Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 8 avril 2022, n° 18/20140

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-6, 8 avr. 2022, n° 18/20140
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 18/20140
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Fréjus, 15 novembre 2018
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 08 AVRIL 2022

N° 2022/ 140

Rôle N° RG 18/20140 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDQSI

A B


C/

SAS CASINO DE H X


Copie exécutoire délivrée

le :08/04/2022

à :


Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON


Me Sophie MORREEL-WEBER, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :


Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FREJUS en date du 16 Novembre 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° .

APPELANT

Monsieur A B, demeurant […]

représenté par Me Dominique IMBERT-REBOUL, avocat au barreau de TOULON


INTIMEE

SAS CASINO DE H X, demeurant […], Im du Grand Casino – 83700 H X

représentée par Me Sophie MORREEL-WEBER, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. C SILVAN, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. C SILVAN, Président de chambre

Monsieur Thierry CABALE, Conseiller

M. Ange FIORITO, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.


Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Avril 2022.

ARRÊT

contradictoire,


Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Avril 2022


Signé par M. C SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***


Selon contrat à durée indéterminée du 1er janvier 2002, M. B a été recruté en qualité de chef comptable par la société Casino Ruhl. Selon contrat à durée indéterminée du 1er juin 2007, il a été recruté par la société Casino de H X en qualité de responsable administratif et financier. Il était affecté au Casino de St X (Var).


Courant février 2013, la SAS Casino de H X a proposé à M. B les fonctions de directeur administratif et financier des casinos de Niederbronn-les-bains (Bas Rhin) et Ribeauvillé (Haut Rhin). M. B a marqué son accord sur cette proposition selon courriel du 1er mars 2013. Courant juin 2013, M. B a informé son employeur qu’il refusait cette proposition de modification de son contrat de travail.


Le 11 septembre 2013, la SAS Casino de H X a convoqué M. B à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement. M. B a été licencié le 29 octobre 2013.


Courant 2014, M. B a saisi le conseil de prud’hommes de Fréjus d’une contestation de son licenciement.


Par jugement du 16 novembre 2018, le conseil de prud’hommes de Fréjus a débouté M. B de ses demandes et l’a condamné à payer à la SAS Casino de H X la somme de 3'000'€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens.

M. B a fait appel de ce jugement le 20 décembre 2018.

A l’issue de ses conclusions du 24 décembre 2019 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, M. B demande de':


- le recevoir en son appel et le dire comme particulièrement bien-fondé';

en conséquence';
- infirmer le jugement prud’homal entrepris en ce qu’il a :


- dit que son licenciement était fondé';


- l’a débouté de l’ensemble de ses demandes';


- l’a condamné à verser à la SAS Casino de H X la somme de 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile';


- l’a condamné aux dépens';

par conséquent';


- déclarer, dire et juger qu’il n’a pas disposé du temps ni des informations nécessaires pour rendre sa décision de manière éclairée quant à la proposition de modification de son contrat de travail';


- déclarer, dire et juger que son refus quant à cette modification importante de son contrat de travail était légitime et non fautif';


- déclarer, dire et juger que la modification de son contrat de travail n’a jamais fait l’objet d’avenant au contrat de travail';'


- déclarer, dire et juger que la société ne rapporte pas la preuve du dysfonctionnement invoqué à l’appui de son licenciement';


- déclarer, dire et juger que la société ne rapporte pas la preuve de la perte de confiance invoquée à l’appui de son licenciement et qu’en tout état de cause il ne s’agit pas d’un motif valable de licenciement';


- déclarer, dire et juger que son suite au refus de la modification de son contrat, ne repose ni sur un motif disciplinaire ni sur un motif économique';


- déclarer, dire et juger que les circonstances dans lesquelles est intervenu son étaient brutales et vexatoires';


- déclarer, dire et juger que la présente instance est régie par le principe de l’unicité de l’instance et que les demandes nouvelles sont recevables en cause d’appel';

par conséquent';


- dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse';


- dire et juger que son licenciement est intervenu dans des circonstances brutales et vexatoires et déclarer recevable sa demande de dommages et intérêts formulée à ce titre';

en conséquence';


- condamner la SAS Casino de H X à lui payer les sommes suivantes :


- 101 134 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';


- 12 748 € nets à titre de dommages et intérêts au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement, sur le fondement de l’article L. 1222-1 du code du travail';
- 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance';


- 3 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel';


- condamner la SAS Casino de H X aux entiers dépens';


- débouter la SAS Casino de H X de l’ensemble de ses demandes incidentes.

Au terme de ses conclusions du 11 janvier 2022 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SAS Casino de H X demande de':


- déclarer irrecevable la demande nouvelle en cause d’appel en application de l’article 564 du code de procédure civile';


- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de FREJUS le 16 novembre 2018 en ce qu’il :


- a dit et jugé le fondé du licenciement pour motif personnel notifié à M. B';


- a débouté M. B de toutes ses demandes, fins et conclusions';


- l’a reçue en sa demande reconventionnelle';


- condamné M. B aux entiers dépens ainsi qu’à lui verser la somme de 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile';


- débouter la SAS Casino de H X de toutes ses demandes, fins et conclusions';


- Le condamner au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.


La clôture de l’instruction a été prononcée le 14 janvier 2022. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

SUR CE':

Sur le licenciement':

moyens des parties':


A l’appui de la contestation de son licenciement, M. B expose, en premier lieu, que la SAS Casino de H X n’avait pas recueilli son accord exprès et non-équivoque sur sa mutation aux motifs que la modification qui lui a été adressée en février 2013 ne précise pas': la description précise du poste proposé, les responsabilités confiées, la classification professionnelle, la durée du travail, la date de prise d’effet de cette modification de son contrat de travail et les spécificités du régime de sécurité sociale d’Alsace-Moselle, que le 28 février 2013, il a informé son employeur qu’il souhaitait s’informer plus complètement compte tenu de la gravité de la décision à prendre et de ses conséquences, qu’il a donné précipitamment son accord le lendemain, soit le 1er mars 2013, dans des termes démontrant sa volonté de ne pas faire attendre son employeur alors qu’il n’avait pas encore disposé du temps nécessaire pour réfléchir aux conséquences d’une telle modification de son contrat de travail, que la SAS Casino de H X, au lieu de considérer cette acceptation claire et non équivoque, aurait dû accorder au salarié un délai supplémentaire et que le 8 juin 2013, la SAS Casino de H X lui confirmait les répercussions sociales de cette mutation et employait toujours le terme de «'proposition'».


Il affirme par ailleurs qu’il avait des raisons de rétractation objectives, fondées et non-fautives en raison des conséquences de son déménagement à plus de 900 km, de la déscolarisation et de la re-scolarisation de ses enfants, du régime social de droit local applicable en Alsace-Moselle, de la perte d’emploi de son épouse, de la nécessité de vendre sa résidence dans des conditions défavorables, des trajets impliqués par l’exercice de ses fonctions sur deux sites et de l’absence de clause de mobilité dans son contrat de travail.


Il soutient en outre que la modification de son contrat de travail n’a pas été officialisée ni formalisée dans un avenant à son contrat de travail alors que l’article 24 de la convention collective applicable prévoit que toute modification d’un élément essentiel du contrat de travail doit faire l’objet d’une information écrite au salarié et faire l’objet d’un avenant à son contrat de travail.


Il prétend que la SAS Casino de H X ne rapporte pas la preuve de la perturbation apportée par son refus au fonctionnement de l’entreprise caractérisé par l’annulation de décisions de mobilités internes négociées avec d’autres collaborateurs au motif que le seul élément de preuve produit aux débats par la SAS Casino de H X sur ce point réside dans une attestation qu’elle a elle-même établie en violation du principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même.


Il affirme par ailleurs que la SAS Casino de H X ne peut fonder son licenciement sur une perte de confiance aux motifs que la Cour de cassation a éliminé la perte de confiance comme cause possible de licenciement, que la cause du licenciement doit en effet être objective, c’est-à-dire reposer sur des faits ou des griefs matériellement vérifiables, qu’il a été embauché par le groupe F en 2002 et qu’il n’a jamais fait l’objet d’une quelconque sanction ni remontrance.


En réponse, la SAS Casino de H X fait valoir que le contrat de travail ne comprenant pas de clause de mobilité, elle a utilisé la procédure de droit commun pour proposer à M. B une mobilité, que sa proposition, formalisée dans un courrier du 8 février 2013, était claire et non-équivoque, que M. B a bénéficié d’un temps de réflexion suffisant, qu’après avoir levé les doutes subsistants, M. B a accepté de manière claire et non-équivoque la modification de son contrat de travail, que la formalisation de son accord est corroborée par les différentes démarches entreprises par le salarié à la suite de cette acceptation, à savoir la visite sur place de M. B et de sa famille pour effectuer les démarches administratives et les formalités d’inscription de son enfant à l’école, démontrant qu’il avait expressément accepté ce nouveau poste sans aucune pression d’aucune sorte et que M. B a attendu près de 3 mois et demi pour faire savoir qu’il changeait d’avis.


Elle soutient en outre que le caractère irrévocable de l’acceptation du salarié, résultant de la rencontre des volontés des parties, emporte la novation du contrat de travail, que M. B ne peut se prévaloir de l’absence d’un avenant, que la notification par M. B de son accord est irrévocable, que son refus ne l’obligeait pas à proposer son ancien poste à M. B et qu’il n’existe pas en la matière de délai de rétractation au profit du salarié.


Elle affirme que M. B a changé d’avis pour des motifs de pure convenance personnelle et expose qu’elle était fondée à licencier M. B en raison, d’une part, de la perte de confiance trouvant sa cause dans la rétractation par M. B de son engagement, et, d’autre part, des répercussions internes liées à ce refus par la paralysie du processus de mobilité interne qui était programmé à l’issue de la mutation de ce dernier.

réponse de la cour':
Il est de principe que l’employeur ne peut modifier les conditions d’emploi d’un salarié sans recueillir préalablement l’accord de son salarié. Par ailleurs l’employeur, tenu d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, doit lui apporter les informations suffisantes afin de pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause et lui accorder un délai de réflexion suffisant afin d’évaluer la portée de la modification proposée et de décider en connaissance de cause. Enfin, le contrat de travail ne peut être modifié qu’avec l’accord exprès du salarié, lequel ne peut résulter de son silence ou de la poursuite par lui du travail.


En l’espèce, selon contrat à durée indéterminée du 1er janvier 2002, M. B a été recruté en qualité de chef comptable par la société Casino RUHL Selon contrat à durée indéterminée du 1er juin 2007, M. B a été recruté par la société Casino de H X en qualité de responsable administratif et financier. Il était affecté au Casino de St X (Var).


Au terme d’un avenant à son contrat de travail, il percevait en 2013 un salaire mensuel de base de 3'447'€ sur treize mois. Il était en outre prévu le paiement d’une prime sur objectifs d’un montant maximal brut de 5'000'€.


Selon courriel du 9 février 2013, la SAS Casino de H X a proposé à M. B sa mutation sur les casinos de Niederbronn-les-bains (Bas Rhin) et Ribeauvillé (Haut Rhin). Cette proposition mentionne que le salaire de base sera de 4'100'€ sur treize mois, que la prime sur objectif s’élèvera à 8'000'€, que M. B bénéficierait d’une prime de mobilité de 2'000'€ et que ses frais de déménagement seraient pris en charge par la société. Cette offre ne précise pas le délai de réflexion imparti à M. B pour se prononcer.


Le 28 février 2013, M. B a indiqué à la SAS Casino de H X que sa décision n’était pas encore arrêtée et, qu’avant de donner sa réponse ferme et définitive, il souhaitait prendre contact avec MM. Y et Ziegler, responsables locaux de la SAS Casino de H X en Alsace, pour lever les derniers doutes qui l’habitaient.


Selon courriel du 1er mars 2013, M. B a indiqué à la SAS Casino de H X qu’il acceptait le poste proposé, qu’il se permettrait de contacter MM. Y et Ziegler plus tard et qu’il s’agissait essentiellement de questions de fonctionnement.


Il en ressort clairement que la SAS Casino de H X avait porté à la connaissance de M. B, dont le périmètre des fonctions restaient identiques, les éléments d’information suffisants en terme de rémunération et de prise en charge de ses frais de déménagement lui permettant de se prononcer utilement sur l’offre qu’elle lui avait adressée. Par ailleurs, cette offre n’était assortie d’aucun délai de réflexion. M. B a ainsi bénéficier d’un temps suffisant pour évaluer la portée de la modification proposée et de décider en connaissance de cause. En outre, il n’est pas démontré par M. B, qu’entre le 28 février et le 1er mars 2013, il a fait l’objet de pressions de la part de la SAS Casino de H X le précipitant à accepter la proposition de modification formée par la SAS Casino de H X. Enfin, il ressort des termes clairs et précis du courriel de M. B du 1er mars 2013 qu’il a expressément accepté l’offre de son employeur.


Courant juin 2013, M. B a informé la SAS Casino de H X qu’il se rétractait. Par un courrier adressé à son employeur le 26 juillet 2013, il a justifié cette décision en raison des cotisations sociales supplémentaires imputables au régime particulier de Sécurité sociale applicable en Alsace-Moselle, de contraintes d’ordre familial et économique personnelles et de l’absence de clause de mobilité stipulée à son contrat de travail.


Il a été retenu que M. B avait bénéficié d’un délai de réflexion suffisant. Il ne pouvait donc ignorer, lors de son acceptation du 1er mars 2013, que son affectation sur deux casinos exploités dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin entraînerait la nécessité de déménager, le changement d’école de ses enfants, la perte de l’emploi de son épouse et la nécessité de vendre sa maison, éventuellement à des conditions désavantageuses. Par ailleurs, compte tenu de l’exercice de ses fonctions sur deux sites, il avait parfaitement connaissance de l’existence de déplacements entre les casinos de Niederbronn-les-bains et de Ribeauvillé. En outre, M. B a accepté la modification litigieuse alors qu’il avait une parfaite connaissance de l’absence de clause de mobilité à son contrat de travail. Enfin, s’il n’est pas démontré que lors de son acceptation du 1er mars 2013, M. B connaissait le régime spécifique de cotisations sociales applicables en Alsace-Moselle, la charge mensuelle représentée par ce surcoût, soit 30'€ par mois selon ce salarié, compte tenu de son caractère modique, n’autorise pas sa rétractation.


Dès lors, M. B ne justifie pas d’un motif légitime pour rétracter son accord.


Il est constant que la modification du contrat de travail de M. B n’a pas fait l’objet d’un avenant à son contrat de travail contrairement aux prévisions de l’article 24 de la convention collective nationale des casinos du 29 mars 2002. Cependant, M. B ne peut en tirer argument dès lors que son refus d’accepter la proposition formulée par la SAS Casino de H X rendait impossible la signature d’un tel avenant.


Aux termes des dispositions de l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.


En l’espèce, la lettre de licenciement adressée par la SAS Casino de H X à M. B est rédigée dans les termes suivants':

«'Au cours du mois de février 2013, Monsieur C D vous a proposé de bénéficier d’une évolution de poste, en prenant en charge la Direction Administrative et Financière des sites de Ribeauvillé et de Niederbronn-les-Bains. Cette évolution était accompagnée d’une augmentation de la rémunération de 23,1'%.

Cette proposition s’inscrivait dans le cadre de votre évolution professionnelle au sein du Groupe E F, en vous confiant la responsabilité administrative et financière de deux sites dont les enjeux stratégiques étaient de première importance pour le Groupe dans l’Est de la France': la pérennisation de l’hôtel et de la balnéothérapie de Ribeauvillé et la mise en 'uvre de la nouvelle délégation de service public en cours de renégociation à Niederbronn-les-Bains.

Vous avez accepté cette modification de votre lieu de travail, considérant que «'les avantages de cette mobilité interne semblaient plutôt attractifs'» et cela sans ambigüité eu égard à la teneur de vos propos dans votre mail du 1er mars

2013': «'Je te confirme sans plus attendre que j’accepte le poste que tu as bien voulu me proposer.

Cette acceptation s’est faite de manière réfléchie après avoir longuement pesé les conséquences de cette mutation conformément à votre mail du 28 février 2013': Désolé de ne pas t’avoir recontacté plus tôt, mais le retour de vacances est assez mouvementé au bureau. Concernant ma décision, elle ntest pas encore totalement arrêtée'; je souhaiterais avant de te donner ma réponse ferme et définitive, prendre contact avec Monsieur Y et Monsieur Z, même par téléphone afin de lever les quelques doutes qui m’habitent encore. Cela me rassurerait. Je sais que tu attends rapidement ma réponse mais j’espère que tu me comprends et que tu ne m’en voudras pas. Cest une décision grave et avec pas mal de conséquences'»

Pendant les semaines qui ont suivi, vous avez même entrepris des démarches afin de préparer ce transfert qui était prévu au 1er septembre 2013. Ainsi, vous vous êtes rendu sur place, nous semble-t-il accompagné de votre famille au cours du mois de mai 2013.

C’est également dans ce cadre, par exemple, que Monsieur G Y, Directeur Général du Casino F de

Ribeauvillé a facilité l’inscription de votre enfant à l’école en menant des démarches auprès des autorités locales. Nous avons alors pris acte de votre acceptation et en avons tiré les conclusions qui s’imposaient, afin de repenser

l’organisation de la Direction Financière du Groupe, Nous avons dès lors, envisagé plusieurs solutions pour vous remplacer sur le site de H X, notamment par le biais de promotions internes. Le plan de mobilité envisagé concernait plusieurs «'Responsable Administratifs et Financiers'» ou «'Contrôleurs financiers'».

Entre les dates du 1er mars 2013 et du 19 juin 2013, vous n’êtes en aucun cas revenu vers nous afin de nous indiquer que vous souhaitiez finalement renoncer à cette mobilité. De la même manière, vous n’avez jamais pris contact avec la

Direction Financière Groupe, ou avec la Direction des Ressources Humaines Groupe, pour faire part de vos interrogations ou de vos hésitations.

Monsieur C D a d’ailleurs repris contact avec vous au début du mois de juin, afin de valider que vous aviez toujours le souhait de rejoindre les sites de Ribeauvillé et de Niederbronn-les-Bains. Vous avez à nouveau confirmé votre mobilité.

Finalement, ce n’est que le 19 juin 2013 dernier que vous avez indiqué à l’oral à Monsieur C D, votre intention de vous rétracter, soit trois mois et demi après votre acceptation, et uniquement après que ce dernier ait repris contact avec vous'!

Monsieur C D vous a alors demandé de confirmé par écrit votre changement de position. Après une ultime relance le 2 juillet 2013, ce n’est que part un courrier du 26 juillet que vous nous avec confirmé par écrit votre rétractation,

Or, il est évident que cette rétractation qui porte préjudice eu égard au dysfonctionnement qu’elle a généré et au délai entre le 1er mars 2013 (date de l’acceptation de la mobilité) et le 19 Juin 2013 (date de rétractation de ta mobilité) au

Groupe dans la mesure où elle nous a contraints de revenir sur des mobilités internes qui avaient été négociées avec

d’autres collaborateurs.

Vous expliquez votre «'retour en arrière'» notamment pour des raisons financières.

Il convient cependant de rappeler que l’argument relatif aux charges sociales supplémentaires spécifiques au régime social d’Alsace-Moselle dont vous avez évalué l’impact à 30'€ nets par mois, est largement compensé, comme nous vous

l’avons déjà indiqué dans un courriel du 31 mai 2013, par des conditions financières et des avantages que nous vous avions présentés et que vous aviez considérés «'plutôt attractifs

A ce titre nous tenons à souligner les éléments de l’offre que vous aviez acceptée':

53.300'€ bruts annuel'; 'revalorisation de votre prime sur objectifs de 60'% passant ainsi de 5.000'€ bruts à 8.000'€ bruts.

Par conséquent, les arguments financiers que vous avez avancés pour justifier de votre rétractation ne nous ont pas convaincu de votre bonne foi.

Aussi, il est évident que votre rétractation, mais également le délai et les conditions de cette dernière, ont irrémédiablement remis en cause la confiance que nous placions dans nos relations et qui nous avaient conduits à vous proposer cette mobilité

Cette situation ne nous permet plus d’envisager la poursuite de votre contrat de travail. En conséquence, nous vous notifions par la présente, votre licenciement'».


Il est de jurisprudence constante que la lettre du licenciement fixe les limites du litige.


Il ne résulte pas de cette lettre de licenciement que, pour justifier la rupture du contrat de travail, la SAS Casino de H X a invoqué les répercussions internes du refus de M. B ayant paralysé le processus de mobilité interne programmé à l’issue de la mutation de M. B. Par ailleurs, la seule attestation établie par l’employeur, selon laquelle une mutation a été organisée courant juin 2013 pour mutualiser le poste de responsable administratif et financier des casinos de Sainte-Maxime et H X, et qui n’est corroboré par aucun élément de preuve pertinent, ne peut donc suffir à rapporter la preuve de la désorganisation de l’entreprise invoquée

à l’appui du licenciement de M. B. Ce grief ne peut donc être retenu pour justifier la rupture de son contrat de travail.


Par ailleurs, il est de principe qu’un licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs et imputables au salarié, que la perte de confiance ne constitue jamais une cause de licenciement mais, en revanche, que seuls les éléments objectifs sur lesquels elle repose, appréhendés par eux-mêmes et pour eux-mêmes, peuvent le cas échéant constituer une cause de licenciement s’ils ont un caractère réel et sérieux.


S’il a été retenu que M. B s’était rétracté de manière infondée, il ne ressort ni de la lettre de licenciement ni des éléments de preuve versées aux débats la démonstration de faits objectifs et imputables à M. B, extérieurs à cette rétraction injustifiée, de nature à fonder son licenciement, privant ainsi la rupture du contrat de travail de cause réelle et sérieuse.


Compte tenu de l’ancienneté de M. B, de sa rémunération, soit une moyenne mensuelle de 4'213,94'€ bruts, mais aussi en l’absence de toute précision sur sa situation actuelle, le préjudice qu’il a subi au titre de la rupture de son contrat de travail sera indemnisé en lui allouant la somme de 45'000'€ à titre de dommages et intérêts.

Sur les dommages et intérêts au titre des circonstances brutales et vexatoires du licenciement':

moyens des parties':

M. B fait valoir que, compte tenu de sa date de saisine du conseil de prud’hommes, la procédure qu’il a engagée demeure soumise au principe de l’unicité de l’instance et qu’il est donc recevable, en cause d’appel, à solliciter pour la première fois des dommages et intérêts au titre des circonstances brutales et vexatoires de son licenciement.


Sur le fond, à l’appui de cette demande, il fait valoir qu’il justifiait de plus de douze années d’ancienneté au sein du groupe, qu’il constituait un salarié exemplaire, qu’il occupait un poste à responsabilités et qu’il était digne de confiance, que la SAS Casino de H X lui a mis la pression afin qu’il accepte rapidement la proposition de mutation, que face à son refus, elle a même été jusqu’à le pousser à la démission, qu’elle n’a absolument pas tenu compte des raisons pourtant objectives de son refus, qu’elle n’a eu aucun scrupule à le licencier après tant d’années en invoquant une prétendue perte de confiance et que ce licenciement a été terriblement brutal pour lui.


La SAS Casino de H X soulève l’irrecevabilité de la demande de M. B en dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire aux motifs que le décret n°2016-660 du 20 mai 2016, relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail a abrogé les dispositions du code du travail permettant de formuler des demandes nouvelles en appel soumettant ainsi la procédure d’appel aux dispositions de droit commun de l’article 564 du code de procédure civile selon lequel, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait et que M. B n’avait pas soulevé une telle demande en première instance.

réponse de la cour':
L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. L’article 566 du même code précise que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire. Enfin, l’article R.'1452-7 du code du travail, qui permettait, par dérogation au droit commun de l’appel, de présenter des demandes nouvelles en appel en matière prud’homale, a été abrogé, pour les instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016, par le décret 2016-660 du 20 mai 2016.


En l’espèce, M. B a saisi le conseil de prud’hommes de Fréjus courant 2014. L’affaire a fait l’objet d’une ordonnance de retrait du rôle le 11 décembre 2015. Elle a été réinscrite au rôle le 27 juillet 2017.


Il ressort de l’article 383 du code de procédure civile que le retrait du rôle constitue une mesure d’administration judiciaire. Dès lors, l’ordonnance du 11 décembre 2015 n’a pas dessaisi la juridiction et la demande de réenrôlement du 27 juillet 2017 n’a pas introduit une nouvelle instance. M. B, qui a saisi le conseil de prud’hommes avant le 1er août 2016, est donc recevable en sa demande en dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire. En revanche, faute pour lui de rapporter la preuve que son licenciement est survenu dans des conditions abusives, il ne peut prétendre à l’indemnisation du préjudice qu’il aurait ainsi subi. Sa demande en dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire sera donc rejetée.

sur le surplus des demandes':


Le licenciement ne résultant pas d’une cause réelle et sérieuse. Il conviendra en conséquence de faire application des dispositions de l’article L.'1235-4 du code du travail et d’ordonner le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour de la présente décision et ce dans la limite de deux mois d’indemnités de chômage.


Enfin la SAS Casino de H X, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, devra payer à M. B la somme de 3'000'€ au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,


DECLARE’M. B recevable en son appel';


DECLARE M. B recevable en sa demande en dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire';


INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Fréjus du 16 novembre 2018 en ce qu’il a':


- débouté M. B de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';


- condamné M. B à payer à la SAS Casino de H X la somme de 700'€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile';


- condamné M. B aux dépens';


LE CONFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation et y ajoutant';


DIT que le licenciement de M. B est dépourvu de cause réelle et sérieuse';


CONDAMNE la SAS Casino de H X à payer à M. B les sommes suivantes':


- 45'000'€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';


- 3'000'€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile';


ORDONNE le remboursement par la SAS Casino de H X des indemnités de chômage versées à M. B, du jour de son licenciement au jour de la présente décision et ce dans la limite de deux mois d’indemnités de chômage';


DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes';


CONDAMNE la SAS Casino de H X aux dépens de première instance et d’appel.


Le Greffier Le Président
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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-6, 8 avril 2022, n° 18/20140