Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 25 février 2021, n° 20/10357

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-4

ARRÊT AU FOND

DU 25 FEVRIER 2021

N° 2021/ 62

RG 20/10357 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGOC5

S.A. AXA FRANCE IARD

C/

S.A.S. LE PHOENIX

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Romain CHERFILS

Me Jean-Pierre TERTIAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 15 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 2020F00893.

APPELANTE

S.A. AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice

[…]

représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et plaidant par Me Pascal ORMEN de la SELARL ORMEN PASSEMARD ORPA LEGAL avocat au barreau de Paris

INTIMEE

S.A.S. LE PHOENIX à l’enseigne L’ESPIGOULIER

[…]

représentée par Me Jean-Pierre TERTIAN de la SCP TERTIAN / BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 27 Janvier 2021 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, monsieur BANCAL Jean-François, président a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

M. Jean-François BANCAL, Président

Mme Patricia TOURNIER, Conseillère

Mme Sophie LEYDIER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Priscille LAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 février 2021

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 février 2021

Signé par M. Jean-François BANCAL, Président et Mme Priscille LAYE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Exposé du litige:

La S.A.S. LE PHOENIX exploite un fonds de commerce de restauration à l’enseigne

« L’ESPIGOULIER '' […].

Le 23 août 2017, elle a 'souscrit un contrat d’assurance multirisque professionnelle auprès d’AXA FRANCE représentée par M. X Y', son agent général, comportant une garantie «Perte d’exploitation suite à fermeture administrative '', notamment lorsque la décision de fermeture est la conséquence d’une 'épidémie', assortie d’une clause d’exclusion (page 9 des conditions particulières ).

Le 14 mars 2020, le Ministère des Solidarités et de la Santé prenait un Arrêté «Portant diverses mesures contre la propagation du virus Covid-19 ''. Il édictait notamment qu’à compter du 15 mars 2020, les restaurants et débits de boisson n’étaient plus habilités à recevoir du public.

Cette interdiction a été prorogée jusqu’au 2 juin 2020 par décret du 14 avril 2020.

La Société LE PHOENIX a effectué une déclaration de sinistre auprès de la Société AXA FRANCE IARD par lettre recommandée avec avis de réception du 23 avril 2020.

La Société AXA FRANCE IARD a opposé un refus de garantie en se référant à la clause d’exclusion

des conditions particulières du contrat.

**

La Société LE PHOENIX a demandé à être autorisée à assigner à bref délai la Société AXA FRANCE IARD devant le tribunal de commerce de Marseille, afin d’obtenir l’indemnisation de ses pertes d’exploitation pour la période du 15 mars au 2 juin 2020.

Suite à autorisation du 8 septembre 2020, par acte du 9 septembre 2020, elle a fait assigner la Société AXA FRANCE IARD.

Elle demandait au tribunal de commerce de Marseille :

Vu les dispositions des articles 1108 et 1143 du Code Civil,

Vu les dispositions des articles 1169 et 1170 du Code Civil,

Vu les dispositions de l’article L 113-l du Code des Assurances,

Vu les dispositions de l’article 1240 du Code Civil,

Vu le contrat d’assurance souscrit,

de condamner la Société AXA FRANCE IARD à garantir le sinistre perte financière suite à fermeture administrative par épidémie, subi par la Société LE PHOENIX entre

le 15 mars 2020 et le 2 juin 2020, après avoir déclaré non écrite et/ou abusive la clause

d’exclusion opposée à l’assuré ;

En conséquence, de:

— CONDAMNER la Société AXA FRANCE IARD à payer à la Société LE PHOENIX,

la somme de 32.504,00 € au titre des pertes d’exploitation, outre intérêts de droit à

compter de la déclaration de sinistre du 23 avril 2020 ;

Subsidiairement, de :

— CONDAMNER AXA FRANCE IARD au paiement d’une provision à valoir sur l’indemnisation du sinistre d’un montant de 32.500,00 € ;

— CONDAMNER AXA FRANCE IARD sous astreinte de 500 € par jour de retard, par

jour de retard, un mois après la signification du jugement à mettre en oeuvre la procédure d’expertise prévue au contrat ;

En tout état de cause,

— CONDAMNER la Société AXA FRANCE IARD sur le fondement de l’article 1240 du

Code Civil à payer à la Société 10.000 € en réparation du préjudice du subi du fait de

sa résistance abusive ;

— CONDAMNER la Société AXA FRANCE IARD à payer 10.000 € à la Société LE

PHOENIX sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

— CONDAMNER la Société AXA FRANCE IARD aux dépens ;

— CONSTATER que l’exécution provisoire est de droit.

**

Par jugement du 15 octobre 2020, le Tribunal de commerce de Marseille a :

Vu les articles 114, 117 et suivants du Code de Procédure Civile,

Déclaré valable l’assignation délivrée le 9 septembre 2020 à la requête de la Société LE PHOENIX S.A.R.L. ;

Vu les articles L 113-1 du Code des assurances et 1170 du Code civil,

Déclaré réputée non écrite, la clause d’exclusion de garantie dont se prévaut la Société AXAFRANCE IARD telle que ci-dessous reproduite :

« SONT EXCLUES

LES PERTES D’EXPLOITATION, LORSQUE, A LA DATE DE LA DÉCISION DE FERMETURE, AU MOINS UN AUTRE ETABLISSEMENT, QUELLE QUE SOIT SA NATURE ET SON ACTIVITE, FAIT L 'OBJET, SUR LE MÊME TERRITOIRE DÉPARTEMENTAL QUE CELUI DE L 'ETABLISSEMENT ASSURE, D’UNE MESURE DE FERMETURE ADMINISTRATIVE, POUR UNE CAUSE IDENTIQUE ''

Condamné la Société AXA FRANCE IARD S.A. à payer à la Société LE PHOENIX S.A.R.L. la somme de 23.000 € (vingt-trois mille Euros) à titre de provision, au titre des

pertes d’exploitation qu’elle a subies lors de la fermeture de son établissement du 15 mars au 2 juin 2020 et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice ;

Condamné la Société AXA FRANCE IARD à mettre en oeuvre la procédure d’expertise

prévue au contrat dans les deux mois de la signification du présent jugement et passé ce délai, sous astreinte provisoire de 500 € (cinq cents Euros) par jour de retard pendant un mois ;

Vu les dispositions de l’article 444 du Code de Procédure Civile,

Ordonné la réouverture des débats et renvoyé l’affaire à la plus prochaine audience utile, afin qu’à l’issue de la procédure d’expertise prévue au contrat les parties s’expliquent contradictoirement sur le montant définitif de l’indemnité due à la Société LE PHOENIX au titre des pertes d’exploitation qu’elle a subies lors de la fermeture de son établissement du 15 mars au 2 juin 2020 ;

Seul l’enrôlement emportant saisine du tribunal,

Laissé à la charge de la Société LE PHOENIX S.A.R.L. le paiement des frais de remise au rôle de l’affaire ;

Dit que le défaut de remise au rôle emporte absence de saisine de la juridiction ;

Condamné la Société AXA FRANCE IARD S.A. à payer à la Société LE PHOENIX S.A.R.L. la somme de 3.500 € (trois mille cinq cents Euros) au titre des dispositions de

l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de Procédure Civile,

Condamné la Société AXA FRANCE IARD S.A. aux dépens

Conformément aux dispositions des articles 514 et suivants du Code de Procédure Civile, dit que le jugement est de plein droit, exécutoire à titre provisoire ;

Rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du jugement.

**

Le 27.10.2020, la S.A. AXA FRANCE IARD interjetait appel.

Par ordonnance du 3.11.2020, l’affaire était fixée à bref délai à l’audience du 27.1.2021 à 14h , avec clôture de l’instruction au 13.1.2021 .

**

Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées notifiées par le RPVA le 8.1.2021, la S.A. AXA FRANCE IARD demande à la cour :

Vu les articles 117 et suivants du Code de procédure civile,

Vu les articles 1103 et 1170 du Code civil,

Vu les articles L.112-2 et L. 113-1 du Code des assurances,

Vu le jugement dont appel, de :

— JUGER que le mandat de gérer et indemniser les sinistres confié par AXA France IARD à ses agents généraux n’implique pas celui de la représenter en justice et que ce défaut de pouvoir constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l’assignation délivrée entre les mains de l’agent général ;

— PRONONCER la nullité de l’assignation ;

En conséquence :

— ANNULER le jugement du 15 octobre 2020 du Tribunal de commerce de Marseille et en tous les cas l’INFIRMER en toutes ses dispositions critiquées ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

— JUGER que l’extension de garantie relative aux pertes d’exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie est assortie d’une clause d’exclusion, qui est applicable en l’espèce ;

— JUGER que la clause d’exclusion respecte le caractère formel exigé par l’article L.113-1 du Code des assurances et qu’elle n’est pas douteuse ;

— JUGER que la clause d’exclusion ne vide pas l’extension de garantie de sa substance, qu’elle ne prive pas l’obligation essentielle d’AXA France IARD de sa substance, qu’elle n’est pas abusive et qu’elle ne rend pas la garantie d’AXA France IARD dérisoire ;

En conséquence :

— INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du 15 octobre 2020 du Tribunal de commerce de Marseille ;

— DÉBOUTER la SARL PHOENIX de sa demande de provision formulée à l’encontre d’AXA France IARD et la condamner à restituer à AXA les sommes perçues au titre de l’exécution du jugement du 15 octobre 2020 ;

ET STATUANT À NOUVEAU SUR LA DEMANDE DE CONDAMNATION AU TITRE DU DEVOIR D’INFORMATION ET DE CONSEIL

— JUGER la SARL PHOENIX irrecevable et en tout cas non fondée en l’intégralité de ses demandes fins et conclusions formées à l’encontre de la société AXA France IARD, l’en débouter ;

— CONDAMNER la SARL PHOENIX à payer à AXA la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, Avocats associés aux offres de droit.

**

Par dernières conclusions avec bordereau de pièces communiquées notifiées par le RPVA le 11.1.2021, la S.A.S. LE PHOENIX demande à la cour :

Vu les dispositions des articles 565 et 566 du Code de Procédure Civile ;

Vu les dispositions des articles 1108 et 1143 du Code Civil ;

Vu les dispositions des articles 1169 et 1170 du Code Civil ;

Vu les dispositions des articles L 113-1 et L.112-4 du Code des Assurances ;

Vu les dispositions de l’article 1231-1 du Code Civil ;

Vu le contrat d’assurance souscrit , de :

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Marseille le 15 octobre 2020 en ce qu’il a écarté l’exception de nullité de l’assignation délivrée à la requête de la Société LE PHOENIX le 9 septembre 2020 ;

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Marseille le 15 octobre 2020 en ce qu’il a condamné la Société AXA FRANCE IARD à garantir le sinistre perte financière suite à fermeture administrative pour épidémie, subi par la Société LE PHOENIX entre le 15 mars 2020 et le 2 juin 2020, après avoir déclaré non écrite et/ou abusive la clause d’exclusion opposée à l’assuré et subsidiairement pour manquement à son devoir d’information et de conseil ;

REFORMER le Jugement sur le préjudice et condamner la Société AXA FRANCE IARD à payer à la Société LE PHOENIX : 35.402 € HT au titre des pertes d’exploitation du 15 mars au 2 juin 2020, outre intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 26 mai 2020 ;

Y ajoutant sur le fondement des articles 565 et 566 du Code de Procédure Civile :

CONDAMNER la Société AXA FRANCE IARD à garantir le sinistre perte financière suite à fermeture administrative pour épidémie, subi par la Société LE PHOENIX entre le 28 septembre et le 4 octobre 2020 après avoir déclaré non écrite et/ou abusive la clause d’exclusion opposée à l’assuré et subsidiairement pour manquement à son devoir d’information et de conseil ;

CONDAMNER la Société AXA FRANCE IARD à payer à la Société LE PHOENIX :

2.138,40 € HT au titre des pertes d’exploitation du 28 septembre et le 4 octobre 2020, outre intérêts de droit à compter de la déclaration de sinistre du 28 septembre 2020 ;

CONDAMNER la Société AXA FRANCE IARD à garantir le sinistre perte financière suite à fermeture administrative pour épidémie, subi par la Société LE PHOENIX à compter du 30 octobre 2020 jusqu’à réouverture après avoir déclaré non écrite et/ou

abusive la clause d’exclusion opposée à l’assuré et subsidiairement pour manquement à son devoir d’information et de conseil ;

CONDAMNER la Société AXA FRANCE IARD à payer à la Société LE PHOENIX :

25.660,80 € HT avec intérêt de droit à compter du 9 novembre 2020 en garantie des

pertes d’exploitation de la période du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020 inclus ;

RÉSERVER ses droits pour la période au-delà du 1 er janvier 2021 jusqu’à réouverture.

SUBSIDIAIREMENT SUR LE PRÉJUDICE,

CONFIRMER le Jugement rendu en ce qu’il a alloué à la SAS LE PHOENIX une provision de 23.000 € HT pour le 1er sinistre du 15 mars au 2 juin 2020 ;

CONDAMNER la Société AXA FRANCE IARD à payer à la SAS LE PHOENIX une provision complémentaire de 28.000 € ;

CONFIRMER la décision de première Instance en ce qu’elle a condamné AXA à mettre en 'uvre la procédure d’expertise prévue contractuellement ;

AMPLIER la mission d’expertise aux périodes de fermetures administratives instaurées par l’arrêté de Monsieur le Préfet des Bouches-du-Rhône du 27 septembre 2020 et le Décret de Monsieur le Premier Ministre n°2020-1310 du 29 octobre 2020 ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

CONDAMNER La Société AXA FRANCE IARD à payer 10.000 € à la Société LE PHOENIX sur le fondement de l’article 700 du CPC en cause d’appel ;

CONDAMNER La Société AXA FRANCE IARD aux dépens de Première instance et

d’appel, ces derniers distraits au profit de Maître TERTIAN Jean-Pierre .

**

A l’audience du 27.1.2021, la clôture a été maintenue à la date fixée : le 13.1.2021 et la pièce 29 de l’intimée, communiquée par bordereau notifié le 15.1.2021, a été écartée des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la nullité de l’assignation introductive d’instance :

En application de l’article 117 du code de procédure civile, constitue notamment une irrégularité de fond affectant la validité d’un acte ' le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant d’une personne morale'. Il en est de même du ' défaut … de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice'.

Il s’agit d’une nullité pour irrégularité de fond et non d’une nullité pour vice de forme.

L’assureur demande à la cour de:

' – juger que le mandat de gérer et indemniser les sinistres confié par AXA France IARD à ses agents généraux n’implique pas celui de la représenter en justice et que ce défaut de pouvoir constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l’assignation délivrée entre les mains de l’agent général ;

' – prononcer la nullité de l’assignation ;

En conséquence :

' – (d') annuler le jugement du 15 octobre 2020 du Tribunal de commerce de Marseille'.

En l’espèce, la lecture des conditions particulières du contrat d’assurance souscrit par l’intimée le 23 août 2017, révèle qu’il le fut ' auprès d’AXA FRANCE représentée par M. X Y ', son agent général, lequel en est également le signataire pour la compagnie (pages 2 et 6 de ces conditions).

L’assureur précise lui-même que l’assignation introductive d’instance fut délivrée le 9 septembre 2020 à monsieur Y X en sa qualité d’agent général D’AXA (page 5 de ses écritures) et ne conteste pas que ce dernier lui a transmis cet acte, ce qui lui a permis de constituer avocat, de conclure et donc d’assurer sa défense devant le premier juge.

S’il affirme que l’agent général en question n’aurait pas le pouvoir de le représenter, notamment pour recevoir une assignation en justice, il ne verse aucune pièce contractuelle concernant ses relations contractuelles avec cet agent et ne justifie donc pas de la limitation de ses pouvoirs de représentation qu’il invoque.

En conséquence, aucune irrégularité de fond n’affectant l’assignation introductive d’instance, l’exception de nullité de l’assignation introductive d’instance ne pouvait qu’être rejetée.

La décision déférée doit donc ici être confirmée, en partie pour d’autres motifs, puisque à tort le premier juge a invoqué des dispositions concernant la nullité d’un acte pour vice de forme.

En conséquence, il n’y a pas lieu à annuler le jugement entrepris.

Sur la garantie perte d’exploitation en cas de fermeture d’un établissement pour épidémie:

En application de l’article 1170 du Code civil, dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre

2016 : « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ».

En outre, en vertu de l’article 1171 alinéa premier du même code, dans sa version en vigueur à compter du 1er octobre 2016 :

« Dans un contrat d’adhésion toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite ».

L’article L 113'1 alinéa premier du code des assurances énonce que :

« Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ».

Enfin, lorsqu’il s’agit d’interpréter un contrat, dans le doute, il convient de privilégier l’interprétation favorable au débiteur, et, lorsqu’une clause est susceptible deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun (articles 1190 et 1191 du Code civil).

En matière d’assurance, l’assuré doit connaître l’étendue des garanties incluses dans le contrat d’assurance qu’il a souscrit et être en mesure de les comprendre.

Et il a été jugé qu’il résulte de l’article L 113'1 du code des assurances que les clauses d’exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu’elles doivent être interprétées et qu’elles ne se réfèrent pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées.

En l’espèce, dans les conditions particulières du contrat d’assurance multirisque professionnelle du 23 août 2017, figure sous le titre :

« PERTE D’EXPLOITATION SUITE À FERMETURE ADMINISTRATIVE »(page 9),

une garantie des pertes d’exploitation consécutive à une fermeture administrative intervenue notamment à la suite d’une épidémie, ainsi rédigée:

« La garantie est étendue aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même

2. La décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication.

Durée et limites de la garantie

la garantie intervient pendant la période d’indemnisation, c’est-à-dire la période commençant le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l’établissement sont affectés par ledit sinistre, dans la limite de trois mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l’indice.

L’assuré conservera à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés ».

Il résulte des différentes pièces produites par les parties que si une épidémie peut être définie comme

étant le résultat du développement et de la propagation rapide d’une maladie contagieuse dans une population, cette population peut être celle d’un lieu limité, mais aussi d’un village, d’une ville, d’une région, d’un ou de plusieurs pays.

Pour la garantie souscrite par la société le Phoénix auprès de la compagnie AXA, aucune distinction n’est opérée quant à la population visée, aucune définition des termes maladie contagieuse et épidémie ne figure au contrat .

L’obligation essentielle de l’assureur est donc celle d’indemniser son assuré des pertes d’exploitation subies suite à fermeture administrative en raison d’une épidémie.

Ici, c’est à la suite de plusieurs décisions administratives interdisant aux restaurateurs de recevoir du public en raison de l’épidémie de coronavirus, dit Covid 19, et donc de la fermeture administrative en résultant, que l’assuré a subi des pertes d’exploitation dont il demande l’indemnisation.

Cependant, l’assureur dénie toute garantie en invoquant la clause d’exclusion suivante:

« Sont exclues

- les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

L’exclusion ainsi définie n’est nullement limitée puisqu’elle vise:

— tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité,

— faisant l’objet d’une fermeture administrative pour une cause identique,

— sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d’un village ou d’une ville.

L’application pure et simple de cette clause d’exclusion aboutirait donc à ne pas garantir l’assuré des pertes d’exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et donc, à priver de sa substance l’obligation essentielle de garantie.

Comme le fait d’ailleurs remarquer la société intimée, l’assureur ne produit aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d’épidémie.

En outre, suite à l’épidémie de coronavirus dite COVID 19, le 28 octobre 2020, l’assureur AXA a proposé à son assuré un avenant définissant cette fois avec précision les termes épidémie et pandémie et excluant de la garantie les pertes d’exploitation consécutives à une épidémie et à une pandémie (pièces 24 et 26 de l’intimée).

C’est donc avec raison que les premiers juges ont estimé que la clause d’exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l’article L 113-1 du code des assurances et qu’elle devait être réputée non écrite.

Leur décision doit ici être confirmée, en partie pour d’autres motifs.

Sur l’indemnisation :

En application des conditions particulières du contrat (page 9 ) :

' La garantie intervient pendant la période d’indemnisation, c’est-à-dire la période commençant le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l’établissement sont affectés par ledit sinistre, dans la limite de trois mois maximum.

Le montant de la garantie est limité à 300 fois l’indice.

L’assuré conservera à sa charge une franchise de 3 jours ouvrés ».

En l’espèce, il résulte des explications des parties et des pièces produites par elles :

que le restaurant de l’assuré a fait l’objet d’une fermeture administrative suite à l’épidémie de Coronavirus pour les périodes suivantes :

du 15 mars 2020 au 2 juin 2020,

du 28 septembre 2020 au 4 octobre 2020,

depuis le 30 octobre 2020,

que chacune de ces périodes correspond à un sinistre ayant fait l’objet de déclarations,

qu’en raison de la fermeture de son établissement, l’assuré a subi des pertes d’exploitation dont il réclame l’indemnisation,

qu’en produisant différents documents, dont une attestation de son expert comptable du 26 mai 2020, il demande à être indemnisé à hauteur des sommes suivantes:

'première période : 35'402 € hors-taxes,

'seconde période : 2138,40 € hors-taxes,

'période allant du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020, avec réserve des droits ultérieurs : 25'660,80 € hors-taxes,

sauf à ce qu’il lui soit alloué :

* pour la première période : une provision de 23'000€,

* pour les autres périodes : une provision complémentaire de 28'000€.

Compte tenu de ces éléments, c’est avec raison et par des motifs appropriés que le premier juge a estimé qu’il convenait, pour la première période, de condamner l’assureur à mettre en 'uvre la procédure d’expertise prévue au contrat, et, dans l’attente, d’allouer à l’assuré une provision de 23'000 €.

Pour les autres périodes, sans qu’il y ait lieu de formuler la moindre réserve, chacun étant libre d’exercer en justice les droits qu’il tient de la loi, et pour les mêmes motifs, il convient de condamner également l’assureur à mettre en 'uvre la procédure d’expertise prévue au contrat, et, compte tenu du bilan produit, de l’attestation de l’expert-comptable de l’assurée versée et des périodes considérées, de le condamner à payer à l’assuré une provision complémentaire de 27'000 €, la dite somme portant intérêts au taux légal à compter de la présente décision par laquelle la cour a fixé son montant.

Sur les dépens et l’article 700 du Code de procédure civile:

Succombant, l’appelante supportera les dépens.

Si, en première instance, l’équité commandait d’allouer à la S.A.S. LE PHOENIX une indemnité de 3500€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, il en est de même en appel et il convient de lui allouer une indemnité complémentaire de 7000€ .

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement,

Contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré,

Y AJOUTANT,

DIT qu’en vertu du contrat d’assurance souscrit le 23 août 2017 la S.A. AXA FRANCE IARD doit garantir la S.A.S. LE PHOENIX des pertes exploitation subies à la suite à des fermetures administratives ordonnées en raison de l’épidémie de coronavirus, pour les périodes suivantes :

' du 28 septembre au 4 octobre 2020,

' à compter du 30 octobre 2020 et dans les limites contractuelles,

CONDAMNE la S.A. AXA FRANCE IARD à payer à la S.A.S. LE PHOENIX une provision complémentaire de 27'000€ à valoir sur l’indemnisation des pertes d’exploitation subies lors de la fermeture de son établissement pour les périodes suivantes :

'du 28 septembre 2020 au 4 octobre 2020,

'du 30 octobre 2020 au 31 décembre 2020,

DIT que la dite somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

CONDAMNE, pour les périodes précitées, la S.A. AXA FRANCE IARD à mettre en oeuvre la procédure d’expertise prévue au contrat dans les deux mois de la signification du présent arrêt, et passé ce délai, sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard pendant un mois,

RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Marseille pour la suite de la procédure,

CONDAMNE la S.A. AXA FRANCE IARD à payer à la S.A.S. LE PHOENIX 7000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la S.A. AXA FRANCE IARD aux dépens d’appel et en ordonne la distraction en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 25 février 2021, n° 20/10357