Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 12 juin 2020, n° 18/01466

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-1, 12 juin 2020, n° 18/01466
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/01466
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Marseille, 18 septembre 2017, N° F14/01525
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 12 JUIN 2020

N° 2020/105

Rôle N° RG 18/01466 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BB23R

LA REPUBLIQUE DE TURQUIE

C/

A X

Copie exécutoire délivrée le :

12 JUIN 2020

à :

Me D Y de la SCP Y PAUL Y D, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

Me Martine F, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MARSEILLE en date du 19 Septembre 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F 14/01525.

APPELANTE

LA REPUBLIQUE DE TURQUIE représentée par son Excellence le Consul de TURQUIE domicilié en cette qualité au […] à MARSEILLE, demeurant […], […]

Représentée par Me D Y de la SCP Y PAUL Y D, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE et Me Yann ARNOUX-POLLAK, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Monsieur A X

né le […] à […], demeurant […]

Représenté par Me Martine F, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE, Me Sandrine LAUGIER, avocat au barreau de MARSEILLE et Me Aksel Z avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

En application des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, les parties ont été informées que la procédure se déroulerait sans audience et ne s’y sont pas opposées dans le délai de 15 jours.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2020.

COMPOSITION DE LA COUR

Madame I J, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

qui en ont délibéré.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Juin 2020,

Signé par Madame I J, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur A X a été embauché en qualité de secrétaire le 1er janvier 1988 par le consulat général de Turquie, dans le cadre de 27 contrats annuels de travail à durée déterminée dits « contrats de service ».

Par courrier du 12 août 2014, le consulat général de Turquie à notifié à Monsieur A X le non renouvellement de son contrat de service, mettant fin à la relation de travail à l’échéance du contrat le 31 décembre 2014.

Par requête du 23 mai 2014, Monsieur A X avait saisi le conseil de prud’hommes de Marseille de demandes formées à l’encontre du consulat général de Turquie en requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et en paiement de rappel de salaires à partir du 22 mai 2009, d’une indemnité de précarité, de dommages-intérêts pour le préjudice lié à la perte d’une chance de percevoir une retraite calculée sur son véritable salaire pour la période du 1er novembre 2002 au 22 mai 2009, d’une prime de 13e mois et d’indemnités de rupture.

La République de Turquie a été attraite à la procédure le 8 juillet 2015.

Par jugement de départage du 19 septembre 2017, le conseil de prud’hommes de Marseille a :

— dit que les demandes de paiement de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2009 au 22 mai 2014 sont prescrites,

— rejeté toute autre exception aux fins de non recevoir,

— mis hors de cause le consulat de Turquie,

— requalifié les contrats à durée déterminée liant A X à la République de Turquie en un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 1988,

— fixé la moyenne mensuelle de salaire à 3186 euros net,

— dit que la rupture de la relation de travail s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— dit que l’État turc a prélevé indûment les cotisations sociales sur le salaire net,

— condamné de ce chef l’État turc à payer à A X les sommes suivantes :

-3500 euros au titre de l’indemnité de requalification,

-3186 euros net au titre de la prime de 13e mois pour 2014,

-23 207,40 euros net au titre du rappel de prime de précarité,

-26 544 euros au titre du rappel de salaire,

-2654,40 euros net d’incidence congés payés,

-30 345,33 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

-6372 euros net au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

-637,20 euros net d’incidence congés payés,

-60 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamné l’État turc à rembourser à l’organisme Pôle emploi les indemnités de chômage perçues par A X à hauteur de six mois,

— condamné l’État turc :

— à remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés conformément à la présente procédure,

— à régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux,

— précisé que les condamnations concernant des créances de nature salariale porteraient intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, que les condamnations concernant des créances de nature indemnitaire porteraient intérêts au taux légal à compter de la présente décision et que toutes les condamnations bénéficieraient de la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1154 du Code civil,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du jugement qui ne sont pas de plein droit exécutoires par provision,

— condamné l’État turc à payer à A X la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit n’y avoir lieu à statuer sur les frais du huissier,

— rejeté toute autre demande,

— condamné l’État turc aux dépens.

Ayant relevé appel, la République de Turquie sollicite de la Cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives V notifiées par voie électronique le 29 janvier 2020, de bien vouloir :

[…]

vu la Convention Européenne des droits de l’Homme, et notamment son article 6§1,

vu la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963, et notamment son article 43,

vu la Convention de Rome 80/934/CEE, notamment ses articles 3 et 6,

vu la Convention sur l’immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens prise par les Nations Unies et ratifiée par la France, notamment son article 11,

vu notamment les articles 117 et suivants, 122, 684 et suivants et 693 du code de procédure civile,

vu notamment les articles R.1412 du code du travail et 21 du Règlement n° 44/2001,

vu la jurisprudence,

— accueillir la République de Turquie en son appel du jugement rendu le 19 septembre 2017 par le conseil de prud’hommes de Marseille,

— réformer la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté les exceptions et fins de non-recevoir soulevées par la République de Turquie et, statuant de nouveau :

o dire et juger que s’applique le principe de l’immunité de juridiction et ainsi que le conseil de prud’hommes de Marseille, via le jugement querellé, ne pouvait se déclarer compétent et devait notamment inviter Monsieur A X à mieux se pourvoir par devant les juridictions turques et plus particulièrement, celles d’Ankara. Par voie de conséquence, la Cour retiendra le principe d’immunité de juridiction, invitera Monsieur A X à mieux se pourvoir notamment par-devant les juridictions turques et plus particulièrement, celles d’Ankara, dira et jugera ainsi irrecevables les demandes de Monsieur A X dirigées à l’encontre de la République de Turquie, qui portent atteinte au surplus aux décisions rendues de manière définitive par les juridictions turques emportant ainsi autorité de la chose jugée, et le déboutera de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de ladite République ;

o dire et juger nul l’exploit introductif d’instance délivré à l’encontre de la République de Turquie et, par voie de conséquence, dire et juger irrecevables les demandes de Monsieur A X dirigées à l’encontre de ladite République ;

o dire et juger irrecevable l’action intentée à l’encontre de la République de Turquie et la mettre hors de cause, faute de qualité pour défendre à l’action en ce qu’elle n’a pas la qualité d’employeur et, par voie de conséquence, dire et juger irrecevables les demandes de Monsieur A X dirigées à l’encontre de la République de Turquie et le débouter de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de ladite République ;

— Et, ce faisant, débouter Monsieur A X de ses demandes tendant à s’entendre :

o dire et juger la République de Turquie a qualité à défendre, Monsieur X ayant conclu un contrat de travail avec une émanation de cet État,

o dire et juger que la mise en cause de la République de Turquie s’est faite dans le respect des dispositions de l’article 684 du code de procédure civile et que, subsidiairement, la République de Turquie ne justifiant d’aucun grief, le non respect de ces dispositions n’aurait constitué qu’une irrégularité de forme ne pouvant entraîner la nullité de la signification,

o dire et juger que les actes litigieux à l’origine du litige sont des actes de gestion et en tout état de cause que Monsieur X n’exerçait pas de responsabilité particulière dans l’exercice du service public consulaire,

o dire et juger que le bénéfice de l’immunité juridictionnelle doit être écarté au regard de la nature du litige et des fonctions exercées par Monsieur X,

o En conséquence : confirmer le jugement en ce qu’il a écarté les fins de non-recevoir présentées par la République de Turquie,

SUR LE FOND

vu la Convention de Rome 80/934/CEE, et notamment ses articles 6 et 3,

vu les dispositions de l’article L.3245-1 du code du travail,

vu notamment les dispositions des articles L.1243-10, L.1243-11, L.1244-1 du code du travail,

Sur l’appel principal de la République de Turquie

— accueillir la République de Turquie en son appel du jugement rendu le 19 septembre 2017 par le conseil de prud’hommes de Marseille,

— débouter Monsieur A X de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions et notamment de ses prétentions suivantes :

o à titre principal, dire et juger que les parties au contrat de travail ont opéré un choix de loi en faveur du droit français en tant que législation locale,

o à titre subsidiaire, dire et juger que les dispositions impératives du droit français ont vocation à s’appliquer aux demandes de Monsieur X au regard de leur caractère plus protecteur,

o En conséquence : confirmer le jugement en ce qu’il a fait application des dispositions de droit français,

o dire et juger que la République de Turquie a indûment imposé à son salarié de rétrocéder une partie de son salaire net,

o dire et juger que la prescription a été interrompue à la date de saisine du conseil de prud’hommes soit le 22 mai 2014,

o dire et juger qu’il existait un usage fixe, général et constant relatif au versement d’un treizième mois,

o En conséquence : confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la République de Turquie au rappel des salaires indûment rétrocédés sur une période de 5 ans précédant la saisine du conseil de

prud’hommes,

o condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X 31 074,42 euros nets à titre de rappel de salaire et 3107,44 euros nets au titre des congés payés afférents,

o dire et juger que la République de Turquie a fait signer annuellement à Monsieur X des contrats de travail à durée déterminée,

o En conséquence : confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la République de Turquie au versement d’une indemnité de fin de contrat pour les contrats successifs conclus de 2009 à 2014,

o condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X 30 138 euros au titre du rappel d’indemnité de fin de contrat,

o dire et juger que la République de Turquie a fait un usage illicite des contrats à durée déterminée pour pourvoir le poste de Monsieur X pendant 27 ans,

o En conséquence : confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter de l’embauche du salarié, soit le 1er janvier 1988, et accordé une indemnité de requalification,

o condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X B euros au titre du rappel de l’indemnité de requalification,

o dire et juger qu’au regard de la requalification de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée, les règles propres au licenciement s’appliquent,

o dire et juger que le licenciement est intervenu dans des circonstances vexatoires, en représailles de l’action intentée par Monsieur X,

o En conséquence : confirmer le jugement en ce qu’il a retenu que la rupture des relations contractuelles à l’initiative de la République de Turquie par courrier du 12 août 2014 constitue donc un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

o confirmer le jugement en ce qu’il a octroyé une indemnité légale de licenciement à Monsieur X,

o condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X 34 362 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

o confirmer le jugement en ce qu’il a octroyé une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à Monsieur X,

o condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X 115 000 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

o confirmer le jugement en ce qu’il a octroyé une indemnité compensatrice de préavis,

o condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X C euros outre 827,60 euros au titre des congés payés afférents,

o À titre subsidiaire, si par extraordinaire il était retenu que les parties ont fait le choix de l’application du droit turc,

o dire et juger que le droit turc n’offre des dispositions plus favorables qu’en matière d’indemnité de préavis et, faisant application du droit turc pour cette seule question,

o condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X 19 116 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

o condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X 10 000 euros au titre du préjudice moral résultant des circonstances brutales et vexatoires du licenciement,

o dire et juger que la République de Turquie a présenté de fausses déclarations aux organismes sociaux français et procédé à un versement minoré de cotisations sociales pour le compte de Monsieur X,

o dire et juger que l’action en dommages et intérêts relative au manquement de l’employeur à son obligation de régler l’intégralité des cotisations n’est nullement prescrite,

o condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour minoration fautive des droits à la retraite,

o dire et juger que, au regard de l’exercice des fonctions de Monsieur X sur le territoire français et de son statut de ressortissant français, l’obligation de l’affilier au régime français de la sécurité sociale pesait sur la République de Turquie à compter de l’embauche de Monsieur X soit le 1er janvier 1988,

o dire et juger que la République de Turquie a violé son obligation d’ordre public d’affiliation au régime de sécurité sociale français à compter de l’embauche de Monsieur X,

o dire et juger que l’action en dommages et intérêts relative au non versement de cotisations en raison de la non-affiliation initiale au régime de sécurité sociale français de 1988 à 2002 n’est nullement prescrite,

o En conséquence : condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X :

. 120 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le gain manqué lié à la perception d’une retraite

minorée en raison de la non-affiliation au régime de sécurité sociale de 1988 à novembre 2002,

. 95 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le gain manqué lié à la perception limitée à 30

mois de l’aide au retour à l’emploi en raison de la non-affiliation au régime de sécurité sociale de 1988 à novembre 2002,

. 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi au regard des difficultés

rencontrées en matière de prise de retraite,

o dire et juger que les sommes précitées produiront intérêts de droit à compter de la demande en justice à titre d’indemnisation complémentaire, avec capitalisation, en application des dispositions des articles 1231-7 du Code civil (ancien) et 1343-2 du Code civil (ancien),

o condamner la République de Turquie à payer à Monsieur X la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

o condamner la République de Turquie aux entiers dépens,

o assortir la condamnation prononcée d’une astreinte de 1000 euros par jour,

o dire que dans l’hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier en application de l’article 10 du Décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080 (tarif des huissiers) devra être supporté par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

— accueillir la République de Turquie en sa demande visant à réformer la décision entreprise en ce qu’elle a :

o dit que les demandes de rappel de salaire ne sont pas couvertes par la prescription,

o requalifié les contrats à durée déterminée liant A X à la République de Turquie en un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 1988,

o dit que la rupture de la relation de travail s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

o dit que l’État turc a prélevé indûment les cotisations sociales sur le salaire net,

o condamné de ce chef l’État turc à payer à A X les sommes suivantes :

-3500 euros au titre de l’indemnité de requalification,

-3186 euros nets au titre de la prime de 13e mois pour 2014,

-23 207,40 euros nets au titre du rappel de prime de précarité,

-26 544 euros au titre du rappel de salaire,

-2654,40 euros nets d’incidence congés payés,

-30 345,33 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

-6372 euros nets au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

-637,20 euros nets d’incidence congés payés,

-60 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

o condamné l’État turc à rembourser à l’organisme Pôle emploi les indemnités de chômage perçues par A X à hauteur de six mois,

o condamné l’État turc :

à remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés conformément à la présente procédure, et à régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux,

o précisé que les condamnations concernant des créances de nature salariale porteraient intérêt au taux légal à compter de la demande en justice, que les condamnations concernant des créances de nature indemnitaire porteraient intérêt au légal à compter de la présente décision et que toutes les condamnations bénéficieraient de la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l’article 1154 du Code civil,

o condamné l’État turc à payer, outre les entiers dépens, à A X la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

o rejeté toute autre demande de l’État turc,

Et statuant de nouveau :

— dire et juger qu’aucune somme ne saurait être due à Monsieur A X, quel qu’en soit le fondement, dans la mesure notamment où le droit français ne s’applique pas à la relation contractuelle ayant existé entre Monsieur X et la République de Turquie,

À défaut

— débouter Monsieur A X de sa demande de rappel de salaire, congés payés en sus, celle-ci étant infondée en droit comme en fait ; subsidiairement, compte tenu de la prescription des demandes de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2009 au 22 mai 2014, dire et juger que ne saurait être due, de ce chef, que la somme de 3808 euros, augmentée de la somme de 380,80 euros au titre des congés payés y afférents,

— dire et juger que les contrats signés par Monsieur A X ne sauraient s’analyser en contrats de travail à durée déterminée susceptibles de requalification en contrat de travail à durée indéterminée et, ce faisant, dire et juger : d’une part, que la relation contractuelle a cessé de manière régulière, sans abus ou sommes restant dues ; d’autre part, qu’aucune somme ne saurait être versée à A X notamment aux titres de : l’indemnité de requalification, la prime de précarité (fin de contrat), l’indemnité légale de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis, congés payés y afférents ou encore de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

À titre subsidiaire,

Sur l’indemnité de précarité (fin de contrat), si la Cour devait estimer due une indemnité de précarité (fin de contrat), il lui appartiendrait alors de dire et juger que celle-ci a déjà été versée à raison de la somme de 8610,68 euros perçue par Monsieur A X et donc de le débouter de sa demande de ce chef ou, à défaut, que cette indemnité ne saurait être supérieure à la somme de 14 596,72 euros pour une indemnité de précarité (fin de contrat) à hauteur de 23 207,40 euros telle qu’obtenue en première instance ou à la somme de 21 527,32 euros pour une indemnité de précarité (fin de contrat) à hauteur de 30 138 euros, telle que sollicitée en cause d’appel,

Sur la rupture contractuelle, si la Cour devait estimer la rupture contractuelle comme constitutive d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il lui appartiendrait alors de minorer le montant des dommages-intérêts à octroyer à A X pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à une somme purement symbolique ; infiniment subsidiairement, il lui appartiendrait de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a accordé la somme de 60 000 euros de ce chef,

Sur la rupture contractuelle, si la Cour devait estimer la rupture contractuelle comme constitutive d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il lui appartiendrait de rejeter les demandes adverses au titre de l’indemnité de préavis, congés payés afférents, et de l’indemnité de licenciement, quel que soit le droit applicable et plus encore en cas d’application du droit turc faute de précisions réelles de ce chef, leurs calculs reposant sur un salaire brut mensuel erroné au motif qu’il prend notamment en compte une prime de 13e mois non existante,

Sur la rupture contractuelle, si la Cour devait estimer la rupture contractuelle comme constitutive d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il lui appartiendrait de rejeter la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral à hauteur de 10 000 euros résultant des « circonstances brutales et vexatoires du licenciement » et ce, notamment faute de préjudice démontré,

— dire et juger qu’aucune somme ne saurait être due au titre d’une prétendue prime de 13e mois,

— débouter Monsieur A X de ses demandes, infondées en droit comme en fait, tendant à s’entendre verser la somme de :

-120 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le gain manqué lié à la perception d’une retraite minorée en raison de la non-affiliation au régime de sécurité sociale de 1988 à novembre 2002,

-95 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le gain manqué lié à la perception limitée à 30 mois de l’aide au retour à l’emploi en raison de la non-affiliation au régime de sécurité sociale de 1988 à novembre 2002,

-10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi au regard des difficultés rencontrées en matière de prise de retraite,

Si la cour d’appel devait accueillir favorablement certaines demandes formulées par Monsieur A X, il conviendrait d’en limiter le montant pour chacune d’entre elles à la somme de 1 euro symbolique ou, à défaut, d’en minorer le montant pour chacune d’entre elles à une somme très en-deçà de celle sollicitée,

En toutes hypothèses

— confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté A X de sa demande de dommages-intérêts au titre de la perte de chance relative à la retraite, à défaut en limiter le montant à la somme de 1 euro symbolique ou, à défaut encore, en minorer le montant très en-deçà de toute somme sollicitée de ce chef,

La position adoptée par la République de Turquie étant fondée, il conviendra de réformer la décision entreprise, non argumentée et infondée de ces chefs, concernant les éléments suivants : la remise de documents sociaux rectifiés, la régularisation auprès des organismes sociaux, l’instauration d’intérêts sur les sommes allouées, capitalisation en sus, la condamnation au paiement des dépens et de frais irrépétibles au visa des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ou encore le remboursement de certaines sommes au Pôle emploi. En revanche, il conviendra de confirmer l’absence de prononcé d’astreinte et d’exécution provisoire.

La République de Turquie ayant été contrainte d’engager des frais pour la défense de ses intérêts, il conviendra de condamner Monsieur A X, outre aux entiers dépens de première instance et d’appel, ceux-ci distraits au profit de Maître Y sur son affirmation de droit, à verser la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur A X conclut, aux termes de ses conclusions n° 4 notifiées par voie électronique le 6 août 2019, qu’il plaise à la cour de :

I- Sur les fins de non-recevoir soulevées par la République de Turquie

vu les articles 117, 122 et 684 du code de procédure civile,

vu l’article 43 de la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires,

vu l’article 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme relatif au droit d’accès à un tribunal,

vu la jurisprudence établie et constante de la Cour de cassation et des juridictions du fond écartant

l’immunité juridictionnelle s’agissant de secrétaires administratifs employés par des représentations diplomatiques,

vu l’article R.1412-4 du code du travail et l’article 21 du Règlement n° 44/2001,

— dire et juger la République de Turquie a qualité à défendre, Monsieur X ayant conclu un contrat de travail avec une émanation de cet État,

— dire et juger que la mise en cause de la République de Turquie s’est faite dans le respect des dispositions de l’article 684 du code de procédure civile et que, subsidiairement, la République de Turquie ne justifiant d’aucun grief, le non respect de ces dispositions n’aurait constitué qu’une irrégularité de forme ne pouvant entraîner la nullité de la signification,

— dire et juger que les actes litigieux à l’origine du litige sont des actes de gestion et en tout état de cause que Monsieur X n’exerçait pas de responsabilité particulière dans l’exercice du service public consulaire,

— dire et juger que le bénéfice de l’immunité juridictionnelle doit être écarté au regard de la nature du litige et des fonctions exercées par Monsieur X,

En conséquence :

— confirmer le jugement en ce qu’il a écarté les fins de non-recevoir présentées par la République de Turquie,

II- Sur le droit applicable au contrat de travail

vu les articles 3 et 6 de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles :

— dire et juger que les parties au contrat de travail ont opéré un choix de loi en faveur du droit français en tant que législation locale,

— à titre subsidiaire, dire et juger que les dispositions impératives du droit français ont vocation à s’appliquer aux demandes de Monsieur X au regard de leur caractère plus protecteur,

En conséquence :

— confirmer le jugement en ce qu’il a fait application des dispositions de droit français,

III- Sur les demandes relatives à l’exécution et la rupture du contrat de travail :

Sur le rappel de salaire pour les sommes indûment rétrocédées à l’employeur

vu les dispositions du contrat de travail fixant un salaire net contractuel,

vu l’article 6 de la Convention OIT n° 95 du 1er juillet 1949,

vu l’article 21 V de la loi du 14 juin 2013,

— dire et juger que la République de Turquie a indûment imposé à son salarié de rétrocéder une partie de son salaire net,

— dire et juger que l’action en rappel des salaires est couverte par une prescription quinquennale,

— dire et juger que la prescription a été interrompue à la date de saisine du conseil de prud’hommes soit le 22 mai 2014,

— dire et juger qu’il existait un usage fixe, général et constant relatif au versement d’un treizième mois,

En conséquence :

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la République de Turquie au rappel des salaires indûment rétrocédés sur une période de 5 ans précédant la saisine du conseil de prud’hommes,

— réformer le jugement s’agissant des montants octroyés en première instance sur la base des précisions fournies en appel et condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X 31 074,42 euros nets à titre de rappel de salaire outre 3107,44 euros nets au titre des congés payés afférents,

Sur le rappel de l’indemnité de fin de contrat

vu les articles L.1221-2 et L.1243-8 du code du travail :

— dire et juger que la République de Turquie a fait signer annuellement à Monsieur X des contrats de travail à durée déterminée,

— dire et juger que la République de Turquie n’a jamais procédé au versement des indemnités de fin de contrat à l’issue de chacun des contrats à durée déterminée,

En conséquence :

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la République de Turquie au versement d’une indemnité de fin de contrat pour les contrats successifs conclus de 2009 à 2014,

— réformer le jugement s’agissant des montants octroyés en première instance en prenant en compte le montant brut des rémunérations perçues et le versement d’une prime annuelle de treizième mois et condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X 30 138 euros au titre du rappel d’indemnité de fin de contrat,

Sur la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée

vu les articles L.1221-2, L.1242-1, L.1242-2, L.1245-1 et L.1245-2 du code du travail,

— dire et juger que la République de Turquie a fait un usage illicite des contrats à durée déterminée pour pourvoir le poste de Monsieur X pendant 27 ans,

En conséquence :

— confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter de l’embauche du salarié, soit le 1er janvier 1988, et accordé une indemnité de requalification,

— réformer le jugement s’agissant des montants octroyés en première instance en prenant en compte le salaire brut de Monsieur X en lieu et place du salaire net et condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X B euros au titre du rappel de l’indemnité de requalification,

Sur la rupture abusive des relations contractuelles

vu les articles L.1232 et suivants, L.1235-3 et L.1234-1 du code du travail,

vu les articles L.1234-9, R.1234-2 et L.1235-3 du code du travail (avant entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017),

vu l’article 10 de la Convention OIT n° 158 sur le licenciement,

vu le principe de réparation intégrale du préjudice,

— dire et juger qu’au regard de la requalification de la relation contractuelle en un contrat à durée indéterminée, les règles propres au licenciement s’appliquent,

— dire et juger que le licenciement est intervenu dans des circonstances vexatoires, en représailles de l’action intentée par Monsieur X,

En conséquence :

— confirmer le jugement en ce qu’il a retenu que la rupture des relations contractuelles à l’initiative de la République de Turquie par courrier du 12 août 2014 constitue donc un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Sur l’indemnité légale de licenciement

— confirmer le jugement ce qu’il a octroyé une indemnité légale de licenciement à Monsieur X,

— réformer le jugement s’agissant des montants octroyés en première instance en prenant en compte le salaire brut de Monsieur X en lieu et place du salaire net et la prime annuelle de treizième mois, à ce titre, condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X 34 362 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

Sur l’indemnité légale pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

— confirmer le jugement en ce qu’il a octroyé une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à Monsieur X,

— réformer le jugement s’agissant des montants octroyés en première instance en prenant en compte le salaire brut de Monsieur X en lieu et place du salaire net, à ce titre, condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X 115 000 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

— confirmer le jugement en ce qu’il a octroyé une indemnité compensatrice de préavis,

— réformer le jugement s’agissant des montants octroyés en première instance en prenant en compte le salaire brut de Monsieur X en lieu et place du salaire net, à ce titre, condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X C euros outre 827,60 euros au titre des congés payés afférents,

À titre subsidiaire, si par extraordinaire il était retenu que les parties ont fait le choix de l’application du droit turc :

— dire et juger que le droit turc n’offre des dispositions plus favorables qu’en matière d’indemnité de

préavis et, faisant application du droit turc pour cette seule question, condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X 19 116 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

Sur le préjudice moral au regard des circonstances brutales et vexatoires du licenciement

— condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X 10 000 euros au titre du préjudice moral résultant des circonstances brutales et vexatoires du licenciement,

IV- Sur les demandes relatives aux fausses déclarations et au reversement minoré de cotisations par la République de Turquie de novembre 2002 à 2014

vu l’article 6 du contrat de travail précisant le respect de la législation locale en matière de cotisations sociales,

vu les articles L.242-1 et R.351-28 du code de la sécurité sociale,

vu l’article 1147 ancien du code civil,

— dire et juger que la République de Turquie a présenté de fausses déclarations aux organismes sociaux français et procédé à un reversement minoré de cotisations sociales pour le compte de Monsieur X,

— dire et juger que l’action en dommages et intérêts relative au manquement de l’employeur à son obligation de régler l’intégralité des cotisations n’est nullement prescrite,

En conséquence :

— infirmer le jugement en ce qu’il a écarté les demandes de Monsieur X faute de justifier de son préjudice de manière exhaustive,

— condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour minoration fautive des droits à la retraite,

V- Sur les demandes relatives aux fausses déclarations et au reversement minoré de cotisations par la République de Turquie de novembre 2002 à 2014

vu les articles 33 et 37 de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques,

vu l’article 6.3 de la Convention générale du 20 janvier 1972 sur la sécurité sociale entre la République Française et la République de Turquie,

vu l’article L.111-2-2 du code de la sécurité sociale,

vu les articles L.351-1, L.351-11 et R.351-29 du code de la sécurité sociale,

vu la circulaire n° 2017-20 du 24 juillet 2017,

vu l’article 1147 du code civil,

vu le principe de la réparation intégrale du préjudice,

vu le principe nemo auditur propriam suam turpitudinem allegans,

— dire et juger que, au regard de l’exercice des fonctions de Monsieur X sur le territoire français et de son statut de ressortissant français, l’obligation de l’affilier au régime français de la sécurité sociale pesait sur la République de Turquie à compter de l’embauche de Monsieur X soit le 1er janvier 1988,

— dire et juger que la République de Turquie a violé son obligation d’ordre public d’affiliation au régime de sécurité sociale français à compter de l’embauche de Monsieur X,

— dire et juger que l’action en dommages et intérêts relative au non versement de cotisations en raison de la non-affiliation initiale au régime de sécurité sociale français de 1988 à 2012 n’est nullement prescrite,

En conséquence :

— condamner la République de Turquie à verser à Monsieur X :

120 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le gain manqué lié à la perception d’une retraite minorée en raison de la non-affiliation au régime de sécurité sociale de 1988 à novembre 2002,

95 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le gain manqué lié à la perception limitée à 30 mois de l’aide au retour à l’emploi en raison de la non-affiliation au régime de sécurité sociale de 1988 à novembre 2002,

100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi au regard des difficultés rencontrées en matière de prise de retraite,

VI- En tout état de cause

— dire et juger que les sommes précitées produiront intérêts de droit à compter de la demande en justice à titre d’indemnisation complémentaire, avec capitalisation, en application des dispositions des articles 1231-7 du code civil (ancien) et 1343-2 du code civil (ancien),

— condamner la République de Turquie à payer à Monsieur X la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la République de Turquie aux entiers dépens,

— assortir la condamnation prononcée d’une astreinte de 1000 euros par jour,

— dire que dans l’hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier en application de l’article 10 du Décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080 (tarif des huissiers) devra être supporté par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcé le 11 mai 2020.

L’affaire a été fixée à l’audience du 11 mai 2020 à 9 heures, audience annulée suite à la propagation de l’épidémie de covid-19 et aux mesures prises pour limiter cette propagation.

Les parties ont été avisées que la décision serait rendue sans audience, en application de l’article 8 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 sur l’état d’urgence sanitaire.

Maître D Y représentant la République de Turquie et Maître Aksel Z, dominus

litis de Maître E F, représentant Monsieur A X, ont précisé par messages respectifs des 7 et 4 mai 2020, accepter la procédure sans audience.

SUR CE :

Sur la fin de non-recevoir tirée de l’immunité de juridiction :

La République de Turquie soulève, in limine litis, une fin de non-recevoir tirée du principe d’immunité de juridiction reconnu tant au niveau supranational qu’au niveau national.

La République de Turquie fait valoir qu’elle est fondée à opposer le principe d’immunité de juridiction :

— de première part, en l’état de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui a consacré le principe de l’immunité de juridiction de l’État étranger, considérant que « les règles de droit international généralement reconnues en matière d’immunité des Etats » étaient compatibles avec l’article 6§1 de la Convention européenne ;

— de deuxième part, en ce qu’il est prévu par les dispositions de l’article 43 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963, intitulé « Immunité de Juridiction », en ces termes :

« Les fonctionnaires consulaires et les employés consulaires ne sont pas justiciables des autorités judiciaires et administratives de l’État de résidence pour les actes accomplis dans l’exercice des fonctions consulaires » ; or, Monsieur X était bien un employé consulaire selon la définition donnée à l’article premier de la Convention de Vienne et il ne peut contester sérieusement l’application de l’immunité de juridiction ;

— de troisième part, alors que les contrats ayant lié Monsieur X au Ministère des Affaires Etrangères de la République de Turquie (et non à la République de Turquie elle-même) ont été intégralement exécutés en France, il convient, pour régler le conflit de lois qui en résulte de se référer aux termes de la Convention de Rome 80/934/CEE sur la « Loi applicable aux obligations contractuelles » du 19 juin 1980, qui prévoit en son article 3 que le contrat est régi par la loi choisie par les parties ; en l’espèce, force est de constater que tous les contrats signés entre Monsieur X et le Ministère des Affaires Etrangères de la République de Turquie, rédigés en langue turque, se réfèrent à la loi turque ; les parties sont donc clairement et expressément convenues de voir tout différend soumis aux seules juridictions turques ;

— de quatrième part, contrairement aux dires adverses, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) n’interdit pas les clauses attributives de juridiction ; le principe de droit international sur l’immunité juridictionnelle des États ne s’oppose pas à l’application du règlement n° 44/2001 lorsqu’il s’agit d’un litige né de la contestation par le travailleur de la résiliation de son contrat de travail conclu avec un État, à l’égard duquel la juridiction saisie constate que les fonctions exercées par ce travailleur ne relèvent pas de l’exercice de la puissance publique ;

— de cinquième part et surtout, l’Assemblée Générale des Nations Unies a, le 2 décembre 2004, mis en place une « Convention sur l’immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens », ratifiée par la France le 17 janvier 2007, ce texte s’appliquant au titre du droit international coutumier même si la République de Turquie n’a pas ratifié cette convention, dès lors qu’elle ne s’y est pas non plus opposée ;

— enfin, La République de Turquie fait valoir que le principe d’immunité de juridiction est aussi reconnu au niveau national, que selon la jurisprudence convergente de la Première chambre civile et de la Chambre sociale de la Cour de cassation, les actes relatifs aux conditions de travail des agents

exerçant des fonctions spécifiques, touchant au service public de la mission diplomatique ou consulaire de l’État concerné, justifient l’immunité de juridiction, que contrairement à ce qui est soutenu par Monsieur X, il n’était pas un « simple » secrétaire administratif, que ses nombreuses missions étaient primordiales, et non secondaires, puisqu’elles lui conféraient une responsabilité particulière impliquant une participation à une mission de service public, que les fonctions du salarié étaient liées à la souveraineté de l’État turc et que la Cour doit infirmer le jugement en ce que le premier juge s’est estimé compétent.

À titre surabondant, la République de Turquie soutient que Monsieur X ne peut s’opposer à l’application du principe d’immunité de juridiction alors qu’il a saisi de la même problématique que celle étudiée l’équivalent du conseil de prud’hommes en Turquie, lequel a précisé que ses demandes ressortaient de la seule juridiction administrative turque, que le tribunal administratif d’Ankara, saisi sur incompétence du tribunal du travail, par décision en date du 22 mars 2016, a fait droit partiellement aux demandes de Monsieur X similaires pour partie à celles présentées à la cour, situation justifiant ainsi de plus fort : d’une part, le principe d’immunité de juridiction ; d’autre part et aussi, l’application du principe de l’autorité de la chose jugée en rendant ainsi irrecevables les prétentions formulées par-devant les juridictions françaises.

Monsieur A X souligne que la République de Turquie feint d’ignorer qu’elle a elle-même reconnu la compétence des juridictions françaises dans le cadre d’une procédure initiée devant les juridictions turques du travail par Monsieur X, ayant renvoyé son salarié à mieux se pourvoir en ces termes : "La partie demanderesse étant de nationalité française et accomplissant sa mission en France, elle est assujettie de ce fait à la législation française concernant les assurances sociales, que la détermination du salaire contractuel par notre Ministère prend en considération la part ouvrière des cotisations de sécurité sociale versées, que le demandeur peut engager une action en justice auprès des juridictions françaises en faisant état de ses prétentions portant sur les cotisations de sécurité sociale" (conclusions présentées par la République de Turquie contre M. X devant les juridictions turques), que le concluant a donc saisi les juridictions françaises quelques jours après le prononcé du jugement des juridictions turques déclinant leur compétence, que la République de Turquie a ainsi parfaitement conscience de la compétence d’ordre public des juridictions françaises et ne saurait se contredire au détriment de Monsieur X en soulevant comme moyen l’incompétence des juridictions françaises après avoir soutenu le contraire devant le juge turc.

Il fait valoir que le droit international confirme l’exclusion du bénéfice de l’immunité juridictionnelle en matière de litige relatif à un contrat de travail, soutenant que :

— la Cour Européenne des Droits de l’Homme exclut le bénéfice de l’immunité de juridiction en matière de contrats de travail en ce qu’il constitue une violation du droit d’accès à un tribunal ; la CEDH précise qu’il ne suffit pas, pour accueillir l’exception tirée de l’immunité de juridiction, pour un employé d’un consulat d’exercer des tâches en lien avec le service public consulaire mais de « s’acquitter de fonctions particulières dans l’exercice de la puissance publique » ;

— le bénéfice de l’immunité de juridiction offerte par la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963 est strictement limité aux actes accomplis dans l’exercice des fonctions consulaires (article 43.1) ; comme précisé par la jurisprudence, l’article 43 de la Convention de Vienne ne vise qu’à protéger le personnel consulaire de l’action de tiers engagée contre lui pour les actes accomplis dans ses fonctions pour le compte de l’État étranger, mais ne lui interdit pas de former une action devant les juridictions de l’État de résidence à l’encontre de l’État qui l’emploie (Cour de cassation Soc, 13 octobre 2010, n°09-71.591) ;

— la Convention des Nations Unies sur l’immunité juridictionnelle des États et de leurs biens du 2 décembre 2004 exclut le bénéfice de l’immunité juridictionnelle en matière de contrats de travail (article 11) ; au surplus, elle n’est pas applicable car elle n’est pas entrée en vigueur à ce jour (à

défaut de ratification de 30 parties), ce malgré sa ratification par la France ; la République de Turquie n’est même pas signataire de cette convention et ne saurait en opposer les dispositions à son salarié ;

— les juridictions françaises disposent d’une compétence d’ordre public international pour connaître du litige relatif au contrat de travail exécuté en France au détriment de toute clause attributive de juridiction réputée non-écrite ; une clause attributive de compétence ne peut faire échec aux dispositions impératives de l’article R.1412-1 du code du travail applicables dans l’ordre international (article R.1412-4 du code du travail) ;

— le droit de l’Union Européenne confère aux juridictions de l’État membre où le travailleur accomplit habituellement son travail une compétence d’ordre public qui ne peut être exclue par une clause attributive de juridiction désignant une juridiction tierce.

Monsieur A X soutient enfin que le droit français confirme également l’exclusion du bénéfice de l’immunité juridictionnelle en matière de litige relatif à un contrat de travail, que c’est exclusivement au regard du droit français que la Cour doit apprécier la question de l’immunité de juridiction, que la Convention de Rome désigne la loi du pays dans lequel le salarié accomplit habituellement son travail pour déterminer la règle de conflit de lois relative à la question de l’immunité de juridiction, que le droit français exclut le bénéfice de l’immunité de juridiction lorsque l’acte litigieux ne participe pas de la souveraineté de l’État ou lorsque le salarié n’a pas de responsabilité particulière dans l’exercice du service public étranger, tel que rappelé par la Cour de Cassation.

En dernier lieu, Monsieur A X expose qu’il a, antérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes de Marseille, saisi les juridictions turques du travail de la seule question des sommes rétrocédées à son employeur à la demande de ce dernier pour couvrir le règlement de la part salariale des cotisations sociales à la suite de l’affiliation du salarié au régime de sécurité sociale français, qu’au cours de cette procédure, la République de Turquie a d’ailleurs reconnu la compétence des juridictions françaises devant lesquelles elle a renvoyé son salarié à mieux se pourvoir, que par un jugement en date du 8 mai 2014, les juridictions turques ont à juste titre décliné leur compétence, que quelques jours plus tard, Monsieur X a alors saisi les juridictions françaises, que si le juge turc a mentionné hors dispositif la possible compétence d’attribution interne des juridictions administratives turques, ce jugement n’a aucun effet dans l’ordre juridique français, la République de Turquie n’ayant procédé à l’exequatur d’aucune des décisions dont elle invoque les effets, que seul l’exequatur confère au jugement l’autorité de chose jugée, qu’en tout état de cause, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif, que force est de constater que le dispositif du jugement des juridictions turques du travail se contente d’évoquer l’irrecevabilité de la demande de Monsieur X pour incompétence, que la saisine des juridictions turques du travail ne saurait emporter une quelconque acceptation par Monsieur X de l’immunité juridictionnelle invoquée par la République de Turquie, que le concluant a saisi les juridictions administratives turques d’une demande en versement d’une prime d’ancienneté et non, comme prétendu par la République de Turquie, d’une demande en paiement "d’indemnités de licenciement" (traduction produite par la République de Turquie non conforme à l’original du jugement du tribunal administratif d’Ankara du 22 mars 2016, erreur reconnue par celle-ci), que le jugement turc porte donc sur des demandes qui n’ont ni le même objet ni la même cause que celles présentées devant la Cour de céans, que cette décision n’a donc pas autorité de la chose jugée s’agissant de la présente procédure, la République de Turquie n’ayant pas au surplus procédé à l’exequatur des décisions auxquelles elle se réfère, que cette saisine des juridictions administratives turques postérieure à la saisine des juridictions françaises, limitée et entièrement distincte de la présente procédure quant à son objet et à sa cause, ne saurait emporter acceptation du bénéfice de l’immunité juridictionnelle.

***************

En premier lieu, il convient de relever que les développements de la République de Turquie sur la loi applicable sont inopérants à déterminer la juridiction compétente.

La République de Turquie reconnaît dans ses écritures ne pas avoir été signataire de la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens du 02 décembre 2004, texte ratifié par la France le 28 juin 2011 et non ratifié par le nombre requis d’états signataires. À supposer que cette Convention puisse s’appliquer au titre du droit international coutumier à l’égard de la République de Turquie, bien que ne l’ayant pas ratifiée dès lors qu’elle ne s’y est pas non plus opposée, ainsi que reconnu par la Cour Européenne des droits de l’homme, l’article 11 de ladite Convention consacre toutefois la règle de l’absence d’immunité de juridiction des États concernant les contrats de travail, sauf exceptions limitativement énumérées, notamment lorsque l’employé a été engagé pour s’acquitter de fonctions particulières dans l’exercice de la puissance publique (article 11 §2a).

Par ailleurs, l’article 43.1 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires en date du 24 avril 1963 énonce que "les fonctionnaires consulaires et les employés consulaires ne sont pas justiciables des autorités judiciaires et administratives de l’État de résidence pour les actes accomplis dans l’exercice des fonctions consulaires".

Ce texte n’interdit pas aux fonctionnaires et employés consulaires de former une action devant les juridictions de l’État de résidence à l’encontre de l’État qui les emploie, ce dernier pouvant opposer à leurs demandes l’immunité de juridiction lorsque le contrat de travail concerne une personne exerçant des responsabilités particulières dans l’exercice du service public consulaire (article 43.2).

Il convient dès lors de vérifier si les fonctions confiées à Monsieur A X ont conféré à celui-ci une responsabilité particulière dans l’exercice de la puissance publique de la République de Turquie ou dans l’exercice du service public consulaire, étant rappelé que la clause contractuelle attributive de juridiction, conclue antérieurement à la naissance d’un différend, ne peut interdire au travailleur de saisir les tribunaux qui sont compétents au titre des articles 18 et 19 du Règlement n° 44/2001 du Conseil (notamment devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail) .

La République de Turquie, pour soutenir que l’immunité doit être retenue, affirme que les fonctions assignées à Monsieur X étaient les suivantes, selon l’une de ses fiches de poste traduite (pièce 3 – la fiche de poste en langue turque est non datée) :

« 1) Toutes les fonctions liées à la caisse et aux reçues

-Toutes les procédures liées aux entrées d’argents et les paiements

-Calcul des primes de sécurité sociale du personnel étranger et établissement des documents de paiement des primes,

-Préparation des bordereaux de paiement des salaires du personnel sous contrat, des professeurs et des responsables religieux et les documents de paiement bancaire liés

-Les documents de dépôt bancaire des entrées d’argent du consulat

-Tenu des cahiers de caisse du Consulat et veiller que les écritures soient effectuées dans les délais

2) S’occuper des affaires des associations, des détenus et des condamnés

3) Le suivi du sort de nos concitoyens, les personnes recherchées et les étrangers dont l’entrée en Turquie est dangereux

4) Dans l’absence du fonctionnaire chargé du notariat et des visas s’occuper du Notariat et visas

5) La semaine où il est d’astreinte répondre aux appels reçus par le central téléphonique du Consulat

6) Répondre aux autres demandes du Chef de Mission ».

La République de Turquie verse également d’autres fiches de poste traduites (pièces 9), étant observé que les fiches en langue turque sont non datées, même si dans les traductions produites, il est précisé qu’il s’agit de "Règlement" des 23 avril 2010, 2 novembre 2010 et 5 avril 2012.

Il ressort desdites fiches que sont ajoutées les fonctions suivantes :

— " 2) Mettre en sécurité l’argent et mandats, chèques envoyés par les citoyens pour les documents.

Le contrôle et le suivi des comptes postaux.

Établir des chèques dans le cas où il est nécessaire de rendre l’argent.

3) Dans l’absence du fonctionnaire de passeport faire la même fonction

4) Les entretiens avec les extradés…" (Règlement 23.04.2010) ;

— " 6) S’occuper des programmes des ordinateurs de notre consulat, actualisation du système informatique et des installations des logiciels.

Faire des archives des médias transférés au Ministère à la demande du chef de mission'" (Règlement 02.11.2010).

La République de Turquie soutient que l’accomplissement de toutes ces fonctions liées à la souveraineté de l’État turc est nécessairement en lien avec le service public de cet État, qu’il ne s’agit pas de fonctions anodines et/ou secondaires comme dans les exemples des arrêts cités par la partie adverse. Elle verse, à titre d’exemples des missions exercées par le salarié, les éléments suivants :

-4 pièces d’identité signées par Monsieur X,

— une demande d’attribution de passeport validée par ses soins,

— des courriers adressés par le Vice-Consul du […] de Marseille indiquant au Directeur du centre de détention de Marseille qu’il sera accompagné lors de ses visites des 21 mars 2013, 25 avril 2013 et 24 février 2014 "de M. A X, chargé du dossier des ressortissants incarcérés…",

— des documents de recettes du Consulat portant la signature de Monsieur X,

— des souches de chéquiers et relevés de comptes,

— une déclaration de mariage et un acte de mariage portant la signature de Monsieur X,

— une demande de livret de famille international portant la signature de Monsieur X,

— un certificat de décès portant la signature de Monsieur X,

— des documents de frais postaux du Consulat portant la signature de Monsieur X,

— des photographies aux fins de justifier la présence de Monsieur X lors de diverses manifestations ayant eu lieu, selon la concluante, dans un cadre protocolaire, comme la commémoration des martyrs turcs à Carcassonne, des rencontres sportives, des rencontres avec des associations et entrepreneurs,

— un courrier recommandé adressé le 7 août 2014 par le Vice-Consul à Monsieur X en ces termes : "Nous vous rappelons que vous êtes salarié du […] au sein duquel vous exercez des missions de service public.

En cette qualité, nous vous avons présenté, à titre d’information, la note annexée au présent courrier prévoyant pour des raisons de techniques budgétaires les modalités de remboursement des cotisations sociales.

A l’envers des autres salariés des autres Consulats, vous avez refusé de l’accepter.

Nous vous informons par le présent courrier recommandé",

— l’attestation entièrement dactylographiée du 30 mai 2018 de G H, Vice-Consule du Consulat général de Turquie à Marseille, qui atteste :

« Le programme « Consulat.Net » (Konsolosluk.Net) est un programme informatique protégé permettant de réaliser de nombreuses opérations dans différents domaines au sein des consulats.

Seules les personnes habilitées, à savoir les Consuls, Vices Consuls et le personnel contractuel habilité ont accès à ce programme. En effet, il faut passer par un serveur sécurisé suite à une identification et à un mot de passe afin d’avoir accès au lien permettant le téléchargement de ce programme. La personne habilitée suite à l’approbation du ministère est tenue de signer un document pour accepter la confidentialité de ce programme utilisé, compte tenu des données personnelles et étatiques s’y trouvant.

Une fois installé, « Consulat.Net » permet d’assurer un grand nombre de services dans différents domaines dont les principaux sont :

-le service d’État civil

-le service passeport

-le service notariat

-le service militaire

-le service judiciaire

-le service comptable.

Le programme permet un accès instantané aux informations personnelles d’un citoyen suite à la simple saisie de son numéro d’identité national Turc.

Le programme « Consulat.Net » est aujourd’hui un outil sécurisé indispensable dans les consulats. Pour y avoir accès en tant qu’administrateur, il faut être titulaire de l’exercice de la souveraineté de l’État turc. Ce qui est le cas des Consuls, Vice-Consuls mais aussi ce qui a été le cas pour Messieurs Z et X en tant que personnel contractuel. À défaut, il n’y aurait eu aucune habilitation ».

Le courrier recommandé adressé par le Vice-Consul à Monsieur X le 7 août 2014, soit postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes de Marseille et concomitamment à la rupture du contrat de travail en date du 12 août 2014 à l’initiative du Consul général de Turquie, qui affirme pour la première fois et de manière imprécise que le salarié exerce " des missions de service public", ne présente pas de valeur probante.

De même, l’attestation entièrement dactylographiée de Madame G H, rapportant que Monsieur A X était habilité à accéder au programme informatique du consulat et aux différents services gérés dans le cadre de ce programme pour exercer ses missions, est insuffisante à établir, au-delà de la simple affirmation du témoin, que le salarié était de ce fait "titulaire de l’exercice de la souveraineté de l’État turc…".

Alors que Monsieur A X a été embauché en qualité de secrétaire, tel que précisé dans ses contrats de travail, il ne résulte pas des éléments versés par la République de Turquie qu’il était chargé de tâches autres qu’administratives. Si sa signature figure au bas de certains documents en sa qualité de secrétaire, c’est toujours à côté des signatures du Consul Général et/ou du Vice-Consul (à l’exception de documents de réception ou de remise de pièces administratives), en sorte qu’il n’est pas établi que Monsieur X disposait d’un pouvoir décisionnel (notamment dans l’octroi ou le refus des demandes de visa et passeport) ou qu’il bénéficiait d’une prérogative de puissance publique.

Comme relevé par le premier juge, donner des informations, aider les citoyens turcs dans leurs démarches, établir les comptes des recettes et frais du consulat, récupérer les dossiers de demande de visas et passeports et remettre ces documents ne sont que des actes de gestion quotidienne. De même, la préparation des bordereaux de paiement des salaires du personnel, le suivi des détenus et condamnés (auxquels M. X rendait visite toujours en accompagnement du Vice-Consul), la mise à jour du système informatique (avec entrée des données d’état civil des citoyens turcs et de leurs données personnelles) et l’installation des logiciels, la participation à une commémoration, la participation à des rencontres sportives ou culturelles (dépourvues de tout enjeu de prérogative de puissance publique), ne constituent pas des missions participant, par leur nature ou leur finalité, à l’exercice de la puissance publique ou de la souveraineté de l’État turc.

Il n’est donc pas établi que les fonctions exercées par Monsieur A X lui conféraient une responsabilité particulière dans l’exercice du service public consulaire ou des prérogatives de puissance publique, de sorte qu’est exclue l’application du principe de l’immunité de juridiction.

Sur le moyen « surabondant » soulevé par la République de Turquie, celle-ci ne démontre pas et ne prétend pas avoir sollicité la reconnaissance de l’autorité de la chose jugée de la décision du 8 mai 2014 du tribunal du travail d’Ankara et de la décision du 22 mars 2016 du tribunal administratif d’Ankara par la voie de l’exequatur. En conséquence, la République de Turquie ne peut valablement invoquer, à l’appui de sa fin de non-recevoir, les effets de décisions turques dépourvues de l’autorité de la chose jugée.

De surcroît, il ressort des décisions traduites versées par la République de Turquie que le tribunal du travail d’Ankara a rejeté le 8 mai 2014 l’action de Monsieur X au motif d’irrecevabilité de la procédure judiciaire pour incompétence et n’a donc pas tranché dans son dispositif les demandes de Monsieur A X relatives à l’exécution et à la rupture de ses contrats de travail, et que le tribunal administratif d’Ankara a rejeté le 22 mars 2016 la demande de Monsieur X en paiement d’une indemnité de fin d’emploi prévue par les dispositions de la loi turque n° 657 sur les Fonctions Publiques au motif de la prescription s’agissant de la demande d’indemnité dans le cadre de son statut d’agent contractuel de nationalité turque pour la période du 1er janvier 1988 au 31 octobre 2002, demande qui n’est pas identique à l’une des demandes présentées par Monsieur X devant le conseil de prud’hommes de Marseille, alors que l’autorité de chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet d’un jugement et a été tranché dans son dispositif.

En conséquence, c’est à juste titre que le premier juge a écarté l’exception de la chose jugée et

l’exception d’immunité de juridiction soulevées par l’État turc.

Sur la nullité de l’acte introductif d’instance :

La République de Turquie soutient que Monsieur X ne justifie pas avoir respecté les dispositions de l’article 684 du code de procédure civile relatives aux règles procédurales inhérentes à une action intentée contre un État étranger et qu’il y a lieu de réformer la décision entreprise de ce chef, au visa des dispositions de l’article 117 du code de procédure civile, sans qu’il soit besoin de justifier de l’existence d’un préjudice particulier, et de juger nul l’exploit introductif d’instance délivré à l’encontre de la République de Turquie et, par voie de conséquence, juger irrecevables les demandes de Monsieur X.

Monsieur A X fait valoir que la convocation devant le bureau de jugement du Consulat général de Turquie, simple émanation de l’État, a bien fait l’objet d’une signification par voie diplomatique à la République de Turquie elle-même, que le concluant a mis en cause directement la République de Turquie dans le respect de l’article 684 du code de procédure civile, que s’agissant d’une notification par voie diplomatique, c’est précisément le greffe qui a remis l’acte au parquet, ce qu’a confirmé le conseil de prud’hommes dans son jugement, que la République de Turquie ne prétend pas ne pas avoir reçu copie de l’acte ou ne pas l’avoir reçu dans les conditions prévues par l’article 684 du code de procédure civile, que la République de Turquie est donc mal fondée à évoquer la nullité de l’acte introductif d’instance à son égard, qu’en tout état de cause et à titre infiniment subsidiaire, l’irrégularité de la signification par voie diplomatique ne figure pas dans la liste limitative de l’article 117 du code de procédure civile et ne constitue donc qu’une irrégularité de forme qui ne pourrait entraîner la nullité de la signification qu’à charge pour celui qui l’invoque de justifier le grief résultant de cette irrégularité, que la République de Turquie qui a pu être représentée et a présenté sa défense en première instance ne justifie d’aucun grief et que la Cour confirmera la décision du conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a retenu que la mise en cause de la République de Turquie était conforme aux prescriptions de l’article 684 du code de procédure civile.

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En premier lieu, la Cour relève que la convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes datée du 31 janvier 2014 et adressée au […] de Marseille, émanation de l’État turc, a été remise au parquet de Marseille et transmise par l’intermédiaire du Ministre de la Justice et ensuite par l’intermédiaire du Ministre des Affaires Étrangères à l’Ambassade de la République de Turquie à Paris le 4 juillet 2014.

Ensuite, comme relevé par le premier juge, la mise en cause de la République de Turquie dans l’affaire l’opposant à Monsieur A X, devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Marseille, a été remise au parquet de Marseille le 8 juillet 2015 et transmise par l’intermédiaire du Ministre de la justice et ensuite par l’intermédiaire du Ministre des Affaires Étrangères à l’Ambassade de la République de Turquie à Paris le 14 septembre 2015. De même, le procès verbal de partage des voix en date du 5 octobre 2016 a été notifié à l’État turc par la même voie procédurale.

Ces notifications sont conformes aux dispositions de l’article 684 du code de procédure civile.

La République de Turquie ne verse aucun élément de nature à établir qu’elle n’aurait pas été régulièrement mise en cause, contrairement à ce qu’il résulte des pièces de la procédure. Elle a d’ailleurs conclu devant le juge départiteur.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a constaté que la mise en cause de la République de Turquie était intervenue conformément à l’article 684 du code de procédure civile et en ce qu’il a écarté le moyen tiré de la nullité de l’acte introductif d’instance.

Sur la qualité d’employeur de la République de Turquie :

La République de Turquie fait valoir qu’elle n’est pas l’employeur de Monsieur X, qu’il s’agit du Ministère des Affaires étrangères de la République de Turquie, qu’il est spécifié dans le contrat de travail du 1er janvier 1998 ainsi que dans les bulletins de salaire que l’employeur est le Ministère des Affaires Étrangères de la République de Turquie et non la République de Turquie, que contrairement à ce qui a été relevé par le premier juge, on ne voit pas ce qui aurait pu, en droit ou en fait, empêcher Monsieur X d’assigner le Ministère des Affaires Étrangères, le salarié ne prouvant aucunement son affirmation selon laquelle le Ministère des Affaires Étrangères ne disposerait pas d’une personnalité distincte de celle de la République de Turquie, que s’il ne disposait pas d’une personnalité distincte et s’il était une simple émanation de la République de Turquie, il n’apparaîtrait pas sur tous les documents visés ci-dessus, que le Ministère des Affaires Étrangères n’a pas été appelé en la cause ni été défini ou démontré comme étant une entité non autonome de la République de Turquie, que la République de Turquie n’est pas l’employeur de Monsieur X, en conséquence, au visa des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, la Cour jugera irrecevable l’action intentée à l’encontre de la République de Turquie et la mettra hors de cause, faute de qualité pour défendre à l’action, et, par voie de conséquence, dira irrecevables les demandes de Monsieur X dirigées à l’encontre de la République de Turquie.

Monsieur A X soutient, en premier lieu, qu’il convient de constater que les contrats de travail sont signés par le "responsable du consulat général« et que les bulletins de salaire précisent sans ambiguïté que c’est le consulat général de Turquie, émanation de la République de Turquie, qui est l’employeur déclaré de Monsieur X notamment auprès des organismes de sécurité sociale, que les bulletins de paie ont d’ailleurs été signés par le consulat général de Turquie, que les attestations délivrées annuellement par le Consulat général de Turquie et signées par le Vice-Consul précisaient que Monsieur X était »employé en qualité de secrétaire auprès dudit Consulat Général", que le […] agissait donc bien comme émanation de la République de Turquie qu’il représentait en qualité d’employeur de Monsieur X, en second lieu, même à considérer que c’est le Ministère des Affaires Étrangères turc qui serait l’employeur et non le consulat, il le serait également en tant qu’émanation de la République de Turquie attraite en la cause en l’absence d’une "indépendance fonctionnelle suffisante pour bénéficier d’une autonomie de droit et de fait à l’égard de l’État" et d’un patrimoine ne se confondant pas avec celui de l’État dont l’existence n’est pas davantage démontrée par la République de Turquie, laquelle est incapable de démontrer que son Ministère des Affaires Étrangères disposerait d’une personnalité distincte de celle de l’État turc dont il est un organe (selon la jurisprudence de la Cour de cassation), que la République de Turquie ne peut donc prétendre ne pas avoir qualité à défendre à l’action s’agissant de la responsabilité de ses propres organes et émanations et que la Cour confirmera ainsi la décision du conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a retenu que la République de Turquie était bien l’employeur du requérant et qu’en tous les cas, elle seule pouvait être assignée en lieu et place de ses émanations.

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Le Ministère des Affaires Étrangères de la Turquie constitue une émanation de l’État turc et n’a pas de personnalité juridique distincte de celle de la République de Turquie, en sorte que les contrats de travail conclus avec Monsieur X par le […], à en-tête de "La République de Turquie Ministère des Affaires Étrangères« (contrats annuels entre le 1er janvier 1988 et le 1er janvier 1997), ou par le »Ministère des Affaires Étrangères de la République de Turquie représenté par Monsieur le Consul Général« (contrats annuels entre le 1er janvier 1998 et le 1er janvier 2014), ainsi que les bulletins de paie établis par le »[…]" de Marseille, l’ont bien été pour le compte de l’État turc.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu que la République de Turquie était bien l’employeur de Monsieur A X et en ce qu’il a rejeté la demande de l’intéressée de sa

mise hors de cause.

Sur l’application de la loi française :

La République de Turquie soutient qu’en application de l’article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, le contrat est régi par la loi choisie par les parties, que le Ministère des Affaires étrangères turc et Monsieur X sont expressément convenus de soumettre leurs rapports aux juridictions et législations turques, que les contrats des 1er janvier 1988, 1er janvier 1989, 1990 ou encore 1993 prévoient que "tous litiges émanant de la mise en 'uvre et de l’interprétation du présent contrat seront réglés par les Tribunaux d’Ankara« , que les contrats des 1er janvier 1994, 1995 ou encore 1997 et celui du 1er janvier 2014 prévoient : »Tous litiges résultant de l’application et/ou de l’interprétation du présent contrat seront réglés par les Tribunaux et les Bureaux d’exécution d’Ankara. En cas de litige dans les contrats signés, le texte turc prévaudra« , que de même, en consultant ces différents contrats, la Cour observera que les parties ont entendu se référer à la législation turque pour régenter leurs rapports, que les contrats évoquent : »le décret du Conseil des Ministres n° 7/15754 en date du 6.6.1978« , »le taux octroyé par le Ministère des affaires étrangères« , »les dispositions de la loi n° 6245« , des conditions de prise de congés diverses sans lien avec la législation française, ce qui est la preuve une fois de plus de la volonté expresse de soumettre les parties au droit turc et aucunement au droit français, qu’il appartiendra donc à la Cour de réformer la décision entreprise et de débouter Monsieur X de ses demandes fondées sur le »droit social français", que cela est d’autant plus certain que l’analyse du Premier juge selon laquelle la loi française serait applicable en ce qu’elle est impérative et/ou favorable est inexacte, que la loi turque est plus favorable que la loi française sur la notion de contrat de travail à durée déterminée retenue par le premier juge, que de même, le salarié fonde certaines de ses demandes sur le droit turc censément plus favorable concernant l’indemnité de préavis à hauteur de 19 116 euros, que Monsieur X ne démontre pas que la loi française est plus favorable que la loi turque et qu’il doit être débouté de ses prétentions indemnitaires, en application des dispositions de la Convention de Rome de 1980 et compte tenu du choix opéré par les parties.

Monsieur A X réplique que la présence d’une éventuelle clause attributive de juridiction n’emporte pas présomption de choix de la loi applicable, que les dispositions de droit turc visées dans les contrats ne concernent pas directement l’exécution ou la rupture du contrat de travail mais simplement des questions accessoires d’organisation interne comme le remboursement des frais de voyage ou les dispositifs anti-corruption, que la mention "le texte turc prévaudra« ne fait que référence à la prévalence en matière d’interprétation du contenu rédigé en langue turque sur tout contenu rédigé dans une autre langue et ne saurait aucunement être entendue comme visant l’application du droit turc, qu’il s’avère que le contrat de travail prévoit sans équivoque que celui-ci est soumis au droit français, désigné en tant que »législation locale« dans la mesure où il prévoit à de nombreuses reprises l’application de la législation du pays dans lequel le salarié travaille (articles 6, 9, 10c, 10d), que les bulletins de paie confirment également que c’est le droit français qui était appliqué au contrat de travail puisqu’ils mentionnent expressément les dispositions du code du travail en matière notamment de congés payés et de préavis en cas de licenciement ou de mise à la retraite, que dans un document préparé par le Consulat daté du 4 août 2014, celui-ci admet que »l’employeur est responsable du paiement des cotisations sociales conformément à la législation locale« , que le courrier par lequel la République de Turquie mettait fin à la relation contractuelle précisait que »conformément à la réglementation locale en vigueur, si vous avez droit, il vous sera payé votre indemnité de fin de contrat ainsi que l’ensemble de vos droits légaux", que le contrat est donc soumis au droit français choisi par les parties, à titre subsidiaire, que les dispositions impératives de la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, prévalent au titre de la Convention de Rome (article 6 §1), que sont impératives les dispositions relatives à la qualification du contrat, au licenciement, à la rupture des contrats à durée déterminée, à la durée de la période d’essai, aux heures supplémentaires, à la déclaration d’embauche, au paiement des cotisations sociales et au travail dissimulé selon la jurisprudence de la Cour de cassation et des juridictions de fond, que la détermination du caractère plus favorable d’une loi doit résulter d’une

appréciation globale des dispositions de cette loi, que s’agissant des demandes de Monsieur X, il apparaît bien que les dispositions impératives du droit français soient plus favorables que celles du droit turc pour la quasi-totalité des chefs de demandes du salarié, que la Cour confirmera donc à titre subsidiaire le jugement en ce qu’il a fait application des dispositions impératives du droit français les plus favorables, que le droit turc est plus favorable pour le seul calcul de l’indemnité compensatrice de préavis et que la Cour fera donc application du droit turc pour cette seule question.

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En application de l’article 3-1 du Règlement CE 593/2008 (Convention de Rome) en date du 17 juin 2008, régissant les conflits de lois entre les états en matière contractuelle, le contrat est régi par la loi choisie par les parties lorsqu’un contrat présente au moins un lien d’extranéité, le choix étant exprès ou résultant de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause.

Il ne résulte pas des contrats de travail de Monsieur A X un choix exprès de la loi applicable.

Toutefois, les contrats ont tous étés rédigés en langue turque et se réfèrent à la loi turque : décret du Conseil des Ministres du 06/06/1978, article 4/B de la loi n° 657 et décret n° 7/15754, articles 7 et 14, sur le salaire mensuel du personnel contractuel ; loi n° 6245 sur les indemnités, billets d’avion, frais de transport – articles 16a, 16-b, 12 ; loi n° 3628 sur la Déclaration des Biens, la Lutte contre la Malversation et la Corruption.

Il est précisé, dans les contrats de travail annuels à partir de 1994 que "Tous litiges résultant de l’application et/ou de l’interprétation du présent contrat, seront réglés par les Tribunaux et les Bureaux d’exécution d’Ankara. En cas de litige dans les contrats signés, le texte turc prévaudra".

Il ne peut être déduit de cette dernière mention ("le texte turc prévaudra« ), comme soutenu par Monsieur X, qu’elle ferait référence au texte du contrat alors que le contrat est entièrement rédigé en langue turque. Elle fait référence à la prédominance de l’application du droit turc »en cas de litige".

Enfin, les contrats de travail prévoient in fine, à partir de 1998 : "Ce contrat a été conclu conformément à l’article 4/B de la loi n° 657 et à l’article 14 révisé du décret n° 7/15754 en date du 6.6.1978. Pour les faits qui ne font pas partie de ce contrat, les procédures seront suivies dans le cadre des dispositions du décret".

Il convient de rappeler que c’est en vertu de la loi turque n° 657 sur les Fonctions Publiques que Monsieur A X a saisi le tribunal administratif d’Ankara d’une demande en paiement d’une indemnité de fin d’emploi en application de son statut d’agent contractuel de nationalité turque.

Il résulte ainsi des dispositions des contrats de travail que les parties ont entendu de façon certaine se soumettre à la loi turque, peu important que certaines dispositions fassent référence à l’application de "la législation locale« s’agissant du prélèvement des cotisations sociales (URSSAF, ASSEDIC,') et du versement d’une indemnité de fin de travail en cas d’obligation »de se conformer aux lois locales« (outre le versement d’une prime »en conformité avec les coutumes, les traditions et les dispositions légales du pays dans lequel l’employé contractuel travaille…« à l’initiative de l’employeur et »à sa discrétion" – article 9) ou que les bulletins de salaire mentionnent les dispositions du code du travail français en matière de congés payés et de préavis, s’agissant de dispositions impératives du droit français.

Il convient donc de réformer le jugement sur ce point et de dire que le contrat de travail liant Monsieur A X à la République de Turquie est régi par la loi turque choisie par les

parties.

Cependant, il résulte de l’article 8 alinéa 1 du Règlement de Rome que ce choix ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2, 3 et 4 du présent article, l’alinéa 2 disposant qu’à défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail.

En l’espèce, si les parties n’avaient pas choisi la loi turque, c’est la loi française qui s’appliquerait, le salarié ayant accompli habituellement son travail en France.

Il ne ressort pas des éléments versés aux débats que le droit turc contient des dispositions équivalentes aux dispositions impératives de la loi française auxquelles cette loi ne permet pas de déroger par convention, seule la disposition relative au préavis étant plus favorable dans le droit turc.

Il convient dès lors de faire application des dispositions impératives de la loi française, telles que celles relatives à la limitation du droit à recours à des contrats de travail à durée déterminée, au versement d’une indemnité de précarité qui vise à compenser la situation précaire du travailleur en contrat à durée déterminée, aux congés payés, à l’affilation au régime de sécurité sociale, au versement des cotisations sociales, à l’entretien préalable au licenciement, au délai de préavis ainsi qu’à la cause réelle et sérieuse de la rupture du contrat de travail.

Sur le rappel de salaire :

Monsieur A X expose que les contrats de travail ont fixé son salaire en net, qu’à compter de son affiliation au régime de sécurité sociale français le 1er novembre 2002, la République de Turquie lui a demandé de reverser trimestriellement le montant des cotisations sociales qu’elle avait réglées aux organismes sociaux, soit environ 20 % de son salaire net, qu’il est en droit de percevoir les sommes ainsi indûment versées durant la période de cinq ans – non couverte par la prescription à compter de l’introduction de l’instance – soit du 22 mai 2009 jusqu’à fin décembre 2013, l’employeur ayant mis fin à partir de janvier 2014 au système de rétrocession illicite (tout en poursuivant le système de fausses déclarations aux organismes de sécurité sociale) en lui reversant les sommes retenues par remise d’espèces (en 2014 et le 20 mars 2015 pour les cotisations des mois d’octobre à décembre 2014).

Il réclame le paiement à ce titre de 31 074,42 euros net de rappel de salaire, outre 3107,44 euros net de congés payés afférents, faisant valoir que le versement d’un treizième mois ne consiste pas, contrairement à ce qui est prétendu par l’employeur, en une compensation annuelle destinée à compenser les rétrocessions illicites.

La République de Turquie réplique que le mode de fonctionnement consistant à solliciter trimestriellement le remboursement par le salarié du montant des cotisations sociales a été mis en place en raison de contraintes de techniques budgétaires auxquelles s’est trouvé soumis le Ministère des Affaires étrangères turc, qu’était versée au salarié une fois par an une somme destinée à compenser les versements trimestriels réalisés par ses soins et ce, pour respecter les contraintes de techniques budgétaires, qu’à compter de l’année 2014, comme reconnu par le salarié lui-même qui ne formule plus aucune demande après cette date, les sommes reversées par ses soins lui étaient remboursées, non plus annuellement mais immédiatement, qu’il est fort regrettable que le Premier juge ait estimé, se fondant sur un courrier mal interprété et écrit par des personnes ne maîtrisant pas les termes juridiques, que le paiement précité n’était pas la compensation des prélèvements mais une « prime de 13e mois », qu’il n’a jamais été question d’une « prime de 13e mois » versée automatiquement et perpétuellement, que si une telle prime avait existé, elle aurait été inscrite dans le contrat de travail comme obligatoire ou aurait figuré sur les bulletins de paie, qu’il ressort des

souches de chéquiers et relevés de comptes bancaires que les périodes de versement étaient sans lien avec les fêtes de « Noël, Newroz et Ramadan » (selon article 9 du contrat prévoyant le versement facultatif d’une prime à ces périodes), qu’il y avait donc bien remboursement des sommes prélevées à raison de contraintes budgétaires, à titre subsidiaire, en l’état d’une prescription allant du 1er janvier 2009 au 22 mai 2014, qu’il ne peut être dû que la somme de 3808 euros à titre de rappel de salaire, congés payés en sus à hauteur de 380,80 euros, qu’au surplus, il importe de noter que la saisine à l’encontre de la République de Turquie, contrairement aux dires adverses, a été réalisée postérieurement au 1er janvier 2014 et, plus précisément, le 14 septembre 2015.

***************

Ainsi qu’il a été vu ci-dessus, il y a lieu de faire application des dispositions impératives de la loi française relatives à l’affilation au régime de sécurité sociale et au versement des cotisations sociales.

Il n’est pas discuté qu’à compter de l’affiliation du salarié au régime français de sécurité sociale le 1er novembre 2002, la République de Turquie a imposé à Monsieur X le reversement chaque trimestre d’une somme correspondant à la part salariale des cotisations sociales réglées par l’employeur aux organismes sociaux français.

Or, il ressort de la lecture des bulletins de salaire que les cotisations sociales étaient prélevées sur le salaire net prévu contractuellement, lequel était minoré d’autant.

En effet, le salaire net contractuel a été fixé à 2750 euros en 2009, à 2835 euros en 2010 et 2011, à 3060 euros en 2012 jusqu’au 31 juillet et à 3186 euros à compter du 1er août 2012 jusqu’en 2014.

Or, au vu des bulletins de paie, Monsieur X a perçu, après déduction des charges sociales salariales, un salaire net de 2311,93 euros en 2010 et 2011 (au lieu du salaire contractuel net de 2835
- ce dernier montant étant celui du salaire brut de base mentionné sur les bulletins), de 2495,88 euros du 1er janvier au 31 juillet 2012 (au lieu du salaire net contractuel de 3060 euros – montant mentionné au titre du salaire brut de base sur les bulletins), de 2600,58 euros du 1er août au 31 octobre 2012 (au lieu du salaire contractuel net de 3186 euros – montant mentionné au titre du salaire brut de base sur les bulletins), de 2597,55 euros de novembre à décembre 2012 (au lieu du salaire contractuel net de 3186 euros – montant mentionné au titre du salaire brut de base sur les bulletins), de 2596,64 euros en 2013 (au lieu du salaire contractuel net de 3186 euros – montant mentionné au titre du salaire brut de base sur les bulletins) et de 2588,01 euros en 2014 (au lieu du salaire contractuel net de 3186 euros – montant mentionné au titre du salaire brut de base sur les bulletins).

Si, suite à la réclamation écrite de Monsieur X du 5 mai 2014 (pièce 56 versée par le salarié), la République de Turquie a remboursé à l’intéressé, en espèces, les sommes versées par celui-ci au titre des cotisations sociales trimestrielles de 2014, il n’est pas pour autant démontré, comme allégué par l’employeur, que les sommes versées à Monsieur X les 11 décembre 2009 (2750 euros – correspondant à un mois de salaire « brut » selon le bulletin de salaire de décembre 2009), 26 novembre 2010 (2835 euros – correspondant à un mois de salaire « brut » selon le bulletin de salaire de novembre 2010), 24 novembre 2011 (2835 euros – correspondant à un mois de salaire « brut » selon le bulletin de salaire de novembre 2011), 15 novembre 2012 (3186 euros – correspondant à un mois de salaire « brut » selon le bulletin de salaire de novembre 2012) et 20 décembre 2013 (3186 euros – correspondant à un mois de salaire « brut » selon le bulletin de salaire de décembre 2013) représenteraient le remboursement des sommes versées indûment par le salarié au titre des cotisations sociales salariales.

L’explication ainsi fournie par la République de Turquie n’est pas crédible puisqu’il résulte des bulletins de salaire que la part salariale des cotisations sociales s’élevait à :

-6276,84 euros en 2010 (523,07 euros x 12 mois), et non à 2835 euros,

-6276,84 euros en 2011, et non à 2835 euros,

-6882 euros en 2012 [(564,12 x 7) + (585,42 x 3) + (588,45 x 2)], et non à 3186 euros,

-7072,32 euros en 2013 (589, 36 euros x 12 mois), et non à 3186 euros.

D’ailleurs, le Ministère des Affaires étrangères (Direction de Bureau desRessources Humaines), répondant le 27 septembre 2013 au courrier de réclamation du 13 septembre de l’avocat de Monsieur X, n’a pas prétendu que les cotisations sociales salariales payées par le salarié à son employeur lui étaient remboursées annuellement mais a indiqué que "les cotisations’ à la charge de l’employeur’ sont versées par notre Ministère.

D’autre part, les salaires du personnel turc et étranger contractuel embauché dans nos représentations à l’étranger sont octroyés en net par le Ministère des Finances et les contrats sont établis sur le principe d’un salaire mensuel net. La notion « salaire net » est une obligation en termes de législation du personnel contractuel et des techniques de budget. En plusieurs cas, le personnel contractuel étranger est obligé de verser lui-même ses primes d’assurance sociale ainsi que ses impôts sur revenu" (pièce 29 versée par le salarié – la traduction en langue française n’est pas utilement contredite par la République de Turquie qui ne verse aucune autre traduction).

En application des dispositions relatives à la prescription de l’action en paiement des salaires issues de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, qui s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de ladite loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, Monsieur A X peut réclamer le paiement de salaires sur une période de cinq ans antérieurement à sa saisine du conseil de prud’hommes de Marseille en date du 23 mai 2014. Le délai de prescription court à compter de cette date à l’encontre de la République de Turquie, l’effet interruptif de la prescription résultant de l’action en justice engagée à l’encontre du […] se prolongeant à l’égard de toutes les parties, jusqu’à ce que le litige ait trouvé sa solution.

C’est donc à juste titre que le premier juge a ordonné le paiement au salarié des cotisations sociales indûment remboursées par celui-ci compte tenu qu’elles venaient en déduction du salaire net fixé contractuellement, sur la période de mai 2009 à décembre 2013.

Alors que Monsieur X verse en cause d’appel ses bulletins de paie de l’année 2009 permettant de fixer les sommes dues de mai à décembre 2009 à hauteur de 4057,12 euros (507,14 euros x 8 mois), il convient de réformer le jugement et d’accorder à Monsieur A X la somme nette de 30 565,12 euros de rappel de salaire au titre du remboursement des cotisations sociales salariales venues en déduction du salaire net (6276,84 + 6276,84 + 6882 + 7072,32 + 4057,12), outre la somme nette de 3056,51 euros de congés payés y afférents.

Sur la prime de treizième mois :

La République de Turquie critique le jugement ayant accordé au salarié la somme de 3186 euros à titre de prime de 13e mois pour l’année 2014, faisant valoir que le premier juge s’est fondé sur un courrier écrit par un non juriste confondant, tel qu’exposé supra, « prime » et paiement des sommes prélevées en application des techniques budgétaires imposées par le Ministère des Finances de Turquie, qu’il n’a jamais été question dans les contrats du versement d’une prime de 13e mois, que les versements annuels antérieurs à l’année 2014 avaient pour fin de rembourser les prélèvements de 20 % du salaire trimestriels, réalisés pour compenser les contraintes budgétaires, et que Monsieur X doit être débouté de sa réclamation.

Monsieur A X réplique que les versements sont sans lien avec les versements trimestriels réalisés par ses soins au titre du remboursement des cotisations sociales et qu’il s’agissait

bien d’un treizième mois, expressément inscrit dans le contrat de travail à l’article 9.

Il a été vu ci-dessus que les sommes versées par la République de Turquie en novembre ou décembre de chaque année ne correspondaient pas à un remboursement des sommes versées indûment par le salarié au titre des cotisations sociales salariales.

Les sommes versées régulièrement en fin d’année (en novembre ou décembre de chaque année) à Monsieur X, correspondant exactement à un mois de salaire, représentent le versement de la prime prévue à l’article 9 du contrat de travail : "En conformité avec les coutumes, les traditions et les dispositions légales du pays dans lequel l’employé contractuel travaille, une prime dont le montant n’excède pas un mois de salaire par an, pourrait être versée, sur décision de l’autorité et à sa discrétion, à Noël, à Newroz et au Ramadan".

La République de Turquie, qui a versé cette prime pendant au moins cinq ans, était tenue par cet usage constant et fixe, non dénoncé, et devait verser à Monsieur A X la somme de 3186 euros net à titre de prime de 13e mois pour l’année 2014.

Il convient donc de confirmer le jugement de ce chef.

Sur l’indemnisation au titre de l’absence d’affiliation de janvier 1988 à novembre 2002 :

Monsieur A X fait valoir que la République de Turquie a violé son obligation d’affilier ses salariés exerçant en France au régime de sécurité sociale français, obligation d’ordre public en vertu des articles L.111-2-2 et L.311-2 du code de la sécurité sociale, qu’une telle obligation d’affiliation n’est pas remise en cause par la Convention générale du 20 janvier 1972 sur la sécurité sociale entre la République française et la République de Turquie, que la demande de dommages-intérêts présentée par Monsieur X est relative au non versement de cotisations en raison de la non-affiliation initiale au régime de sécurité sociale français de 1988 à 2002, que la prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance, que s’agissant de la non-affiliation du salarié au régime de sécurité sociale qui lui est applicable, la Cour de cassation a très récemment rappelé que la prescription ne court qu’à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite, qu’il n’est pas contesté que la République de Turquie n’a pas affilié le salarié entre le 1er janvier 1988 et le 1er novembre 2002 au régime français de sécurité sociale alors que celui-ci était durant toute la relation de travail : personnel administratif au sein du consulat de Turquie à Marseille, citoyen français, résidant en France et accomplissant habituellement son travail en France, qu’il ne peut être considéré que le salarié aurait contribué à la réalisation de son préjudice en « optant » pour une affiliation au régime turc alors que l’obligation d’affiliation pèse sur l’employeur et qu’en tout état de cause, Monsieur X n’a jamais opté pour le régime turc, celui-ci lui ayant été imposé au moment de son embauche, et qu’il convient de faire droit à ses demandes de dommages intérêts :

— à hauteur de 120 000 euros (soit une compensation pour le gain manqué sur 20 ans) à titre de dommages et intérêts pour la perte du bénéfice d’une retraite pleine et entière en France, en raison de la non-prise en compte des trimestres de retraite pour la période 1988-2002,

— à hauteur de 95 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour le gain manqué lié à la non-prise en compte des trimestres de retraite pour la période 1988-2002 affectant ses droits au chômage, alors qu’il aurait pu prétendre à l’octroi de 63 mensualités d’aide au retour à l’emploi de 2058,90 euros net pour la période du 21 juillet 2017 au 1er octobre 2022,

— à hauteur de 100 000 euros pour le préjudice moral subi en lien avec sa non-affiliation et les difficultés rencontrées au moment de prendre sa retraite.

La République de Turquie réplique que Monsieur X omet de prendre en compte les accords de sécurité sociale entre la France et la Turquie (convention générale du 20 janvier 1972 et avenants), que le salarié, qui bénéficie de la double nationalité, a été affilié au régime de sécurité sociale de la Turquie jusqu’en 2002, date à laquelle il a opté pour le régime de sécurité sociale français, que l’État turc a donc parfaitement respecté les dispositions applicables, que Monsieur X affirme en toute malhonnêteté intellectuelle qu’il n’aurait pas opté pour l’application de la législation turque au moment de son embauche et jusqu’en 2002, que la Cour pourra faire sienne la position du premier juge selon laquelle, avant 2002, Monsieur X ayant la qualité d’étranger non résident en France (paiement des impôts en Turquie, notamment), aucune obligation d’affiliation ne pouvait être imposée, pas plus d’ailleurs qu’après 2002, que Monsieur X bénéficie de deux retraites : l’une en Turquie, l’autre en France, qu’il demeure taisant sur le montant de sa retraite en Turquie, que l’on ne voit pas où se situe la perte de chance, que la jurisprudence interdit de formuler des demandes de dommages-intérêts afin de contourner les lois sur la prescription, ce que fait très exactement Monsieur X, que le calcul des droits à la retraite est réalisé en fonction des sommes inscrites sur les bulletins de salaire, que les bulletins de paie de Monsieur X, comme le souligne le premier juge, reprennent le montant de ses salaires, qu’ainsi la prétendue fausse déclaration (net au lieu du brut) génératrice d’un prétendu préjudice n’a jamais existé et qu’il convient de débouter le salarié de ses demandes. À titre subsidiaire, il appartiendrait à la Cour de minorer à une somme de 1 euro symbolique le montant des dommages-intérêts à octroyer pour chaque demande accueillie favorablement ou, à défaut, à une somme largement minorée par rapport à celle sollicitée.

***************

Ainsi qu’il a été vu ci-dessus, il y a lieu de faire application des dispositions impératives de la loi française relatives à l’affiliation au régime de sécurité sociale et au versement des cotisations sociales et à l’indemnisation résultant du défaut d’application des ces dispositions.

La prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance. Monsieur A X n’a eu une connaissance exacte du préjudice né de la perte des droits correspondant aux trimestres cotisés par son employeur qu’à compter de la liquidation de ses droits au chômage et de ses droits à la retraite.

Il s’ensuit que ses demandes ne sont pas prescrites.

Il résulte de l’article 37 de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 relative aux relations diplomatiques que, s’agissant du personnel administratif et technique d’une mission, l’employeur n’est exonéré de ses obligations découlant des dispositions de la sécurité sociale en vigueur dans l’État accréditaire, telles que visées par l’article 33, qu’à l’égard des salariés qui ne sont pas ressortissants de cet État et qui n’y ont pas leur résidence permanente.

Ces dispositions de la Convention de Vienne ne sont pas contredites par celles de la Convention Générale du 20 janvier 1972 sur la sécurité sociale entre la République française et la République de Turquie, qui prévoient que "les ressortissants turcs exerçant en France une activité salariée ou assimilée, de nature permanente ou saisonnière, sont soumis aux législations de sécurité sociale énumérées à l’article 4 ci-dessous, applicables en France, et en bénéficient, ainsi que leurs ayants droit résidant en France, dans les mêmes conditions que les ressortissants français" (article 1§2), les législations de sécurité sociale applicables en France, énumérées à l’article 4, étant notamment la législation fixant l’organisation de la sécurité sociale, la législation sur la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles et la législation relative aux prestations familiales.

Sont exclus du champ d’application de la Convention Générale du 20 janvier 1972 les agents diplomatiques ou consulaires (article 5), de même qu’il est prévu que certains autres agents " ont la faculté d’opter pour l’application de la législation du pays accréditant, pour autant que ces salariés ne sont pas des ressortissants de l’État accréditaire'" (article 6§3).

Monsieur A X, qui n’avait pas le statut d’agent diplomatique ou consulaire, était un agent administratif, employé en France et il résidait en France, peu importe qu’il bénéficiait de l’exonération fiscale du fait de sa double nationalité et du paiement de ses impôts en Turquie. Il a acquis la nationalité française par déclaration d’acquisition souscrite le 20 mai 1987 par devant le tribunal d’instance de Grenoble, enregistrée le 9 mai 1988 (certificat de nationalité française versé en pièce 48), soit concomitamment à son embauche par la République de Turquie ou à tout le moins antérieurement à son deuxième contrat de travail en date du 1er janvier 1989.

Il devait donc être affilié par son employeur aux caisses d’assurance maladie et de retraite, conformément à la Convention de Vienne ; il ne peut être reproché à Monsieur X d’avoir accepté de n’être pas déclaré aux organismes de sécurité sociale en France, dès lors que l’obligation de déclaration auxdits organismes repose sur l’employeur et non sur le salarié.

Monsieur A X verse deux simulations du calcul de sa pension de retraite, l’une faisant état d’une affiliation à compter du 1er janvier 1988, l’autre faisant état d’une affiliation à compter du mois de novembre 2002, et il invoque subir une perte de retraite de 500 euros par mois du fait de sa non affiliation depuis le 1er janvier 1988, soit sur une période de 20 ans à partir de l’âge minimum légal de départ à la retraite (62 ans) une perte de gain de 120 000 euros.

Toutefois, Monsieur X ne verse aucun élément sur la retraite qu’il perçoit en Turquie – ni d’ailleurs sur la retraite qu’il perçoit en France (les simulations de calcul présentées ont été établies sur un simulateur, avec des données entrées anonymisées). Il ne peut soutenir que son affiliation au régime turc de retraite de 1988 à 2002 serait indifférente au calcul de son préjudice alors que, si son employeur l’avait affilié au régime français de retraite ainsi qu’il en avait l’obligation, il ne l’aurait pas affilié en parallèle au régime turc de retraite.

Dans ces conditions, au vu des éléments versés par Monsieur X sur son préjudice matériel ainsi que sur son préjudice moral résultant du manquement de l’employeur à son obligation de l’affilier aux régimes français de sécurité sociale et de retraite et des difficultés rencontrées lors de liquidation de sa retraite, la Cour accorde à celui-ci la somme de 8000 euros à titre de dommages-intérêts tous chefs de préjudice confondus.

Par ailleurs, alors que la République de Turquie a procédé à l’affiliation de Monsieur A X auprès des organismes français de sécurité sociale ainsi qu’auprès des ASSEDIC (auxquelles a succédé l’institution publique Pôle emploi) à partir du 1er novembre 2002, le salarié ayant bénéficié de 12 ans d’affiliation à l’assurance chômage ne démontre pas qu’il a subi une perte liée à l’absence de prise en compte de trimestres non cotisés pour la période du 1er janvier 1988 au 1er novembre 2002.

Il est donc débouté de sa demande d’indemnisation pour la perte de gain liée à la non-prise en compte des trimestres de retraite pour la période 1988-2002 qui aurait affecté ses droits au chômage.

Sur l’indemnisation au titre de fausses déclarations et de versement minoré de cotisations sociales :

Monsieur A X soutient que, depuis son affiliation tardive au régime de sécurité sociale français en 2002, la République de Turquie a déclaré frauduleusement le salaire net contractuel comme salaire brut, que de ce fait, les cotisations sociales versées ont été minorées affectant négativement ses droits à la retraite, que s’agissant du manquement de l’employeur à son obligation de régler l’intégralité des cotisations, la prescription ne commence à courir qu’à compter de la

liquidation de la retraite, qu’au vu des deux simulations de pension retraite, l’une calculée sur le salaire net contractuel déclaré comme salaire brut par l’État turc aux organismes de retraite français (soit 26 040 euros annuels en 2002), l’autre calculée sur le salaire brut reconstitué sur la base du salaire net contractuel (soit 33 826 euros annuels en 2002), la différence de pension est de 83 euros par mois pour un départ à la retraite estimé à 62 ans (âge minimum légal), que ce différentiel est évalué nécessairement a minima compte tenu que les simulations sont effectuées sur la seule base du salaire perçu en 2002 alors que le salarié a eu une augmentation annuelle de salaire entre 2002 et 2014 (de près de 800 euros mensuels), que sur la base de la perte de pension mensuelle évaluée a minima à 83 euros (soit 996 euros par an), le concluant est fondé à solliciter la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour minoration fautive des droits à la retraite.

La République de Turquie réplique que la demande de Monsieur X est prescrite, que le calcul des droits à la retraite est réalisé en fonction des sommes inscrites sur les bulletins de salaire, que les bulletins de paie de Monsieur X, comme le souligne le premier juge, reprennent le montant de ses salaires, qu’ainsi la prétendue fausse déclaration (net au lieu de brut) génératrice d’un prétendu préjudice n’a jamais existé, que Monsieur X doit être débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour minoration fautive des droits à la retraite, à titre subsidiaire, qu’il convient de minorer à une somme de 1 euro le montant des dommages-intérêts à octroyer ou, à défaut, à une somme largement minorée par rapport à celle sollicitée.

***************

Ainsi qu’il a été vu ci-dessus, il y a lieu de faire application des dispositions impératives de la loi française relatives à l’affiliation au régime de sécurité sociale et au versement des cotisations sociales et à l’indemnisation résultant du défaut d’application de ces dispositions.

Il ressort de l’examen des contrats de travail de Monsieur A X que sa rémunération y était inscrite en net jusqu’au 1er novembre 2002 (13 900 francs dans le contrat du 1er janvier 2001, soit 2119 euros), le salarié n’étant pas encore affilié au régime français de sécurité sociale.

Dans le contrat en date du 1er novembre 2002, il est indiqué un salaire net de 2170 euros, puis dans les contrats postérieurs, successivement un salaire net de 2400 euros en 2003, de 2400 euros en 2004, de 2500 euros en 2006 et 2007, de 2750 euros en 2009, de 2835 euros en 2010 et 2011, de 3060 euros en 2012 jusqu’au 31 juillet et de 3186 euros à compter du 1er août 2012 et jusqu’en 2014.

Toutefois, il a été vu, à la lecture des bulletins de paie, que Monsieur X a perçu, après déduction des charges sociales salariales, un salaire net de 2311,93 euros en 2010 (au lieu du salaire contractuel net de 2835 – ce dernier montant étant celui mentionné du salaire brut de base), de 2495,88 euros du 1er janvier au 31 juillet 2012 (au lieu du salaire net contractuel de 3060 euros – montant mentionné au titre du salaire brut de base), de 2600,58 euros du 1er août au 31 octobre 2012 (au lieu du salaire contractuel net de 3186 euros – montant mentionné au titre du salaire brut de base), de 2597,55 euros de novembre à décembre 2012 (au lieu du salaire contractuel net de 3186 euros – montant mentionné au titre du salaire brut de base), de 2596,64 euros en 2013 (au lieu du salaire contractuel net de 3186 euros – montant mentionné au titre du salaire brut de base) et de 2588,01 euros en 2014 (au lieu du salaire contractuel net de 3186 euros – montant mentionné au titre du salaire brut de base).

Alors que le salaire brut mentionné sur les bulletins de paie a été ainsi minoré (réduit au montant du salaire net contractuel), comme les cotisations sociales calculées uniquement sur le salaire « brut » minoré, Monsieur A X a indiscutablement perçu des droits minorés à la retraite.

Cependant, alors qu’il est prescrit à solliciter la reconstitution de son salaire brut antérieurement au mois de mai 2009 et que son manque à gagner sur le montant de sa retraite ne peut être calculé que sur la période postérieure à mai 2009, la Cour évalue le préjudice de Monsieur X à la

somme de 15 000 euros.

Sur le rappel d’indemnité de précarité :

La République de Turquie critique le jugement de première instance en ce qu’il a alloué à Monsieur X la somme de 23 207,40 euros à titre d’indemnité de précarité, faisant valoir que les contrats en cause ne sauraient constituer, au regard de la spécificité de l’employeur et de l’emploi occupé, des contrats de travail à durée déterminée, qu’il s’agit de contrats d’usage au sens des dispositions de l’article L.1242-3 du code du travail, qu’en effet nul ne peut contester que les consulats ont pour usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée et ce, en raison de la nature de l’activité exercée, qu’en présence de tels contrats, il résulte des dispositions de l’article L.1243-10 1° du code du travail qu’aucune indemnité de précarité d’emploi ne peut être versée au salarié, que par ailleurs, compte tenu de la spécificité de la mission exercée par Monsieur X, la Cour admettra quoi qu’il en soit que les contrats signés par le salarié ne sont pas des contrats de travail à durée déterminée au sens du « droit social français », qu’ils n’en respectent ni les formes, ni les règles, qu’il s’agit de contrats qui peuvent être qualifiés de contrats sui generis, que la Cour notera que les contrats prévoyaient qu’une indemnité de fin de contrat « peut être versée après approbation par le Ministère des Finances de la République de Turquie » et en ce cas, cette potentielle indemnité ne peut dépasser « 50% du dernier salaire brut mensuel », que vu cette formulation, le Ministère des Finances de la République de Turquie était parfaitement en droit de refuser le versement d’une quelconque indemnité de fin de contrat, ce refus étant d’ailleurs motivé par le fait que Monsieur X, bénéficiant notamment d’avantages fiscaux notables, a bénéficié tous les ans d’un nouveau contrat.

À titre subsidiaire, la République de Turquie soutient que la Cour ne saurait accorder une quelconque somme au titre de l’indemnité de précarité, qu’en effet, cette indemnité étant liée au caractère précaire des contrats, elle s’en trouverait sans objet.

À titre très subsidiaire, si la Cour estimait pouvoir se substituer à la position du Ministère des Finances de la République de Turquie quant à la décision de verser une indemnité de fin de contrat, il lui appartiendrait alors de considérer, sauf à dénaturer les accords des parties, que cette somme ne saurait être supérieure à « 50% du dernier salaire brut mensuel », soit 8610,68 euros sur la période de prescription quinquennale, somme ayant déjà été versée par l’employeur.

En dernier lieu et à titre très subsidiaire, si la Cour devait confirmer la décision entreprise, la République de Turquie sollicite qu’il soit opéré une compensation avec la somme de 8610,68 euros déjà versée et par voie de conséquence, de ramener le montant de l’indemnité de précarité à la somme totale de 14 596,72 euros ou bien à la somme de 21 527,32 euros si la Cour devait faire droit à la demande nouvelle adverse à hauteur de 30 138 euros.

Monsieur A X réplique que la République de Turquie a fait usage répété de contrats de travail à durée déterminée, qui ne sauraient être qualifiés de contrats d’usage, la liste limitative de l’article D.1242-1 ne comprenant aucunement l’emploi de secrétaire administratif des consulats d’États étrangers en France, que l’intitulé des contrats "contrats de service" est indifférent à l’analyse de la réalité des relations contractuelles, que les dispositions de droit français relatives au contrat à durée déterminée sont impératives, qu’il est dû au salarié une indemnité de fin de contrat à hauteur de 10 % de la rémunération brute totale versée durant le contrat, que le Conseil a évalué l’indemnité de fin de contrat sur la base d’une rémunération assise sur 12 mois de salaire net, que le salaire brut reconstitué doit être pris en compte, auquel doit s’ajouter le treizième mois à intégrer dans l’assiette de calcul, et que le concluant est fondé à solliciter la somme brute de 30 138 euros à titre de rappel d’indemnité de fin de contrat, sans qu’il y ait lieu à déduction.

****************

Ainsi qu’il a été vu ci-dessus, il convient de faire application des dispositions impératives de la loi française relatives à la limitation du droit à recours à des contrats de travail à durée déterminée et au versement d’une indemnité de précarité qui vise à compenser la situation précaire du travailleur en contrat à durée déterminée.

Les contrats de travail conclus entre les parties, qualifiés de "contrat de service", ne sont pas des contrats d’usage conclus en application de l’article L.1242-2 3° du code du travail, l’emploi de secrétaire de consulat n’étant pas inscrit sur la liste des emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, telle que précisée à l’article D.1242-1 du code du travail.

Il s’agit de contrats de travail à durée déterminée conclus pour une durée d’une année, successivement sur toute la période d’embauche de Monsieur X.

Ce dernier, qui a été maintenu dans une situation de précarité durant toute sa période d’emploi, a droit au versement de l’indemnité de fin de contrat prévue par l’article L.1243-8 du code du travail.

L’indemnité de fin de contrat est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié, y compris donc la prime annuelle.

Il convient de faire droit à la réclamation de Monsieur A X, qui a reconstitué le salaire brut qui aurait dû lui être versé à partir du salaire net contractuel (salaire net de 3186 euros en 2014, augmenté d’un taux de cotisations de 23 %, correspondant a minima au taux de cotisations sociales salariales inscrit sur les bulletins de paie de 2014 – soit B euros en brut), sur la période non prescrite de 2009 à 2014.

Si la République de Turquie a versé à Monsieur X une "indemnité de fin de travail" d’un montant de 8610,68 euros, il ne résulte pas des dispositions de l’article 10 du contrat de travail du 1er janvier 2014 que cette indemnité était destinée à compenser la précarité dans laquelle le salarié a été maintenu. En conséquence, elle ne peut venir en compensation de l’indemnité de fin de contrat de l’article L.1243-8 du code du travail.

Au vu du décompte précis fourni par Monsieur X dans ses conclusions et vérifié par la Cour, le jugement est réformé de ce chef et il est accordé au salarié la somme brute de 30 138 euros à titre d’indemnité de fin de contrat.

Sur l’indemnité de requalification :

Alors que Monsieur X a été employé dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée successifs du 1er janvier 1988 au 31 décembre 2014, sans précision du motif du recours au contrat à durée déterminée et avec pour effet de pourvoir durablement l’emploi de secrétaire lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a fait application des dispositions impératives de la loi française relatives à la limitation du droit à recours à des contrats de travail à durée déterminée et au versement d’une indemnité de requalification et en ce qu’il a ordonné la requalification des 27 CDD en contrat de travail à durée indéterminée.

Aux termes de l’article L.1245-2 du code du travail, il doit être accordé au salarié une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire brut.

Sur la base du salaire mensuel brut reconstitué à partir du salaire net contractuel, s’élevant à la somme brute de B euros, la Cour réforme le jugement et accorde à Monsieur A X la somme brute de B euros à titre d’indemnité de requalification.

Sur la rupture du contrat de travail :

Ainsi qu’il a été vu ci-dessus, il y a lieu de faire application des dispositions impératives de la loi française relatives à la limitation du droit à recours à des contrats de travail à durée déterminée, à l’entretien préalable au licenciement, au délai de préavis ainsi qu’à la cause réelle et sérieuse de la rupture du contrat de travail.

Eu égard à la requalification de la relation contractuelle en un contrat de travail à durée indéterminée et à l’absence de toute procédure de licenciement et de lettre motivée de rupture, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de Monsieur X était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur la base du salaire mensuel brut de B euros, il convient d’accorder à Monsieur A X la somme brute de C euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, la somme brute de 827,60 euros à titre de congés payés sur préavis et la somme de 34 362 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, selon le calcul détaillé et exact fourni par le salarié dans ses écritures, non utilement discuté par l’employeur.

Monsieur A X produit un courrier du 1er avril 2015 de Pôle emploi d’ouverture de droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi à compter du 8 janvier 2015 pour un montant net de 53,23 euros par jour. Il ne verse pas d’élément sur l’évolution de sa situation professionnelle postérieurement au mois de janvier 2015.

En considération des éléments versés sur son préjudice, de son ancienneté de 27 ans dans l’entreprise, de son âge (59 ans) lors de la rupture du contrat de travail et du montant de son salaire mensuel brut (B euros), la Cour réforme le jugement et accorde à Monsieur A X la somme de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Monsieur A X, qui réclame une indemnisation supplémentaire au titre d’un préjudice moral distinct résultant de l’irrégularité de la procédure de licenciement, ne verse aucun élément sur la réalité et l’étendue de son préjudice. Au titre d’une irrégularité de la procédure de licenciement, il convient de préciser que cette indemnité ne peut se cumuler avec l’indemnité allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

À défaut de justifier d’un préjudice moral distinct en lien avec son licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de débouter Monsieur A X de sa demande en paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur la remise des documents sociaux :

Il convient d’ordonner la remise par la République de Turquie d’un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées de nature salariale et d’une attestation Pôle emploi rectifiée, en conformité avec le présent arrêt, et la régularisation de la situation du salarié auprès des organismes sociaux.

Sur la demande d’assortir la décision d’une astreinte :

Au vu des éléments de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir les condamnations prononcées d’une astreinte.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné d’office, en application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par l’employeur fautif au Pôle emploi PACA des indemnités de chômage versées au salarié licencié, dans la limite de six mois d’indemnités.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Monsieur A X, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud’homale,

Reçoit les appels en la forme,

Confirme le jugement :

— en ce qu’il a rejeté les exceptions et fins de non-recevoir soulevées par la République de Turquie,

— en ce qu’il a ordonné la requalification des contrats de travail à durée déterminée de Monsieur X en contrat à durée indéterminée,

— en ce qu’il a dit que la rupture de la relation de travail s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— en ce qu’il a dit que l’État turc avait indûment prélevé les cotisations sociales sur le salaire net,

— en ce qu’il a condamné l’État turc à payer à Monsieur A X 3186 euros net de prime de 13e mois pour 2014,

— en ce qu’il a ordonné le paiement par l’État turc d’une indemnité de requalification, d’une prime de précarité, d’un rappel de salaire, de congés payés y afférents, d’une indemnité légale de licenciement, d’une indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sauf à réformer le quantum des sommes allouées de ces chefs,

— en ce qu’il a condamné l’État turc à rembourser au Pôle emploi les indemnités de chômage perçues par A X à hauteur de six mois,

— en ce qu’il a condamné l’État turc à payer à A X la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Réforme le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau sur les points réformés,

Dit que le contrat de travail liant Monsieur A X à la République de Turquie est régi par la loi turque choisie par les parties, sauf à préciser que ce choix ne peut priver le salarié de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi française,

Dit que la prescription des demandes de rappels de salaire s’applique sur la période antérieure à mai 2009,

Condamne la République de Turquie à payer à Monsieur A X :

-30 565,12 euros net de rappel de salaire au titre du remboursement des cotisations sociales salariales venues en déduction du salaire net,

-3056,51 euros net de congés payés sur rappel de salaire,

-30 138 euros d’indemnité de fin de contrat,

-B euros d’indemnité de requalification,

— C euros d’indemnité compensatrice de préavis,

-827,60 euros de congés payés sur préavis,

-34 362 euros d’indemnité légale de licenciement,

-75 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-8000 euros de dommages-intérêts pour perte de droits à la retraite en raison de la non-affiliation au régime de sécurité sociale de 1988 à novembre 2002 et pour préjudice moral résultant du manquement de l’employeur à son obligation d’affilier le salarié aux régimes français de sécurité sociale et de retraite et des difficultés rencontrées lors de liquidation de sa retraite,

-15 000 euros de dommages-intérêts pour minoration des droits à la retraite résultant de fausses déclarations et versement minoré de cotisations sociales de novembre 2002 à 2014,

Dit que les sommes allouées de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter de la citation devant le bureau de conciliation, avec capitalisation des intérêts échus et dus pour plus d’une année à compter de la demande en justice,

Ordonne la remise par la République de Turquie d’un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées de nature salariale et d’une attestation Pôle emploi rectifiée, en conformité avec le présent arrêt, et la régularisation de la situation du salarié auprès des organismes sociaux français,

Condamne la République de Turquie aux dépens et à payer à Monsieur A X 5000 euros supplémentaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette tout autre prétention.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

I J faisant fonction

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 12 juin 2020, n° 18/01466