre cour autrement composé motifs pris que':

' Pour rejeter cette demande l’arrêt retient que la société Erilia n’a pas découvert elle-même l’usurpation d’identité de Mme X, que ce sont les locataires qui l’ont spontanément révélée sis mois après la conclusion du bail, que cette usurpation ne modifie en rien la cellule familiale, que seul M. X a la capacité financière de payer le loyer, qu’il est à jour des loyers, qu’il a lui-même porté les faits à la connaissance du parquet et qu’aucune suite judiciaire ne leur a été donnée, qu’il en résulte que la bailleresse ne rapporte pas la preuve qu’elle n’aurait pas contracté le bail litigieux en l’absence de l’usurpation d’identité de Madame X ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si cette usurpation d’identité n’avait pas dissimulé l’irrégularité du séjour de Madame Y interdisant à la société Erilia de conclure avec elle un bail portant sur un logement social, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision'

**

Par déclaration de saisine en date du 2 février 2018 M. X a saisi notre cour.

Les dernières écritures des appelants ont été déposées le 5 avril 2018 et celles de la société Erilia le 11 octobre 2018.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 octobre 2018.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. X et Mme Y, dans le dispositif de leurs dernières écritures auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demandent à la cour, au visa de l’article 23 de la loi du 6 juillet 1989, de l’article 61 de la loi du 9 juillet 1991, de l’article L 613-2 du code de la construction et de l’habitation

* à titre principal, d’infirmer la décision entreprise’et de :

• constater que le locataire a, de lui-même, entamé la régularisation de la situation locative et que la société Erilia ne subit aucun préjudice

• dire et juger que le bail n’est pas atteint d’un quelconque vice consistant en une nullité absolue du bail

• débouter la société Erilia de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions.

* subsidiairement, et si la cour devait estimer que le vice affecte le bail:

• constater que le vice invoqué a disparu et que la situation des locataires est aujourd’hui en cours de régularisation effective

• enjoindre en conséquence à la société Erilia d’avoir à régulariser la situation locative en fonction des données fournies par les locataires, à jour de leur loyer et ce, dans les quinze jours de la signification de l’arrêt à intervenir.

* très subsidiairement et si la cour ne devait pas enjoindre la société Erilia d’avoir à régulariser la situation locative: accorder à M. X et Mme Y les délais maximum pour quitter le logement.

* en toute hypothèse : débouter la société Erilia de ses demandes fondées sur l’article 700 code de procédure civile et statuer ce que de droit sur les dépens de première instance et d’appel.

Ils font valoir:

• que la bailleresse ne démontre pas en quoi elle n’aurait pas contracté en l’absence de l’usurpation d’identité de Mme Y

• la nullité du bail est relative, elle peut être régularisée et la bailleresse ne subit aucun préjudice

• l’usurpation d’identité de Mme ne modifie en rien la cellule familiale , M. X est en situation régulière , la bailleresse ne démontre pas en quoi elle n’aurait pu conclure avec le seul M. X qui répond seul du paiement des loyers par son salaire et les allocations versées par la Caisse d’allocation familiales, les loyers ont toujours été honorés

• l’usurpation d’identité signalée au parquet par Mme Y elle même n’a pas été poursuivie, depuis elle dispose d’un titre de séjour

• l’aveu de l’usurpation d’identité n’est pas une man’uvre dolosive affectant le bail de nullité mais une démarche aux fins de régularisation du bail

• si le bail était déclaré nul des délais devraient leur être accordés eu égard à leur dénonciation spontanée et l’exemplarité de la famille.

La société Erilia, dans le dispositif de ses dernières écritures auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa de l’article 784 du code de procédure civile de :

• constater qu’il n’y a pas lieu à statuer sur les demandes de l’appelant concernant les demandes formalisées par conclusions du 27 mars 2018 tant à titre principal qui visait à l’infirmation de la décision initiale, qu’aux demandes subsidiaires d’avoir à régulariser la situation locative,

• constater que les demandes en appel ne sont plus effectives,

• débouter en conséquence les demandeurs de toutes leurs demandes, fins et prétentions en cause d’appel,

• en toute hypothèse, confirmer le jugement déféré

• condamner les appelants à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel

• les condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel distraits au profit de Me Olivier Giraud

Elle fait valoir:

• que les appelants ne contestent pas la fraude mais la légitiment au motif qu’ils l’ont eux-même dénoncée

• les mensonges en vue d’obtenir un bail sont des man’uvres dolosives

• le dol s’apprécie au jour de la conclusion du contrat peu importe que la dénonciation et la bonne foi postérieure des locataires

• l’article R.441-1 du code de la construction et de l’habitation dispose que le bénéfice des logements HLM est réservé aux seules personnes physiques en situation régulière sur le territoire française, elle n’aurait jamais consenti le bail si elle avait eu connaissance de l’irrégularité du séjour de Mme Y sur le sol français

• le grief': la réglementation et l’attribution des logement sociaux interdissent d’admettre les man’uvres légales et frauduleuses qui ne peuvent à posteriori être justifiées

demande de délai: elle s’y oppose la famille bénéficiant depuis 7 ans d’un logement social qui ne devait pas lui être attribué

• sur les éléments nouveaux : les appelants ont déménagé et un état des lieux de départ a été établi au contradictoire le 17 avril 2018.

SUR QUOI LA COUR

* nullité du contrat

Aux termes de l’article 1116, alinéa 1 , du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 : 'Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man’uvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas , il doit être prouvé'

Le dol suppose la réunion d’un élément matériel : une man’uvre frauduleuse, qui peut être un mensonge ou une simple réticence, un élément intentionnel : la volonté de tromper son cocontractant, une conséquence psychologique : le dol doit avoir déterminé la victime à donner son consentement.

L’article R. 441-1 du code de la construction et de l’habitation dispose 'Les organismes d’habitations à loyer modéré attribuent les logements visés à l’article L. 441-1 aux bénéficiaires suivants :

1 – Les personnes physiques séjournant régulièrement sur le territoire français dans des conditions de permanence définies par un arrêté conjoint du ministre chargé de l’immigration, du ministre chargé des affaires sociales et du ministre chargé du logement, dont les ressources n’excèdent pas des limites fixées pour l’ensemble des personnes vivant au foyer, compte tenu des personnes à charge, par arrêté conjoint du ministre chargé du logement, du ministre chargé de l’économie et des finances et du ministre chargé de la santé (…)'

Le contrat de location a été établi au nom de M. X et Mme Y qui ne contestent pas la fraude, à savoir avoir pour Mme usé volontairement d’une identité qui n’était pas la sienne, ce faisant ils ont failli à leur devoir général de loyauté ou de bonne foi dans la conclusion du contrat.

Ce mensonge délibéré a été déterminant du consentement de la bailleresse qui n’aurait pu contracter avec les deux colocataires si elle avait eu connaissance de l’irrégularité du séjour de Mme, eu égard à l’article L 441-1 du code de la construction et de l’habitation qui le lui interdit.

Le dol s’apprécie au jour de la conclusion du contrat, les démarches postérieures, l’exemplarité et la bonne foi argués par les appelants sont donc sans effet, étant relevé que Mme qui argue devant la cour de l’obtention d’un titre de séjour régulier ne le produit pas.

De plus la nullité relative du contrat ne peut être couverte que par la confirmation de l’acte, c’est-à-dire par la renonciation de la victime à s’en prévaloir, or tel n’est pas le cas en l’espèce.

Enfin contrairement à ce qui est soutenu locataires par les locataires la bailleresse subi un grief ayant été volontairement abusée lors de la conclusion du contrat dont la cause était illicite et contrainte de maintenir à la disposition des locataires un logement social alors que le parc locatif est insuffisant et qu’elle ne peut faire face aux demandes.

En conséquence de quoi c’est par une juste appréciation des faits et de la cause et à bon droit que le premier juge a déclaré le bail litigieux nul et a ordonné l’expulsion des locataires et les a condamnés à payer une indemnité d’occupation égale au dernier loyer échu charges en sus, (indexation annuelle incluse) jusqu’à la restitution effective des lieux.

Délais

Aux termes des dispositions combinées des articles L. 613-1 du code de la construction et de

l’habitation, L. 412-3, L. 412-4, L. 412-6 à L. 412-8 du code des procédures civiles d’exécution, le juge peut accorder des délais aux occupants de locaux d’habitation dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

Pour la fixation de ces délais, il doit notamment tenir compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. La durée de ces délais ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à trois ans.

En l’espèce, vu la mauvaise foi des locataires qui ont volontairement abusé la bailleresse, les délais dont ils ont disposé depuis l’introduction de l’instance le 22 janvier 2013 pour entreprendre des démarches de relogement, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande.

* frais et dépens

M. Z X et Mme B Y qui succombent seront condamnés aux entiers dépens, outre que l’équité commande de condamner à payer à la SA Erilia la somme de 200€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, mis à la dispositions des parties conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a

• prononcé la nullité du bail liant les parties

• ordonné l’expulsion de M. Z X, Mme B Y alias Madame B F G ainsi que celle de tous occupants de leur chef des lieux situés à […], 13014, par toutes voies de droit, au besoin avec le concours de la force publique, deux mois après la délivrance d’un commandement de quitter les lieux conformément aux dispositions de l’article L 412-1 du code des procédures civiles d’exécution

• condamné M. Z X, Mme B Y alias Mme B F G solidairement à payer à la SA Erilia une indemnité mensuelle d’occupation égale au dernier loyer échu charges en sus, (indexation annuelle incluse) jusqu’à la restitution effective des lieux

Y AJOUTANT

• rejette la demande de délai formée M. Z X et Mme B F G

• condamne M. Z X et Mme B Y à payer à la SA Erilia la somme de 200€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel non compris dans les dépens

• condamne M. Z X, Mme B Y aux entiers dépens de première instance et d’appel distraits au profit de Me Olivier Giraud

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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