Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 8 janvier 2021, n° 19/10124

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-8, 8 janv. 2021, n° 19/10124
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/10124
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nice, 10 avril 2019, N° 16/1033
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8

ARRÊT AU FOND

DU 08 JANVIER 2021

N°2020/

Rôle N° RG 19/10124 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEPJP

Y X

C/

CAISSE AUTONOME RETRAITE DES MEDECINS FRANCAIS

Copie exécutoire délivrée

le :

à

 : Me Elsa FOURRIER-

MOALLIC

CAISSE AUTONOME RETRAITE DES MEDECINS FRANCAIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 11 Avril 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 16/1033.

APPELANTE

Madame Y X, demeurant […]

représentée par Me Elsa FOURRIER-MOALLIC de la SARL CABINET FOURRIER-MOALLIC, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

CAISSE AUTONOME RETRAITE DES MEDECINS FRANCAIS, demeurant […]

représenté par M. Alain DUCROCQ, en vertu d’un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Octobre 2020, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre, chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre

Monsieur Emmanuel POINAS, Conseiller

Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Laura BAYOL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2021.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Janvier 2021

Signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme Y X, qui exerce en qualité de médecin à titre libéral, s’est vu notifier sept contraintes par la Caisse Autonome de Retraite des Médecins de France (ci-après CARMF) au titre des cotisations pour les années 2011 à 2017.

Faisant valoir qu’elle exerçait son activité, exclusivement, à Monaco et qu’à ce titre, elle n’était inscrite qu’à l’Ordre des Médecins de Monaco et non à l’Ordre des Médecins Français, exercice au titre duquel elle réglait d’ores-et-déjà des cotisations auprès de la Caisse Autonome de Retraite des Travailleurs Indépendants (ci-après CARTI) à Monaco, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes-Maritimes de sept oppositions à contraintes.

Par jugement du 11 avril 2019, le tribunal, devenu en cours d’instance le pôle social du tribunal de grande instance de Nice, a :

— Ordonné la jonction des recours sous le numéro 21601033 ;

— Déclaré la contestation élevée par Mme Y X recevable mais mal fondée ;

— Rejeté l’exception d’incompétence soulevée par Mme Y X ;

— Rejeté les fins de non recevoir de Mme Y X ;

— Validé les contraintes délivrées par la CARMF à l’encontre de Mme Y X, en l’espèce :

* une contrainte du 18 avril 2015 pour des cotisations d’un montant de 19.156 euros et 675,53 euros de majorations de retard pour la période 2011 (recours 21601033),

* une contrainte en date du 18 avril 2016 pour des cotisations d’un montant de 19.737 euros et 606,15 euros de majorations de retard sur la période de 2012 (recours 21601035),

* une contrainte en date du 18 avril 2016 pour des cotisations d’un montant de 20.531 euros et 650,58 euros de majorations de retard sur la période 2013 (recours 21601046),

* une contrainte du 18 avril 2016 pour des cotisations d’un montant de 22.839 euros et 954,87 euros à titre de majorations de retard pour la période 2015 (recours 21601034),

*une contrainte du 25 août 2016 pour des cotisations d’un montant de 21.561 euros et 2.272,48 euros de majorations de retard pour la période 2014 (recours 21602151),

* une contrainte du 14 février 2017 pour des cotisations d’un montant de 23.676 euros et 873,85 euros à titre de majorations de retard pour l’exercice 2016 (recours 21700597),

* une contrainte du 12 février 2018 pour des cotisations d’un montant de 24.310 euros et 893,34 euros de majorations de retard sur l’exercice 2017 (recours 21800516),

— Rappelé que les majorations de retard des contraintes courent jusqu’au complet paiement du

principal et des frais légaux ;

— Débouté Mme Y X de l’ensemble de ses demandes ;

— Condamné Mme Y X aux dépens de l’instance.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 14 juin 2019, Mme Y X a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions déposées et développées oralement à l’audience, Mme Y X demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris.

In limine litis, elle demande à la cour de se déclarer incompétente pour statuer sur cette affaire, seules les juridictions monégasques étant compétentes pour le règlement de tout litige concernant le recouvrement des cotisations sociales de la CARMF auprès des médecins exerçant à Monaco et de renvoyer la CARMF à mieux se pourvoir.

A titre principal, elle demande à la cour de :

— déclarer ses oppositions aux sept contraintes émises par la CARMF pour les années 2011 à 2017 recevables et fondées ;

— juger qu’en l’absence de mesures législatives et règlementaires prises par les autorités monégasques, son affiliation à la CARMF, étant un médecin français travaillant à titre exclusif à Monaco, n’a aucun caractère obligatoire ;

Par conséquent,

— juger que les sept contraintes délivrées pour les exercices 2011 à 2017 sont sans objet dans la mesure où elles n’ont aucun fondement puisqu’elle n’est pas affiliée à la CARMF ;

— annuler les contraintes :

* du 18 avril 2016 pour des cotisations d’un montant de 19.156 euros et 675,53 euros de majorations de retard pour la période 2011,

* du 18 avril 2016 pour des cotisations d’un montant de 19.737 euros et 606,15 euros de majorations de retard sur la période de 2012,

* du 18 avril 2016 pour des cotisations d’un montant 20.531 euros et 650,58 euros de majorations de retard pour la période de 2013,

* du 18 avril 2016 pour des cotisations d’un montant de 22.839 euros et 954,87 euros de majorations

de retard pour la période de 2015,

* du 25 août 2016 pour des cotisations d’un montant de 21.561 euros et 2272,48 euros de majorations de retard pour la période de 2014,

* du 14 février 2017 pour des cotisations d’un montant de 23.676 euros et 873,85 euros de majorations de retard pour l’exercice 2016,

*du 12 février 2018 pour des cotisations d’un montant de 24.310 euros et 893,34 euros de majorations de retard sur l’exercice 2017.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de :

— juger qu’en application de la Charte Sociale européenne du 3 mai 1996, elle est en droit de ne pas subir un double assujettissement et par conséquent, peut n’être affiliée qu’à la CARTI monégasque et refuser toute affiliation à la CARMF ,

— juger qu’en application du règlement n°833/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, elle ne doit être affiliée qu’à un seul organisme de sécurité sociale, en l’occurrence la CARTI ;

Par conséquent,

— annuler les contraintes litigieuses.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de :

— juger que les sept contraintes qui lui ont été délivrées pour les années 2011 à 2017 n’ont pas été précédées de mises en demeure préalables valables ;

— juger que les sept mises en demeure qui lui ont été délivrées pour les années 2011 à 2017 comportaient des irrégularités (omission de l’adresse de la commission de recours amiable et indication d’un délai erroné pour la saisir), lesquelles lui ont causé un grief dans la mesure où elle a été privée d’une voie de recours effective ;

— juger que les sept mises en demeure qui lui ont été délivrées pour les exercices de 2011 à 2017 ne sont pas suffisamment motivées pour lui permettre de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation ;

Par conséquent,

— annuler les contraintes litigieuses.

En tout état de cause, elle demande à la cour de :

— débouter la CARMF de toutes ses demandes,

— juger que les frais de signification des sept contraintes seront laissés à la charge de la CARMF,

— condamner la CARMF au paiement de la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d’instance et 3.600 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,

— condamner la CARMF aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Mme Y X soutient, in limine litis, au visa des articles 73 et suivants du code de procédure civile et de l’article 5 de l’échange de lettres du 26 juin 1975 entre la République française et la Principauté de Monaco, l’incompétence des juridictions françaises pour statuer sur le litige l’opposant à la CARMF. En effet, le texte prévoit que « […] les autorités monégasques compétentes font prendre les mesures législatives et réglementaires nécessaires pour ['] admettre la caisse autonome de retraite des médecins français (CARMF) à effectuer, selon la procédure en vigueur à Monaco, notamment en portant son action devant les tribunaux de la Principauté, le recouvrement des cotisations ['] ».

Mme Y X soutient que c’est à tort que le premier juge a rejeté cette exception d’incompétence, considérant que l’échange de lettres de 1975 ne prévoyait aucune clause attributive de compétence juridictionnelle qui confierait aux juridictions une compétence exclusive aux juridictions monégasques, ouvrant simplement la possibilité à la CARMF d’agir également devant une juridiction de la Principauté de Monaco alors que les Tribunaux monégasques ont été expressément désignés par les deux pays.

Mme Y X soutient, au fond, à titre principal, l’absence de mesures législatives et réglementaires prises par les autorités monégasques, condition impérative pour l’affiliation obligatoire de tout médecin, et donc d’elle-même, à la CARMF. Elle fait valoir que si l’article 1er de l’échange de lettres du 26 juin 1975 prévoit que : « les médecins autorisés à exercer à Monaco, à titre libéral, sont affiliés à la CARMF », il n’en demeure pas moins que l’article 5 dispose que : « Les dispositions précédentes constituent un régime obligatoire de retraite et les autorités monégasques compétentes font prendre les mesures législatives et réglementaires nécessaires pour lui donner ce caractère, et admettre la caisse autonome de retraite des médecins français à effectuer [.. .] le recouvrement des cotisations ».

Or, elle fait valoir que la CARMF confirme, dans ses conclusions, que les autorités monégasques n’ont pas publié à ce jour de texte en application de l’article 5 de l’échange de lettres du 26 juin 1975 précité mais considère que cela ne concerne que la compétence des tribunaux monégasques.

Elle conclut que sans texte législatif ou réglementaire pris par la Principauté de Monaco, l’affiliation à la CARMF des médecins autorisés à exercer à Monaco, ne revêt aucun caractère obligatoire. Elle précise qu’il en est de même pour la capacité à effectuer le recouvrement.

Mme Y X oppose, s’agissant de l’arrangement administratif du 20 juin 1978 pris en application de l’article 7 de l’échange de lettres, que celui-ci ne prévoit que les modalités d’application financière et administrative de l’échange de lettres. Elle souligne que l’article 3 de l’arrangement administratif du 20 juin 1978, ne peut avoir pour effet de donner force obligatoire aux articles 1 à 4 de la lettre d’échanges du 26 juin 1975. Elle précise qu’il prévoit seulement un accord entre la CARMF et la caisse de compensation des services sociaux monégasques et non des mesures législatives et réglementaires.

Mme Y X rappelle que, selon une réponse ministérielle publiée en avril 2015 :

« Les frontaliers qui travaillent dans d’autres pays notamment Monaco cotisent à la Caisse de compensation des services sociaux et ne sont donc pas concernés par une affiliation à la caisse d’assurance maladie en France ; Le principe de la lex loci laboris, c’est-à-dire l’affiliation dans l’Etat d’emploi, prévaut également pour Monaco ».

Elle fait valoir que la carence d’une partie (en l’espèce, la Principauté de Monaco) à la mise en place effective des termes de l’accord de 1975 ne saurait permettre à l’autre partie (en l’espèce, la France) d’appliquer la procédure prévue par ses propres textes.

Enfin, elle souligne que le premier juge, bien qu’ayant constaté que la CARMF devait ester en justice selon la procédure en vigueur à Monaco, s’est contredit en validant les contraintes délivrées selon la

procédure française.

Mme Y X soutient, au fond, à titre subsidiaire, l’application des principes de droit européen empêchant une double affiliation.

Elle fait, tout d’abord, observer l’existence d’une inégalité de traitement entre médecins monégasques et médecins français et sa possibilité de n’être affiliée qu’à la CARTI.

Elle rappelle, au visa de l’article 17 al. 4a de la Charte sociale européenne révisée du 3 mai 1996, que la France et Monaco se sont engagés à assurer une égalité de traitement entre leurs ressortissants en ce qui concerne les droits à la sécurité sociale.

Or, en créant un double assujettissement des médecins français qui exercent à Monaco, ce que la CARMF reconnaît d’ailleurs dans ses conclusions, l’échange de lettres du 26 juin 1975 crée de fait une inégalité de traitement entre les médecins français et les médecins monégasques. Elle souligne qu’en effet, elle travaille exclusivement à Monaco et rappelle qu’à ce titre, elle doit, en vertu de la réglementation monégasque, s’affilier obligatoirement à la Caisse autonome de retraite des travailleurs indépendants (CARTI) de Monaco (ce qui est conforme au principe de la « lex loci laboris » évoquée ci-dessus). Il lui apparaît parfaitement inéquitable de devoir cotiser à deux organismes de retraite différents alors qu’à l’inverse un médecin monégasque qui n’exerçait qu’en France ne devrait s’affilier qu’à la CARMF.

Elle fait, ensuite, observer la possibilité pour tout médecin, notamment français, et donc elle-même, de refuser un double assujettissement.

Elle rappelle, au visa du règlement européen CE n° 883/2004 du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, que les personnes exerçant une activité salariée ou non salariée ne sont couvertes que par la législation d’un seul pays et ne paient de cotisations que dans ce pays. Elle ajoute qu’au regard de l’article 288 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, tout règlement a une portée générale et qu’il est obligatoire dans tous ses éléments et est applicable directement dans tout Etat membre.

Elle souligne qu’il a déjà été considéré qu’une personne résidant en France qui est affiliée à l’assurance maladie obligatoire en Suisse au titre de l’activité qu’elle exerce dans cet État, ne peut être affiliée au régime français de sécurité sociale, ou, en tout cas, doit en être radiée dès qu’elle le demande.

Elle reproche au premier juge d’avoir considéré que le règlement CE n°883/2004 du 29 avril 2004 ne s’appliquait pas à la Principauté de Monaco en ce que cette dernière ne fait pas partie de l’Union européenne.

Mme Y X soutient, au fond, à titre infiniment subsidiaire, au visa de l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, la nullité des sept mises en demeure et des sept contraintes délivrées pour les années 2011 à 2017.

Elle rappelle, au visa de l’article 670 du code de procédure civile, que la notification est réputée faite à personne uniquement lorsque l’avis de réception est signé par son destinataire et fait observer qu’elle n’a jamais reçu les mises en demeure qui ont ensuite été produites aux débats par la CARMF.

Elle reproche au premier juge d’avoir considéré que les accusés de réception des mises en demeure de 2011, 2014 et 2016 sont revenus signés et que les mises en demeure, même non réclamées, demeuraient valables.

De plus, elle soutient, au visa de l’article L. 612-9 du code de la sécurité sociale, l’annulation des

mises en demeure au motif d’une privation de voie de recours effective. Or, elle fait observer que

les mises en demeure adressées au docteur X et produites aux débats par la CARMF ne mentionnent nullement les modalités de saisine de la commission de recours amiable ni au recto, ni au verso.

En outre, exception faite de la mise en demeure de 2017, toutes les mises en demeure de la CARMF mentionnent un délai d’un mois seulement, et non de 2 mois pour saisir la commission de recours amiable, et ce contrairement à l’article R.614-1 du code de la sécurité sociale.

Elle soutient, au visa de l’article R. 244-1 du code de la sécurité sociale, que les mises en demeure adressées ne lui ont pas permis de connaître la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent. En effet, celles-ci ne précisent ni la base de calcul, ni le pourcentage appliqué permettant de connaître la nature et la cause de ses obligations.

Elle fait observer que ces mises en demeure portent sur l’assurance vieillesse provisionnelle, sur la Complémentaire Vieillesse, sur l’ASV forfaitaire et éventuellement, son ajustement et l’invalidité décès, outre les majorations de retard et que, s’agissant des mises en demeure des 11/01/2012 (pour l’année 2011) et 11/12/2012 (pour l’année 2012), il est également sollicité une Allocation de Remplacement de Revenu (ADR).

Or, il lui paraît évident que ces mentions ne lui suffisent nullement pour connaître la nature, la cause, l’étendue de son obligation ainsi que les bases de calcul et le mode de calcul des sommes réclamées (assiette des cotisations et point de départ des majorations, etc..). Elle souligne qu’il n’est pas précisé non plus si ces sommes sont appelées à titre définitif ou à titre provisionnel et ne précise pas comment les cotisations ont été appelées (revenus déclarés ou forfaitaires).

Elle considère que le fait que la CARMF indique qu’elle a envoyé un appel de cotisations avant chaque mise en demeure ne saurait pallier l’absence de motivation des mises en demeure dès lors qu’en outre, la CARMF ne prouve ni l’envoi desdits appels à cotisations, et encore moins leur réception par ses soins.

Elle soutient enfin l’absence de motivation des contraintes en cause.

Elle fait observer que les contraintes délivrées ne sont absolument pas motivées puisqu’elles se bornent uniquement à indiquer des mentions génériques et des montants. Or, il lui paraît évident que ces quelques indications sont parfaitement insuffisantes car elles ne lui permettent pas de savoir comment les montants ' très importants – ont été calculés par la CARMF et surtout s’ils sont exacts par rapport aux revenus qu’elle perçoit au titre de son activité libérale

En effet, elle souligne qu’elle exerce également une activité salariée à l’Hôpital Grace de Monaco, laquelle donne lieu à cotisations retraite directement payées par son employeur, la CARMF ne pouvant donc pas lui réclamer le paiement de cotisations retraite au titre de son activité salariée.

Elle souligne qu’il est manifeste par exemple que pour l’année 2014, le montant indiqué au titre des majorations de retard est inexact puisqu’il représente presque 10% des cotisations réclamées (2272,48 euros pour 24561 euros appelées), contrairement aux autres années, la somme avoisinant les 600 ou 800 euros selon les années. Or, elle ne dispose d’aucun moyen pour vérifier si les sommes appelées sont exactes et/ou si les majorations de retard sont correctement calculées.

Par conclusions du 9 octobre 2020, reprises oralement à l’audience, la CARMF demande de :

— débouter le docteur X de ses prétentions,

— confirmer le jugement rendu le 11 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Nice en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence et validé les sept contraintes relatives aux exercices 2011 à 2017.

Au soutien de ses prétentions, la CARMF fait valoir une décision de la présente cour rendue le 3 avril 2019, l’article 5 de l’échange de lettres du 26 juin 1975 prévoyant la possibilité pour la CARMF d’agir pour le recouvrement de ses cotisations impayées devant les juridictions monégasques sous réserve d’accords à intervenir, qui ne sont encore jamais intervenus, pour démontrer que cet article 5 reste lettre morte et qu’en conséquence, la juridiction sociale française est seule compétente pour statuer sur les litiges se rapportant aux cotisations de sécurité sociale en vertu de l’article L.142-1 du Code de la sécurité sociale.

Elle considère que le docteur X, de nationalité française, résidant en France et exerçant en qualité de médecin libéral à Monaco depuis le 6 octobre 2004 doit être affiliée depuis le 1er octobre 2004 à la CARMF, en application de l’article 1er de l’échange de lettres du 26 juin 1975 et des dispositions du Livre VI Titre IV du Code de la sécurité sociale.

Elle ajoute qu’il n’existe pas d’inégalité de traitement entre médecins français et médecins monégasques dans la mesure où en application de la réglementation monégasque tous les médecins exerçant à Monaco doivent être affiliés à la CARTI, et en application de la convention de sécurité sociale franco-monégasque de 1975, les médecins autorisés à exercer à Monaco, doivent, de plus, être affiliés à la CARMF. Dès lors que le double assujetissement concerne tous les médecins se trouvant dans la même situation , il n’y a pas d’inégalité de traitement, selon elle.

Elle précise que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façons différentes des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en découle soit proportionnée à l’objet recherché et c’est le cas lorsque, quand bien même les médecins exerçant sur son territoire doivent être assujettis à la CARTI, la Principauté de Monaco admet les médecins autorisés à exercer à Monaco au bénéfice des avantages consentis en matière de vieillesse, invalidité et décès aux médecins exerçant en France, en ayant signé la convention bilatérale de 1975, de sorte qu’il n’y a pas de disproportion entre le double assujetissement des médecins à la CARTI et la CARMF et le but recherché par la convention de faire bénéficier aux médecins exerçant à Monaco des mêmes avantages que les nationaux.

Elle fait valoir que les textes européens invoqués par la partie adverse sont inapplicables : la charte sociale du Conseil de l’Europe du 3 mai 1996 n’a jamais été ratifiée et n’est donc jamais entrée en vigueur à Monaco, le règlement UE n°883/2004 relatif à la coordination des législations de sécurité sociale dans le cadre de la circulation des personnes ressortissantes des Etats membres ne peut concerner la Principauté de Monaco qui n’est pas membre de l’Union européenne d’une part et ne peut concerner le docteur X en qualité de ressortissante d’un pays tiers puisqu’elle est ressortissante de la France, pays membre de l’Union.

Par ailleurs, elle fait valoir que les accusés de réception des notifications des mises en demeure des exercices 2011, 2014, 2016 et 2017 ont tous été signés, et certains ont été refusés par le destinataire de sorte qu’elles ont toutes été valablement délivrées.

Elle considère que les contraintes et les mises en demeure sont suffisamment précises pour permettre à sa destinataire de connaître la nature, la cause et l’étendue de ses obligations, de sorte qu’elles sont régulières au regard de la jurisprudence.

Elle ajoute que l’article R.612-9 du Code de la sécurité sociale invoqué par l’appelante n’est pas applicable à la CARMF dans la mesure où son champ d’application concerne le régime maladie et maternité.

Enfin, elle soutient que les contraintes, signées par le directeur de la CARMF ou une personne dont

elle justifie le pouvoir par délégation du directeur, sont valables.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures déposées et soutenues oralement lors de l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la compétence des juridictions françaises

L’article L.142-2 du Code de la sécurité sociale dispose que le Tribunal des affaires de sécurité sociale, devenu pôle social du tribunal de grande instance depuis le 1er janvier 2019, connaît en première instance des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale, de sorte qu’il est compétent pour connaître des litiges opposant une caisse de retraite et un assuré à propos de son affiliation et/ ou du recouvrement de cotisations.

En outre, aux termes de l’article R.142-12 al.1er du Code de la sécurité sociale, modifié par le décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 et applicable jusqu’au 1er janvier 2019 :

• 'Le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le domicile du bénéficiaire ou de l’employeur intéressé ou le siège de l’organisme défendeur en cas de conflit entre organismes ayant leur siège dans le ressort de juridictions différentes.'

Mme X, contestant par oppositions à contraintes, son affiliation à la caisse autonome de retraite des médecins de France et le recouvrement de cotisations poursuivi par la caisse à son égard, est domiciliée à Nice.

Il s’en suit que le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes-Maritimes, devenu pôle social du tribunal de grande instance de Nice en cours d’instance, était bien compétent pour connaître de la présente affaire.

Il importe peu que l’article 5 de l’échange de lettres du 26 juin 1975, portant convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Principauté de Monaco relatif au rattachement des médecins monégasques aux régimes de retraites des médecins français, prévoit que 'les autorités monégasques compétentes font prendre les mesures législatives et réglementaires nécessaires pour (…) admettre la caisse autonome de retraite des médecins français à effectuer, selon la procédure en vigueur à Monaco, notamment en portant son action devant les tribunaux de la Principauté, le recouvrement des cotisations et, s’il y a lieu, des majorations de retard ou des prestations indûment perçues.'

Contrairement à ce qui est indiqué par le docteur X, ces dispositions ne prévoient aucunement la compétence exclusive des juridictions monégasques mais envisage seulement de donner la possibilité à la CARMF d’agir devant les juridictions monégasques selon les règles de procédure en vigueur à Monaco.

Mais surtout, l’intention de volontés exprimée dans l’échange de lettres n’a aucune portée juridique en l’absence de dispositions législatives ou règlementaires d’approbation de la part des autorités monégasques.

En conséquence, le Tribunal des affaires de sécurité sociale des Alpes-Maritimes, devenu en cours d’instance, le pôle social du tribunal de grande instance de Nice, était bien compétent pour statuer sur le litige et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l’affiliation du docteur X à la CARMF

Aux termes de l’article 1er de l’échange de lettres du 26 juin 1975 entre le gourvernnement français et la Principauté de Monaco :

' Les médecins autorisés à exercer à Monaco, à titre libéral, sont affiliés à la caisse autonome de retraite des médecins français, en abrégé C.A.R.M. F., à l’effet de leur intégration dans les régimes ci-après :

Régime de base d’allocation vieillesse institué par l’article L. 643 du code de la sécurité sociale ;

Régime complémentaire d’assurance vieillesse institué en application de l’article L.658 du code de la sécurité sociale ;

Régime complémentaire d’assurance invalidité-décès institué en application de l’article L.659 du code de la sécurité sociale.

Régime de prestations complémentaires des médecins conventionnés en ce qui concerne l’avantage supplémentaire vieillesse prévu à l’article L. 682 du code de la sécurité sociale.'

En outre, l’article 5 suivant précise que :'Les dispositions précédentes constituent un régime obligatoire de retraite (…)'.

Cependant, à défaut d’approbation par mesure législative ou règlementaire de chacune des parties, les dispositions de l’échange de lettres n’ont pas de force juridique et ne sauraient justifier l’affiliation d’office du docteur X à la CARMF.

En outre, l’ancien article L.622-5 du Code de la sécurité sociale devenu l’article L.640-1 du même code, dispose que sont affiliés aux régimes d’assurance vieillesse et invalidité décès des professions libérales les personnes exerçant, notamment, la profession de médecin.

La caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales fédèrent plusieurs caisses de retraite des professions libérales, dont la CARMF, caisse autonome de retraite des médecins de France, à laquelle l’affiliation automatique des personnes exerçant la profession de médecin est prévue par la législation française précitée.

Or, s’il n’est pas discuté que le docteur X exerce la profession de médecin depuis 2004,il n’en demeure pas moins qu’elle n’est pas inscrite à l’ordre des médecins de France mais uniquement à l’ordre des médecins de Monaco, qu’elle exerce exclusivement sa profession de médecin à Monaco et cotise auprès de la caisse autonome de retraite des travailleurs indépendants de Monaco.

Le docteur X n’exerçant donc pas la profession de médecin en France, son affiliation automatique à CARMF n’est pas justifiée.

La CARMF sera déboutée de l’ensemble de ses prétentions et les contraintes litigieuses, sans objet seront annulées.

Sur les frais et dépens

La CARMF, supportera les dépens de l’instance, étant précisé que l’article R 144-10 du code de la sécurité sociale a été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 relatif au contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale, dont l’article 17 III prévoit que les dispositions relatives à la procédure devant les juridictions sont applicables aux instances en cours.

En outre, elle sera condamnée à payer à Mme X la somme de 2.500 euros à titre de frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par décision contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 11 avril 2019 par le tribunal de grande instance de Nice, en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence,

L’infirme en ce qu’il a validé les contraintes et débouté Mme X de l’ensemble de ses demandes,

Statuant à nouveau,

Déboute la CARMF de l’ensemble de ses prétentions,

Annule les contraintes :

— du 18 avril 2016 pour des cotisations d’un montant de 19.156 euros et 675,53 euros de majorations de retard pour la période 2011,

— du 18 avril 2016 pour des cotisations d’un montant de 19.737 euros et 606,15 euros de majorations de retard sur la période de 2012,

— du 18 avril 2016 pour des cotisations d’un montant 20.531 euros et 650,58 euros de majorations de retard pour la période de 2013,

— du 18 avril 2016 pour des cotisations d’un montant de 22.839 euros et 954,87 euros de majorations de retard pour la période de 2015,

— du 25 août 2016 pour des cotisations d’un montant de 21.561 euros et 2272,48 euros de majorations de retard pour la période de 2014,

— du 14 février 2017 pour des cotisations d’un montant de 23.676 euros et 873,85 euros de majorations de retard pour l’exercice 2016,

— et du 12 février 2018 pour des cotisations d’un montant de 24.310 euros et 893,34 euros de majorations de retard sur l’exercice 2017.

Condamne la CARMF à payer à Mme X la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne la CARMF aux éventuels dépens de l’instance

Le Greffier Le Président

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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-8, 8 janvier 2021, n° 19/10124