Infirmation 31 octobre 2024
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Sur la décision
| Référence : | CA Aix-en-Provence, ch. 3 4, 31 oct. 2024, n° 24/01994 |
|---|---|
| Juridiction : | Cour d'appel d'Aix-en-Provence |
| Numéro(s) : | 24/01994 |
| Importance : | Inédit |
| Décision précédente : | Tribunal judiciaire de Toulon, 5 février 2024, N° 22/05038 |
| Dispositif : | Autre |
| Date de dernière mise à jour : | 9 mars 2025 |
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Sur les parties
| Avocat(s) : | |
|---|---|
| Cabinet(s) : | |
| Parties : | SARL LAORA, Société LAORA SARL, son représentant légal en exercice |
Texte intégral
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT
DU 31 OCTOBRE 2024
N° 2024/ 209
Rôle N° RG 24/01994 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BMSZA
C/
[M] [E] veuve [Y]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de TOULON en date du 06 Février 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 22/05038.
APPELANTE
Société LAORA SARL prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP SCP ERMENEUX – CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Laurent MARTIN, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE plaidant et substituant Me Philippe BELLEMANIERE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE
Madame [M] [E] veuve [Y]
née le 30 Juin 1952 à [Localité 4] (83), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Laetitia MAGNE, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Laetitia VIGNON, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Octobre 2024
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Aux termes d’un bail précaire en date du 1er octobre 2020, ayant commencé à courir à compter de cette date pour s’achever au 30 septembre 2021, Mme [M] [E] veuve [Y] a donné à bail à la SARL Laora, exploitant sous l’enseigne ' Pain de Sucre’ un local situé sur le Port de [Localité 3].
Ledit bail a été conclu moyennant un loyer de 19.000 € pour 11 mois, soit 1.727,27 € par mois.
Mme [M] [Y] ne souhaitant pas renouveler le bail, elle a fait signifier le 16 février 2022 à la société Laora, une sommation d’avoir à quitter les lieux.
Par acte d’huissier en date du 21 mars 2022, Mme [Y] a fait assigner la société Laora devant le juge des référés aux fins de voir constater la résiliation du bail, d’ordonner son expulsion outre l’obtention du paiement d’une indemnité d’occupation.
La société Laora s’étant prévalue du statut des baux commerciaux, le juge des référés, par ordonnance en date du 26 juillet 2022, a dit n’y avoir lieu à référé.
Par acte du 29 août 2022, Mme [M] [Y] a assigné la société Laora, aux mêmes fins, devant le tribunal judiciaire de Toulon.
Mme [Y] a alors saisi le juge de la mise en état d’incident aux fins de voir dire et juger que la demande en requalification du bail commercial présentée par la société Laora est prescrite.
Par ordonnance en date du 6 février 2024, le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Toulon a:
— déclaré irrecevables les demandes de la société Laora tendant à la requalification du contrat de bail à titre précaire en bail commercial comme étant prescrites,
— renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état électronique du mardi 4 juin 2024 à 9h00 pour conclusions au fond de Mme [M] [Y] et de la société Laora,
— réservé les autres demandes,
— dit que les dépens suivront le sort de la procédure au fond.
Pour statuer en ce sens, le magistrat a retenu que:
— il résulte des pièces versées au dossier que la société Laora exploite les locaux depuis le 6 avril 2003 et qu’au regard d’une succession de baux que l’on peut qualifier de dérogatoires, le locataire peut se prévaloir du statut des baux commerciaux,
— le dernier bail du 1er octobre 2020 a été consenti pour se terminer le 30 septembre 2020 et si la société Laora est restée dans les lieux pendant 4 mois et demi entre l’échéance et la sommation délivrée à la bailleresse laissant penser qu’un nouveau bail aurait pu être reconduit automatiquement, il n’en demeure pas moins que la volonté des parties était clairement exprimée de part et d’autre pour dire que Mme [Y] n’avait pas donné son accord à un maintien dans les lieux au-delà de l’échéance,
— si le bail, à titre précaire, a été renouvelé à maintes reprises depuis 2003, il n’a pas fait l’objet d’une reconduction tacite en 2021et la demande de requalification, qui est soumise à la prescription biennale de l’article L 145-60 du code de commerce, a commencé à courir le 5 avril 2005,
— le preneur échoue par ailleurs à rapporter la preuve d’une fraude commise par la bailleresse dans la conclusion des baux successifs, ne permettant donc pas de suspendre la prescription relative à la demande de requalification,
— une telle demande ne peut s’analyser en une défense au fond qui ne serait pas prescriptible au sens de l’article 72 du code de procédure civile mais en une demande reconventionnelle permettant à la société Laora d’obtenir un avantage autre que le simple rejet des prétentions.
Par déclaration en date du 16 février 2024, la SARL Laora interjeté appel de cette ordonnance.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 30 août 2024, la SARL Laora demande à la cour de:
Vu les articles L 145-5 et L 145-15 du code de commerce,
— recevoir la société Laora en son appel,
— réformer l’ordonnance rendue le 6 février 2024 par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Toulon en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de la société Laora tendant à la requalification du contrat de bail à titre précaire en bail commercial comme étant prescrites,
Statuant à nouveau,
— débouter Mme [Y] de l’ensemble de ses demandes,
— juger que la demande de la société Loara en requalification de son bail en bail soumis au statut des baux commerciaux n’est pas atteinte par la prescription et la déclarer recevable,
— juger que s’agissant par voie d’exception, en défense à une action principale, l’action de la société Loara n’est pas atteinte par la prescription et qu’elle est, dès lors, en droit de solliciter la requalification du bail en bail commercial soumis aux dispositions du décret de 1953,
— juger qu’en tout état de cause, la fraude constituée par la multiplication de baux dérogatoires consentis à la concluante, permet d’écarter la prescription biennale et justifie sa demande en requalification du bail commercial en bail commercial soumis à statut,
— juger à tout le moins, au visa de l’article L 145-5 du code de commerce, que la demande en requalification du dernier bail consenti à la concluante, ensuite de son maintien en possession au-delà du délai d’un mois à l’expiration du bail consenti le 1er octobre 2020, n’est pas atteinte par la prescription,
— statuer ce que de droit sur les dépens.
Mme [M] [E] veuve [Y], suivant ses conclusions notifiées par RPVA le 11 avril 2024, demande à la cour de:
Vu l’article 145-60 du code de commerce,
Vu l’article 789 du code de procédure civile,
— confirmer l’ordonnance d’incident du juge de la mise en état du 6 février 2024 en toutes es dispositions,
Par conséquent,
— dire et juger que la demande en requalification de bail commercial présentée par la SARL Laora est prescrite,
— débouter la SARL Laora de toutes ses demandes,
— réserver les dépens.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 3 septembre 2024.
MOTIFS
La société Laora soutient en premier lieu qu’elle sollicite la requalification du bail dérogatoire en bail commercial par voie d’exception et qu’elle est parfaitement recevable à invoquer ainsi le bénéfice de la propriété commerciale, après expiration du délai biennal prévu à l’article
L 145-60 du code de commerce, dès lors qu’elle est assignée en expulsion. Elle précise qu’il se déduit de l’assignation au fond de Mme [Y] et des conclusions en défense au fond qu’elle a notifiées le 3 mars 2023 qu’à aucun moment, elle n’a sollicité la requalification du bail commercial par la voie d’une demande reconventionnelle.
Mme [Y] soutient pour sa part que la demande de requalification formée par l’appelante est une demande reconventionnelle et non une défense au fond imprescriptible.
En vertu de l’article L 145-60 du code de commerce, toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans.
Il n’est pas contesté que la demande en requalification d’un bail en bail commercial est soumise à la prescription biennale de l’article L 145-60 susvisé et que le délai commence à courir à compter de la conclusion du contrat.
Conformément à l’article 64 du code de procédure civile, constitue une demande reconventionnelle, la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la demande adverse..
L’article 71 du code de procédure civile dispose que constitue une défense au fond, tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifié, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire.
En application de l’article 72 du même code, les défenses peuvent être proposées en tout état de cause.
Il s’ensuit qu’une défense au fond, au sens de l’article 71 du code de procédure civile, échappe à la prescription.
Lorsque le bailleur assigne le preneur pour le faire déclarer occupant sans droit ni titre et obtenir son expulsion, ce dernier n’est pas tenu d’agir dans le délai de deux ans à compter de la conclusion du bail dérogatoire pour invoquer le bénéfice du statut des baux commerciaux en défense à cette action.
Ainsi lorsque le preneur se borne à solliciter le rejet de la demande en expulsion en invoquant la soumission du contrat au statut des baux commerciaux lui permettant de bénéficier du droit au maintien dans les lieux, il s’agit d’une défense au fond. En revanche si le preneur entend tirer les conséquences de la requalification en bail commercial notamment en réclamant le paiement d’une indemnité d’éviction, il entend obtenir un avantage autre que le simple rejet des prétentions adverses et une telle prétention s’analyse en une demande reconventionnelle.
En l’espèce, la société Laora produit l’assignation introductive d’instance délivrée le 29 août 2022 à l’initiative de Mme [Y] qui met en évidence que celle-ci demande au tribunal judiciaire de Toulon de:
— constater la résiliation du bail à compter du 1er octobre 2021,
— ordonner l’expulsion de la société Laora,
— la condamnation de cette dernière au paiement d’une indemnité d’occupation outre une somme au titre des frais irrépétibles.
Dans cette assignation, Mme [Y] se prévaut d’emblée de l’absence de possible requalification en bail commercial soit avant même que la société preneuse ait conclu en réponse.
La société Laora, dans ses conclusions au fond notifiées le 3 mars 2023, soutient en défense qu’elle est fondée à invoquer la nature commerciale du bail et qu’à ce titre, il convient de débouter, à titre principal, purement et simplement Mme [Y] de l’ensemble de ses demandes.
Ainsi, elle se borne à solliciter le rejet des demandes adverses, notamment de résiliation du bail et d’expulsion, en invoquant la soumission du contrat liant les parties au statut des baux commerciaux.
Les demandes de la société Laora doivent, sur ce point, être considérées comme une simple défense au fond en ce qu’elles tendent à faire rejeter comme non justifiées, après examen au fond du droit, les prétentions de son adversaire.
En conséquence, la société Laora est fondée à opposer, par voie d’exception en défense à une action principale, la soumission du bail dont la résiliation est réclamée au statut des baux commerciaux aux fins d’obtenir le rejet des prétentions de Mme [Y] à son encontre.
S’agissant d’une défense au fond, la demande en requalification en bail commercial échappe en conséquence à la prescription biennale de l’article L 145-60 du code de commerce, conformément aux articles 71 et 72 du code de procédure civile.
L’ordonnance entreprise sera en conséquence infirmée et les demandes de la société Laora doivent être déclarées recevables.
Vu l’article 696 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Infirme l’ordonnance entreprise,
Statuant à nouveau,
Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande de la société Laora en requalification du bail précaire en bail commercial,
Condamne Mme [M] [Y] aux dépens de première instance et de la procédure d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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