Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 12 février 2021, n° 17/19832

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-7, 12 févr. 2021, n° 17/19832
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 17/19832
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Toulon, 28 septembre 2017, N° F15/01343
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-7

ARRÊT AU FOND

DU 12 FEVRIER 2021

N°2021/57

Rôle N° RG 17/19832 – N° Portalis DBVB-V-B7B-BBNP6

SAS DACHSER

C/

Y Z

Copie exécutoire délivrée

le : 12 février 2021

à :

Me Pierre-Yves IMPERATORE

Me Hélène BAU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 29 Septembre 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 15/01343.

APPELANTE

SAS DACHSER prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis […], […]

représentée par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant par Me Paul COEFFARD de la SCP D’AVOCATS TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS substitué par Me Aurore LINET, avocat au barreau de POITIERS

INTIME

Monsieur Y Z., demeurant le […]

représenté par Me Hélène BAU, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Décembre 2020 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise BEL, Président de chambre, et Mme Marina ALBERTI, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Françoise BEL, Président de chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Françoise BEL, Président de chambre

Mme Marina ALBERTI, Conseiller

Monsieur Yann CATTIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Février 2021..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Février 2021.

Signé par Madame Françoise BEL, Président de chambre et Mme Agnès BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties:

La société Dachser France est une entreprise de transports de messagerie et de logistique filiale du groupe éponyme comptant plus de 3000 salariés en France répartis entre 72 agences, soit 21000 personnes sur 347 agences au niveau mondial.

Elle relève de la convention collective des transports routiers correspondant au code NAF 4941A.

Envisageant un regroupement des sites de Nice et Toulon au sein d’une agence unique sise aux Arcs et après consultation du CER Sud, la société a proposé aux salariés diverses mesures d’accompagnement à la mobilité d’une durée de deux années, a informé chaque salarié concerné de sa mutation sur le site des Arcs et a envisagé la mise en oeuvre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (ci-après PSE) pour les salariés refusant la proposition de mutation.

Après mise en demeure restée infructueuse adressée aux salariés obligés par une clause de mobilité de rejoindre leur poste aux Arcs, la société a eu recours à une procédure de licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Pour les salariés ayant refusé la proposition de modification de leur contrat de travail pour motif économique, la société a engagé le 14 janvier 2016 la procédure de consultation des représentants du personnel sur la mise en 'uvre d’un PSE, laquelle a abouti à l’élaboration par ses soins d’un document unilatéral homologué par décision du 12 mai 2016 de la Direccte, puis a entrepris de mettre en oeuvre la procédure de licenciement pour motif économique, dès lors que les salariés n’ont pas accepté l’une des propositions de reclassement.

M. Y Z a été embauché à compter du 24 février 1997 en contrat de travail à durée indéterminée en qualité de brigadier de quai au coefficient 120, agence de Toulon.

Le 7 août 2015 la société a proposé au salarié une mutation sur le site des Arcs que celui-ci a refusée le 25 août 2015.

Considérant que son employeur avait commis divers manquements à l’exécution du contrat qui les liait, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon le 17 décembre 2015 d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur emportant les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de demandes salariales et indemnitaires et, à la suite de son licenciement survenu par courrier recommandé du 16 juin 2016, a contesté la rupture du contrat de travail.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié percevait une rémunération moyenne mensuelle de près de 2 453,09 euros bruts.

Par jugement en date du 29 septembre 2017, le conseil des prud’hommes a jugé le licenciement prononcé dépourvu de cause réelle et sérieuse , a débouté le salarié de ses demandes au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail et en dommages et intérêts, et a condamné l’employeur à payer les sommes de 36.796,35 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de 1.500 euros sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile.

La société Dachser a relevé appel de ce jugement par déclaration du 2 novembre 2017.

Par conclusions déposées et notifiées le 19 novembre 2020, la société Dachser France demande à la cour de:

Réformer le jugement du 29 septembre 2017 en ce qu’il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié et alloué à celui- ci la somme de 36.796,35 euros à ce titre et la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, le confirmer pour le surplus,

Débouter le salarié de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions,

Condamner le salarié à verser à la société Dachser France la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, ceux d’appel distraits au profit de la Selarl Lexavoue Aix-en-Provence, avocats aux offres de droit.

L’employeur argue du bien fondé du licenciement pour motif économique, dont il soutient que les éléments ont été communiqués aux institutions représentatives du personnel dans le cadre de la procédure collective, de la validité de la lettre de rupture satisfaisant aux exigences de la mention de l’incidence sur l’emploi, à savoir la modification du contrat de travail consécutive à la réorganisation de l’entreprise et non la suppression de l’emploi, et le refus de cette modification. Il fait valoir qu’il a satisfait à l’obligation de reclassement qui s’impose à lui. Il conteste tout manquement susceptible de fonder la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Par conclusions déposées et notifiées le 24 novembre 2020, le salarié demande à la cour de:

Réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulon en date du 29 septembre 2017 en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de résiliation judiciaire aux torts de l’employeur et le confirmer en ce qu’il a jugé en tout état de cause le licenciement économique sans cause réelle et sérieuse.

Constater, dire et juger les manquements graves de la SAS Dachser à l’encontre du salarié ne

permettant pas la poursuite de la relation de travail.

Constater, dire et juger les conditions dans lesquelles est intervenue la rupture du contrat de travail du salarié et le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat.

Constater, dire et juger le préjudice professionnel et moral subi par le salarié du fait du comportement de la SAS Dachser.

Ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 17 juin 2016, laquelle doit être jugée aux torts de Dachser et emporte les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause, dire le licenciement pour motif économique du salarié sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence

Condamner la SAS Dachser, prise en la personne de son représentant légal en exercice, au paiement des sommes suivantes:

' Indemnité compensatrice de préavis: 4906 euros bruts

' Indemnité de congés payés y afférents: 490,60 euros bruts

' Indemnité de licenciement (solde) : 2275,39 euros nets

' Licenciement sans cause réelle et sérieuse : 58 872 euros nets

' Dommages intérêts pour préjudice moral : 24 530 euros nets

Dire que les condamnations porteront intérêts légaux capitalisés à la date de saisine du conseil de prud’hommes.

Dire que les demandes autres que salariales s’entendent nettes de toutes charges et contributions sociales.

Ordonner la remise des documents de rupture, attestation Pôle emploi, certificat de travail rectifiés et conformes au jugement à intervenir.

Condamner la SAS Dachser, prise en la personne de son représentant légal en exercice, au paiement de la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamner la SAS Dachser, prise en la personne de son représentant légal en exercice, aux entiers dépens.

La salarié, à l’appui de la demande résiliation judiciaire du contrat de travail, soutient des manquements de l’employeur à son obligation de consultation régulière des organes de représentation du personnel sur le projet de déménagement de l’agence de Toulon vers les Arcs, à l’obligation de fournir du travail au salarié, et à l’obligation de sécurité.

Concernant le licenciement pour motif économique, il fait valoir l’absence de motif économique réel et sérieux pouvant justifier ce licenciement en l’absence de démonstration d’un péril pour la compétitivité de la société et du défaut de mention de l’incidence du motif économique dans la lettre de licenciement. Il conteste que l’employeur a rempli l’obligation qui lui incombe d’une recherche

sérieuse et effective de reclassement.

L’ordonnance de clôture prise le 26 novembre 2020 a été révoquée d’accord entre les parties avant l’ouverture des débats, et une nouvelle clôture a été fixée par mention au dossier, avis étant donné verbalement aux conseils des parties.

La cour renvoie, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

Motifs

La demande de résiliation judiciaire:

— l’absence de consultation régulière des représentants du personnel sur le projet de déménagement des sites de Toulon et Nice sur les Arcs:

En application de l’article L. 2323-31 du code du travail en vigueur à la date des faits, le comité d’entreprise est saisi en temps utile des projets de restructuration et de compression des effectifs.

Il émet un avis sur l’opération projetée et ses modalités d’application.

Il est également consulté sur le projet de licenciement collectif et les mesures du plan de sauvegarde de l’emploi, selon l’article L. 1233-28 du code du travail.

La société appelante démontre avoir satisfait à ses obligations en consultant régulièrement le CER Sud, le 28 mai 2015 après lui avoir communiqué le 'projet de regroupement des activités des agences Nice et Toulon’ contenant un 'calendrier prévisionnel de la procédure', le 30 juillet 2015, la consultation donnant lieu à l’émission d’un avis favorable sur les mesures d’accompagnement à la mobilité, le 3 novembre 2015, la consultation donnant lieu à l’émission d’un avis défavorable sur les modalités du projet de déménagement des agences de Toulon et de Nice.

Après le refus des salariés sur la proposition de mutation de site, elle a informé le CER Sud le 14 janvier 2016 sur le projet de licenciement collectif pour motif économique et le 29 janvier suivant sur ce projet et le PSE.

La société a consulté à nouveau le CER Sud le 18 février 2016 sur le choix du cabinet de reclassement et sur le projet de licenciement collectif et les mesures du plan de sauvegarde de l’emploi, puis encore le 16 mars et le 29 mars 2016 sur le projet de réorganisation et ses conséquences sur l’emploi et sur le projet de licenciement, ses modalités et les mesures d’accompagnement figurant dans le projet de document unilatéral.

Elle justifie également de l’information des délégués du personnel sur le projet de regroupement des deux agences de Toulon et de Nice lors d’une réunion exceptionnelle tenue le 15 juin 2015, d’une réunion extraordinaire du CHSCT le 19 février 2016 et de sa consultation sur le projet et sur les mesures d’accompagnement, donnant lieu à l’émission d’avis favorables.

Enfin elle démontre, par la production du document unilatéral de l’employeur homologué par la Direccte le 12 mai 2016 dans lequel l’administration se prononce expressément sur la régularité de la procédure d’information et de consultation sur le plan de réorganisation et le plan de sauvegarde de l’emploi, du comité d’établissement région sud et du CHSCT, et sur la proportionnalité des moyens, le caractère vain du moyen soutenu, de sorte que celui-ci est écarté.

Le salarié ne prétend non plus utilement que la décision de réorganisation a été imposée aux salariés, la décision de restructuration prise par la société Dachser relevant de son choix de gestion de

l’entreprise, de première part, et le projet ayant reçu l’avis favorable à l’unanimité du CER Sud le 28 mai 2015. Ce moyen est également écarté.

— l’obligation de fourniture de travail:

Le salarié soutient que l’employeur ne lui ayant pas fourni de travail à compter de la fermeture du site de Toulon, ce comportement constitue un manquement justifiant la rupture du contrat de travail à ses torts, ce que conteste la société en faisant valoir que les circonstances de la mise à disposition du salarié avec maintien de la rémunération ôtait à celle-ci le caractère d’un tel manquement.

Par lettre du 24 novembre 2015, le salarié a été informé de sa mise à disposition de l’employeur à son domicile avec maintien de la rémunération, 'dans l’attente de la mise en oeuvre du licenciement pour motif économique et des mesures de reclassement mises en oeuvre'.

Il s’évince de ce courrier que le salarié a refusé, ainsi qu’au moins dix autres salariés, d’accepter la modification de son contrat de travail à compter du 30 novembre 2015, date effective de la fermeture de l’agence de Toulon, alors que son emploi n’est pas supprimé, de sorte que l’employeur était tenu d’établir et de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l’emploi ensuite des refus opposés.

Dans ces conditions, compte tenu du caractère impératif du plan et des délais pour sa mise en oeuvre, du caractère temporaire de la dispense d’activité et de la contrepartie fournie au salarié que constitue sa rémunération, la dispense d’activité dont il est fait grief à l’employeur ne caractérise pas un manquement à son obligation de fournir du travail et ne présente pas, en tout état de cause, de caractère suffisamment grave pour justifier une résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Le moyen est rejeté.

— le manquement à l’obligation de sécurité:

Le salarié allègue d’une information tardive des salariés en mai 2015 du projet de déménagement et des répercussions sur la santé du fait de rester à domicile et à disposition de l’entreprise.

L’obligation de sécurité de l’employeur résulte des articles L 4121-1 et L 4121-2 et suivants du code du travail, aux termes desquels l’employeur prend les mesures nécessaires les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Le salarié ne fait pas la démonstration de l’exposition à un risque pour sa santé ou sa sécurité.

En effet, la procédure impérative d’information des instances représentatives ayant été déclarée régulière, aucun manquement de l’employeur n’étant établi dans l’obligation de fournir du travail et la société ayant organisé un accompagnement des salariés avant le regroupement effectif des agences, organisé des mesures d’accompagnement et de formation homologuées dans le cadre du PSE, il s’en déduit que l’employeur a pris les mesures nécessaires pour protéger la santé et la sécurité du salarié, de sorte que le moyen est écarté.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de résiliation judiciaire aux torts de l’employeur.

Le licenciement pour motif économique:

La lettre de licenciement adressée au salarié énonce que :

« Comme vous le savez, la société Dachser évolue dans un contexte concurrentiel très fort, tant sur le plan national qu’international.

La principale caractéristique de l’activité du transport de messagerie de notre entreprise est son fonctionnement en mode réseau. Une implantation locale est donc une nécessité. Les prestataires en messagerie basent toute leur activité sur une organisation obéissant à des règles précises de groupage des marchandises, de tri et d’acheminement vers des zones de distribution. Toute l’exploitation de cette organisation repose sur la coordination de plateformes régionales de groupage et de dégroupage autour desquelles rayonnent des routes les reliant les unes aux autres.

Le positionnement commercial de l’entreprise a évolué et se traduit par les orientations

suivantes:

L’augmentation de l’activité palettes qui représente aujourd’hui 65% de l’activité, avec une structure de fret qui est passée de colis de 70 kg à des palettes d’un poids moyen de plus de 200 kg ;

La nécessité de travailler avec un outil adapté à la massification des flux export ;

Le développement de l’offre combinée à l’égard des clients, en leur proposant le transport mais également l’approvisionnement, la gestion des stocks, la préparation de commandes …

L’évolution du positionnement commercial sur ces nouvelles solutions de transport implique des moyens adaptés (bâtiments, véhicules, outils informatiques, engins de manutentions pour

les agences).

Par conséquent, les agences de Nice et Toulon, qui se situent dans une zone de distribution dense à très forte saisonnalité de mars à août compte tenu de l’attractivité touristique, ne permettent pas de répondre correctement à l’évolution de la demande de nos clients.

Or, les agences de Nice et Toulon ont été acquises il y a trente ans, alors que l’activité

correspondait notamment à du fret colis de 70 kg de poids moyen. Par conséquent, les

infrastructures de ces agences sont inadaptées au développement du fret de palettes, et elles font face à une impossibilité technique de faire évoluer les bâtiments existants pour répondre à cette demande.

De même, l’équilibre des arrivages (distribution) / départs (clients) devrait être de 55% / 45 %, ce qui est impossible à ce jour dès lors que :

Le fret subit de nombreuses ruptures de charges entraînant des litiges ;

La productivité est amoindrie par la multiplication des opérations de manutentions, impactant les heures de départ des tournées et, par voie de conséquence, les tournées de la journée.

Le surcoût annuel de ces contraintes est de 603K euros en 2015 pour Nice et de 437K euros pour Toulon par rapport à la moyenne des agences en France les coûts de transports sont élevés : avec notamment des coûts d’approche de l’agence de départ à celle de distribution de 24.81 euros pour Toulon et de 43.52 euros pour Nice, alors que le coût moyen du plan de transport est de 15,84 euros par contrat, soit un surcoût de 56% pour Toulon et 75% pour Nice, par contrat.

Il est impossible de massifier les flux des chargeurs compte tenu des petites structures des agences de distribution de Nice et Toulon. En effet, les surfaces de quai de Nice et Toulon sont parmi les plus petites de France. Dès lors qu’elles représentent à elles deux 1980m2 exploitables, alors qu’un minimum de 3000m2 est indispensable.

L’ensemble de ces éléments ne permettent pas d’optimiser les transports que ce soit notamment en termes de délai et de quantité, et donc de rester compétitifs.

La configuration de ces agences n’est donc plus adaptée à l’évolution du marché actuel

imposant de proposer une offre combinant une prestation de qualité élevée associée à un

niveau de performance commerciale compétitive tant sur les tarifs que les délais de livraisons.

Le maintien sur deux sites distincts ne permet pas d’être rentables sur la zone géographique impactée et impose de trouver des synergies techniques afin de pallier les difficultés de

l’activité économique.

Il est donc apparu nécessaire de regrouper les activités des deux agences Nice et Toulon dans une seule située aux ARCS afin de traiter l’ensemble des flux de la zone du sud-est de la France et Monaco sur un même site, de massifier les activités départ des deux agences afin de créer un plan de transport direct vers les grandes zones nationales (régions parisienne et lyonnaise notamment).

En effet, le site des ARCS dispose d’une implantation centrale permettant d’optimiser la

productivité camionnage grâce à un accès rapide aux zones économiques et une capacité à effectuer des seconds tours, d’une implantation permettant un accès routier facile, d’une

largeur de quai permettant une double utilisation grâce à des travées suffisamment longues ou encore une capacité de parking pour les véhicules légers, tracteurs, semi et caisses mobiles permettant une réduction des mouvements de matériel et leur sécurisation.

Cette réorganisation a été présentée devant le CE Sud et le CHSCT, qui ont émis un avis favorable à l’unanimité les 28 mai 2015 et 29 mars 2016 pour le CE et le 19 février 2016 pour le CHSCT.

Aussi, par courrier du 07 août 2015, nous vous avons proposé de modifier votre lieu de travail situé à Nice vers le site des ARCS situé Parc des Bréguières 83460 Les Arcs-sur- Argens, soit une distance d’environ 82 km.

Nous vous avons indiqué que vous disposiez d’un délai de 46 jours calendaires à compter de la date de réception de notre proposition pour nous faire connaître votre réponse. Des mesures d’accompagnement à la mobilité vous ont également été proposées.

Par courrier daté du 28 août 2015, vous nous avez fait part, par écrit, de votre refus de cette proposition de modification de votre contrat pour motif économique.

Nous avons donc été contraints d’envisager votre licenciement pour motif économique.

Toutefois, en vue d’éviter cet éventuel licenciement et conformément au plan de sauvegarde de l’emploi, homologué par la Direccte le 12 mai 2016, nous avons recherché toutes solutions alternatives permettant votre reclassement interne.

Nous vous avons transmis par courrier en date du 13 mai 2016 la décision unilatérale de plan de sauvegarde de l’emploi comprenant l’ensemble des mesures d’accompagnement dont vous pouvez bénéficier dans le cadre de la présente procédure.

Nous vous avons informé dans un courrier en date du 17 mai 2016, que vous aviez la

possibilité de vous porter candidat à un ou plusieurs postes disponibles en interne, et vous avons transmis pour ce faire la liste des postes disponibles au sein de l’ensemble des établissements composant la société Dachser, ainsi que des sociétés du groupe entrant dans le périmètre de recherche d’un reclassement interne. Puis, nous vous avons transmis la liste actualisée de ces postes par courriers des 24 mai 2016 et 31 mai 2016.

Nous vous avons remis, dans ce même courrier, un coupon-réponse sollicitant votre souhait de recevoir des offres de reclassement au sein des sociétés du groupe Dachser situées à l’étranger.

Pour ce faire, vous disposiez d’un délai de 14 jours ouvrables à compter de la première

présentation de ce courrier.

Nous vous avons indiqué que l’absence de réponse avant cette date équivaut à un refus de recevoir des propositions de reclassement à l’étranger. Cette date étant passée, vous êtes réputé avoir refusé de recevoir de telles propositions.

Enfin, nous vous avons proposé des solutions individuelles de reclassement par courriers en date des 19 mai 2016 et 31 mai 2016. Vous disposiez d’un délai de 8 jours calendaires à compter de la date de première présentation de chacun de ces deux courriers, pour nous faire connaître par écrit votre position sur ces postes de reclassement.

Nous vous avons également rappelé que l’absence de réponse avant cette date équivaut à un refus des postes de reclassement proposés.

Cette date étant passée, vous êtes réputé avoir refusé toutes les propositions de reclassement.

Au regard des éléments susmentionnés, nous vous notifions votre licenciement pour motif

économique sans reclassement possible.

Nous vous précisons que vous pouvez bénéficier du congé de reclassement, dont les conditions de mise en 'uvre figurent à l’article 4.4 du Plan de sauvegarde de l’emploi qui vous a été adressé le 13 mai 2016.

Vous disposez d’un délai de 8 jours calendaires à compter de la première présentation de cette lettre à votre domicile pour accepter le bénéfice du congé de reclassement, en nous retournant notamment le coupon-réponse joint en annexe.

A défaut d’acceptation expresse de votre part communiquée à la Direction dans ce délai, vous

ne pourrez plus bénéficier de ce dispositif.

En cas d’acceptation, votre préavis ne sera pas exécuté et votre contrat de travail prendra fin, au plus tard, au terme du congé de reclassement.

Si vous refusez le congé de reclassement, la date de première présentation du présent courrier. Conformément à l’article L.1234-3 du code du travail, constitue le point de départ de votre préavis de deux mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu. Dans ce cas, vous êtes dispensé d’exécuter ce préavis qui vous sera bien entendu rémunéré.

Au terme de votre contrat, nous tiendrons à votre disposition votre certificat de travail, l’attestation d’employeur pour le Pôle emploi ainsi que votre reçu pour solde de tout compte, comprenant notamment votre indemnité de licenciement. »

Le motif économique:

L’article L1233-3 du code du travail définit le licenciement pour motif économique comme « le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.».

Il est allégué par la société que la configuration des agences de Toulon et de Nice, devenue obsolète et non susceptible d’évolution sur place, engendre des conséquences financières nuisant à la compétitivité de la société et du Groupe Dachser en ce que le Groupe ne peut pas respecter les mêmes conditions qualitatives et de délais pour la région Sud-Est que d’autres entreprises de transport et de logistique, alors que le site de regroupement permet d’optimiser la productivité camionnage.

Le rapport Secafi cité par les parties analyse la situation des agences de Toulon et de Nice implantées. Il les situe dans une zone de déchargement à forte saisonnalité obligeant les sociétés à type messagerie à avoir un positionnement compliqué à tenir consistant à fournir une prestation de qualité en raison des fortes variations de volumes dans l’année, tout en réalisant des prestations à moindre coût. Il en tire la conclusion que le site de Toulon en cause est inadapté à la stratégie Dachser, tenant aux normes immobilières et à l’absence de possibilité d’extension ne permettant pas le développement des offres intégrées alors qu’il existe une croissance des volumes en arrivage depuis 2013 engendrant des pics de saturation sur les sites concernés, une telle saturation se traduisant par une activité déficitaire depuis au moins l’année 2013 ( baisse de -11% en 2015) qui continue à se dégrader, une hausse des coûts divers, et des pertes cumulées s’élevant à -2,39 M.euros sur trois ans. Le rapport ajoute que la problématique économique rencontrée sur cette agence est celle de l’impossibilité de capter d’autres volumes en raison du niveau de saturation des quais. Il constate qu’il ne lui est justifié d’aucune difficulté économique au niveau du Groupe ou du secteur d’activité. Tout en relevant que les activités domestiques de distribution et le trafic transport export/import sont en difficulté sur 2015, il en déduit que le motif économique ( pris dans le sens de difficultés économiques) ou les risques de perte de compétitivité ne sont pas démontrées.

L’analyse faite par l’auditeur démontre une inadaptation du site de Toulon, non contestée par le salarié et ses représentants, ainsi qu’une activité déficitaire de cette agence depuis au moins l’année 2013 , dont les causes se trouvent essentiellement dans l’impossibilité de réaménager le site et dans une problématique liée au marché français de l’activité de Messagerie, en termes de positionnement tarifaire engendrant des difficultés économiques, et de manque de volumes en raison du ralentissement industriel français.

Ainsi, et contrairement aux conclusions du rapport Secafi, si la société Dachser France présente une situation financière saine, le marché français rencontre des difficultés économiques, et l’agence de Toulon présente une perte régulière de chiffre d’affaires et des pertes financières liées à l’impossibilité de réaménager le site d’exploitation, cette situation rendant nécessaire une restructuration locale, ce que le CER Sud avait admis en émettant un avis favorable au projet, dont le principe et les modalités ont été homologués et sont devenus définitifs.

La société appelante fait ainsi la démonstration que sa compétitivité dans le domaine du transport par route dans la région sud est mise en péril en l’absence d’une réorganisation de l’agence.

La société appelante fondant le motif économique du licenciement non pas sur des difficultés financières compromettant sa pérennité mais sur la sauvegarde de sa compétitivité dans une région

déterminée, le moyen du salarié tiré d’un défaut de production des comptes du Groupe est écarté.

Elle établit ainsi l’existence d’un motif économique réel et sérieux.

L’incidence sur le poste:

Le salarié soutient à tort que la lettre de licenciement ne contient pas la mention de l’incidence

du motif économique sur l’emploi qu’il occupe, alors que cette lettre mentionne expressément l’incidence en cause, constituée par la modification du lieu de travail, que le salarié a expressément refusée de sorte que le moyen est rejeté.

L’obligation de reclassement:

Selon l’article L.1233-4 du Code du travail dans sa rédaction applicable à la cause : « Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. À défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises. »

Au soutien de sa critique du caractère effectif et sérieux du reclassement, le salarié argue de ce que son conseil a été destinataire d’un courrier recommandé contenant des offres de reclassement, ce qui démontre l’absence de caractère sérieux de la tentative de reclassement.

L’appelante expose en revanche avoir soumis au salarié des propositions écrites personnalisées, adressées par courriers des 19 et 31 mai 2016, portant sur les emplois suivants, mentionnés au PSE dont il a été également destinataire:

— agent de conditionnement ( Reims) au salaire de 1698,59 euros ( salaire de base sur 13 mois)

— agent de quai ( divers postes, situés à Bordeaux, la Verrie, Fréjus, Pau, X, Oissel) au salaire de 1698,59 euros, ( salaire de base sur 13 mois),

— agent de quai (la Verrie, St Etienne , La Crèche divers CDD), au salaire de 1698,59 euros, ( salaire de base sur 13 mois),

— agent logistique ( Reims, Salon de Provence) au salaire de 1698,59 euros, ( salaire de base sur 13 mois),

— brigadier de quai ( Fréjus)au salaire de 1698,59 euros, ( salaire de base sur 13 mois),

— cariste ( Salon de Provence) au salaire de 1698,59 euros, ( salaire de base sur 13 mois),

— contrôleur ( Reims) au salaire de 1698,59 euros, ( salaire de base sur 13 mois),

— préparateur de commandes ( Reims, Salon de Provence) au salaire de 1698,59 euros, ( salaire de base sur 13 mois),

classification ouvrier,

— responsable départs ( Fréjus) au salaire de 1698,59 euros, ( salaire de base sur 13 mois), classification agent de maîtrise,

offres auxquelles le salarié n’a pas répondu.

Ainsi, la société justifie avoir rempli loyalement son obligation de reclassement à l’égard du salarié, en lui proposant des emplois relevant de la même catégorie que le poste de brigadier de quai qu’il occupait, dans la région et dans l’entreprise au plan national, représentant des recherches de reclassement individuelles précises et sérieuses, étant observé que le défaut de réponse par le salarié entraînait l’absence de proposition de reclassement au sein des sociétés Dachser situées à l’étranger, et les propositions étant formulées jusqu’à la date du 31 mai 2016 soit jusqu’à quelques jours de l’envoi de la lettre de licenciement.

Il doit être observé qu’aucun effet juridique ne peut être tiré de l’envoi au conseil du salarié d’un courrier contenant des offres de reclassement, cet envoi ne pouvant s’analyser qu’en une simple erreur matérielle de destinataire.

Il s’ensuit que le licenciement prononcé pour motif économique n’est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement dont appel est en conséquence infirmé de ce chef.

L’examen de la demande indemnitaire en dommages et intérêts en réparation d’un préjudice moral est sans objet.

Les demandes salariales et indemnitaires:

Le salarié justifie d’une ancienneté de près de 20 ans et 4 mois au sein d’une entreprise de plus de onze salariés.

Le salarié ayant adhéré au congé de reclassement proposé par l’employeur le 27 juin 2016, le contrat de travail est poursuivi, le salarié devant percevoir sa rémunération habituelle pendant les deux mois de préavis.

— l’indemnité compensatrice de préavis:

Conformément à l’article L. 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas son préavis, il a droit à une indemnité compensatrice correspondant aux salaires et avantages qu’aurait perçus le salarié s’il avait travaillé jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise, de sorte qu’il n’y a pas lieu de calculer l’indemnité compensatrice par référence à un salaire mensuel moyen de 2453,09 euros bruts.

Le salarié percevait un salaire mensuel brut de base de 1698,59 euros auquel vient s’ajouter la prime d’ancienneté mensuelle de 183,76 euros. Le montant de l’indemnité compensatrice s’élève par conséquent à 3764, 70 euros brut. L’employeur ayant versé la somme de 3304,03 euros bruts sera tenu de verser la différence soit la somme de 460,67 euros bruts, ainsi que l’incidence de congés payés de 46,07 euros bruts.

— l’indemnité de licenciement

Le salarié sollicite un complément d’indemnité de licenciement de 2275,39 euros nets à la somme de 12 686 euros nets déjà perçue. Sa demande est calculée sur un salaire mensuel moyen de 2453,09

euros et selon des modalités critiquées par la société dans l’application d’une formule propre au statut 'maîtrise/haute maîtrise', alors que le salarié relève de la catégorie 'ouvrier',ce qui n’est pas contredit.

La société explicite ses modalités de calcul, fondées sur les articles R. 1234-2 et R 1234-4 du code du travail dans leur version applicable aux faits de la cause et selon la formule rappelée dans le PSE, portant sur un salaire moyen des 12 derniers mois de 2455,30 euros bruts qu’il convient de retenir, en ce qu’il est plus favorable que le salaire moyen des trois derniers mois s’élevant à 2233,82 euros bruts, conduisant à la détermination d’une indemnité légale de licenciement précitée.

L’employeur justifiant du versement de ce montant, l’intimé est débouté de la demande formée à ce titre.

Le rappel d’indemnité compensatrice préavis résultant de l’application du contrat de travail, les intérêts des sommes accordées courent du jour de la demande.

Les intérêts dus au moins pour une année entière produiront intérêt conformément à l’article 1343-2 du code civil.

Par ces motifs

La cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté le salarié de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et rejeté la demande formée au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, et les congés payés afférents,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute M. Y Z de ses demandes au titre du licenciement pour motif économique sans cause réelle et sérieuse;

Condamne la société Dachser à payer M. Y Z à la somme de 460,67 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et la somme de 46,07 euros bruts à titre d’incidence de congés payés;

Dit que les condamnations porteront intérêts à compter de la demande;

Dit que les intérêts dus au moins pour une année entière produiront intérêt;

Ordonne la remise des documents de rupture, attestation Pôle emploi, certificat de travail rectifiés et conformes au présent arrêt;

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. Y Z à payer à la société Dachser la somme de 400 euros;

Rejette les autres demandes;

Condamne M. Y Z aux entiers dépens, ceux d’appel recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-7, 12 février 2021, n° 17/19832