Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 20 janvier 2022, n° 20/12889

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-4, 20 janv. 2022, n° 20/12889
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 20/12889
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 novembre 2018
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION

ARRÊT AU FOND

DU 20 JANVIER 2022

N°2022/

NL/FP-D

Rôle N° RG 20/12889 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BGVYL

Z X


C/

S.A.R.L. SOCIETE NOUVELLE D’EXPLOITATION DU GARAGE DE L’AUTOROUTE – SNEGA


Copie exécutoire délivrée

le :

20 JANVIER 2022

à :


Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE


Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE


Arrêt en date du 20 Janvier 2022 prononcé sur saisine de la Cour suite à l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 12 novembre 2020, qui a cassé et annulé l’arrêt rendu le 22 novembre 2018 par la Cour d’Appel de Aix-en-Provence.

APPELANT

Monsieur Z X, demeurant […]

représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

et par Me Sabria MOSBAH, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

S.A.R.L. SOCIETE NOUVELLE D’EXPLOITATION DU GARAGE DE L’AUTOROUTE – SNEGA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège., demeurant […]

représentée par Me Philippe SANSEVERINO, avocat au barreau de NICE *-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR


En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Novembre 2021 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, et Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller, chargés du rapport.

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.


Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.


Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2022.

ARRÊT

réputé contradictoire,


Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2022.


Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES


La Société Nouvelle d’Exploitation du Garage de l’Autoroute applique la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981.


Suivant contrat à durée indéterminée, la société a engagé M. X (le salarié) en qualité de chauffeur dépanneur, échelon 3, à compter du 27 avril 2015 à temps complet moyennant les horaires suivants: du lundi au vendredi de 08h00 à 12h00 et de 14h00 à 18h00.


Le contrat de travail a stipulé:

'(…) Vous serez en outre tenu à une astreinte de 24 heures sur 24 en votre qualité de chauffeur dépanneur (…)'.


Au titre de la rémunération, les parties ont décidé qu’elle se composerait comme suit:


- un salaire mensuel brut de 1 498 euros pour 151.67 heures de travail par mois, avec récupération ou indemnisation des heures supplémentaires;
- des avantages comme suit:

* une prime d’astreinte 24h/24h de 400 euros;

* un forfait pour heures supplémentaires de 408 euros;

* une prime de non accident de 100 euros.


Toujours au titre de la rémunération, le contrat de travail a prévu que:


- les heures de dépassement du contingent légal autorisé sont récupérées ou font l’objet d’une régularisation aux taux concernés;


- les heures supplémentaires sont rémunérées au taux de 14.82 euros du lundi au samedi de 20h à 08h et le dimanche toute la journée.


En dernier lieu, le salarié a perçu une rémunération mensuelle brute de 3 144.21 euros.


Par courrier du 21 septembre 2015, la société a notifié au salarié son licenciement pour faute grave.

Par jugement rendu le 17 octobre 2016, le conseil de prud’hommes de Nice a:


- jugé que la rupture est qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse;


- condamné la société à payer au salarié les somme suivantes:

* 3 169.18 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 316.92 euros au titre des congés payés afférents;

* 3 169.18 euros au titre de l’indemnité de requalification;

* 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

* 100 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d’embauche;

* 1 000 Euros Au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


- ordonné la remise des bulletins de salaire et des documents de rupture rectifiés sans astreinte;


- débouté le salarié du surplus de ses demandes;


- débouté la société de sa demande reconventionnelle;


- condamné la société aux dépens.

Sur l’appel interjeté par le salarié, et suivant arrêt du 22 novembre 2018, la 17ème chambre B de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a:


- confirmé le jugement excepté en ce qu’il a rejeté la demande à titre de dommages et intérêts pour violation du repos hebdomadaire;


- infirmant de ce chef et statuant à nouveau a condamné la société à payer au salarié la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- dit que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens.

Statuant sur le pourvoi du salarié par arrêt du 12 novembre 2020, la Chambre sociale a cassé et annulé l’arrêt rendu par la cour d’appel mais seulement en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes en paiement de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs correspondants, outre les congés payés afférents, ainsi que d’une indemnité pour travail dissimulé, a remis en conséquence sur ce point la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée.


La cassation a été encourue en ce que le versement de primes ne peut tenir lieu de paiement d’heures supplémentaires qui ne donnent pas lieu uniquement à un salaire majoré mais, d’une part, doivent s’exécuter dans le cadre d’un contingent annuel et, d’autre part, ouvrent droit à un repos compensateur.


Cette cour, désignée comme cour de renvoi, a été saisie par le salarié le 21 décembre 2020 soit dans le délai de deux mois prévu par l’article 1034 du code de procédure civile.


Par ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 27 octobre 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, le salarié demande à la cour de:

INFIRMER partiellement la décision rendue par la Cour d’Appel d’Aix en Provence 4-5 le 22 novembre 2018,

REFORMER la décision en ce qu’elle a débouté Monsieur X de sa demande de paiement d’heures supplémentaires au titre des astreintes,

REFORMER la décision en ce qu’elle a débouté le salarié de sa demande de reconnaissance de paiement des heures supplémentaire sous forme d’une prime contractuelle forfaitaire,

REFORMER la décision en ce qu’elle a débouté Monsieur Z X de sa demande de son repos compensateur,

REFORMER la décision en ce qu’elle a débouté Monsieur Z X de sa demande de reconnaissance de fravail dissimulé,

STATUANT A NOUVEAU

CONDAMNER la société SNE GARAGE DE L’AUTOROUTE à payer à Monsieur X les sommes suivantes :

rappel d’heures supplémentaires 11.246,82 €

congés payés afférents 1124,68 €

rappel de repos compensateurs 2133, 37€

congés payés afférents 213,34 €

Indemnité pour travail dissimulé 19.015,08 €

CONDAMNER la société SNE GARAGE DE L’AUTOROUTE au paiement d’une somme de 5000 Euros sur le fondement de II article 700 du CPC, MENTIONNER le salaire moyen de Monsieur X dans la décision à intervenir à hauteur de 3169,18€,

ASSORTIR les condamnations de l’intérêt légal à compter de la saisine prud’homale,

CONDAMNER la société SNE GARAGE DE L’AUTOROUTE en tous les dépens d’appel, ces derniers distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO – DAVAL GUEDJ son offre de droit.


Par ses dernières conclusions régulièrement notifiées le 31 octobre 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de:

Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. X de ses demandes au titre :

-Du rappel d’heures supplémentaire et des congés payés y afférents

-Du rappel de repos compensateur et des congés payés y afférents

-De l’indemnité pour travail dissimulé

Débouter M. X de toutes ses demandes

A TITRE INIFINIMENT SUBSIDIAIRE :

Si par extraordinaire la Cour ne devait pas débouter le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires et repos compensateur

Ordonner une expertise en désignant tel Expert spécialisé en matière de comptabilité avec pour mission classique et notamment :

-Se faire remettre par les parties l’ensemble des documents faisant état des heures de travail effectuées

-comptabiliser, à l’aulne des documents remis par les parties, les heures de travail effectuées tous les mois sur la période considérées par le salarié et indiquer si ces heures et leur majoration ont été réglées par la société.

-Dire que les frais d’expertise seront partagés à frais communs, notamment la provision à verser à l’Expert

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONDAMNER M. X à payer à la société SNEGA la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC

CONDAMNER M. X aux entiers dépens.

MOTIFS

1 – Sur les heures supplémentaires


La durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine soit 151.67 heures par mois.
Les heures effectuées au-delà sont des heures supplémentaires qui donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des 8 premières heures (de la 36ème à la 43ème incluse) et de 50% à partir de la 44ème heure.


La durée du travail hebdomadaire s’entend des heures de travail effectif et des temps assimilés.


Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.


Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.


Les heures supplémentaires ouvrent droit à une majoration de salaire. En outre, elles doivent être accomplies dans les limites d’un contingent annuel et donnent lieu à repos compensateur au delà de ce contingent.


Il s’ensuit que le versement de primes ne peut tenir lieu de paiement d’heures supplémentaires.


L’article 1.09 bis de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981 dans sa rédaction applicable au litige dispose:

'a) Définition

Les heures supplémentaires sont les heures de travail accomplies à la demande de l’employeur au-delà de la durée légale du travail. Ces heures sont à la disposition de l’entreprise pour gérer la transition vers la nouvelle organisation du travail rendue nécessaire par la durée légale de 35 heures. Elles doivent également permettre de faire face aux surcroîts d’activité. Les heures d’absences indemnisées, comprises à l’intérieur de la période de décompte de l’horaire, ne sont pas prises en compte pour calculer le nombre et le paiement des heures de travail en heures supplémentaires.

b) Régime des heures supplémentaires

Les dispositions du présent article relatives au nombre, au paiement et à la conversion en repos des heures supplémentaires s’appliquent sous réserve des dispositions particulières qui concernent :

' les salariés visés à l’article 1.09 (d à g) ;

' les salariés dont le travail est organisé dans le cadre de l’annexe « Annualisation des horaires de travail » ; ' les salariés dont le travail est organisé dans le cadre de l’annexe « Application des 35 heures par attribution de jours de repos spécifiques ».

Lorsque le paiement des heures supplémentaires est converti en temps de repos équivalent conformément au paragraphe e ci-après, ces « repos de remplacement » se cumulent avec les repos compensateurs légaux éventuellement dus.

c) Contingent annuel

Les entreprises peuvent faire effectuer chaque année 220 heures supplémentaires. Les salariés peuvent toutefois accomplir des heures choisies au-delà du contingent annuel, dans les conditions précisées au paragraphe g ci-après.

Les entreprises de plus de 20 salariés qui font usage de ce contingent de 220 heures doivent donner le repos compensateur prévu par la loi pour chaque heure supplémentaire accomplie au-delà de 41 heures hebdomadaires.

d) Paiement des heures supplémentaires

Les heures supplémentaires sont payées sous la forme d’un complément de salaire, assorti d’une majoration s’ajoutant au salaire de base et correspondant au nombre d’heures supplémentaires accomplies au cours de chacune des semaines prises en compte dans la période de paie. Le taux de cette majoration est égal à 25 % pour les 8 premières heures supplémentaires et de 50 % pour les suivantes.

Le paiement des heures supplémentaires et de leur majoration peut également être inclus dans la rémunération mensuelle sous la forme d’un forfait dans les conditions prévues par l’article 1.09 (d, e ou f).

e) Conversion en repos de remplacement

Le paiement des heures supplémentaires ainsi que celui des majorations y afférentes peut être remplacé par un repos de remplacement équivalent dans les conditions ci-après. :

Dans les entreprises pourvues de délégués syndicaux, ce repos de remplacement doit faire l’objet d’un accord d’entreprise ou d’établissement, qui en précise les modalités.

Dans les entreprises non pourvues de délégués syndicaux, la possibilité d’attribuer un repos de remplacement est subordonnée à l’absence d’opposition du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, lorsqu’il en existe.

Dans toutes les entreprises, sans préjudice des alinéas précédents, le remplacement du paiement des heures supplémentaires et des majorations afférentes par un repos équivalent est subordonné à un accord entre l’employeur et le salarié concerné. Les heures supplémentaires ainsi compensées par un repos de remplacement ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires visé au paragraphe c.

f) Prise des repos

Les repos de remplacement sont pris dans les conditions suivantes :

' l’information du salarié sur le montant de ses droits est assurée mois par mois, conformément à l’article 1.21 de la présente convention ; ' le droit à la prise des repos compensateurs légaux et aux repos de remplacement est réputé ouvert dès que leur durée atteint 7 heures au total ; la journée ou demi-journée au cours de laquelle le repos est pris correspond au nombre d’heures de travail que le salarié aurait effectué pendant cette journée ou cette demi-journée ;

' les repos doivent être pris dans le délai maximum de 6 mois suivant le mois au cours duquel le droit est ouvert ; les dates en sont choisies par le salarié à l’intérieur des périodes déterminées par l’employeur et avec un délai de prévenance de 1 semaine ; ces dates peuvent être accolées à une période de congés payés en dehors de la période du 1er juillet au 31 août ; en cas de nécessité de service justifiée et notifiée à l’intéressé, l’employeur et le salarié choisissent une autre date, d’un commun accord.

(…)'.


En l’espèce, le contrat de travail stipule que le salarié est soumis à l’horaire légal de travail et qu’au titre de sa rémunération il perçoit, s’agissant de la réalisation d’heures supplémentaires, un forfait de 408 euros par mois.


Il n’est pas contesté que ce forfait est versé au salarié quelque soit le nombre d’heures supplémentaires qu’il accomplit.


Compte tenu de l’ambiguïté qui s’attache à la rédaction du contrat de travail relative à la rémunération en évoquant un forfait, il y a lieu d’en faire une interprétation en recherchant la commune intention des parties.


Dans la mesure où la somme de 408 euros est versée par la société au salarié en contrepartie de la réalisation d’heures supplémentaires, cette somme doit recevoir la qualification de prime, et non celle de forfait.


Cette qualification doit être réalisée nonobstant les dispositions conventionnelles précitées, lesquelles ne sont d’ailleurs plus applicables pour avoir été modifiées par l’accord paritaire national du 24 mai 2018 dont il ressort que l’article 1.09 bis de la convention collective précitée prévoit dorénavant en contrepartie d’heures supplémentaires le paiement d’un complément de salaire et non celui d’un forfait, comme suit:

'(…)

d) Paiement des heures supplémentaires

Les heures supplémentaires sont payées sous la forme d’un complément de salaire, assorti d’une majoration s’ajoutant au salaire de base et correspondant au nombre d’heures supplémentaires accomplies au cours de chacune des semaines prises en compte dans la période de paie. Le taux de cette majoration est égal à 25 % pour les 8 premières heures supplémentaires et de 50 % pour les suivantes.

Le paiement des heures supplémentaires et de leur majoration peut également être inclus dans la rémunération mensuelle sous la forme d’un forfait dans les conditions prévues par l’article 1.09 (d, e ou f).

(…)'.


Dès lors, la cour dit que le contrat de travail a prévu que le salarié perçoit une prime mensuelle en contrepartie de l’accomplissement d’heures supplémentaires.
Or, cette prime mensuelle ne peut tenir lieu de paiement d’heures supplémentaires.


En conséquence, le salarié est bien fondé ici à présenter une demande à titre de rappel d’heures supplémentaires.


Le salarié conclut au paiement de la somme de 11 246.82 euros à titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires correspondant à des permanences qu’il a effectuées entre le mois de juin 2015 et le mois de septembre 2015.


Il fait valoir que chaque permanence correspond à 24 heures de travail effectif en qu’elle s’effectuait au dépôt à Nice ou Menton de 18h jusqu’au lendemain 18h, pour un montant de 335.58 euros; que durant ses permanences, lorsqu’il n’était pas en intervention, il avait des tâches diverses à effectuer, notamment balayer la cour et entretenir les véhicules d’intervention. Il fait valoir qu’il a réalisé 38 permanence réparties comme suit:


- 10 permanences en juin 2015;


- 9 permanences en juillet 2015;


- 12 permanences en août 2015;


- 7 permanences en septembre 2015.


Il se prévaut en outre d’un décompte inséré à ses écritures.


Enfin, il produit en pièce n°8 ses plannings de travail d’avril 2015 à août 2015 qui indiquent pour certains jours qu’il est soit en P (pour astreinte) soit en R (pour renfort) soit en R2 (pour renfort 2) soit en R3 (pour renfort 3), en sus de ses horaires de travail de 08h00 à 12h00 et de 14h00 à 18h00.


Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre.


A ces éléments, la société oppose les éléments suivants:


- seules les interventions doivent être rémunérées comme du temps de travail effectif;


- le salarié a été rémunéré de ses heures supplémentaires par le forfait heures supplémentaires ainsi que cela ressort du relevé journalier des factures que le salarié a lui-même établies pour chacune de ses interventions, du relevé de facturation des missions qu’il a accomplies, des fiches d’intervention Escota et des factures de dépannage;


- le forfait rémunère 7 heures supplémentaires par semaine en-dehors des heures de travail contractuel;


- le salarié fonde son décompte sur les plannings prévisionnels produits aux débats par la société et dont il ressort que le salarié a été 15 fois de permanence et non 38 fois;


- il n’est pas démontré que le salarié était obligé de rester sur son lieu de travail durant ses permanences et qu’il avait la possibilité de rester à son domicile en-dehors des interventions pour être muni d’un téléphone portable professionnel qui lui permettait de recevoir les appels des standardistes de la société lui indiquant le lieu du dépannage à effectuer;


- la durée des interventions était déterminée sur la base des affirmations du salarié;
- le salarié n’était pas systématiquement d’astreinte entre 12h et 14h;


- les permanences effectuées durant les jours ouvrables ne peuvent pas donner lieu à une rémunération sur la base de 24 heures de travail en ce que le salarié a déjà été rémunéré pour 8 heures de travail correspondant à l’horaire collectif de travail;


- le salarié n’a pas déduit le forfait d’heures supplémentaires qu’il percevait.


Et la société verse à l’appui de nombreuses pièces pour soutenir que le salarié a accompli entre juin 2015 et septembre 2015 des heures supplémentaires qui lui ont toutes été rémunérées.


Or, la cour ne peut que constater que la société, à qui il revient d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées par le salarié:


- n’a fait aucune analyse des nombreuses pièces qu’elle a versées aux débats, de sorte qu’elle précise à la cour ni la date ni le nombre des heures supplémentaires accomplies par le salarié qu’elle affirme avoir rémunérées, étant précisé que la société se borne dans ses écritures à indiquer en page 30: '(…) La lecture, certes très fastidieuse de ces documents permettra de prouver le temps de travail des salariés en-dehors des heures réglées dans le contrat (…)';


- affirme, sans apporter le moindre élément justificatif à l’appui, que se trouvent parmi les heures supplémentaires, dont le salarié réclame ici le paiement, des heures travaillées au titre de l’horaire collectif de travail et qui auraient donc déjà été rémunérées à ce titre.


Et il convient d’ajouter que la mesure d’expertise sollicitée par la société à titre subsidiaire n’a pas vocation à pallier la carence de la société dans sa part d’administration de la preuve des heures supplémentaires.


Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le salarié a accompli des heures supplémentaires pour la somme de 11 246.82 euros, déduction faite des sommes versées par la société au titre des heures supplémentaires de juin à septembre 2015 pour un total de 1 505.22 euros , de sorte que la demande du salarié est bien fondée.


En conséquence, et en infirmant le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nice le 17 octobre 2016, la cour condamne la société à payer au salarié la somme de 11 246.82 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre celle de 1 124.68 euros au titre des congés payés afférents.

2 – Sur l’indemnité de la contrepartie obligatoire en repos


Toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel ouvre droit à une contrepartie obligatoire en repos fixée à 50% pour les entreprises de 20 salariés au plus et 100% pour celles de plus de 20 salariés.


En vertu de l’article D. 3121-14 du code du travail, le salarié qui, du fait de la rupture de son contrat de travail n’a pas été en mesure de formuler la demande de repos compensateurs à laquelle il avait droit, reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis. Cette indemnisation comporte à la fois le montant de l’indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos et le montant des congés payés afférents.


En l’espèce, le salarié, dont le contrat de travail a été rompu, présente pour la première fois en cause d’appel une demande improprement qualifiée de rappel de repos compensateurs alors qu’il s’agit en réalité d’une demande d’indemnité de la contrepartie obligatoire en repos.


Il n’est pas discuté que le contingent annuel d’heures supplémentaires est fixé à 220 heures.
Le salarié invoque au soutien de sa demande 432 heures supplémentaires et un taux de 50%.


La société conteste la demande en faisant valoir que le salarié n’a pas déduit de sa demande le contingent d’heures supplémentaires et que la salariée emploie plus de 20 salariés.


La cour constate que la société a elle-même indiqué en page 3 de ses écritures qu’elle emploie 20 salariés, ce dont il se déduit que le taux de 50% doit être appliqué.


Ensuite, s’agissant du nombre d’heures supplémentaires, la cour relève, après analyse des écritures du salarié sur ce point, que celui-ci n’a pas déduit des 432 heures supplémentaires qu’il invoque le contingent annuel dont il n’est pas contesté qu’il s’établit à 220 heures.


Il s’ensuit que la demande du salarié doit se calculer sur la base de 212 heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel (432 – 220).


En retenant un taux horaire de 9.87 euros, non contesté même à titre subsidiaire, cette indemnité s’établit à la somme de 1 046.22 euros.


En conséquence, et en ajoutant au jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nice le 17 octobre 2016, la cour condamne la société à payer au salarié la somme de 1 046.22 euros au titre de l’indemnité de la contrepartie obligatoire en repos et celle de 104.62 euros au titre des congés payés afférents.

3 – Sur le travail dissimulé


Il résulte de l’article L.8221-1 du code du travail qu’est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.


Aux termes des dispositions de l’article L.8221-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.


Il résulte de l’article L. 8223-1 du code du travail qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l’employeur a recours en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.


Il revient au salarié de rapporter la preuve de l’élément intentionnel du travail dissimulé.


La dissimulation d’emploi prévue par l’article L. 8221-5 du code du travail, à l’occasion de l’omission d’heures de travail sur le bulletin de salaire, n’est caractérisée que si l’employeur a agi de manière intentionnelle, le caractère intentionnel du travail dissimulé ne pouvant se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.


En l’espèce, le salarié fait valoir à l’appui de sa demande au titre d’un travail dissimulé que la société a forfaitisé les heures supplémentaires et s’est donc soustrait à l’obligation de rémunération de toutes les heures supplémentaires accomplies.


Dès lors que le salarié ne justifie par aucun élément du caractère intentionnel du travail dissimulé allégué, la cour dit que la demande n’est pas fondée.


En conséquence, le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nice le 17 octobre 2016 est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de ce chef.
4 – Sur les demandes accessoires


La société est condamnée aux dépens.


L’équité et les situations économiques respectives des parties justifient qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,


La cour,


Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile,


Vu l’arrêt rendu le 12 novembre 2020 par la Chambre sociale de la Cour de cassation,


INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nice le 17 octobre 2016 en ce qu’il a rejeté la demande à titre de rappel d’heures supplémentaires,


CONDAMNE la Société Nouvelle d’Exploitation du Garage de l’Autoroute à payer à M. X la somme de 11 246.82 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires et celle de 1 124.68 euros au titre des congés payés afférents,


CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nice le 17 octobre 2016 en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnité au titre du travail dissimulé,


Y AJOUTANT,


CONDAMNE la Société Nouvelle d’Exploitation du Garage de l’Autoroute à payer à M. X la somme de 1 046.22 euros au titre de l’indemnité de la contrepartie obligatoire en repos et celle de 104.62 euros au titre des congés payés afférents,


RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,


DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,


CONDAMNE la Société Nouvelle d’Exploitation du Garage de l’Autoroute aux dépens.


LE GREFFIER LE PRESIDENT
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Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 20 janvier 2022, n° 20/12889