Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-5, 27 février 2020, n° 17/21232

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Chronologie de l’affaire

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rocheblave.com · 23 octobre 2023

Au travail, faire ou mimer une fellation est une faute Mimer une fellation à l'aide d'une bouteille lors d'une fête d'entreprise est une faute grave Dans un cadre certes festif mais qui reste professionnel, en présence du personnel de l'entreprise, une salariée a mimé une fellation à l'aide d'une bouteille. Pour la Cour d'appel de Douai, ces faits sont complètement incompatibles avec l'attitude que doit avoir un directeur d'agence au sein de son entreprise en termes de retenue et de comportement envers ses subalternes, justifiant son licenciement pour faute grave[1]. Faire …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-5, 27 févr. 2020, n° 17/21232
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 17/21232
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Nice, 1er juin 2014, N° 13/1178
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 27 FEVRIER 2020

N° 2020/

MS

Rôle N°17/21232

N° Portalis DBVB-V-B7B-BBRBK

E X

C/

SAS ELRES

Copie exécutoire délivrée

le : 27/02/2020

à :

— Me Emmanuel PARDO, avocat au barreau de NICE

— Me Laurence DE BREUVAND, avocat au barreau de PARIS

([…]

[…]

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 02 Juin 2014 enregistré au répertoire général sous le n° 13/1178.

APPELANTE

Mademoiselle E X, demeurant […]

représentée par Me Emmanuel PARDO, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

SAS ELRES (nom commercial ELIOR RESTAURATION), sise […]

représentée par Me Laurence DE BREUVAND, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Lise KLINGUER, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 26 Novembre 2019, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Madame Béatrice THEILLER, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Février 2020.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Février 2020

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Madame E X a été engagée par la SAS Elres, en qualité d’employée de restauration, à compter du 18 janvier 2012, suivant contrat à durée déterminée devenu à durée indéterminée, moyennant un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 1.047 euros.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la restauration collective.

La SAS Elres employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

Mme X s’est trouvée placée en arrêt de maladie du 20 février 2013 au 6 mars 2013, arrêt prolongé jusqu’au 20 mars 2013.

Après avoir été convoquée à un entretien préalable, fixé le 5 mars 2013 et mise à pied à titre conservatoire, entretien reporté au15 mars 2013, auquel elle ne s’est pas présentée, elle a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 28 mars 2013.

Contestant son licenciement, Mme Y ne a saisi le la juridiction prud’homale, afin d’obtenir diverses indemnités au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 2 juin 2014, le conseil de prud’hommes de Nice, a dit que le licenciement

reposait sur une faute grave, a débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes, a débouté la SAS Elres de sa demande reconventionnelle et a condamné Mme X aux entiers dépens.

Mme X, a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

L’instance a été radiée par arrêt du 26 novembre 2015 et réinscrite au rôle à la demande de Mme X le 20 novembre 2017.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par voie de conclusions déposées et reprises oralement à l’audience de plaidoiries, Mme X conteste la matérialité des griefs qui fondent le licenciement, dont la preuve n’est pas rapportée, selon elle, par les attestations produites par l’employeur, non conformes aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour de réformer le jugement, en toutes ses dispositions :

Dire et juger que le licenciement, intervenu, pour harcèlement sexuel, revêt un caractère abusif.

Condamner l’employeur à régler, à la salariée, les sommes suivantes :

—  10.000 euros, à titre d’indemnité pour licenciement abusif,

—  10.000 euros, à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire,

—  1.047 euros, à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  104,70 euros, à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

—  261,75 euros, à itre d’indemnité de licenciement en l’état de son ancienneté,

-1.570 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire pour la période du 19 février 2013 au 30 mars 2013.

Elle demande de condamner l’intimée au paiement de la somme de 5.000 euros, en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Maître Emmanuel Pardo, sous sa due affirmation.

Par voie de conclusions déposées et reprises oralement à l’audience de plaidoiries, la SAS Elres fait essentiellement valoir que le licenciement est parfaitement justifié par des faits commis par Mme Z de violence physique et verbale, propos et comportements à connotation sexuelle répétés à l’égard d’un collègue de travail.

La SAS Elres demande en conséquence de constater la gravité des faits reprochés à Mme X, de constater que la salariée n’apporte aucun élément de preuve permettant de contester les motifs qui lui sont reprochés, de constater la validité de la mise à pied conservatoire, de confirmer le jugement, de débouter Mme X de toutes ses demandes et de condamner Mme X, en outre à lui payer une somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

La lettre de licenciement en date du 28 mars 2013 expose que ( extraits) :

(…)

« En date du 18 février 2013, nous avons été informés par Madame I J, chef gérante du Centre Lacassagne, des faits suivants:

Le 15 février 2013, après le service du soir, vous avez procédé à des attouchements sexuels sur Monsieur C A, et Madame B K, vos collègues de travail.

En effet, vous avez pincé les parties génitales de Monsieur A avec une pince de service puis l’avez coincé dans le local plonge où vous avez mimé une fellation avec une banane enduite de crème dessert au T en lui précisant « si tu veux je te fais pareil ».

Madame B , témoin de la scène, a tenté de s’interposer en vous demandant d’arrêter car la situation devenait gênante. Vous lui avez alors répondu « mêle-toi des tes affaires »puis lui avez mis la main aux fesses avant de lui jeter la crème dessert au visage.

Monsieur A et Madame B ont rédigé des attestations relatant ces faits.

Face à la gravité de la situation, et notamment l’état psychologique dans lequel votre agression a laissé Monsieur C, nous avons décidé de vous mettre en mise à pied à titre conservatoire immédiatement après avoir eu connaissance de ces événements soit à partir du 19 février , dans l’attente de vous rencontrer en entretien dont la date avait été fixée au 5 mars 2013.(…)

De part votre comportement, vous êtes en infraction de l’article L1153-1 du code du travail et des articles 9.2 et 10.2 du règlement intérieur dont vous avez accepté les clauses le jour de votre embauche…

(…).

Au soutien de son appel, Mme X explique avoir été confrontée « aux relations hostiles et malveillantes de ses collègues de travail qui se sont attelés à la voir licenciée par l’employeur ».

Elle rappelle que la preuve de la faute grave incombe à l’employeur, et que le doute profite au salarié, et fait valoir que les trois attestations rédigées par M. C l’incriminant, ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, sachant qu’un véritable différend opposait Monsieur C à la mère de la salariée.

Elle soutient que l’attestation de son autre collègue de travail Mme B, a, à l’évidence, été préparée par l’employeur et dictée par lui, qu’en outre elle est dépourvue de la mention selon laquelle elle s’exposait à des sanctions pénales en cas de faux témoignage ; qu’il en est de même de l’attestation de Monsieur D, malveillant à son égard, qu’enfin les attestations de L M, et N J produites par l’employeur ne sont pas plus convaincantes car la première est indirecte et la seconde rédigée au conditionnel.

Elle produit, pour les combattre, les attestations de O P et Q R, un certificat médical du 9 février 2015 de AC-AD G, psychiatre indiquant que « la plaignante n’avait pas de tendances patentes et/ou pathologiques à la mythomanie, à l’affabulation ou au délire… »

Elle verse en outre un récépissé de dépôt de plainte en date du 11 février 2014, pour établissement

d’attestations faisant état de faits matériellement inexacts et usage desdites attestations, un récépissé de dépôt de plainte au procureur de la République, le 19 mars 2015, la plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Nice.

La faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu’il reproche au salarié.

A C salarié de la SAS Elres a écrit à l’employeur le 22 novembre 2012, le 28 novembre 2012 et en février 2013 que «  cette femme E me lance des propos sexuels en me disant: mets la moi dans le cul A, avant même elle me tombe dessus en m’embrassant avec l’envie de me provoquer »,(…) « elle me lance des propos sexuels en arabe genre mets la moi dans le cul je te suce », « cette fille E elle m’a touché dans mon sexe avec un pince rouge de service et elle m’a fait mal. Il y avait K à côté comme témoin. Et le soir après le service elle a pris une banane et un S T elle a mis dans le yaourt et mis dans sa bouche et me disait si tu veux je te fais pareil . K a pris ma défense et E n’a pas aimé ça, et l’a touché dans ses fesses. K n’a pas aimé et lui a dit d’arrêter et E a jeté le S T dans la figure de K. »

K B également salariée de la SAS Elres a attesté quant à elle « avoir été victime et témoin que U Z a fait des attouchements sexuels sur elle même et A C et l’a intimidée en lui lançant un pot de yaourt. Elle a pris une banane et un yaourt pour effectuer des gestes sexuelle à mon égard ainsi que A. »

Ces attestations ne comportent pas toutes les mentions prescrites par l’article 202 du code de procédure civile et en particulier l’avertissement qu’elle seront produites en justice et exposent leur auteur à des sanctions civiles ou pénales en cas de fausse déclaration.

Toutefois les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité ; les attestations litigieuses, régulièrement communiquées, ne peuvent être écartées des débats au seul motif qu’elle ne répondent pas en la forme aux prescriptions légales, le juge devant seulement en apprécier la valeur probante. Le fait que M. C ajoute « c’est bien la fille de sa mère » ne suffit pas à mettre en doute la sincérité du récit de M. C.

En tout état de cause, les faits décrits dans ces attestations sont confirmés par celles, répondant aux prescriptions légales, de N J, chef gérante, à qui M. C a dit « ne plus pouvoir travailler avec Mme X car il avait subi à plusieurs reprises des avances ainsi que des attouchements » et de M V, chef de cuisine, déclarant que M. C et Mlle F sont venus le voir le lendemain du jour où Mme X a pincé le sexe de M. C avec une pince et jeté une crème au T au visage de Mlle F.

W AA, déclare pour sa part avoir eu des avances poussées de la part de Mme X et avoir vu K B sortir de plonge larmoyante et dégoulinante de yaourt.

La suite donnée aux plaintes déposées par Mme X n’est pas portée à la connaissance de la cour. Les compliments de AB P et Q R sur le comportement respectueux et correct de Mme X au travail ne sauraient démentir un comportement fautif précis commis en leur absence.

Les faits visés dans la lettre de licenciement sont ainsi établis et constituent des agissements de harcèlement sexuel et de violence physique rendant impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise y compris durant le préavis.

Par ailleurs, la mise à pied conservatoire était justifiée alors même que l’employeur est tenu de mettre fin aux agissements de harcèlement sexuel d’un salarié sur d’autres de ses salariés.

Le licenciement étant motivé par une faute grave, Mme X ne peut prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis, à une indemnité de licenciement, et sera déboutée du surplus de ses prétentions d’indemnisation et du paiement d’un rappel de salaire mal fondés compte tenu de l’issue de l’appel.

Enfin, Mme X affirme sans en apporter la preuve, avoir été elle même victime d’un comportement malveillant, les constatations de M. G étant à cet égard sans portée utile, ainsi que d’une rupture vexatoire. Elle sera déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour préjudice distinct.

Sur les dépens et les frais non-répétibles

Mme X qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de la condamner à payer à la SAS Elres, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 800 euros ; Mme X doit être déboutée de cette même demande.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne Mme X à payer à la SAS Elres une somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme X de sa demande d’indemnité de procédure,

Condamne Mme X aux dépens d’appel,

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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